Vêtement-concept : les limites de l’originalité

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Vêtement-concept : les limites de l’originalité
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Les éléments qui constituent une composition apposés sur des vêtements pour bébé ont été jugés banals. En effet, le texte ‘je suis né à’, l’écriture cursive pour caractériser l’enfance, l’emploi du rose pour une petite fille et du bleu pour un petit garçon pour distinguer le genre, la typographie employée, en soi, ne présentent pas d’originalité.

Originalité inexistante

Ces éléments pris dans leur ensemble, c’est à dire l’association entre la mention ‘je suis né’ dans une forme scripturale évoquant l’enfance avec l’emploi de la couleur rose ou bleue et la désignation d’un établissement hospitalier exprimée dans une graphie et une couleur plus ‘strictes’ (couleur bleue nuit ; typographie ‘rigide’), s’ils mettent en perspective, voire en opposition, le monde de l’enfance par nature insouciant et la rigueur d’une mention administrative d’origine, ne suffisent pas à révéler l’expression de la personnalité de l’auteur et de sa sensibilité, insuffisamment établie à cet égard pour révéler une création intellectuelle propre à cet auteur.

La protection des oeuvres

Pour rappel, l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

Ce droit appartient, en application de l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute ‘uvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

En vertu de l’article L.112-2 8° du code de la propriété intellectuelle, sont considérées notamment comme ‘uvres de l’esprit au sens de ce code, les ‘uvres graphiques et typographiques.

La protection est acquise à l’auteur d’une oeuvre de l’esprit sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable.

Il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue afin de permettre à celui qui remet en cause ce droit de le contester utilement.

A cet égard, si une combinaison d’éléments connus ou naturels n’est pas a príori exclue de la protection du droit d’auteur, il convient que la description qui en est faite soit suffisamment précise pour limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée opposable à tous sans s’étendre à un genre insusceptible d’appropriation.

Enfin, l’originalité requise, condition de la protection au titre du droit d’auteur, est indépendante de la notion de nouveauté.

L’oeuvre doit être extériorisable c’est à dire perceptible par un tiers, ce qui exclut l’idée qui est de libre parcours. Sa forme doit être claire, précise et objective sans pour autant devoir être fixée sur un support déterminé pour être appropriable.

L’originalité d’une oeuvre se caractérise par une démarche propre de son auteur reflétant un choix arbitraire portant l’empreinte de sa personnalité exprimant ainsi un effort créatif.

Cette originalité doit, le cas échéant, être appréciée dans son ensemble au regard de la combinaison des différents éléments même banals qui la composent.

L’alternative de la concurrence déloyale

Toutefois, en cas de reprise d’éléments identiques, il existe un risque de confusion qui peut être sanctionné par l’action en concurrence déloyale.

En l’occurrence,  il existait un risque de confusion entre l’offre commerciale proposée par la société Killarney, et le motif figurant sur la layette vendue par l’association Hôpital Foch. Celle-ci a copié ou s’est à tout le moins très largement inspirée, à titre lucratif et de manière injustifiée, de l’offre commerciale de la société Killarney, profitant ainsi de son travail sans bourse délier, et s’est placée indûment dans son sillage.


 

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 3CZ

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 FEVRIER 2023

N° RG 21/03099 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UQDG

AFFAIRE :

S.A.R.L. KILLARNEY

C/

ASSOCIATION DE L’HOPITAL FOCH

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 18/10504

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT

Me Martine DUPUIS

TJ NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. KILLARNEY

RCS Dax n° 814 251 096

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Oriane DONTOT de l’AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Eric JUNCA de la SELARL JUNCA & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 410

APPELANTE

****************

ASSOCIATION DE L’HOPITAL FOCH

N° SIREN : 408 457 299

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me ROUART substituant à l’audience Me Hermance MERGER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0242

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Killarney (la société Killarney) a été créée en octobre 2015, spécialisée dans la distribution de produits de soin, d’hygiène, de cosmétologie, de puériculture, et de produits textiles, notamment de type layette. Elle a fait l’acquisition d’une marque française verbale « NÉ À » n°4138259, déposée le 1er décembre 2014.

L’Association Hôpital Foch, créée en1929 et reconnue d’utilité publique, exploite un hôpital privé universitaire comprenant une maternité.

Le 13 avril 2016, la société Killarney a remis à l’Association Hôpital Foch une offre commerciale de partenariat portant sur la vente de divers produits textiles, produits de soins et d’hygiène avec la mention ‘Né à [Adresse 5]’ ou ‘Née à [Adresse 5]’ selon la présentation suivante dénommée ‘composition’ par la société Killarney (ci-après la Composition) :

Le 21 novembre 2016, l’Association Hôpital Foch a décliné cette offre.

La société Killarney aurait découvert en 2018 la commercialisation par l’Association Hôpital Foch d’un vêtement de type layette portant l’inscription ‘Je suis né à [Adresse 5]’, reproduisant la Composition de la société Killarney au moment de l’offre de partenariat.

Le 15 mars 2018, la société Killarney a mis en demeure l’Association Hôpital Foch de cesser la commercialisation de ces produits.

Par actes des 30 octobre et 15 novembre 2019, la société Killarney a assigné l’Association Hôpital Foch devant le tribunal de grande instance de Nanterre en contrefaçon de droit d’auteur ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

— Déclaré irrecevable l’action en contrefaçon de droit d’auteur présentée par la SARL Killarney ;

— Rejeté les demandes de la société Killarney au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

— Rejeté la demande de la société Killarney au titre des frais irrépétibles ;

— Condamné la société Killarney à payer à l’Association Hôpital Foch la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné la société Killarney à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés directement par Me Hermance Merger conformément l’article 699 du code de procédure civile ;

— Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 14 mai 2021, la société Killarney a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 10 août 2021, la société Killarney demande à la cour de :

— Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 4 mars 2021 en ce qu’il a :

— Déclaré irrecevable l’action en contrefaçon de droit d’auteur présentée par la société Killarney ;

— Rejeté les demandes de la société Killarney au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

— Rejeté la demande de la société Killarney au titre des frais irrépétibles ;

— Condamné la société Killarney à payer à l’Association Hôpital Foch la somme de trois mille euros (3.000 €) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné la société Killarney à supporter les entiers dépens de l’instance ;

Et statuant à nouveau,

— Condamner l’Association Hôpital Foch à payer la somme de 30.000 € en indemnisation du préjudice matériel subi par la société Killarney au titre des actes de contrefaçon de droit d’auteur;

— Condamner l’Association Hôpital Foch à payer la somme de 30.000 € en indemnisation du préjudice moral subi par la société Killarney au titre des actes de contrefaçon de droit d’auteur ;

— Interdire à l’Association Hôpital Foch, la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte de 100 € par infraction constatée, 8 jours après le prononcé de la décision sollicitée ;

— Condamner l’Association Hôpital Foch à payer la somme de 20.000 € en indemnisation du préjudice matériel subi par la société Killarney au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

— Condamner l’Association Hôpital Foch à payer la somme de 20.000 € en indemnisation du préjudice moral subi par la société Killarney au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

— Interdire à l’Association Hôpital Foch, la poursuite d’actes déloyaux et parasitaires sous astreinte de 100 € par infraction constatée, 8 jours après le prononcé de la décision sollicitée ;

— Condamner l’Association Hôpital Foch à payer la somme de 20.000 € à la société Killarney en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner l’Association Hôpital Foch aux entiers frais et dépens au profit de Me Dontot, SELARL JRF Avocats en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 9 novembre 2021, l’Association Hôpital Foch demande à la cour de :

— Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 4 mars 2021 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

— Déclarer irrecevable l’action en contrefaçon de droit d’auteur présentée par la société Killarney ;

— Rejeter les demandes de la société Killarney au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

— Condamner la société Killarney à payer à l’Association Hôpital Foch la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Subsidiairement,

— Débouter la société Killarney de toutes ses demandes au titre de la contrefaçon et au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

En tout état de cause,

— Condamner la société Killarney à payer à l’Association Hôpital Foch la somme de 8.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner la société Killarney aux dépens et autoriser la SELARL Lexavoué Paris-Versailles agissant par Me Martine Dupuis à les recouvrer par application de l’article 699 du même code.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 septembre 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la contrefaçon de droit d’auteur

La société Killaney critique le jugement en ce qu’il a requalifié avec imprécision les faits qui lui ont été présentés, ce qui l’aurait conduit à modifier l’objet et les faits du litige et à appliquer les mauvais fondements juridiques. Elle fait valoir qu’elle bénéficie incontestablement de la présomption de titularité des droits d’auteurs sur la Composition litigieuse à l’égard de l’Association Hôpital Foch. Elle revendique l’originalité de sa Composition graphique qui réside dans le choix de couleurs définies avec l’utilisation d’une police cursive en opposition avec le choix d’un bleu marine strict accompagné de barres horizontales centrées pour le nom de l’établissement et le nom de la ville, l’ensemble illustrant l’intégralité du concept.

L’ Association Hôpital Foch conteste le caractère original de la Composition. Elle fait valoir que la forme revendiquée se trouve être l’expression de l’idée, synonyme de concept, d’associer les termes « né à » à une clinique de sorte qu’elle est de libre parcours et n’est pas protégeable. Elle expose que la disposition des mots, les couleurs choisies et la calligraphie, dans leur ensemble, ne sauraient être originales, la société Killarney revendiquant en réalité un ‘concept’, autrement dit, une idée, laquelle n’est pas protégeable. Elle fait valoir que le choix des couleurs, rose pour les filles et bleu pour les garçons, est d’une grande banalité et en grand usage dans les articles de layette pour nouveaux nés. Elle sollicite la confirmation du jugement qui a déclaré la société Killarney irrecevable en son action en contrefaçon, par application des articles 31 et suivants et 122 du code de procédure civile.

*

Sur la recevabilité de l’action

Ainsi que les premiers juges l’ont rappelé, en vertu des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir étant irrecevable.

Conformément à l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend a faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

Ce droit appartient, en application de l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute ‘uvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

En vertu de l’article L.112-2 8° du code de la propriété intellectuelle, sont considérées notamment comme ‘uvres de l’esprit au sens de ce code, les ‘uvres graphiques et typographiques.

La protection est acquise à l’auteur d’une oeuvre de l’esprit sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable.

Il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue afin de permettre à celui qui remet en cause ce droit de le contester utilement.

A cet égard, si une combinaison d’éléments connus ou naturels n’est pas a príori exclue de la protection du droit d’auteur, il convient que la description qui en est faite soit suffisamment précise pour limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée opposable à tous sans s’étendre à un genre insusceptible d’appropriation.

Enfin, l’originalité requise, condition de la protection au titre du droit d’auteur, est indépendante de la notion de nouveauté.

L’oeuvre doit être extériorisable c’est à dire perceptible par un tiers, ce qui exclut l’idée qui est de libre parcours. Sa forme doit être claire, précise et objective sans pour autant devoir être fixée sur un support déterminé pour être appropriable.

L’originalité d’une oeuvre se caractérise par une démarche propre de son auteur reflétant un choix arbitraire portant l’empreinte de sa personnalité exprimant ainsi un effort créatif.

Cette originalité doit, le cas échéant, être appréciée dans son ensemble au regard de la combinaison des différents éléments même banals qui la composent.

*

La présomption de titularité revendiquée par la société Killarney n’est pas contestée par l’Association Hôpital Foch.

Selon la société Killarney (pages 12 et 13 de ses écritures), la Composition serait constituée d’un bloc dont l’originalité réside tant dans le concept qui la sous-tend que dans la forme adoptée, ainsi :

‘La partie supérieure de la composition graphique (ci-après Bloc Supérieur) joue sur la corde de l’émotion et l’écriture cursive, qui rappelle l’enfance, illustre la forte dimension affective attachée à une naissance, tant pour l’enfant que pour les parents.

Le choix des couleurs, rose pour les filles et bleu pour les garçons, fait écho à une tradition d’association de couleurs profondément ancrée dans l’inconscient collectif. Pris dans leur ensemble, l’écriture et les couleurs illustrent la dimension affective du concept et donc la caution émotionnelle.’

‘La partie inférieure de la composition graphique (ci-après Bloc Inférieur) d’un bleu marine strict symbole de sérieux, accompagné de barres horizontales centrées vient apposer, tel un tampon encreur, le nom de l’établissement et le nom de la ville, pour à cet effet cristalliser la caution médicale et illustrer le gage de sérieux et de confiance.’

‘L’originalité du concept ‘née à’ réside dans la mise en scène, sur des produits dermo-cosmétiques et textiles de très haute qualité, de la double caution portée par le nom d’une maternité :

— La caution émotionnelle : Une personne conserve généralement une attache avec le lieu qui l’a vu naître ou le lieu où elle a donné naissance et à cet effet, la clinique ou l’hôpital est véritablement porteur d’une forte dimension affective ;

— La caution médicale : Pour une future ou jeune maman, choisir un établissement d’accouchement n’est jamais anodin et repose, en plus de la situation géographie (sic) sur des critères de réputation, de sérieux et sur la confiance professionnelle et médicale que peut dégager un établissement.

L’originalité de la Composition réside dans sa capacité à illustrer d’un seul bloc, l’intégralité du concept original pré-exposé.’ ainsi :

— Le choix, pour illustrer le Bloc Supérieur, de couleurs définies (rose pour les filles, bleu pour les garçons) et d’une police cursive destinée à jouer sur la corde de l’émotion, la forte dimension affective attachée à une naissance et ainsi mettre en scène la caution émotionnelle ;

— Le choix, pour illustrer le Bloc Inférieur, d’un bleu marine strict symbole de sérieux, accompagné de barres horizontales centrées venant apposer, tel un tampon encreur, le nom de l’établissement et le nom de la ville, pour à cet effet cristalliser la caution médicale ;

— La superposition des Bloc Supérieur et Bloc Inférieur précités pour illustrer d’une traite l’intégralité du concept et la double caution portée par le nom d’une clinique.’

Ainsi que les premiers juges l’ont retenu, cette description supportée par des photographies (Pièce 8 b – Killarney) est suffisante à déterminer le périmètre des droits revendiqués en ce qu’elle précise les éléments objectifs qui permettent de l’identifier (texte, couleurs, typographie, mise en place,…) et les éléments subjectifs qui permettent de la comprendre (‘caution émotionnelle’, ‘caution médicale’).

Les éléments qui constituent cette Composition sont banals ainsi que les premiers juges l’ont constaté. En effet, le texte ‘je suis né à’, l’écriture cursive pour caractériser l’enfance, l’emploi du rose pour une petite fille et du bleu pour un petit garçon pour distinguer le genre, la typographie employée, en soi, ne présentent pas d’originalité.

Ces éléments pris dans leur ensemble, c’est à dire l’association entre la mention ‘je suis né’ dans une forme scripturale évoquant l’enfance avec l’emploi de la couleur rose ou bleue et la désignation d’un établissement hospitalier exprimée dans une graphie et une couleur plus ‘strictes’ (couleur bleue nuit ; typographie ‘rigide’), s’ils mettent en perspective, voire en opposition, le monde de l’enfance par nature insouciant et la rigueur d’une mention administrative d’origine, ne suffisent pas à révéler l’expression de la personnalité de l’auteur et de sa sensibilité, insuffisamment établie à cet égard pour révéler une création intellectuelle propre à cet auteur.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable la société Killarney dans son action en contrefaçon de droit d’auteur pour défaut d’originalité de l’oeuvre revendiquée.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

La société Killarney sollicite également la réparation d’un préjudice qu’elle allègue au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. Elle critique le jugement qui, pour écarter sa demande en concurrence déloyale et parasitaire, n’aurait pas recherché (i) si l’intimée avait commis une faute distincte de la contrefaçon et (ii) se serait fondé sur une absence de concurrence entre les parties. Elle expose que l’Association Hôpital Foch, a manqué à l’obligation de loyauté qui doit présider aux relations commerciales, a créé un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle en commercialisant un produit identique et s’est immiscée dans son sillage afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts intellectuels et financiers.

L’Association Hôpital Foch conteste toute déloyauté, risque de confusion ou parasitisme. Elle fait valoir que sous couvert d’une faute distincte de la contrefaçon, la société Killarney fonde sa demande sur des faits identiques à ceux qu’elle invoque à l’appui de sa demande en contrefaçon.

*

Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

*

L’action en contrefaçon de la société Killarney n’étant pas accueillie, son action en concurrence déloyale et parasitaire peut reposer sur l’allégation de faits distincts ou non de ceux ayant fondé son action en contrefaçon.

En l’espèce, l’Association Hôpital Foch ne conteste pas avoir commercialisé de la layette avec le motif suivant:

Ce qui est confirmé par les attestations versées par la société Killarney et non contestées (pièces 11, 12 et 14 – Killarney) accompagnées de photographies et de factures d’achat (vente du 1er mars 2018 au prix de 10 € TTC ; vente du 13 mars 2018 au prix de 10 € TTC) de bodies destinés à un garçon ou à une fille sur lesquels sont imprimés la composition prétendument déloyale.

Selon la société Killarney, la déloyauté de l’Association Hôpital Foch se déduirait de la chronologie des relations entre les parties.

La proposition commerciale de celle-là date du 13 avril 2016, avec une première relance du 29 juin 2016, une réponse d’attente du même jour, une nouvelle relance du 21 novembre 2016 et un refus d’y donner suite du même jour alors que l’Association Hôpital Foch commercialisera les produits querellés peu de temps après en 2017.

Il apparaît que l’Association Hôpital Foch a fait croire à la société Killarney qu’elle n’était pas intéressée par sa proposition commerciale alors que quelque mois plus tard elle commercialisait des produits qui s’en inspiraient directement par la reprise de l’écriture, des couleurs, de la typographie avec l’ajout de ‘je suis’ à ‘né à ‘ pour tenter de masquer l’imitation servile, comportement caractéristique de la déloyauté et du parasitisme.

En effet, il existe, au vu des éléments ci-dessus rappelés et de l’adoption de la même disposition de ces éléments, un risque de confusion entre l’offre commerciale proposée par la société Killarney, et le motif figurant sur la layette vendue par l’association Hôpital Foch.

Celle-ci a copié ou s’est à tout le moins très largement inspirée, à titre lucratif et de manière injustifiée, de l’offre commerciale de la société Killarney, profitant ainsi de son travail sans bourse délier, et s’est placée indûment dans son sillage.

Elle a ainsi commis une faute dont elle doit réparation.

La société Killarney sollicite la condamnation de l’association Hôpital Foch à une somme de 20.000 € au titre du préjudice matériel. Elle fait valoir qu’elle a exposé des dépenses de l’ordre de 41.200 € (sa pièce 40) notamment au titre d’une étude de marché, de l’élaboration du concept, de sa réalisation graphique et de la recherche d’un approvisionnement ‘made in France’, dépenses dont l’association Hôpital Foch a fait l’économie. Elle fait valoir un risque de confusion avec ses propres produits. Elle revendique également un préjudice moral.

— le préjudice matériel

La société Killarney établit que l’association Hôpital Foch a commercialisé les produits objets d’une concurrence déloyale dès le début de l’année 2017 et jusqu’au 15 mars 2018. La société Killarney ne rapporte pas la preuve d’une commercialisation postérieure à cette date correspondant à la mise en demeure de son conseil d’avoir à cesser toute commercialisation.Il s’en déduit que certes l’association Hôpital Foch a indument profité des investissements réalisés par la société Killarney mais sur une courte période et pour des quantités commercialisées modestes.

En effet, sur cette période, la cour retient un chiffre d’affaires réalisé grâce à la vente de pièces litigieuses de 2.014 € HT arrondi (139 € HT x 14,5 mois), l’attestation du directeur des finances (pièce 5 – Hôpital Foch) indiquant un chiffre d’affaires de 1.666,66 € HT pour l’année 2017 soit 139 € par mois (arrondi).

En considération des éléments portés aux débats, la cour condamnera l’Association Hôpital Foch à verser à la société Killarney la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par cette dernière au titre du comportement déloyal et parasitaire de la première.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

— le préjudice moral

La société Killarney réclame une indemnité de 20.000 € sans en justifier de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande.

Sur l’interdiction de poursuivre les actes déloyaux

Il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande de la société Killarney d’interdiction de poursuivre les actes déloyaux qui est sans objet, la réitération de ces actes après le 15 mars 2018 n’étant pas établie.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

L’Association Hôpital Foch qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

L’Association Hôpital Foch sera condamnée à la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 4 mars 2021, en ce qu’il a déclaré

irrecevable l’action en contrefaçon de droit d’auteur de la société Killarney,

Infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau

Condamne l’Association Hôpital Foch à verser à la société Killarney la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

Rejette toutes autres demandes,

Y ajoutant,

Condamne l’Association Hôpital Foch aux dépens de première instance et d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne l’Association Hôpital Foch à verser à la société Killarney la somme de 3.000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, le président,


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