Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
DA
Code nac : 56Z
12e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 18 AVRIL 2017
R. G. No 15/ 06551
AFFAIRE :
Philippe X…
…
C/
SASU Global Business Travel France » GBT France » venant aux droits de AMERICAN EXPRESS VOYAGES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 23 Décembre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No Chambre : 05
No Section :
No RG : 2013F02354
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bertrand ROL
Me Magali ROCHEFORT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT AVRIL DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur Philippe X…
de nationalité Française
…
Représentant : Me Bertrand ROL de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617- No du dossier 20150652
Représentant : Me Fanny SACHEL de la SELARL Samman Cabinet d’avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0160-
Monsieur Philippe Y…
de nationalité Française
…
Représentant : Me Bertrand ROL de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617- No du dossier 20150652
Représentant : Me Fanny SACHEL de la SELARL Samman Cabinet d’avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0160-
APPELANTS
****************
SASU Global Business Travel France » GBT France » venant aux droits de AMERICAN EXPRESS VOYAGES
No SIRET : 304 475 338
18, rue des deux gares
92500 RUEIL MALMAISON
Représentant : Me Magali ROCHEFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 566- Représentant : Me Benoît DESCOURS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T04
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Février 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Dominique ROSENTHAL, Président,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
FAITS :
Le 13 mars 2013, la société American express voyages (American express) a convenu avec ses organisations syndicales un accord de méthode en vue de l’adoption d’un plan de sauvegarde de l’emploi pour la compétitivité de l’entreprise visant à externaliser l’activité d’agence de voyages d’affaires associés au transport par le rail, avec un objectif de transfert de 90 % de ses transactions, et au moyen d’un accord de sous-traitance au profit d’une société que des cadres de l’entreprise, dont Messieurs X… et Y…, s’étaient proposés de constituer.
Messieurs X… et Y…, qui avaient transigé les 30 janvier 2009 et 7 août 2009 sur la procédure de licenciement pour faute engagée par la société American express, ont souscrit, avec trois autres associés, au capital de la société Euraxo constituée le 21 juillet 2009, et participé à l’élaboration d’un business-plan ainsi qu’à la négociation avec la société American express du plan d’investissement sur les conditions d’achat des » prestations rail » ayant donné lieu, le 16 novembre 2009, à un accord de la société American express pour la fourniture à la société Euraxo des prestations de services avec un minimum de facturation de 4 565 000 euros.
Après avoir enregistré une perte de 39 624 euros au 31 décembre 2010, puis vu diminuer le volume de ses transactions, la société Euraxo a été mise en sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 13 septembre 2011, puis la procédure a été convertie en redressement judiciaire le 21 février 2012 avant que la cession de la société ne soit décidée le 10 juillet 2012 à la société TCA, puis sa liquidation judiciaire prononcée le 19 juin 2012, et le licenciement de Messieurs X… et Y… ordonné le 6 juillet 2012.
Estimant que la société American express avait manqué à ses engagements mentionnés à l’accord de méthode sur le volume des affaires devant être sous-traitées par la société Euraxo et provoqué sa déconfiture et en conséquence la perte des moyens qu’ils avaient investis et les revenus qu’ils en attendaient, Messieurs X… et Y… ont assigné le 21 mai 2013 la société American express devant le tribunal de commerce de Nanterre en dommages et intérêts.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 23 décembre 2014 qui a :
– dit Messieurs X… et Y… recevables en leur action,
– dit que la société American express voyages n’a commis aucune faute au sens des articles 1382 et 1383 du code civil,
– débouté Messieurs X… et Y… de leur demande en réparation de préjudice financier et moral,
– condamné Messieurs X… et Y… à payer in solidum à la société American express la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant du surplus,
– condamné Messieurs X… et Y… aux dépens ;
Vu l’appel interjeté le 15 septembre 2015 par Messieurs X… et Y… ;
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Vu les conclusions transmises par le RPVA le 1er février 2016 pour Messieurs X… et Y…, aux fins de voir, au visa des articles 1382 et 1383 du code civil :
– dire l’appel de Messieurs X… et Y… recevable,
– confirmer le jugement en ce qu’il a dit de Messieurs X… et Y… recevables en leur action,
– réformer le jugement en ce qu’il a débouté Messieurs X… et Y… de leurs demandes d’indemnisation,
– constater que la société American express a engagé sa responsabilité délictuelle envers Messieurs X… et Y…,
– constater que le Tymen et Y… souffrent chacun de préjudices moral et matériel du fait des fautes commises par la société American express voyages,
– constater l’existence d’un lien de causalité entre les fautes de la société American express et le préjudice subi par le Tymen et Y…,
– condamner la société American express au paiement de la somme de 252 936 euros en réparation des préjudices moral et matériel de Monsieur X…,
– condamner la société American express au paiement de la somme de 284 310 euros en réparation des préjudices moral et financier de Monsieur Y…,
– débouter la société American express de toutes ses demandes et fins de non-recevoir et conclusions,
– condamner la société American express aux dépens qui seront recouvrés par Maître Rol, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
– condamner la société American express voyages à verser à Messieurs X… et Y… la somme de 20 000 euros chacun au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
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Vu les conclusions transmises par le RPVA le 3 décembre 2015 pour la société Global business travel France (GBT), anciennement American express voyages, aux fins de voir, au visa des articles 9, 31, 32 et 122 du code de procédure civile, 2044 et suivants du code civil, 1382, 1383 et 1832 du code civil :
– dire les demandes de la société GBT recevables et bien fondées,
– constater l’existence d’une clause de renonciation à instance et action stipulée dans les protocoles d’accord transactionnels respectivement conclus par Messieurs X… et Y… avec la société American express,
– dire que Messieurs X… et Y… sont dépourvus d’intérêt à agir à l’encontre de la société GBT,
– dire et juger que les demandes formées par Messieurs X… et Y… sont purement et simplement irrecevables,
– dire que la société American express n’a commis aucun manquement contractuel dans l’exécution du contrat de prestations de services du 16 novembre 2009 susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard de la société Euraxo,
– dire que la société American express n’a commis aucune faute délictuelle susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard de Messieurs X… et Y…,
– débouter Messieurs X… et Y… de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner solidairement Messieurs X… et Y… à verser chacun à la société GBT France la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Rochefort, en application des dispositions de l’article 699 du même code ;
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Vu l’ordonnance de clôture du 24 novembre 2016 ;
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
1. Sur la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la transaction
Considérant que pour conclure à l’irrecevabilité de l’action de Messieurs X… et Y…, la société American express affirme qu’ils réclament l’indemnisation » de l’abandon de leurs rémunérations chez American Express Voyages, de la perte de leurs indemnités de départ d’American Express Voyages, de la perte de chance de bénéficier d’un meilleur salaire et l’absence de poursuite d’une belle carrière en tant que salariés d’American Express Voyages « , et soutient que ces prétentions sont éteintes en suite de l’autorité définitive attachée aux transactions des 30 janvier et 7 août 2009 suivant lesquelles il a été convenu : » considérant n’avoir plus aucune réclamation à formuler à l’encontre d’American Express Voyages, Messieurs X… et Y… ont irrévocablement et définitivement [renoncé] expressément à tous droits, instances et actions, présents ou futurs relatifs à la conclusion, à l’exécution ou la rupture de [leur] contrat de travail et plus généralement à tous droits quels qu’en soient la nature, le fondement ou la cause qu'[ils pourraient] faire valoir à l’encontre de la société American Express Voyages » ;
Mais considérant d’une première part, que celles des stipulations des transactions abstraites et générales pour le renoncement futur à tout droit d’agir sont illicites ;
Que de seconde part, aux termes de leurs conclusions, Messieurs X… et Y… reprochent à la société American express son manquement à ses engagements à l’accord de méthode lors de la négociation du contrat de sous-traitance ainsi que dans la poursuite de l’activité de la société Euraxo ayant conduit à sa déconfiture, et prétendent à des dommages et intérêts représentant la perte des sommes qu’ils y ont investies, de la perte de leur rémunération qu’ils en espéraient ainsi que leur préjudice moral, ce dont il résulte que leur action et les faits qui la soutiennent sont distincts de la cause et de l’objet de la transaction visant à éteindre les suites des procédures de licenciement engagées pour faute à leur encontre ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré l’action recevable.
2. Sur la responsabilité civile dans la création et la disparition de la société Euraxo
Considérant que pour voir infirmé le jugement et soutenir que la société American express est à l’origine des vices dans la négociation pour la constitution de la société Euraxo, du déclin de son activité et des préjudices qui en sont résultés pour eux, Messieurs X… et Y… invoquent le bénéfice des engagements de l’accord de méthode qui prévoyait la création d’une structure externe dotée de deux sites en région parisienne et à Poitiers pour l’emploi de 150 salariés, et pour laquelle il était prévu la conclusion d’un contrat de sous-traitance avec pour objectif, à terme, le transfert d’environ 90 % de ses transactions rail ; que ces engagements ont été réaffirmés à l’ensemble des salariés de l’entreprise dans une communication de son directeur général le 14 mai 2009, de son directeur des ressources humaines le 29 juillet 2009 et encore par des communiqués de presse de novembre 2009 à avril 2010 ; que l’engagement sur les volumes d’activité devant être transférée avait enfin été confirmé par un tableau que le directeur de gestion de projets Europe de la société American express a adressé le 19 octobre 2009 à Monsieur X… et prévoyant sur la période fin 2009-2010, la migration de 904500 transactions puis sur l’année 2011, 1219547, soit 39 % du total des transactions rail de la société American express ;
Que Messieurs X… et Y… prétendent avoir pu bénéficier de ces engagements alors qu’ils appartenaient au nombre des cinq cadres de direction désignés à l’accord de méthode et qui avaient offert de constituer la société dédiée au partenariat pour le transfert de cette activité, tandis qu’ils étaient encore dans l’entreprise lorsqu’ils ont constitué la société Euraxo ;
Que malgré ces engagements, la société American express ne les a pas repris dans le contrat de sous-traitance signé le 16 novembre 2009, alors que tous les coûts d’infrastructure et de recrutement avaient été déterminés au regard du volume de transactions arrêté et que la société American express avait imposé ces deux sites pour assurer la continuité du service, notamment en cas de panne informatique sur l’un des sites ; que pour le premier exercice clos le 31 décembre 2010, le nombre de transactions confiées à la société Euraxo est ressorti à 519 927, soit moins du tiers des prévisions, et que sur l’année 2001, seules 298 000 transactions lui ont été dévolues avant sa mise sous sauvegarde judiciaire ; qu’ils reprochent enfin à la société American express d’avoir détourné des transactions au travers de la marque aXcent qu’elle a créée ainsi que par la sous-traitance de ces prestations au Maroc en 2013 ; qu’enfin, en réplique aux griefs de la société American express sur la qualité des prestations et les anomalies dans la facturation qu’elle lui avait dénoncées entre avril 2010 et 2012, la société Euraxo expose avoir entrepris les mesures correctives et ne pas avoir été tenue à une obligation de résultat sur les objectifs ;
Mais considérant en premier lieu, que l’accord de méthode adopté dans les conditions des articles L. 2242-16 et L. 1233-22 du code du travail, dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi no2012-387 du 22 mars 2012, a pour objet d’anticiper le plan de sauvegarde pour l’emploi adopté au profit des seuls salariés licenciés pour motif économique, et dont Messieurs X… et Y… étaient exclus pour avoir transigé à la procédure de licenciement pour faute ;
Et considérant en second lieu, que l’accord de méthode de la société American express se limite à présenter » les cinq actuels et anciens cadres de direction du groupe American express » sous le seul angle de » leur souhait d’être partenaire » de la société dans le cadre d’un accord de sous-traitance ; qu’il projette au conditionnel, les volumes de transfert de prestations associées aux voyages par rail dont se prévalent Messieurs X… et Y… ; qu’enfin, il se termine avec la réserve que » le plan est susceptible d’être modifié sur la base d’analyses complémentaires, du rythme de développement de l’activité et des candidatures des collaborateurs d’American express voyages pour rejoindre la nouvelle structure ;
Qu’il en résulte que, anciens cadres de direction de la société American express, Messieurs X… et Y… n’ont pu se méprendre sur le refus de la société American express de négocier et d’intégrer à l’accord de sous-traitance des prestations, une condition relative au nombre et au rythme des prestations des affaires à transférer, de sorte qu’aucun fait fautif ne peut être imputé à la société American express, et qu’aucun lien de causalité ne peut être établi entre l’accord de méthode négocié avec les organisations syndicales et les pertes personnelles et financières de Messieurs X… et Y… dans la constitution puis la conduite de l’activité de la société dont ils étaient actionnaires ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Messieurs X… et Y… de leur demande.
3. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que Monsieur X… et Y… succombent dans leur action, en sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens, tandis qu’en cause d’appel, il est équitable de les condamner à payer à l’intimée la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
Contradictoirement,
Constate l’intervention de la société Global business travel France au lieu et place de la American express voyages ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum Monsieur X… et Monsieur Y… à payer à la société Global business travel France la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Les condamne aux dépens d’appel dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et Signé par Madame Dominique Rosenthal, Président, et Monsieur Alexandre Gavache, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président