Cour d’appel d’Orléans, 1 avril 2021, 19/010831

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Cour d’appel d’Orléans, 1 avril 2021, 19/010831

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 01/04/2021

Me Olivier HEGUIN DE GUERLE

Me Thierry GIRAULT

ARRÊT du : 01 AVRIL 2021

No : 84 – 21

No RG 19/01083

No Portalis DBVN-V-B7D-F4ZA

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d’ORLEANS en date du 07 Février 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265232824696874

S.A.R.L. BLEU CANNES RENOVATION

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Ayant pour avocat Me Olivier HEGUIN DE GUERLE, avocat au barreau d’ORLEANS

D’UNE PART

INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé No:1265243757391207

SAS GAUTHIER

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Ayant pour avocat Me Thierry GIRAULT, membre de la SCP Thierry GIRAULT, avocat au barreau d’ORLEANS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 01 Avril 2019

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 23 Janvier 2020

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du JEUDI 11 FEVRIER 2021, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le jeudi 01 AVRIL 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Courant septembre 2016, la SAS Gauthier a conclu un marché privé de travaux de peinture portant sur les cages d’escaliers de bâtiments de la résidence « [Établissement 1] », située 3[Adresse 3].

Selon devis n 109 en date du 8 novembre 2016, la société Gauthier a sous-traité à la société Bleu Cannes Rénovation (la société Bleu Cannes) les travaux de peinture de la cage d’escalier de l’immeuble dénommé « [Adresse 4] », comprenant 5 étages.

Ce devis, qui ne comportait aucune fourniture, a été accepté à une date qui n’est pas précisée, pour un montant total de main d’œuvre HT de 15 900 euros, avec la mention « 3 180 euros par cage d’escalier soit 5 étages =15 900 euros HT ».

La société Bleu Cannes a réalisé les travaux de peinture de la cage d’escalier et la société Gauthier, considérant que l’accord des parties avait été scellé sur un prix de 3 180 euros s’appliquant à l’entière cage d’escalier, a réglé à sa sous-traitante ladite somme de 3 180 euros.

Après avoir vainement mis en demeure l’entrepreneur principal de lui régler la somme de 12 720 TTC pour solde de marché de travaux, et sollicité amiablement l’avis d’un expert qui l’a confortée dans son analyse, la société Bleu Cannes a fait assigner la société Gauthier devant le tribunal de commerce d’Orléans par acte du 17 janvier 2018, aux fins de l’entendre condamner à lui payer la somme précitée de 12 720 euros TTC pour solde du sous-traité, la somme de 7 050 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, outre 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 7 février 2019, retenant que le devis de la société Bleu Cannes, qui comportait des contradictions qui empêchaient de définir le périmètre exact des travaux à réaliser, avait été rectifié par un devis qui reflétait l’intention modifiée des parties, le tribunal a débouté la sous-traitante de l’intégralité de ses prétentions et l’a condamnée, outre aux dépens de l’instance, à régler à la société Gauthier une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Bleu Cannes Rénovation a relevé appel de cette décision par déclaration du 1er avril 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé de ses moyens, la société Bleu Cannes rénovation demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants, 1189, 1217 et suivants et 1231 et suivants du code civil, de :

-déclarer son appel recevable et bien fondé

Y faisant droit, réformer la décision entreprise et statuant à nouveau,

-condamner la société Gauthier SAS à lui payer la somme de 12 720 euros TTC au titre de l exécution de son obligation de paiement issue du contrat avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure

-condamner la société Gauthier à lui payer la somme de 7 050 euros en réparation de son préjudice financier

-condamner la société Gauthier à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l article 700 du code de procédure civile

-condamner la société Gauthier aux entiers dépens

-débouter la société Gauthier de l intégralité de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l’exposé de ses moyens, la société Gauthier demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, de :

-constater que la société Bleu Cannes Rénovation ne conteste pas avoir signé le devis du 8 novembre 2016 dans sa version finalisée postérieurement à l émission du premier devis validant le prix de 3 180 € par cage d immeuble

-constater que la société Bleu Cannes ne conteste pas avoir refusé l exécution du solde de sa prestation,

-confirmer le jugement du tribunal de commerce d Orléans en date du 7 février 2019 en toutes ses dispositions et déclarer tant irrecevables que mal fondées les demandes fins et conclusions de la société Bleu cannes et l en débouter

-condamner la SARL Bleu Cannes Rénovation à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles subis en cause d appel sur les dispositions de l article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance et d appel dont distraction au profit de Maître Thierry Girault membre de la SCP Thierry Girault.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2020, pour l’affaire être initialement plaidée à l’audience du 27 février suivant à laquelle, à la demande des conseils respectifs des parties, elle a été renvoyée pour être finalement plaidée à l’audience du 11 février 2021 et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

La cour observe à titre liminaire que la société Gauthier qui, dans le dispositif de ses dernières écritures, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en déclarant la société Bleu Cannes tant « irrecevable » que mal fondée en ses prétentions, ne développe aucun moyen au soutien de l’irrecevabilité des demandes de l’appelante, dont la recevabilité n’avait pas été discutée devant les premiers juges et sera donc tenue comme non discutée non plus devant la cour.

Sur la demande en paiement de la société Bleu Cannes rénovation

Les parties étant en désaccord sur le sens à donner à leur convention, il convient d’examiner dans le détail le processus ayant conduit à la relation contractuelle litigieuse, étant relevé, d’une part que la société Bleu Cannes sollicite le paiement du solde d’un marché de travaux de peinture de la cage d’escalier d’un bâtiment dénommé Giraudière ; d’autre part que la réalité et la qualité des travaux effectués par cette société sous-traitante ne sont pas contestées par l’entreprise principale, la société Gauthier, qui s’oppose au paiement en faisant valoir qu’elle a payé l’intégralité du prix convenu pour ces travaux.

Il est acquis aux débats que la société Gauthier a conclu un marché de travaux de peinture avec le syndicat des copropriétaires d’une résidence dénommée « [Établissement 2] ».

Ce marché a été conclu sur la base d’un devis en date du 21 septembre 2016 adressé au syndic de cette copropriété, le Cabinet immobilier Riguet.

Ainsi qu’elle l’explique elle-même en page 2 de ses écritures, la société Gauthier a sous-traité à la société Bleu Cannes la mise en peinture d’une de ces cages d’escaliers, celle du bâtiment dénommé « [Adresse 4] ».

Selon devis no 109 en date du 8 novembre 2016, sur lequel elle a porté son cachet et la signature de son représentant précédée de la mention « bon pour accord », à une date qui n’est pas précisée, la société Gauthier a en effet sous-traité à la société Bleu Cannes des travaux de peinture qui portent, selon l’intitulé du devis, sur la « cage d’escalier (5 étages) de [Adresse 4] ».

Ce devis produit en pièce 1 par l’appelante a été établi par la société Bleu Cannes au regard du devis descriptif que la société Gauthier avait elle-même établi pour le maître de l’ouvrage, et reprend pour l’essentiel le même descriptif.

Ce devis a été accepté pour un prix total HT de 15 900 euros, précisé calculé -et c’est l’origine de la difficulté, sur une base de « 3 180 euros « par cage d’escalier » soit 5 étages ».

La société Gauthier soutient que ce devis, qui n’était pas clair, a été rectifié d’un commun accord des parties et verse aux débats, en pièce 3, un devis portant le même numéro 109 et la même date du 8 novembre 2016 comportant effectivement des modifications. La première page du devis est inchangée, mais la page deux comporte à la fois des ajouts et des ratures. Le montant total de 15 900 euros a été raturé, comme la mention « soit 5 étages » qui figurait au devis initial. L’indication « 3 180 euros par cage d’escalier » a été entourée, et le représentant de la société Gauthier a porté la mention manuscrite « bon pour accord pour cage Giraudière ».

Suivant le raisonnement proposé par la société Gauthier, les premiers juges ont tenu pour acquis que ce devis raturé et complété avait été ainsi modifié du consentement des deux parties, ce qui n’a jamais été admis par la société Bleu Cannes, et n’est nullement établi.

Les deux devis comportent la signature des représentants des deux parties. Le seul des devis qui comporte à la fois le cachet et la signature de la société Gauthier est celui qui ne comporte ni surcharge, ni rature, et rien, en l’absence de date sur chacun de ces devis, ne permet d’établir de manière certaine la chronologie de leur signature.

La société Gauthier ne produit aucun justificatif de l’agrément qu’elle était tenue de solliciter du maître de l’ouvrage en application de la loi d’ordre public sur la sous-traitance, ce qui est regrettable dans la mesure où cet agrément, s’il a été sollicité et obtenu, aurait pu éclairer la cour puisqu’il porte précisément sur les conditions de paiement du sous-traitant.

Dans ces circonstances, dès lors que pris ensemble, aussi bien que séparément, ces deux devis ne sont pas clairs, et que l’un ne peut être retenu a priori par préférence à l’autre, il convient de rechercher à partir des éléments communiqués aux débats quelle a été la commune intention des parties.

L’appelante assure que son devis accepté par l’intimée pour 15 900 euros porte sur la seule cage d’escalier du bâtiment « [Adresse 4] » et explique, en reprenant l’analyse à laquelle a procédé amiablement l’expert architecte qu’elle a consulté, que la position de la société Gauthier ne peut s’entendre qu’en faisant abstraction de l’ensemble des documents, de l’économie du contrat, des prix habituellement pratiqués et du fait que son gérant, d’origine turque, ne maîtrise pas correctement la langue française et a pu se méprendre sur le sens des termes de son devis.

De son côté, la société Gauthier, qui se prévaut de la version modifiée du devis, soutient que la société Bleu Cannes s’est engagée à peindre la cage d’escalier du bâtiment Giraudière pour la somme de 3 180 euros, qu’elle lui a réglée, mais ajoute qu’elle a « refusé de régler [à sa sous-traitante] le surplus dès lors que la somme de 15 900 euros correspondait à la prestation convenue pour l’ensemble des cages ».

Il est certain que, dans sa version initiale, telle que rédigée par la société Bleu Cannes, le devis prête à confusion en ce qu’il porte, selon toutes les indications figurant en page 1, sur une cage d’escalier de cinq étages du bâtiment [Adresse 4], mais qu’en page 2, le prix total est détaillé comme suit : « 3 180 euros par cage d’escalier soit cinq étages = 15 900 euros ».

Il est acquis aux débats que le bâtiment [Adresse 4] ne comporte qu’une cage d’escalier ; la question est donc de savoir si, comme le soutient l’appelante, le consentement des parties a été scellé sur un prix de 15 900 euros concernant la peinture de la cage d’escalier des cinq étages du bâtiment [Adresse 4] ou si, comme le soutient à l’inverse la société Gauthier, le consentement des parties a été scellé sur un prix de 3 180 euros pour la cage d’escalier du bâtiment [Adresse 4] et sur un prix de 15 900 euros pour l’ensemble des cages d’escaliers, ce qui suppose, puisqu’il faut multiplier 3 180 par cinq pour parvenir à un total de 15 900, que l’ensemble des cages d’escaliers représente un nombre de cinq.

Pour écarter la thèse de l’appelante, c’est-à-dire le fait que le devis de 15 900 euros ait pu porter sur la peinture de la cage d’escalier de cinq étages du bâtiment [Adresse 4], les premiers juges ont relevé, en se référant au devis de l’entreprise principale, que cette cage d’escalier ne comptait pas cinq, mais six étages. Les premiers juges ont cependant commis là une erreur, puisque le devis, comme le facture de la société Gauthier, ne fait pas mention de six étages mais de six niveaux et qu’il n’est pas contesté, ni d’ailleurs contestable, que sauf à omettre l’existence d’un rez-de-chaussée, un immeuble de six niveaux est un immeuble de cinq étages.

La thèse de l’intimée, qui a convaincu les premiers juges, consiste à soutenir que le prix de 15 900 euros n’était pas applicable à la mise en peinture de la cage d’escalier de cinq étages du bâtiment La Gairaudière, mais à la peinture des cinq cages d’escaliers de la Résidence [Établissement 1].

Ce raisonnement se heurte cependant à un obstacle décisif, qui tient à ce que la société Gauthier n’a pu sous-traiter à la société Bleu Cannes des travaux dépassant le marché qui lui avait été confié par le maître de l’ouvrage.

Selon le devis su 21 septembre 2016 qu’elle produit en pièce 1 bis, la société Gauthier n’a pas été chargée par le maître de l’ouvrage de procéder à la remise en peinture de cinq cages d’escaliers, comme elle l’affirme de manière inexacte et comme l’ont retenu par erreur les premiers juges ; la société Gauthier a été chargée de la peinture de quatre cages d’escaliers.

Il résulte en effet très clairement de l’intitulé de son devis qu’il porte sur « des travaux de peinture dans « quatre » cages d’escaliers : « [Adresse 5] ».

Dans le cinquième bâtiment dénommé « [Localité 2] », auquel l’intimée fait référence dans ses écritures, les travaux décrits en page 5 de son devis ne concernent nullement la peinture d’une cage d’escalier, mais seulement celle d’une cage d’ascenseur.

Il est donc établi que le maître de l’ouvrage a confié à la société Gauthier des travaux de peinture portant sur quatre cages d’escalier de la résidence « [Établissement 1] ».

Dès lors qu’il est établi que le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Établissement 2] a confié à la société Gauthier des travaux de peinture portant sur quatre cages d’escaliers ; l’entreprise principale n’a pas pu sous-traiter à la société Bleu Cannes la peinture de cinq cages d’escaliers.

Le raisonnement proposé par la société Gauthier achoppe d’ailleurs sur un autre point encore.

On ne peut en effet faire abstraction du titre des devis, qui dans les deux versions proposées, reste le même, à savoir « travaux de peinture dans « cage d’escalier (5 étages ) -[Adresse 6]… ».

On ne peut pas non plus lire la deuxième page de chacun des devis indépendamment de la première page qui, elle, n’a pas été modifiée et comprend le descriptif des travaux. Or ce descriptif, qui est inchangé dans les deux versions, porte sur la peinture d’une seule cage d’escalier, puisqu’il est par exemple fait référence, au singulier, à « la cabine d’ascenseur », et que les pièces du dossier établissent qu’il y a une cabine d’ascenseur dans chacune des cages d’escaliers des quatre bâtiments en cause.

La cour observe d’ailleurs que la société Gauthier n’indique d’aucune manière comment le prix de 15 900 euros aurait pu être convenu pour la mise en peinture de l’ensemble des cages d’escaliers, alors qu’elle explique elle-même en page 2 de ses écritures avoir sous-traité à la société Bleu Cannes la mise en peinture « d’une cage [Adresse 4] », sans exclure, dit-elle, l’intervention de son sous-traitant sur d’autres cages, mais sans justifier ni même alléguer autrement que par les effets induits de son raisonnement, qu’une discussion ait pu être engagée avec son sous-traitant sur une sous-traitance globale du marché de peinture qui lui avait été confié.

Rien ne permet donc d’asseoir le raisonnement de l’intimée selon lequel le devis de 15 900 euros aurait pu porter sur autre chose que la seule cage d’escalier de [Adresse 4].

Outre ces incohérences et contradictions, l’intimée développe un argumentaire économique qui ne peut pas être suivi non plus.

Il est exact que dans son devis du 21 septembre 2016, comme dans sa facture de situation du 28 février 2017, la société Gauthier a chiffré la réalisation de la peinture de la cage d’escalier du bâtiment [Adresse 4] au prix HT de 15 660,70 euros, fourniture de la peinture comprise, soit à un prix légèrement inférieur au prix de 15 900 euros figurant au devis de la société Bleu Cannes, peinture non fournie.

L’intimée ne peut toutefois tirer aucun argument utile du caractère déficitaire du sous-traité. Il est d’abord possible qu’elle ait sous-estimé le coût des travaux en cause. Surtout le raisonnement de la société Gauthier postule que la sous-traitance est nécessairement bénéficiaire, ce qui est inexact. Dans la sous-traitance dite de nécessité ou de moyens, l’entreprise principale recourt à la sous-traitance parce qu’elle n’a pas la capacité d’exécuter elle-même un marché qu’elle s’est engagée à exécuter, sans tirer profit du sous-traité, en tous cas pas nécessairement, mais parce que la sous-traitance est la seule manière pour elle de satisfaire ses propres engagements contractuels. Or au cas particulier, la société Gauthier explique qu’elle ne recourt à la sous-traitance, dans son domaine de spécialité qu’est notamment la peinture, que dans les hypothèses de surcroît brutal d’activité auquel elle est contrainte de remédier.

Les éléments économiques communiqués par l’appelante confortent en revanche, s’il en est besoin, ses explications factuelles.

La société Bleu Cannes produit aux débats une estimation du prix au mètre carré des travaux de mise en peinture de cages d’escaliers d’immeubles collectifs. Cette estimation, publiée en ligne par un organisme spécialisé dans le conseil aux copropriétaires, donne un prix de main d’œuvre compris entre 30 et 80 euros HT du mètre carré selon la complexité des travaux. Appliquée à la cage d’escalier du bâtiment de [Adresse 4], cette fourchette de prix conduit à une estimation du coût de la main d’œuvre comprise entre 10 260 et 27 360 euros.

L’architecte expert consulté à titre privé par la société Bleu Cannes indique pour sa part que le prix de 3 180 euros par cage d’escalier allégué par la société Gauthier serait un prix « anormalement bas » et précise que, selon lui, l’accord des parties n’a pu être donné que sur le prix de 15 900 euros.

Cette analyse économique est enfin corroborée par les anciens marchés conclus entre les parties. La société Bleu Cannes produit en effet les devis de nombreux marchés conclus par le passé avec la société Gauthier, entre 2012 et 2016. Or ces marchés ont été sous-traités à des prix au mètre carré conformes aux prix moyens habituellement pratiqués.

De l’ensemble de ces éléments, il ressort que le consentement des parties n’a pu être scellé que sur la sous-traitance des travaux de peinture de la cage d’escalier de cinq étages du bâtiment [Adresse 4], au prix de 15 900 euros.

Il est ainsi établi que la seule contradiction existant entre les devis versés aux débats procède d’une mauvaise maîtrise de la langue par le gérant de la société Bleu Cannes, dont la société Gauthier a essayé de tirer profit pour diviser par cinq le prix de la prestation réalisée par son sous-traitant.

Dès lors que la convention des parties ne peut s’entendre que comme ayant porté sur la peinture, moyennant un prix total de 15 900 euros HT, de la cage d’escalier de cinq étages du bâtiment [Adresse 4], la société Gauthier, qui n’a réglé à son sous-traitant, pour cette prestation, qu’une somme de 3 180 euros correspondant au travail de peinture d’un des cinq étages de cette cage d’escalier, sera condamnée à payer à l’appelante, par infirmation du jugement entrepris, la somme de 12 720 euros (15 900 – 3 180), majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2017, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l’article 1153 ancien du code civil.

A titre surabondant, la cour estime utile de rappeler que lorsque le prix d’un contrat d’entreprise n’est pas fixé par les parties, ou lorsque, faute d’agrément du maître de l’ouvrage, le sous-traitant use de sa faculté unilatérale de résiliation, il revient au juge, dans la première hypothèse de fixer le prix, dans la seconde d’indemniser le travail réalisé, et qu’au cas particulier, l’ensemble des documents produits permet d’estimer la valeur du travail réalisé par la société Bleu Cannes à 15 900 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice financier

La société Bleu Cannes ne justifie pas d’un préjudice indépendant du retard de paiement de sa débitrice, déjà réparé par l’allocation d’intérêts moratoires. Les dispositions de l’article 1153 alinéa 4 du code civil, pris sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016, ne permettent donc pas de faire droit à sa demande de dommages-intérêts, qui sera en conséquence rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société Gauthier, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, la société Gauthier sera en revanche condamnée à régler à la société Bleu Cannes régler, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une indemnité de 3 500 euros.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris uniquement en ce qu’il a débouté la société Bleu Cannes Rénovation de sa demande de dommages et intérêts,

INFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions critiquées,

STATUANT À NOUVEAU et Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société Gauthier à payer à la société Bleu Cannes Rénovation la somme de 12 720 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2017,

CONDAMNE la société Gauthier à payer à la société Bleu Cannes Rénovation la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la société Gauthier fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Gauthier aux dépens première instance et appel.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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