Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Le Montelan, exploitante de discothèque, dont le siège est au Château de Breuil, Drache (Indre-et-Loire),
en cassation d’un arrêt rendu le 19 septembre 1989 par la cour d’appel d’Orléans (Chambre civile, 2e section), au profit de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), société civile dont le siège est … à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine),
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 25 mars 1991, où étaient présents : M. Massip, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Grégoire, conseiller rapporteur, M. Zennaro, conseiller, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Grégoire, les observations de Me Ryziger, avocat de la société Le Montelan, de la SCP Riché et Thomas-Raquin, avocat de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
! – Attendu que la société Le Montelan, qui exploite une discothèque, fait grief à l’arrêt attaqué (Orléans, 19 septembre 1989), statuant en référé, de l’avoir condamnée à payer une provision sur les arrérages échus d’un contrat général de représentation qu’elle a conclu le 3 mai 1985 avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Le Montelan, qui invoque les règles de droit énoncées par la Cour de justice des Communautés européennes par interprétation de l’article 86 du Traité de Rome, soulève la nullité des contrats généraux de représentation proposés par la SACEM, au motif que cette société abuse de sa position dominante en exigeant des redevances sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans les autres Etats membres du Marché commun, alors qu’elle n’est pas en mesure de justifier une telle différence en se fondant sur des divergences objectives et pertinentes entre la gestion des droits d’auteur telle qu’exercée en France et dans les autres Etats membres ; qu’il ajoute que la cour d’appel a privé sa décision de base légale en refusant de considérer ces redevances comme inéquitables, sans rechercher si les taux pratiqués par la SACEM étaient sensiblement plus élevés que ceux pratiqués dans les autres Etats membres et sans procéder à une comparaison des divers niveaux de tarif sur une base homogène ;
Mais attendu que, faisant une juste application des règles de droit précitées, la cour d’appel a constaté que la société Le Montelan ne démontrait pas, comme il lui incombait de le faire, « par une comparaison effectuée sur une base homogène », que les redevances pratiquées par la SACEM fussent « sensiblement plus élevées » que celles pratiquées dans les autres Etats membres du Marché commun ;
qu’en l’absence de cet « indice » d’un abus de position dominante par la SACEM, celle-ci ne se trouvait pas tenue de démontrer l’existence de « divergences objectives et pertinentes » dans ses conditions de gestion des droits d’auteur en France et dans les autres Etats membres ; que l’arrêt écarte donc à bon droit le grief d’illicéité opposé par la société Le Montelan aux contrats généraux de représentation proposés par la SACEM ; d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Le Montelan fait encore grief à l’arrêt d’avoir retenu que les accords de représentation réciproques conclus entre la SACEM et les sociétés d’auteurs étrangers ne constituaient pas des ententes illicites au sens de l’article 85 du Traité de Rome, alors, selon le moyen, que ce texte interdit toute pratique concertée qui aurait pour objet ou pour effet que chaque société refuse l’accès direct à son répertoire, et qu’il incombait à la cour d’appel de rechercher « les raisons pour lesquelles les sociétés étrangères n’exercent pas en France la gestion de leur répertoire » et de préciser d’où il résulte que les discothèques françaises sont dans « l’impossibilité juridique » d’obtenir de ces sociétés des autorisations directes d’user de leur répertoire ;
Mais attendu que les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes, expressément invoquées par la société Le Montelan, et auxquelles se réfère également le mémoire de la SACEM, ont relevé que toutes les parties ont fait disparaître de leurs contrats de représentation réciproques la clause d’exclusivité incriminée par la Commission des communautés, et que le simple parallélisme observé dans le comportement des sociétés d’auteurs peut ne pas constituer l’indice d’une pratique concertée anticoncurrentielle s’il apparaît aux juridictions
nationales saisies qu’il s’explique par la nécessité dans laquelle se trouveraient ces sociétés, en cas d’accès direct à leur répertoire, d’organiser leur propre système de gestion et de contrôle sur le territoire des Etats étrangers ; que, faisant à nouveau une exacte application de ces principes, la cour d’appel a constaté d’abord que les discothèques françaises ne peuvent obtenir d’autorisation des sociétés d’auteurs étrangères parce que celles-ci n’exercent pas en France la gestion de leur répertoire ; qu’elle a ensuite expliqué que le système d’autorisations directement sollicitées auprès des sociétés d’auteurs des pays étrangers serait une source évidente de complexité et de frais ; qu’elle a ainsi caractérisé la licéité des accords incriminés et que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
-d! Condamne la société Le Montelan, envers la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatorze mai mil neuf cent quatre vingt onze.