Cour d’appel de Versailles, CT0136, du 20 juin 2006

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Cour d’appel de Versailles, CT0136, du 20 juin 2006

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE VERSAILLES Code nac : 34C 22ème chambre ARRET No40 CONTRADICTOIRE DU 20 JUIN 2006 R.G. No 05/02777 AFFAIRE :

X… Y… C/ S.A. CHAMPAGNES GIESLER et autres…. Décision déférée à la cour :

jugement rendu le 18 Décembre 1990 par le Tribunal de Commerce d’EPERNAY No RG : 90/0/55 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP JULLIEN SCP LISSARRAGUE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT JUIN DEUX MILLE SIX, La Cour d’Appel de VERSAILLES a rendu, en audience publique, l’arrêt suivant dans l’affaire, entre : DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) en date du 30 Novembre 2004, cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris (1èrechambre -section B) le 19 Septembre 2001, Monsieur X… Y… né le 4 Novembre 1950 à PARIS 8ème, de nationalité française Château du Moulin à Vent – 33500 NEAC représenté par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER – N du dossier 20050429 assisté de la SCP Philippe CHAMPETIER DE RIBES et J.P. SPITZER (avocats au barreau de PARIS)

DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI S.A. CHAMPAGNES GIESLER dont le siège social est : 14 rue Gaston Z… – 51200 EPERNAY, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD – N du dossier 0541859 assistée de Maître Frédéric LALANCE (avocat de la SCP RAMBAUD-MARTEL du barreau de PARIS) S.A. LANSON INTERNATIONAL

anciennement dénommée MARNE ET CHAMPAGNE et venant aux droits de la SCA CHAMPAGNES Z… du nouveau code de procédure civile, – condamné Monsieur X… Y… aux dépens d’appel.

La chambre

La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation, par arrêt en date du 24 Janvier 1995, a cassé cet arrêt pour violation de la loi, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur X… Y… en annulation de la délibération de l’assemblée générale extraordinaire de la société GIESLER du 5 Juillet 1986 et celles qui en dépendaient, à savoir les demandes en nullité de la constitution de la société en commandite par actions CHAMPAGNES Z… et la demande en paiement de dommages et intérêts dirigée contre Monsieur Z…, Madame A…, Monsieur

B… et Monsieur C….

La Cour d’Appel de PARIS, désignée comme cour de renvoi et saisie par Monsieur X… Y…, par arrêt en date du 19 Septembre 2001, a : – mis hors de cause la SOCIETE MOBILIERE DE GESTION, – confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur X… Y… de ses demandes, – réformé le jugement en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts et frais non taxables, – débouté les intimés de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et frais irrépétibles, – mis les dépens à la charge de Monsieur X… Y….

* * *

dont le siège social est : 22 rue Maurice Cerveaux – 51200 EPERNAY, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD – N du dossier 0541859 assistée de Maître Frédéric LALANCE (avocat de la SCP RAMBAUD-MARTEL du barreau de PARIS) S.C.A. CHAMPAGNES Z… dont le siège social est : 22 rue Maurice Cerveaux – 51200 EPERNAY, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD – N du dossier 0541859 assistée de Maître Frédéric LALANCE (avocat de la SCP RAMBAUD-MARTEL du barreau de PARIS) S.A.S. GROUPE MARNE ET CHAMPAGNE dont le siège social est : 19 avenue de Champagne – 51200 EPERNAY, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD – N du dossier 0541859 assistée de Maître Frédéric LALANCE (avocat de la SCP RAMBAUD-MARTEL du barreau de PARIS) Madame Marie Laurence D… dite « A… » née Y…, es qualité de légataire universelle de Monsieur Gaston Z… et en son nom

personnel, née le 26 Juin 1949 à PARIS 8ème, de nationalité FRANCAISE 17 avenue d’Eylau – 75016 PARIS représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD – N du dossier 0541859 assistée de Maître Frédéric LALANCE (avocat de la SCP RAMBAUD-MARTEL du barreau de PARIS) Composition de la Cour : L’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Avril 2006, Madame Madame Marion BRYLINSKI, Conseiller, ayant été entendue en son rapport,

devant la Cour composée de :

Madame Simone E…, Présidente,

La chambre commerciale, économique et financière de la cour de cassation, par arrêt en date du 30 Novembre 2004, a cassé cet arrêt, mais seulement en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par Monsieur X… Y…, et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d’Appel de VERSAILLES.

Sous le visa de l’article 1833 du code civil, la Cour de Cassation rappelle que la résolution d’une assemblée d’actionnaires prise contrairement à l’intérêt social et dans l’unique dessein de

favoriser des membres de la majorité au détriment de la minorité constitue un abus de majorité et engage la responsabilité de ses auteurs.

Elle rappelle que la Cour d’Appel de PARIS, pour écarter l’abus de majorité et rejeter la demande en paiement de dommages et intérêts, se borne à retenir que l’opération réalisée répondait au but légitime d’assurer, eu égard au grand âge de Monsieur Z…, la pérennité de l’entreprise en faisant appel pour la diriger à des personnes étrangères aux actionnaires, que le choix de la société en commandite par actions était licite et adapté au but poursuivi, que l’interposition d’associés commandités n’a pas eu d’incidence réelle sur l’architecture du groupe Z… puisque la société GIESLER se voyait attribuer 99,68% du capital de la nouvelle société, que Monsieur X… Y… ne détenait que 51 actions de la société MARNE ET CHAMPAGNE et ne disposant, nonobstant son siège

Madame Marion BRYLINSKI, Conseiller,

Monsieur Philippe BOIFFIN, Conseiller,

qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE F… Vu la communication de l’affaire au Ministère Public en date du 06 Février 2006. FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Gaston Z… était le fondateur d’un groupe qui en 1986 était constitué d’une société holding, CHAMPAGNES GIESLER, et d’une filiale MARNE ET CHAMPAGNE.

Le capital social de la société CHAMPAGNES GIESLER était réparti, à tout le moins depuis 1970, à raison de 66,75 % pour Monsieur Gaston Z…, 27,87 % pour Monsieur X… Y…, son petit neveu par alliance et le surplus entre 6 autres actionnaires. Monsieur Gaston Z… était le président directeur général de cette société, et Monsieur X… Y… son directeur général depuis 1982.

La société CHAMPAGNES GIESLER qui exploitait son propre fonds de

négoce en vins de champagne, détenait 51 % du capital de sa filiale MARNE ET CHAMPAGNE, le surplus étant réparti entre Monsieur Gaston Z… pour 48,82 % et diverses autres personnes dont Monsieur X… Y… pour 0,02 %.

Le 10 Juin 1986, le conseil d’administration de la SA CHAMPAGNES GIESLER a approuvé le projet de constitution de la SCA CHAMPAGNES Z… et l’apport à celle-ci de son fonds de négoce et de certains éléments d’actif, y compris sa participation dans la SA MARNE ET CHAMPAGNE.

Par délibération du 5 Juillet 1986, l’assemblée générale extraordinaire de la SA CHAMPAGNES GIESLER, sans la participation de Monsieur X… Y…, a approuvé cet apport, en contrepartie de l’attribution de 99,86 % du capital de la SCA CHAMPAGNES Z…, le

d’administrateur, d’aucune possibilité de peser réellement sur les décisions, la création et l’interposition de la société Z… n’a en rien amoindri son influence, que la chute du chiffre d’affaires et des résultats de la société Giesler consécutive à l’opération d’apport n’est pas la marque d’un manque à gagner mais la simple conséquence comptable de sa transformation en holding, dès lors que les résultats de l’activité commerciale transférée ne pouvaient plus être constatés dans ses comptes mais dans ceux de la société Z…, que les bénéfices comptabilisés dans cette société entraînent une augmentation de la valeur des titres de la société Giesler qui ne peut être traduite dans les comptes de celle-ci, les principes comptables ne permettant pas une réévaluation des titres de participation, et qu’en dépit de la décote susceptible d’affecter la valeur de ces titres du fait de la diminution des prérogatives de la direction et des actionnaires de la société Giesler consécutive à l’introduction d’une structure intermédiaire de gestion, il ne saurait être, utilement, soutenu que l’opération a eu pour effet de transformer la société mère en une coquille vide.

La cour de cassation considère qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait qu’à la suite de l’opération litigieuse le société Giesler, devenue associée commanditaire de la société Z…, s’était trouvée dépourvue de l’exercice direct de prérogatives de direction de cette société et que, de 1986 à 1988 son chiffre d’affaires était tombé de 88 983 631 F. ( 13 565 467,10 ç ) à 295 815 F. ( 45 096,71 ç ) et son bénéfice de 33 176 108 F. ( 5 057 665,06 ç ) à 251 531 F. ( 38 345,65 ç ), caractérisant ainsi l’atteinte portée à l’intérêt de la société Giesler, et sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si l’opération n’avait pas eu en réalité pour objet de favoriser les associés majoritaires de la société Giesler qui s’étaient octroyé la qualité d’associés commandités, et, partant, le

surplus du capital était réparti entre divers tiers.

A compter du 18 Novembre 1986, Monsieur Gaston Z… était le seul commandité, les autres commandités initialement désignés, cadres de l’entreprise, ayant été évincés en raison de leur comportement frauduleux ; à la même période, Monsieur X… Y… a démissionné de ses fonctions de directeur général de la SA CHAMPAGNES GIESLER et d’administrateur de la SA MARNE ET CHAMPAGNE.

Au cours de l’année 1987, Madame Marie-Laurence A…, soeur de Monsieur X… Y…, et son conjoint, sont devenus associés commandités de la SCA CHAMPAGNES Z…

En 1988, Monsieur Gaston Z… a transmis ses actions dans la SA CHAMPAGNES GIESLER, à Madame Marie-Laurence A…, soeur de Monsieur X… Y…

* * *

Par assignation datée du 7 Septembre 1988, Monsieur X… Y… a engagé une action aux fins d’obtenir l’annulation de la résolution

prise le 5 Juillet 1986, par l’assemblée générale extraordinaire de la SA CHAMPAGNES GIESLER, de constituer la SCA CHAMPAGNES Z… et lui faire apport de son fonds de commerce de vins de Champagne et de sa participation dans la SA MARNE ET CHAMPAGNE, l’annulation de la SCA CHAMPAGNES Z…, et à titre subsidiaire, une expertise aux fins de déterminer le préjudice qu’a pu causer à la SA CHAMPAGNES GIESLER la résolution du 5 Juillet 1986.

Le Tribunal de Commerce d’EPERNAY, par jugement rendu le 18 Décembre 1990, a : – déclaré irrecevable la demande de Monsieur X…

pouvoir de décider de la répartition des bénéfices issus de la société MARNE ET CHAMPAGNE, au détriment de Monsieur X… Y… associé minoritaire de la société GIESLER, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

* * *

Monsieur X… Y…, aux termes de ses dernières écritures en date du 28 Mars 2006, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens développés, demande à la Cour de :

– le déclarer recevable et bien fondé en son appel, – sous le visa des articles 1833 et 1382 du code civil, constater l’abus de majorité des associés majoritaires de la société CHAMPAGNES GIESLER, – en conséquence, condamner Madame Marie-Laurence A… à payer à Monsieur X… Y… la somme de 1 500 000 ç à titre de provision à valoir sur son préjudice, – désigner un expert, avec mission de chiffrer le préjudice subi par Monsieur X… Y…, propriétaire de 28 % des actions de la société CHAMPAGNES GIESLER, du fait de l’apport partiel d’actifs de cette société à la SCA CHAMPAGNES Z… et de l’interposition de cette dernière entre la société CHAMPAGNES GIESLER et sa filiale LANSON INTERNATIONAL, en se fondant sur toutes méthodes de calcul qu’il pourra estimer les plus appropriées, –

condamner Madame Marie-Laurence A… au paiement d’une indemnité de 30 000 ç sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu’aux dépens incluant ceux devant les deux précédentes cours d’appel. * * *

Madame Marie-Laurence D… dite A…, tant en son nom personnel Y…, – débouté Monsieur X… Y… de l’ensemble de ses prétentions, – mis hors de cause Monsieur Z…, Madame A…, Monsieur C…, Monsieur B…, la société MARNE & CHAMPAGNE, et la SOCIETE D’INVESTISSEMENT CHAMPENOIS, – condamné Monsieur X… Y… à payer à chacun d’eux les sommes de 50 000 F. ( 7 622,45 ç ) à titre de dommages et intérêts et 10 000 F. ( 1 524,49 ç ) sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, – condamné

Monsieur X… Y… à payer à la société CHAMPAGNES GIESLER et la société CHAMPAGNES Z…, chacune, la somme de 10 000 F. ( 1 524,49 ç ) sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, – condamné Monsieur X… Y… aux dépens.

La Cour d’Appel de REIMS, par arrêt rendu le 1er Février 1993, a : – déclaré Monsieur X… Y… recevable en son appel et l’en a débouté, – confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, – dit que les articles 38 et 12 des statuts de la SCA CHAMPAGNES Z… sont réputés non écrits en ce qu’ils ont stipulé que « le surplus est réparti entre tous les associés au prorata de leurs droits dans le capital » et que « les droits attachés aux associés commandités sont considérés comme sans valeur patrimoniale, » – rejeté les demandes des parties plus amples ou contraires,

– condamné Monsieur X… Y… à payer à la SA CHAMPAGNES GIESLER, la SCA CHAMPAGNES Z…, Monsieur Guy B…, la SOCIETE D’INVESTISSEMENT CHAMPENOIS, Monsieur Roger C…, la SA MARNE ET CHAMPAGNE, Madame Marie-Laurence A…, Monsieur Gaston Z… et la SOCIETE MOBILIERE DE GESTION, la somme de 100 000 F. ( 15 244,90 ç ) sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, – condamné Monsieur X… Y… à payer à la SA CLINVEST la somme de 5 000 F. ( 762,25 ç ) sur le fondement de l’article 700

qu’en sa qualité de légataire universelle de Monsieur Gaston Z…, la SA LANSON INTERNATIONAL, anciennement dénommée MARNE ET CHAMPAGNE, venant aux droits de la SCA CHAMPAGNES Z… et la SA CHAMPAGNE GIESLER, aux termes de leurs dernières écritures en date du 28 Mars 2005, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens développés, demandent à la Cour de : – constater que Monsieur X… Y… n’agit pas au nom de la SA CHAMPAGNES GIESLER, et n’a donc pas qualité ni intérêt à agir, faute de préjudice personnel direct, en conséquence le déclarer irrecevable en son action, en application des articles 31, 117 et 122 et suivants du nouveau code de procédure civile, – subsidiairement au fond, sous le visa des articles 1382 et 1833 du code civil, constater que les intérêts de Monsieur X… Y… n’ont pas souffert de l’interposition de la SCA CHAMPAGNES Z…, et que Monsieur X… Y… ne peut se prévaloir d’aucun préjudice réparable, – en conséquence, confirmer le jugement rendu le 18 Décembre 1990 par le Tribunal de Commerce d’Epernay et débouter Monsieur X… Y… de ses demandes à l’encontre des intimés, – en tout état de cause,

statuant à nouveau, mettre hors de cause la SA CHAMPAGNES GIESLER, la SA LANSON INTERNATIONAL et Madame Marie-Laurence A… prise en son nom personnel, – condamner Monsieur X… Y… au paiement à Madame Marie-Laurence A…, à la SA CHAMPAGNES GIESLER et à la SA LANSON INTERNATIONAL, chacune, la somme de 50 000 ç sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appels. DISCUSSION

La Cour de Cassation, dans la procédure conduite jusqu’à ce jour, a rappelé à deux reprises que la résolution d’une assemblée d’actionnaires prise contrairement à l’intérêt social et dans l’unique dessein de favoriser des membres de la majorité au détriment de la minorité constitue un abus de majorité et engage la responsabilité de ses auteurs.

Il importerait donc de rechercher, pour qualifier l’abus de majorité, si les trois critères sont réunis, à savoir la violation de l’intérêt de la SA CHAMPAGNES GIESLER, le dessein de favoriser les membres de

la majorité, et le préjudice causé au minoritaire.

Compte tenu du décalage apparent entre les moyens développés par les parties, il convient de rappeler le cadre du litige.

Monsieur X… Y… agit à titre strictement personnel, en sa qualité d’actionnaire minoritaire de la SA CHAMPAGNES GIESLER, aux fins d’obtenir réparation, par l’allocation de dommages et intérêts, du préjudice causé par le fait qu’il qualifie d’abus de majorité.

G… lors qu’il prétend obtenir réparation, non pas du préjudice de la SA CHAMPAGNES GIESLER dont l’intérêt aurait été lésé, mais du préjudice qu’il a, lui-même, subi à titre personnel en raison de la violation de ses droits d’associé minoritaire, il a bien qualité à agir, et doit être déclaré recevable en son action.

Agissant sur le fondement de l’article 1382 du code civil, il lui appartient de rapporter la preuve de l’existence d’une faute, d’un préjudice, et du lien de causalité entre les deux.

Dans les limites de sa saisine, il appartient donc à la Cour de rechercher, en priorité, si la décision, prise par la SA CHAMPAGNES GIESLER, d’interposer entre elle et sa filiale, la SA MARNE ET CHAMPAGNE, la SCA CHAMPAGNES Z…, a pu porter atteinte aux droits d’associé minoritaire de Monsieur X… Y… et lui causer un préjudice personnel.

Monsieur X… Y… recherchant réparation du préjudice résultant d’un abus de majorité au sein de la SA CHAMPAGNES GIESLER, son action ne peut être utilement dirigée qu’à l’encontre « des associés majoritaires » de celle-ci à la date de la décision d’interposition de la SCA CHAMPAGNES Z…, seuls auteurs du fait dommageable allégué. Le seul associé majoritaire de la SA CHAMPAGNES GIESLER était alors Monsieur Gaston Z…, aux droits duquel se trouve aujourd’hui Madame Marie-Laurence D… dit

« A… » sa légataire universelle.

Il en résulte que la SA CHAMPAGNES GIESLER et la SA LANSON INTERNATIONAL anciennement dénommée MARNE CHAMPAGNE venant aux droits de la SCA CHAMPAGNES Z… doivent être mises hors de cause.

* * *

Par délibération de son assemblée générale extraordinaire du 5 Juillet 1986, la SA CHAMPAGNES GIESLER a décidé l’apport à la SCA CHAMPAGNES Z…, de son fonds de commerce de négoce de champagnes, de diverses créances et de sa participation dans sa filiale la SA MARNE CHAMPAGNE, elle même ne conservant pour activité directe que la location de divers immeubles.

L’apport à la SCA CHAMPAGNES Z… du fonds de commerce de négoce et de créances de la SA CHAMPAGNES GIESLER a été effectué en échange de

l’attribution à cette dernière de la quasi totalité du capital de la SCA, sans aucune modification des droits respectifs des associés.

L’abus de majorité pourrait être caractérisé exclusivement par le fait que l’apport de la participation de la SA CHAMPAGNES GIESLER dans la SA MARNE ET CHAMPAGNE a été fait au profit de la SCA CHAMPAGNE Z…, dans laquelle la SA CHAMPAGNES GIESLER, faute d’avoir la qualité d’associé commandité, est privée de tout pouvoir de décision sur la gestion du fonds de commerce apporté et sur la SA MARNE CHAMPAGNE, alors que l’associé majoritaire de la SA CHAMPAGNES GIESLER est lui même associé commandité de la SCA CHAMPAGNES Z…

Avant 1986, le capital de la SA CHAMPAGNE GIESLER était détenu directement par Monsieur Gaston Z… à hauteur de 48 %, et à hauteur de 51 % par la SA CHAMPAGNES GIESLER dont le capital était détenu, également, par Monsieur Gaston Z… à hauteur de 66,75 %, de sorte qu’en réalité le pouvoir était déjà exercé par Monsieur Gaston Z…, tant pour l’exploitation du fonds appartenant antérieurement à la SA CHAMPAGNES GIESLER que pour la direction de la SA MARNE CHAMPAGNE.

L’interposition de la SCA CHAMPAGNES

Z…, privant la SA CHAMPAGNES GIESLER, et à plus forte raison ses associés, de tout pouvoir de direction sur la SA MARNE CHAMPAGNE, pour le transférer aux associés commandités, dont Monsieur Gaston Z…, n’a eu aucune incidence sur le pouvoir de décision de Monsieur X… Y… en réalité déjà inexistant antérieurement.

Elle n’a, en particulier, eu aucun effet défavorable sur le pouvoir de décision de Monsieur X… Y… quant à la répartition des bénéfices de la SA MARNE ET CHAMPAGNE.

Les droits d’information, de contrôle et de critique de Monsieur X… Y… dans la SA CHAMPAGNE GIESLER d’une part, et dans la SA MARNE CHAMPAGNE d’autre part, en sa qualité d’associé minoritaire

dans chacune de ces sociétés, n’a pas été modifié par l’interposition de la SCA CHAMPAGNES Z… Par ailleurs, l’interposition de la SCA CHAMPAGNES Z…, a cessé en 1998, date de la fusion de la SCA CHAMPAGNE Z… et de la SA LANSON INTERNATIONAL anciennement MARNE ET CHAMPAGNE, avant l’entrée en vigueur de la loi du 15 Mai 2001 conférant aux actionnaires d’une société holding un droit d’information directe sur une filiale.

Ainsi l’interposition de la SCA CHAMPAGNES Z… n’a eu aucune influence sur les droits de contrôle et d’information de Monsieur X… Y…

Monsieur X… Y… allègue une perte de valeur de MARNE ET CHAMPAGNE (aujourd’hui LANSON INTERNATIONAL), qu’il impute, à tort où à raison, à la gestion faite par Madame A… et son conjoint. Madame A… vient aux droits de Monsieur Gaston Z…, en raison de ce qu’elle a acquis les titres ayant appartenu à ce dernier, et par ailleurs, est sa

légataire universelle. Il a déjà été indiqué qu’en tout état de cause, l’interposition de la SCA CHAMPAGNES Z… n’a en rien modifié le pouvoir de décision, inexistant, de Monsieur X… Y…, ni fondamentalement modifié le pouvoir prééminent de Monsieur Gaston Z… G… lors, cette perte de valeur, à la supposer démontrée, n’aurait pas de lien de causalité avec l’abus de majorité allégué, de sorte que le préjudice susceptible de résulter, indirectement, de la baisse de valeur des titres détenus par Monsieur X… Y… ne peut donner lieu à réparation.

Monsieur X… Y… allègue, également, une perte de valeur de la SA CHAMPAGNES GIESLER qui demeurerait une coquille vide, en dépit de la cessation de l’interposition de la SCA CHAMPAGNE Z…, en raison de ce qu’à la suite de la

fusion de cette dernière avec LANSON INTERNATIONAL (anciennement MARNE ET CHAMPAGNE), le fonds de commerce de négoce apporté à la SCA CHAMPAGNES Z… n’a pas réintégré le patrimoine de la SA CHAMPAGNES GIESLER.

Mais l’apport à la SCA CHAMPAGNES Z… du fonds de commerce de négoce et de créances de la SA CHAMPAGNES GIESLER a été effectué en échange de l’attribution à cette dernière de la quasi totalité du capital de la SCA, sans aucune modification des droits respectifs des associés ; la perte de valeur des actions de la SA CHAMPAGNES GIESLER liée au fait que celle-ci n’est plus directement propriétaire et exploitante d’un fonds de commerce de négoce ne présente pas de lien de causalité avec l’abus de majorité allégué, et ne peut donc donner lieu à indemnisation.

Les actions détenues par Monsieur X… Y… dans la SA CHAMPAGNES GIESLER ont pu, éventuellement, perdre de la valeur en raison de ce que, par l’interposition de la SCA CHAMPAGNES Z…, la SA CHAMPAGNES GIESLER était

privée de tout pouvoir de direction sur la SA MARNE ET CHAMPAGNE qui assurait l’essentiel de l’activité du groupe.

Mais il doit être relevé que cette interposition a cessé depuis 1998. Avant 1986, les parts détenues par Monsieur X… Y… ne représentaient que 27,87 % du capital, et ne lui assuraient ni pouvoir de décision, ni minorité de blocage. Monsieur X… Y…, qui n’établit pas avoir souhaité et tenté de céder ses actions entre 1986 et 1998, ne rapporte pas davantage la preuve de ce que ses actions auraient pu trouver acquéreur antérieurement à 1986, et pour un prix supérieur à celui qu’il aurait pu obtenir après cette date.

Dans ces conditions, il ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice en relation avec l’interposition de la SCA CHAMPAGNES Z…

* * *

Pour l’ensemble de ces raisons, Monsieur X… Y… doit être débouté de l’ensemble de ses prétentions.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé, en ce qu’il a rejeté les demandes de Monsieur X… Y… relatives à la réparation d’un préjudice personnel.

Monsieur X… Y… supportera les dépens de première instance et d’appel, mais il n’y a pas lieu de prévoir l’allocation d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort, sur renvoi après Cassation d’une décision de la Cour d’Appel de Paris du 19 Septembre 2001 par arrêt de la Cour de Cassation du 30 Novembre 2004, I – Déclare Monsieur X… Y… recevable en son action, telle que présentée devant la Cour de renvoi

II – Confirme le jugement rendu le 18 décembre 1990 par le Tribunal de commerce d’Epernay, en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur X… Y… en réparation d’un préjudice personnel.

III – Dit n’y avoir lieu à allocation d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

IV – Condamne Monsieur X… Y… aux dépens de première instance et d’appel, et autorise la SCP

IV – Condamne Monsieur X… Y… aux dépens de première instance et d’appel, et autorise la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON-GIBOD, Avoués, sur sa demande, à recouvrer directement contre lui, ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans recevoir provision.

Arrêt prononcé par Madame Simone E…, Présidente, et signé par Madame Simone E…, Présidente, et par Madame Bernadette RUIZ DE F…, Greffier, présent lors du prononcé. Le GREFFIER, LA PRÉSIDENTE, 22ème chambre

RAC ARRET No CONTRADICTOIRE DU 20 JUIN 2006 R.G. No 05/02777 AFFAIRE : X… Y… SCP JULLIEN C/ S.A. CHAMPAGNES GIESLER SCP LISSARRAGUE et autres…. PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort, sur renvoi après Cassation d’une décision de la Cour d’Appel de Paris du 19 Septembre 2001 par arrêt de la Cour de Cassation du 30 Novembre 2004, I – Déclare Monsieur X… Y… recevable en son action, telle que présentée devant la Cour de renvoi

II -Confirme le jugement rendu le 18 décembre 1990 par le Tribunal de commerce d’Epernay, en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur X… Y… en réparation d’un préjudice personnel.

III – Dit n’y avoir lieu à allocation d’indemnités sur le fondement

de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

IV – Condamne Monsieur X… Y… aux dépens de première instance et d’appel, et autorise la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON-GIBOD, Avoués, sur sa demande, à recouvrer directement contre lui, ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans recevoir provision.

Arrêt prononcé par Madame Simone E…, Présidente, et signé par Madame Simone E…, Présidente, et par Madame Bernadette RUIZ DE F…, Greffier, présent lors du prononcé. Le GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


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