Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES Code nac : 53B 13ème chambre ARRET No CONTRADICTOIRE DU 09 MARS 2006 R.G. No 04/04791 AFFAIRE :
X… C/ BNP PARIBAS Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mai 2004 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : No Section : No RG : 606F/03 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP BOMMART MINAULT SCP JUPIN-ALGRIN REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE NEUF MARS DEUX MILLE SIX, La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre : Monsieur Jean-Martial X… né le 24 Août 1961 à LILLE (59000) 15 avenue de la Jonchère 92500 RUEIL MALMAISON représenté par la SCP BOMMART MINAULT, avoués – N du dossier 30580 assisté de Maître ENNOCHI, avocat au barreau de Paris APPELANT S.A. BNP PARIBAS 16 boulevard des Italiens 75009 PARIS représentée par la SCP JUPIN-ALGRIN, avoués – N du dossier 0020636 assistée de Maître AMIGUES, avocat au barreau de Paris INTIMEE Composition de la cour : L’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Février 2006 devant la cour composée de :
Monsieur Jean BESSE, président,
Madame Dominique ANDREASSIER, conseiller,
Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Agnès ANGELVY
La Cour est saisie de l’appel interjeté par Monsieur X… à l’encontre du jugement rendu le 4 mai 2004 par le Tribunal de commerce de Nanterre dans le litige qui l’oppose à la SA BNP PARIBAS.
Monsieur X… est fondateur, dirigeant et principal actionnaire de la Société CRYO, introduite avec succès en bourse courant décembre 1998.
Monsieur X… est le dirigeant et l’unique associé de l’EURL CFPLA créée au capital de 8.000 euros au mois de novembre 2000, pour acheter des actions de la Société CRYO.
Le 3 décembre 2000 la SARL CFPLA a contracté auprés de la SA BNP PARIBAS une ouverture de crédit ne devant pas dépasser 2.290.000 euros, pour une durée d’un an, prorogeable sous certaines conditions. Cette ouverture de crédit était garantie par : – le cautionnement solidaire de Monsieur X…, – le gage constitué par Monsieur X…, portant sur un compte d’instrument financier ouvert dans les livres de la SA BNP PARIBAS dont la valeur devait à tout moment représenter 250 % du montant du crédit.
Seules des actions de la Société CRYO ont été déposées par Monsieur X… sur ce compte nanti.
Par lettre du 21 septembre 2001, la SA BNP PARIBAS indiquait à la SARL CFPLA qu’elle prenait note de son souhait de limiter le montant autorisé du crédit au niveau de son utilisation actuelle d’un montant de 404.565,28 euros.
Par lettre du 2 octobre 2001, la SA BNP PARIBAS a avisé la SARL CFPLA de ce qu’elle ne procéderait pas au renouvellement de l’ouverture de crédit au-delà de la date d’échéance initialement prévue, soit le 3 décembre 2001.
La SARL CFPLA, notamment par courriers du 11 octobre et du 5 novembre 2001, a contesté la régularité de la notification du non renouvellement de l’ouverture de crédit et a confirmé de façon expresse sa volonté de voir la convention de prêt renouvelée pour 12 mois.
Entre le 15 octobre et le 18 novembre 2001, la SARL CFPLA a vendu tous les titres qu’elle détenait de la Société CRYO et ne possédait plus aucun actif autre que les sommes d’argent provenant de ces ventes.
Par acte en date du 19 décembre 2001, enregistré le 3 janvier 2002, la SA BNP PARIBAS et la SARL CFPLA ont convenu de renouveler l’ouverture de crédit jusqu’au 3 décembre 2002, pour un montant réduit à 303.423,96 euros. Les autres conditions de l’acte initial du 3 décembre 2000 demeuraient inchangées.
Par ordonnance rendue le 18 mars 2002, le Président du Tribunal de commerce de Paris a désigné un mandataire ad hoc pour la Société CRYO.
Le 31 mai 2002, la SARL CFPLA a versé à la SA BNP PARIBAS la somme de 30.500 euros, ramenant le solde de l’ouverture de crédit à 272.923,96 euros.
Du 28 juin au 12 juillet 2002, la cotation de l’action CRYO a été suspendue.
Par jugement en date du 9 juillet 2002 le Tribunal de commerce de Paris a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la Société
CRYO. Un plan de continuation sera arrêté ultérieurement.
La SA BNP PARIBAS s’est prévalue de la clause d’exigibilité anticipée par lettres adressées à la SARL CFPLA les 5 juillet et 5 août 2002. Elle a réalisé le gage pour un prix de 67.708,15 euros et en a avisé la SARL CFPLA le 23 septembre 2002.
La présente instance a été introduite par l’assignation délivrée le 2 janvier 2003 à Monsieur X… en sa qualité de caution.
Par jugement en date du 4 mai 2004, le Tribunal de commerce de Nanterre a : – débouté Monsieur X… de ses demandes, – condamné Monsieur X… à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 213.127,79 euros, outre les intérêts au taux de 6,32 % à compter du 19 décembre 2002, – ordonné la capitalisation des intérêts, – condamné Monsieur X… à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Monsieur X… a interjeté appel de ce jugement et demande à la Cour : – de prononcer la nullité de son cautionnement non daté, – de dire que la banque a commis une faute en accordant un crédit disproportionné à la SARL CFPLA et en exigeant de Monsieur X… qu’il se porte caution des engagements souscrits, – de condamner en conséquence la SA BNP PARIBAS à lui payer des dommages-intérêts à hauteur des sommes qui lui sont réclamées, – de prononcer la déchéance des intérêts et de rejeter la demande de capitalisation, pour absence de lettres d’information à la caution, – de condamner la SA BNP PARIBAS à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile.
La SA BNP PARIBAS demande à la Cour de confirmer le jugement, et y ajoutant, de condamner Monsieur X… à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile.
DISCUSSION Sur la nullité du cautionnement
Considérant que Monsieur X… soutient que son cautionnement doit être annulé car il se fonde sur l’avenant no1, non daté ;
Mais considérant que par l’avenant no1 Monsieur X… constate l’ouverture de crédit accordé par la SA BNP PARIBAS à la SARL CFPLA pour un montant de 303.423,96 euros et porte la mention écrite de la main de Monsieur X… qui s’engage comme caution solidaire dans les termes de l’avenant, à hauteur de la somme de 364.108,75 euros, écrite en chiffres et en lettres ; que cet acte n’encourerait aucune nullité, même s’il n’avait pas été daté ; qu’au demeurant il porte la date manuscrite du 19.12.01, qui semble écrite par Monsieur X… lui-même, et il a en outre été enregistré le 3 janvier 2002 ;
Que le moyen de nullité du cautionnement sera rejeté ; Sur le crédit disproportionné
Considérant que Monsieur X… reproche à la SA BNP PARIBAS d’avoir consenti un crédit disproportionné à la SARL CFPLA qu’il fait valoir à cet égard : – que la SARL CFPLA n’avait en portefeuille que des actions de la Société CRYO, qu’elle a vendu toutes ses actions entre le 15 octobre et le 18 novembre 2001, et que la SA BNP PARIBAS était parfaitement informée de cette situation, – que lorsque la SA BNP PARIBAS a consenti à la SARL CFPLA une ouverture de crédit le 19 décembre 2001, cette dernière n’avait plus aucun actif, et donc aucun
moyen de rembourser l’ouverture de crédit ;
Mais considérant que Monsieur X… n’indique pas quel est le prix obtenu par la SARL CFPLA de la vente des actions, et n’explique pas quelles sont les charges qui auraient pu absorber tout ou partie de ce prix, et qui aurait vidé la société de tout actif comme il le prétend ; que même si la banque a eu connaissance de la vente des actions, ce qui n’est pas démontré, elle n’a pu avoir une meilleure connaissance que Monsieur X… de l’emploi du prix de vente de ces actions ; que pour cette première raison Monsieur X… n’est pas fondé à invoquer la responsabilité de la banque ;
Considérant au surplus que l’avenant du 19 décembre 2001 ne constitue pas un nouveau concours, mais au contraire une diminution de ce concours de 404.000 euros à 303.000 euros, et l’octroi d’un délai de paiement pour supprimer toute discussion sur la contestation de la SARL CFPLA sur la validité de la mise en oeuvre de la clause de non renouvellement du crédit ; que pour ce second motif, le moyen tiré de l’octroi d’un crédit disproportionné doit être rejeté ; Sur les circonstances exceptionnelles
Considérant que Monsieur X… soutient qu’en l’espèce la SA BNP PARIBAS, par suite de circonstances exceptionnelles, disposait sur la situation de la SARL CFPLA d’informations qu’il ignorait ; qu’à ce propos il fait valoir que la banque avait consenti un prêt d’un montant de 3 ME à la Société CRYO et connaissait avant lui et la SARL CFPLA, son intention de dénoncer ce concours, ce qu’elle a fait par lettres des 4 septembre et 1er octobre 2001, entraînant ainsi l’état de cessation des paiements de la Société CRYO et son redressement judiciaire qui sera ouvert le 9 juillet 2002 ;
Mais considérant que l’existence de circonstances exceptionnelles doit être appréciée lors de l’octroi du crédit ; que de telles circonstances ne sont pas invoquées lors de l’ouverture de crédit du 3 décembre 2000 ; que lors de l’avenant du 19 décembre 2001, Monsieur X…, dirigeant de la Société CRYO se trouvait informé de l’intention de la SA BNP PARIBAS de rompre ses concours ; qu’en outre, ainsi qu’il a été dit, l’avenant du 19 décembre 2001 n’a fait que tirer les conséquences du refus de la SARL CFPLA de reconnaître la validité du non renouvellement de la première ouverture de crédit consentie pour une année ;
Considérant qu’il n’est pas démontré que la SA BNP PARIBAS aurait disposé d’informations que Monsieur X… aurait ignorées, lors de l’octroi du crédit ;
Considérant que Monsieur X… voit également des circonstances exceptionnelles dans le fait que la banque a participé aux discussions avec le mandataire ad hoc désigné le 18 mars 2002 pour la Société CRYO ;
Mais considérant que Monsieur X… ne démontre pas qu’en sa qualité de dirigeant de la Société CRYO il aurait été moins bien informé que les banques de la situation de la société résultant des discussions menées sous l’égide du mandataire ad hoc ; qu’au surplus ces discussions ont eu lieu postérieurement à l’octroi du crédit, et alors que ce dernier était en cours pour une durée déterminée ; qu’elles n’ont donc eu aucune influence sur l’octroi de ce crédit, ni sur son maintien ; Sur le retard à réaliser le gage
Considérant que Monsieur X… rappelle que la SA BNP PARIBAS disposait d’un compte titres nanti et reproche à la SA BNP PARIBAS d’avoir tardé à réaliser son gage, et de n’avoir vendu les actions de la Société CRYO déposées sur ce compte que postérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire de cette société, au mois d’août 2002, à une époque où ces actions avaient perdu l’essentiel de leur valeur ; qu’il fait observer que lui-même ne pouvait procéder à cette vente après la nomination du mandataire ad hoc le 18 mars 2002 car cela aurait constitué une faute au sens des règles sur les marchés financiers réglementés ; qu’il souligne que si les actions avaient été vendues en temps utile la SA BNP PARIBAS aurait pu se rembourser de la totalité de l’ouverture de crédit ;
Mais considérant que si Monsieur X… pouvait vendre les titres déposés sur le compte nanti à tout moment, à condition de rembourser à due concurrence l’ouverture de crédit, la SA BNP PARIBAS n’avait la possibilité de réaliser le gage que lorsque le crédit étaitrser à due concurrence l’ouverture de crédit, la SA BNP PARIBAS n’avait la possibilité de réaliser le gage que lorsque le crédit était devenu exigible, c’est à dire le 3 décembre 2002 ; que cette date ne pouvait être avancée qu’avec l’accord de Monsieur X… où si une cause de déchéance du terme survenait ; qu’en l’espèce c’est la suspension de la cotation de l’action CRYO le 28 juin 2002 qui a permis à la SA BNP PARIBAS de constater, le 4 juillet 2002, l’exigibilité anticipé du crédit ; que le 10 juillet 2002, la SARL CFPLA a contesté le caractère exigible du crédit au motif que la cotation devait être reprise ; que ce n’est que le 5 août 2002 que cette exigibilité a été définitivement acquise, après constatation que la valeur du titre ne permettait pas de garantir 125 % du crédit ;
Considérant qu’il résulte de ces constatations que la SA BNP PARIBAS n’a commis aucune faute dans la réalisation du gage ;
Considérant que les moyens soulevés par Monsieur X… au soutien de ses demandes reconventionnelles étant tous rejetés, il convient de confirmer la disposition du jugement qui l’en a débouté ; Sur l’article L.313-22 du Code monétaire et financier
Considérant que Monsieur X… demande à la Cour de constater que la SA BNP PARIBAS est déchue de tout droit à intérêts pour absence d’envoi des lettres d’information prévues par l’article L.313-22 du Code monétaire et financier ;
Considérant que contrairement à l’opinion avancée par la SA BNP PARIBAS, la SARL CFPLA dont l’activité était la prise de participation dans des société, est une entreprise au sens de l’article L.313-22 du Code monétaire et financier ; que cet article doit recevoir application ;
Considérant que la SA BNP PARIBAS verse aux débats les lettres d’information qu’elle a adressées les 17 mars 2003 et 17 mars 2004, mais reconnaît qu’il lui est impossible de produire les lettres qu’elle a pourtant envoyées en mars 2001 et mars 2002 ;
Considérant qu’il convient en conséquence de faire droit à la demande de Monsieur X… de déchéance des intérêts pour le mois de décembre 2000 et pour l’année 2001 ;
Mais considérant que la SARL CFPLA a payé les intérêts dus pour le mois de décembre 2000 et pour l’année 2001, étant observé même qu’un
quart du capital a été payé entre le 3 décembre 2000 et le 19 décembre 2001 ; que la SA BNP PARIBAS ne réclame donc à la SARL CFPLA aucun intérêt né au cours des années 2000 et 2001 ; qu’il s’en déduit que la demande de déchéance des intérêts est sans effet sur le montant des sommes dues par Monsieur X… en sa qualité de caution ;
Considérant que le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu’il condamné Monsieur X… à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 213.127,79 euros, outre les intérêts au taux de 6,32 % à compter du 19 décembre 2002 ;
Considérant toutefois que la SA BNP PARIBAS ne démontre pas avoir adressé des lettres d’information à la caution après le 17 mars 2004 ; qu’en conséquence les intérêts ne sont dus qu’au taux légal à compter du 1er janvier 2004 ;
Considérant que la SA BNP PARIBAS est en droit de réclamer la capitalisation des intérêts ; qu’il convient toutefois de préciser que celle-ci ne court qu’à compter de la demande en justice et pour les intérêts dus depuis un an au moins ;
Considérant qu’il convient en équité de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Monsieur X… à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile, et d’y ajouter la somme de 3.000 euros pour tenir compte, au moins partiellement des frais d’appel ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort, Confirme le jugement rendu le 4 mai 2004 par le Tribunal de commerce Nanterre, Précise toutefois que les intérêts
sont dus au taux légal à compter du 1er janvier 2004, et que la capitalisation des intérêts est due à compter de la première demande en justice, et pour les intérêts dus pour une année entière, Y ajoutant, condamne Monsieur X… à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile, Condamne Monsieur X… aux dépens d’appel et accorde à la SCP JUPIN-ALGRIN, titulaire d’un office d’Avoué, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l’article 699 du Nouveau code de procédure civile, Arrêt prononcé par Monsieur Jean BESSE, président, et signé par Monsieur Jean BESSE, président et par Madame Agnès ANGELVY, greffier, présent lors du prononcé Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,