Cour de cassation, Chambre civile 1, du 14 mai 1991, 89-21.487, Inédit

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Cour de cassation, Chambre civile 1, du 14 mai 1991, 89-21.487, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par ; 1°) M. Jean-Pierre X…, né le 16 juillet 1937 à Chateauroux (Indre), demeurant … (Indre-et-Loire),

2°) M. Jean-Christophe Y…, demeurant … (Indre-et-Loire), agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement judiciaire de M. X…,

en cassation d’un arrêt rendu le 19 septembre 1989 par la cour d’appel d’Orléans (Chambre civile, section A), au profit de la société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM), dont le siège social est … sur Seine (Hauts-de-Seine),

défenderesse à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 25 mars 1991, où étaient présents :

M. Massip, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Grégoire, conseiller rapporteur, M. Zennaro, conseiller, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Grégoire, les observations de Me Ryziger, avocat de M. X… et M. Y…, de la SCP Riché et Thomas-Raquin, avocat de la société SACEM, les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu que l’arrêt attaqué (Orléans, 19 septembre 1989), a condamné M. X…, exploitant d’une discothèque, à payer à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) des sommes représentant, d’une part, l’arriéré des redevances dues par lui en exécution d’un contrat général de représentation et, d’autre part, des dommages-intérêts, en réparation des actes de contrefaçon qu’il a commis en diffusant, entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1985, sans l’autorisation de la SACEM, des oeuvres musicales inscrites au répertoire de cette société et à celui des sociétés d’auteurs étrangères qui lui ont donné mandat d’agir en leur nom ; que l’arrêt a évalué le préjudice subi de ce second chef par la SACEM « au montant des redevances qu’elle aurait dû percevoir en exécution des contrats de représentation qui, seuls, pouvaient autoriser les diffusions incriminées et que M. X… s’est refusé à souscrire à partir de 1985 » ; Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X…, qui invoque les règles de droit énoncées par la Cour de justice des Communautés européennes par interprétation de l’article 86 du traité de Rome, soulève la nullité des contrats généraux de représentation proposés par la SACEM au motif que cette société abuse de sa position dominante en exigeant des redevances sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans les autres Etats membres du Marché commun alors qu’elle n’est pas en mesure de justifier une telle différence en se fondant sur des divergences objectives et pertinentes entre la gestion des droits d’auteur telle qu’exercée en France et dans les autres Etats membres ; qu’il ajoute que la cour d’appel a privé sa décision de base légale en refusant de considérer ces redevances comme inéquitables sans rechercher si les taux pratiqués par la SACEM étaient sensiblement plus élevés que ceux pratiqués dans les autres Etats membres et sans procéder à une comparaison des divers niveaux de tarif sur une base homogène ; qu’il en conclut que la cour d’appel ne pouvait évaluer le préjudice causé à la SACEM par référence à des bénéfices que cette société eût réalisés de façon illicite ; Mais attendu que, faisant une juste application des règles de droit précitées, la cour d’appel a constaté que M. X… ne démontrait pas, comme il lui incombait de le faire, « par une comparaison effectuée sur une base homogène », que les redevances pratiquées par la SACEM fussent « sensiblement plus élevées » que celles pratiquées dans les autres Etats membres du Marché commun ; qu’en l’absence de cet « indice » d’un abus de position dominante par la SACEM, celle-ci ne se trouvait pas tenue de démontrer l’existence de « divergences objectives et pertinentes » dans ses conditions de gestion des droits d’auteur en France et dans les autres Etats membres ; que l’arrêt écarte donc à bon droit le grief d’illicéité opposé par M. X… aux contrats généraux de représentation proposés par la SACEM ; d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ; Sur le second moyen :

Attendu que M. X… fait encore grief à l’arrêt d’avoir retenu que les accords de représentation réciproques conclus entre la SACEM et les sociétés d’auteurs étrangers ne constituaient pas des ententes illicites au sens de l’article 85 du traité de Rome, alors, selon le moyen, que ce texte interdit toute pratique concertée qui aurait pour objet ou pour effet que chaque société refuse l’accès direct à son répertoire, et qu’il incombait à la cour d’appel

de rechercher « les raisons pour lesquelles les sociétés étrangères n’exercent pas en France la gestion de leur répertoire » et de préciser d’où résulte que les discothèques françaises sont dans « l’impossibilité juridique » d’obtenir de ces sociétés des autorisations directes d’user de leur répertoire ; Mais attendu que les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes expressément invoquées par M. X…, et auxquelles se réfère également le mémoire de la SACEM, ont relevé que toutes les parties ont fait disparaître de leurs contrats de représentation

réciproques la clause d’exclusivité incriminée par la Commission des communautés, et que le simple parallélisme observé dans le comportement des sociétés d’auteurs peut ne pas constituer l’indice d’une pratique concertée anticoncurrentielle s’il apparaît aux juridictions nationales saisies qu’il s’explique par la nécessité dans laquelle se trouveraient ces sociétés, en cas d’accès direct à leur répertoire, d’organiser leur propre système de gestion et de contrôle sur le territoire des Etats étrangers ; que, faisant à nouveau une exacte application de ces principes, la cour d’appel a constaté d’abord que les discothèques françaises ne peuvent obtenir d’autorisation des sociétés d’auteurs étrangères parce que celles-ci n’exercent pas en France la gestion de leur répertoire ; qu’elle a ensuite expliqué que le système d’autorisations directement sollicitées auprès des sociétés d’auteurs des pays étrangers serait une source évidente de complexité et de frais ; qu’elle a ainsi caractérisé la licéité des accords incriminés et que le moyen ne peut être accueilli ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


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