Cour d’appel de Versailles, 29 mars 2021, 17/078731

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Cour d’appel de Versailles, 29 mars 2021, 17/078731

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54F

4e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 29 MARS 2021

No RG 17/07873 – No Portalis DBV3-V-B7B-R5YF

AFFAIRE :

SARL STE EURO ASCENSEURS

C/

SAS BUREAU VERITAS CONSTRUCTION venant aux droits de la Société BUREAU VERITAS

SCI CLAVEL FESSART

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 28 Juillet 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre : 1

No Section :

No RG : 2016F00670

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Monique TARDY

Me Claire RICARD,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SARL STE EURO ASCENSEURS

No SIRET : 381 51 5 8 65

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Jean-louis BARTHELEMY de la SELAS SELAS MSA VALENCE, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE, vestiaire : 9

APPELANTE

****************

SAS BUREAU VERITAS CONSTRUCTION venant aux droits de la Société BUREAU VERITAS

No SIRET : 775 69 0 6 21

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620

Représentant : Me Corinne AILY-CORLAY de l’ASSOCIATION MONTALESCOT AILY LACAZE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R070

INTIMÉE

****************

SCI CLAVEL FESSART

No SIRET : 433 32 8 8 04

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – No du dossier 2190676

Représentant : Me Monique BENICHOU RACLET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0961 –

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Février 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et Madame Pascale CARIOU-DURAND, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,

Madame Pascale CARIOU-DURAND, Conseiller,

Madame Valentine BUCK, Conseiller,,

Greffier, lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Clavel Fessart a fait édifier un immeuble à usage de clinique aux numéros [Adresse 1]. Par un ordre de service du 16 décembre 2003, la société Euro ascenseurs a été chargée de la réalisation des quatre ascenseurs ; elle a confié à la société Bureau Véritas, aux droits de laquelle vient désormais la société Bureau Véritas construction, une mission de contrôle final de conformité, permettant notamment le marquage CE des équipements et la déclaration de conformité. Suite à des dysfonctionnements des ascenseurs, et en l’absence de marquage CE, la société Clavel Fessart a, par acte d’huissier du 12 mai 2009, fait assigner la société Euro ascenseurs devant le tribunal de grande instance de Paris ; par arrêt du 29 mai 2015, la cour d’appel de Paris a confirmé un jugement du 6 septembre 2011 ayant condamné la société Euro ascenseurs à payer à la société Clavel Fessart les sommes de 3 300,96, 22 592,44 et 60 996 euros au titre de frais de remise en état ainsi qu’à faire procéder, sous astreinte, au marquage CE des appareils et ayant rejeté l’appel en garantie de la société Euro ascenseurs à l’encontre de la société Bureau Véritas construction.

Par acte d’huissier du 7 mars 2016, la société Euro ascenseurs a fait assigner la société Bureau Véritas construction devant le tribunal de commerce de Nanterre afin qu’elle soit condamnée à lui délivrer les attestations de contrôle final des ascenseurs et à lui payer la somme de 132 298,74 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 28 juillet 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a débouté la société Euro ascenseurs de l’ensemble de ses demandes, débouté la société Bureau Véritas construction de sa demande d’indemnité pour procédure abusive, et condamné la société Euro ascenseurs aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 4 000 euros à la société Bureau Véritas construction, par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Pour l’essentiel, le tribunal a considéré que l’autorité de chose jugée attachée aux décisions ayant rejeté l’appel en garantie de la société Euro ascenseurs à l’encontre de la société Bureau Véritas construction s’opposait à ce que les mêmes demandes soient à nouveau formées devant lui.

Le 8 novembre 2017, la société Euro ascenseurs a interjeté appel de ce jugement en intimant la société Bureau Véritas construction.

La société Clavel Fessart est intervenue volontairement à l’instance.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 15 décembre 2020 et l’affaire a été fixée à l’audience de la cour du 15 février 2021, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

*

Par conclusions déposées le 18 novembre 2019, la société Euro ascenseurs demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de condamner la société Bureau Véritas construction à lui délivrer les attestations de contrôle final concernant les ascenseurs installés dans la clinique des [Adresse 2], d’ordonner une mesure d’instruction confiée à un organisme notifié au sens des dispositions de la circulaire 05/16/CE avec pour mission de dire si une attestation de conformité pouvait être délivrée à l’issue des essais techniques du 28 mai 2004, de condamner la société Bureau Véritas construction à lui payer la somme de 132 298,74 euros en réparation du préjudice subi en raison du retard dans la délivrance du certificat de contrôle final, et de la condamner aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 7 000 euros par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Euro ascenseurs expose qu’à la suite du contrôle réalisé par la société Bureau Véritas construction le 28 mai 2004, elle a répondu aux remarques émises par le contrôleur le 6 juin 2004 mais qu’elle n’a cependant jamais obtenu le certificat de contrôle final permettant d’attester de la conformité des ascenseurs ; elle ajoute que des dysfonctionnements sont apparus, et que, dans le cadre de la procédure engagée par le maître d’ouvrage, elle a notamment été condamnée à faire procéder au marquage CE des ascenseurs et déboutée de son appel en garantie.

La société Euro ascenseurs conteste que son action se heurte à l’autorité de chose jugée des décisions rendues sur son appel en garantie en soutenant que l’objet du litige n’est pas le même, dans la mesure où il s’agissait précédemment de la responsabilité de la société Bureau Véritas construction alors qu’il s’agit aujourd’hui d’un contentieux portant sur l’application du contrat en dehors de toute recherche de responsabilité.

Quant au fond, elle soutient que la société Bureau Véritas construction n’a pas refusé de délivrer une attestation de contrôle final mais a simplement omis de le faire, alors qu’elle affirmait en octobre 2007, dans le cadre d’une expertise judiciaire, que la délivrance était en cours. La carence de la société Bureau Véritas construction, qui n’a ni remis l’attestation de contrôle final ni refusé de le faire, serait ainsi caractérisée. Le cas échéant, il conviendrait d’organiser une expertise afin de vérifier qu’aucun obstacle ne s’oppose à la délivrance de cette attestation.

La société Euro ascenseurs précise que la somme dont elle demande le paiement correspond au montant payé à la société Clavel Fessart à la suite des décisions prononcées par le tribunal de grande instance et la cour d’appel de Paris, et des juges de l’exécution.

Par conclusions déposées le 15 novembre 2019, la société Bureau Véritas construction demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de condamner la société Euro ascenseurs au paiement d’une indemnité de 10 000 euros pour procédure abusive, de débouter la société Euro ascenseurs et la société Clavel Fessart de leurs demandes et de condamner la société Euro ascenseurs aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Bureau Véritas construction expose que la société Euro ascenseurs n’a pas répondu à ses demandes légitimes et réitérées de communication de la documentation technique nécessaire pour évaluer la conformité des ascenseurs et que, dans le litige l’opposant à la société Clavel Fessart, le tribunal de grande instance et la cour d’appel ont rejeté l’appel en garantie de la société Euro ascenseurs à l’encontre de l’organisme de contrôle au motif qu’elle n’apportait pas la preuve de la faute alléguée dans l’accomplissement de la mission.

La société Bureau Véritas construction invoque l’autorité de chose jugée attachée aux décisions ayant statué sur l’appel en garantie en soutenant que l’objet du litige est identique, à savoir la responsabilité de la société Bureau Véritas construction en raison d’un manquement à ses obligations contractuelles à l’égard de la société Euro ascenseurs, et que les demandes sont identiques, à savoir la délivrance de l’attestation de contrôle final et le paiement des sommes mises à la charge de la société Euro ascenseurs. Elle ajoute qu’il importe peu que la société Euro ascenseurs développe de nouveaux moyens de droit au soutien des mêmes demandes et qu’au surplus, les nouveaux moyens de la société Euro ascenseurs, tirés de la garde des ascenseurs, sont manifestement mal fondés.

Quant au fond du litige, la société Bureau Véritas construction soutient qu’elle n’a pas la qualité de constructeur au sens de l’article 1792, que sa responsabilité peut être recherchée par la société Euro ascenseurs uniquement sur un fondement contractuel et que cette société ne rapporte aucune preuve d’un manquement aux obligations du contrat. Elle ajoute qu’en février 2017 la société Euro ascenseurs lui a transmis des pièces au soutien d’une nouvelle demande d’attestation de conformité mais qu’elle-même n’est pas en mesure d’attester actuellement d’une conformité aux normes en vigueur en 2004 ; il serait peu probable que les ascenseurs installés il y a quinze ans satisfassent aux normes actuelles.

L’introduction d’une action inutile et vouée à l’échec serait abusive.

Par conclusions déposées le 18 novembre 2019, la société Clavel Fessart demande à la cour de condamner la société Bureau Véritas construction à délivrer à la société Euro ascenseurs les attestations de contrôle final concernant les ascenseurs no2169A, 2169C et 2169D, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard et de condamner la société Euro ascenseurs ou la société Bureau Véritas construction aux dépens, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 10 000 euros par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Clavel Fessart expose que, suite aux défaillances constatées et conformément aux préconisations de l’expert judiciaire, elle a été contrainte de faire remplacer l’un des quatre ascenseurs installés par la société Euro ascenseurs.

Elle soutient que la demande de cette société tendant à la délivrance d’attestations de contrôle final n’avait pas été formée avant le 27 février 2017 et que, dans le litige antérieur, il s’agissait uniquement de la mise en cause de la responsabilité de la société Bureau Véritas construction au titre du défaut de délivrance de ces attestations.

Quant au fond, la société Clavel Fessart affirme que désormais rien ne s’oppose à la délivrance des attestations de contrôle final pour les trois ascenseurs qui n’ont pas été remplacés. Il n’y aurait pas lieu de délivrer un tel certificat au vu des normes actuellement en vigueur.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

Conformément à l’article 122 du code de procédure civile, la chose jugée constitue une fin de non-recevoir qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable sans examen au fond.

Selon l’article 480 du même code, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche ; le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4 du code de procédure civile, à savoir par les prétentions respectives des parties telles que fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense et sauf sa modification par des demandes incidentes se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Néanmoins, il résulte de l’ancien article 1351 du code civil, applicable à la date des décisions dont l’autorité de chose jugée est invoquée et dont les dispositions sont désormais reprises par l’article 1355 de ce code, que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, qu’il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l’espèce, il ressort du rappel des faits et de la procédure fait par le tribunal de grande instance de Paris dans son jugement du 6 septembre 2011, que :

1) par assignation en date du 12 mai 2009, la société Clavel Fessart avait fait assigner la société Euro ascenseurs devant ce tribunal afin qu’elle soit déclarée responsable des malfaçons et du défaut de marquage CE des quatre ascenseurs, condamnée à payer diverses sommes au titre de frais de remise en état, de réparations temporaires et du remplacement de l’ascenseur d’accueil, condamnée sous astreinte à faire procéder au marquage CE des deux autres ascenseurs et du monte-charge D et condamnée, sous astreinte, à fournir le dossier technique légal de ces trois appareils,

2) par assignation en date du 15 juillet 2009, la société Euro ascenseurs avait fait assigner la société Bureau Véritas devant le même tribunal aux fins de l’appeler en garantie, en demandant, selon ses dernières conclusions, de juger que la société Bureau Véritas avait engagé sa responsabilité, d’exonérer la société Euro ascenseurs de sa responsabilité et de condamner la société Bureau Véritas à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Par son jugement, le tribunal a notamment condamné la société Euro ascenseurs au paiement des divers coûts réclamés par la société Clavel Fessart au titre de l’ascenseur d’accueil, enjoint à société Euro ascenseurs de faire procéder au marquage CE des trois ascenseurs A, C et D, et rejeté l’appel en garantie à l’encontre de la société Bureau Véritas.

Il ressort de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mai 2015 que cette juridiction a confirmé en toutes ses dispositions le jugement rappelé ci-dessus, après avoir considéré

1) que la société Euro ascenseurs était responsable des désordres affectant l’ascenseur B,

2) qu’elle avait manqué à ses obligations contractuelles concernant le marquage CE des trois autres ascenseurs et qu’il convenait de maintenir une exécution en nature de cette obligation, dans la mesure où la demande de condamnation à régler le coût des ascenseurs était prématurée et ne pourrait être envisagée qu’en raison de l’échec de l’astreinte définitive,

3) que la société Bureau Véritas avait procédé aux visites auxquelles elle était tenue et émis des réserves, en sollicitant notamment, pour les quatre ascenseurs, la remise d’un dossier technique complet, qu’elle n’avait jamais entendu délivrer de certification et que la société Euro ascenseurs ne démontrait pas lui avoir transmis le dossier technique exigé par la réglementation pour que le marquage CE soit apposé.

Dans la mesure où la société Bureau Véritas construction vient aux droits de la société Bureau Véritas, le litige actuel oppose les mêmes parties en la même qualité.

La demande en paiement de la somme de 132 298,74 euros présentée par la société Euro ascenseurs à l’encontre de la société Bureau Véritas construction correspond, selon la demanderesse, aux sommes qu’elle a payées à la société Clavel Fessart postérieurement au jugement et à l’arrêt évoqués ci-dessus, « en exécution de la décision rendue par les différents Juges de l’exécution » ; en l’absence d’autres précisions dans les motifs des conclusions, aucun élément ne permet d’identifier la cause de la créance alléguée ; néanmoins, dans la mesure où le juge de l’exécution n’a pas le pouvoir de modifier la décision du juge du fond, la société Euro ascenseurs se réfère en réalité à l’exécution du jugement du 6 septembre 2011 confirmé par l’arrêt du 29 mai 2015, sous le contrôle du juge de l’exécution, et sollicite ainsi la garantie de la société Bureau Véritas construction pour l’exécution des condamnations prononcées au profit de la société Clavel Fessart.

Cette demande est donc identique à celle qui avait été présentée au juge du fond et qui avait été rejetée en première instance puis en appel, sans que la société Euro ascenseurs ne présente au soutien de cette demande aucun moyen de fait ou de droit permettant de considérer que sa demande serait fondée sur des causes distinctes de celles soumises au tribunal de grande instance puis à la cour d’appel de Paris.

La demande de condamnation de la société Bureau Véritas construction à délivrer les attestations de contrôle final est également identique à celle qui avait été soumise successivement à ces deux juridictions, dans la mesure où elle demandait que la société Bureau Véritas la garantisse d’une condamnation en ce sens sollicitée contre elle-même par la société Clavel Fessart.

Cependant, devant le tribunal de commerce de Nanterre puis devant la cour de céans, la société Euro ascenseurs invoque la communication à la société Bureau Véritas construction, par courrier du 27 février 2017, de trois dossiers techniques concernant un ascenseur Sodimas Sodiciel 3 630 kg no02AC2169 D, un ascenseur Sodimas électrique 1 600 kg no02MM2169 A et un ascenseur Sodimas électrique 1 600 kg no02MM2169 C.

Dès lors, la cause n’est pas identique, dans la mesure où la société Euro ascenseurs invoque une démarche accomplie postérieurement à l’arrêt du 29 mai 2015, destinée à satisfaire aux obligations dont la cour avait considéré qu’elles n’étaient pas exécutées mais pouvaient néanmoins l’être encore.

En conséquence, le jugement déféré sera réformé en ce sens que l’action de la société Euro ascenseurs sera déclarée recevable mais uniquement en ce qu’elle tend à tirer les conséquences de faits postérieurs à l’arrêt du 29 mai 2015.

Sur le fond

Il ressort des explications des parties, du jugement du 6 septembre 2011 et de l’arrêt du 29 mai 2015 que l’ascenseur d’accueil, également dénommé ascenseur B, avait été remplacé en raison des désordres qui l’affectaient.

La société Euro ascenseurs est dès lors manifestement mal fondée à demander à la société Bureau Véritas construction d’effectuer un contrôle final de cet appareil permettant d’attester de sa conformité et d’y apposer un marquage CE.

En revanche, par son arrêt du 29 mai 2015, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement qui lui était déféré notamment en ce que celui-ci avait condamné la société Euro ascenseurs à faire procéder au marquage CE prévu par le décret no2000-810 du 24 août 2000 relatif à la mise sur le marché des ascenseurs et transposant la directive 95/16/CE du 29 juin 1995 des trois ascenseurs A, C et D situés dans les locaux de la clinique située [Adresse 2] et à fournir à la société Bureau Véritas, sous forme papier, le dossier technique légal de ces trois appareils.

Il résulte donc du dispositif de cette décision, opposable à la société Bureau Véritas construction qui avait été appelée dans la cause par la société Euro ascenseurs afin d’être garantie d’une éventuelle condamnation en ce sens, qu’à la date du 29 mai 2015 il était possible de procéder au contrôle final des trois appareils désignés par les lettres A, C et D et de délivrer un certificat permettant le marquage CE prévu par les dispositions visées.

Or, selon ces dispositions réglementaires, notamment l’annexe relative au contrôle final, seule la société Bureau Véritas construction est en mesure de procéder à ce contrôle final en réponse à une nouvelle demande de l’installateur faisant suite à un refus d’attestation.

Elle n’invoque dans ses conclusions aucun moyen de droit susceptible de l’avoir libérée de ses obligations contractuelles à l’égard de la société Euro ascenseurs et il importe peu, s’agissant de juger d’une cause postérieure à l’arrêt du 29 mai 2015, qu’il ait été alors jugé qu’elle n’avait, à cette date, pas manqué à ses obligations

Elle a, depuis lors, reçu des dossiers techniques pouvant correspondre à l’obligation pesant sur la société Euro ascenseurs aux termes du dispositif du jugement du 6 septembre 2011.

En l’état, la société Bureau Véritas construction ne se réfère à aucun élément caractérisant l’impossibilité d’attester de la conformité des ascenseurs litigieux aux normes réglementaires, et susceptible de démontrer que le contrôle final auquel elle est contractuellement tenue est nécessairement voué à l’échec. Le moyen dubitatif tiré d’une modification purement éventuelle des normes applicables ne permet pas de caractériser une impossibilité définitive d’exécuter la prestation convenue.

Il convient, en conséquence, de condamner la société Bureau Véritas construction à procéder au contrôle final des appareils A, C et D installés dans la clinique des [Adresse 2], au vu notamment des dossiers techniques transmis par la société Euro ascenseurs concernant un ascenseur Sodimas Sodiciel 3 630 kg no02AC2169 D, un ascenseur Sodimas électrique 1 600 kg no02MM2169 A et un ascenseur Sodimas électrique 1 600 kg no02MM2169 C.

En revanche, en l’absence d’un tel contrôle, la société Euro ascenseurs ne peut solliciter d’ores et déjà la délivrance de l’attestation lui permettant de justifier de la conformité des ascenseurs et de procéder au marquage CE.

Il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise afin de suppléer l’éventuelle carence de la société Bureau Véritas construction dans l’exécution de son obligation contractuelle, et une telle mesure d’instruction qui serait destinée à démontrer la défaillance de la société Bureau Véritas construction est, en l’état, prématurée.

Sur l’abus de procédure

La société Bureau Véritas construction, qui sollicite la confirmation pure et simple du jugement dans le dispositif de ses conclusions, ne critique pas celui-ci en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sa demande en paiement d’une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ne peut donc être fondée que sur un abus de procédure commis dans le cadre de la procédure d’appel.

À ce titre, dans les motifs de ses conclusions, la société Bureau Véritas construction invoque une procédure nouvelle lancée sur une question déjà tranchée et soutient qu’elle serait abusive puisque totalement inutile et vouée à l’échec par avance.

Par nature, l’instance d’appel est une procédure nouvelle sur une question déjà tranchée par le premier juge ; en revanche, l’issue de la présente instance d’appel ne permet pas d’affirmer qu’elle était totalement inutile et vouée à l’échec.

La société Bureau Véritas construction sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et autres frais de procédure

La société Euro ascenseurs et la société Bureau Véritas construction, qui succombent, seront condamnée chacune pour moitié aux dépens de première instance et aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

Selon l’article 700 1o de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Il n’y a pas lieu d’allouer une indemnité au titre des frais exclus des dépens exposés en première instance.

La société Euro ascenseurs et la société Bureau Véritas construction seront condamnées chacune à payer une indemnité de 3 000 euros à la société Clavel Fessart, au titre des frais exclus des dépens exposés devant la cour ; elles seront elles-mêmes déboutées de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Euro ascenseurs de l’ensemble de ses demandes eu égard à l’autorité de chose jugée et condamné cette société aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 4 000 euros à la société Bureau Véritas construction, par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau de ces chefs,

DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de la société Euro ascenseurs tendant au paiement par la société Bureau Véritas construction de la somme de 132 298,74 euros ;

DÉCLARE recevable la demande de la société Euro ascenseurs tendant à la délivrance par la société Euro ascenseurs des attestations de contrôle final des ascenseurs installés au [Adresse 3] ;

DIT n’y avoir lieu à mesure d’expertise ;

DÉBOUTE la société Euro ascenseurs de sa demande concernant l’ascenseur B ;

CONDAMNE la société Bureau Véritas construction à effectuer le contrôle final des ascenseurs A, C et D, au vu notamment des dossiers techniques transmis par la société Euro ascenseurs concernant un ascenseur Sodimas Sodiciel 3 630 kg no02AC2169 D, un ascenseur Sodimas électrique 1 600 kg no02MM2169 A et un ascenseur Sodimas électrique 1 600 kg no02MM2169 C ;

CONDAMNE la société Euro ascenseurs et la société Bureau Véritas construction aux dépens de première instance, partagés entre elles par moitié, et dit n’y avoir lieu à indemnité au titre des frais exclus des dépens exposés en première instance ;

Ajoutant au jugement déféré,

DÉBOUTE la société Bureau Véritas construction de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la société Euro ascenseurs et la société Bureau Véritas construction aux dépens d’appel, partagés entre elles par moitié, ainsi qu’à payer, chacune, une indemnité de 3 000 euros à la société Clavel Fessart, au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d’appel, et les déboute de leur demande à ce titre.

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Monsieur Boubacar BARRY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le Président,


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