Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Marie-Françoise Y…, épouse Z…, demeurant …,
en cassation d’un arrêt rendu le 3 mars 1998 par la cour d’appel de Nîmes (chambres réunies), au profit :
1 / de M. Jacques Y…, demeurant …,
2 / de Mme Geneviève Y…, épouse X…, demeurant …,
3 / de Mme Marie-Louise A…, veuve Y…, ayant demeuré …,
défendeurs à la cassation ;
Par acte déposé au greffe de la Cour de Cassation le 13 juin 2000, Mme Marie-Françoise Y…, épouse Z…, d’une part, et par acte déposé au greffe de la Cour de Cassation le 1er août 2000, M. Jacques Y… et Mme Geneviève Y…, épouse X…, d’autre part, ont déclaré reprendre l’instance en qualité d’héritiers de leur mère Marie-Louise A…, veuve Y…, décédée le 18 novembre 1999 ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 10 octobre 2000, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Catry, conseiller référendaire rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Catry, conseiller référendaire, les observations de Me Choucroy, avocat de Mme Z…, de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat des consorts Y…, les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à Mme Marie-Françoise Y…, épouse Z…, à M. Jacques Y… et à Mme Geneviève Y…, épouse X…, de leur reprise d’instance en qualité d’héritiers de leur mère Marie-Louise A…, veuve Y… ;
Sur le moyen unique pris en ses deux branches :
Attendu qu’en octobre 1958, François Y… a constitué une société en nom collectif avec son fils Jacques ; que le premier a apporté à la société différents biens dont le fonds de commerce qu’il exploitait, le second, une somme représentant la valeur déclarée des apports en nature de son père et que les parts sociales ont été réparties par moitié entre eux ; qu’en octobre 1974, les époux François Y… ont donné à leur fils, en avancement d’hoirie et avec dispense de rapport en nature, leurs parts dans la société ; qu’après le décès de François Y…, en septembre 1987, l’une de ses filles, Mme Z…, a demandé le partage de la succession et a soutenu que l’apport de son père lors de la constitution de la société avait été sous-évalué, ce qui établirait l’existence d’un recel de succession ; qu’un premier arrêt a débouté Mme Z… de sa demande fondée sur le recel ; que, statuant sur renvoi après cassation de cet arrêt, (1ere chambre civile, 7 juin 1995, n° 1092 D), l’arrêt attaqué (Nîmes, 3 mars 1998) a également rejeté la demande ;
Attendu que Mme Z… fait grief à la cour d’appel d’avoir ainsi statué alors, selon le moyen,
1 /, que dans l’acte du 22 octobre 1958, la minoration de la valeur de l’apport de François Y… d’un montant constaté par expertise et non réfuté de 95,22 % caractérisait, lors de la constitution de la société, la dissimulation d’un avantage procuré à M. Jacques Y… au détriment des autres cohéritiers, si bien qu’en se bornant à opposer, de façon inopérante, le souhait du père d’associer son fils à l’entreprise et le travail fait ultérieurement par celui-ci pour accroître la valeur de l’entreprise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 792 du Code civil ;
2 / que dans l’acte de donation du 11 octobre 1974, la minoration d’un montant constaté par expertise et non réfuté de 56,90 % de la valeur des parts sociales données à M. Jacques Y… avec rapport à la succession de la valeur fixée dans l’acte caractérisait la dissimulation d’un avantage procuré au donataire au détriment des autres héritiers, avantage que seul le recours à l’expertise avait permis de déceler, de sorte qu’en se bornant, de façon inopérante, à opposer le caractère rapportable de la donation et le fait que l’acte de donation avait été porté à la connaissance des autres héritiers, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;
Mais attendu, d’abord, que par les motifs critiqués, qui ne sont pas inopérants, les juges du fond ont estimé que la minoration par François Y… de son apport lors de la constitution de la société en 1958 n’avait pas été faite dans l’intention d’avantager son fils au détriment de ses autres enfants ; qu’ensuite, Mme Z…, qui s’est bornée en appel à faire état de la sous-évaluation des parts données en 1974, n’a pas soutenu que l’acte de donation précisait que le rapport serait de la seule valeur des parts fixée dans l’acte et que la différence éventuelle entre cette valeur et la valeur des parts au jour du décès serait attribuée au donataire à titre de préciput hors part ; d’où il suit que le grief de la première branche, qui ne tend qu’à remettre en cause le pouvoir souverain d’appréciation par les juges du fond de l’intention frauduleuse, ne peut être accueilli et que le grief de la seconde branche, qui est nouveau et mélangé de fait, est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z… aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande formée par les consorts Y… ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille.