Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AFFAIRE : N RG 04/01731 Code Aff. : JLR/LE ARRÊT N ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes de SAINT-PIERRE en date du 08 Octobre 2004 COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 21 MARS 2006 APPELANTE : Société S.E.H.C.S. 52,boulevard hubert Delisle 97410 ST PIERRE Représentant : selarl AMODE-ANDRE ROBERT-RAFFI (avocat au barreau de ST PIERRE) INTIME : Monsieur Max X… 59, boulevard du Maréchal JUIN 06800 CAGNES SUR MER Représentant : Me Eric Pierre POITRASSON (avocat au barreau de SAINT PIERRE) DÉBATS : En application des dispositions de l’article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2005, en audience publique devant M. Jean-Luc RAYNAUD, Conseiller chargé d’instruire l’affaire, assisté de Marie Josée BOYER, Greffier, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 22 novembre 2005 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 13 décembre 2005 puis au 14 mars 2006 et enfin au 21 MARS 2006 Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Président
:
:
Jean-Luc RAYNAUD, Conseiller
:
Christian FABRE, Qui en ont délibéré ARRÊT :mise à disposition des parties le 21 MARS 2006 * * * LA COUR :FAITS ET PROCÉDURE:
1- En date du 8 décembre 2000, l’assemblée générale ordinaire de la société d’exploitation hôtelière du casino du sud (S.E.H.C.S) a nommé Max X…, actionnaire depuis le 29/09, en qualité d’administrateur pour une durée de 4 ans, 10 mois et 10 jours, son mandat venant ainsi à expiration le jour anniversaire de ses 70 ans; Lors de sa réunion du 14 décembre 2000, le conseil d’administration l’a nommé directeur général, et fixé sa rémunération à « 35.000 francs net mensuel à compter du 01 décembre »;
Lors de sa réunion du 8 juin 2001, le conseil a pris acte de la démission de Max X… de sa fonction de directeur général et dit qu’il exercerait celle de directeur des jeux selon les termes d’un contrat de travail conclu le même jour;
Selon ledit contrat, l’intéressé était embauché, pour une durée indéterminée à compter du 8 juin 2001, en cette qualité, moyennant une rémunération forfaitaire de 34.984,97 francs net par mois; un nouveau directeur général était nommé en ses lieu et place;
Le 4 février 2003, il a été nommé directeur général délégué pour la durée restant à courir de son mandat d’administrateur, avec une rémunération de 6 .740,76 ç brut par mois;
La décision du conseil d’administration, en date du 14 août 2003, le révoquant de ses fonctions d’administrateur et de directeur général délégué lui a été notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 août 2003;
2- Par déclaration reçue le 18 septembre 2003, Max X… a saisi la formation de référé du conseil des prud’hommes de Saint Pierre de demandes en paiement de son salaire d’août 2003 et d’une indemnité
compensatrice de préavis, de remise du bulletin de salaire correspondant, de l’attestation destinée à l’ASSEDIC et du reçu pour solde de tout compte et de rectification de son certificat de travail;
Il en a été débouté par une ordonnance du 29 septembre 2003 de laquelle il a relevé appel le 21 octobre 2003 par déclaration faite au greffe du conseil; l’instance est actuellement pendante devant la Cour de céans;
3- Par jugement du 8 octobre 2004, le Conseil des prud’hommes de Saint Pierre, section Encadrement, a condamné la S.E.H.C.S:
– à payer à Max X… les sommes de:
* 6.740,76 ç au titre de son salaire d’août 2003;
* 80.889,12 ç à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
* 20.222,28 ç d’indemnité compensatrice de préavis;
1.000 ç en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile;
– à lui remettre son bulletin de paye du mois d’août 2003, l’attestation destinée à l’ASSEDIC et le certificat de travail rectifiés, sous astreinte de 100 ç par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la notification de son jugement;
Max X… étant débouté de ses autres demandes, et la S.E.H.C.S de sa demande reconventionnelle;
Par déclaration faite au greffe le 11 octobre 2004, ladite société a relevé appel, dans les formes et délai légaux, de ce jugement, avant même d’en avoir reçu notification (14/10);
EXPOSÉ DU LITIGE:
La S.E.H.C.S demande d’abord à la Cour de constater qu’aucun contrat de travail n’a été « valablement et régulièrement » conclu entre elle et l’intimé et, subsidiairement, de dire que celui ci ne justifie pas d’une ancienneté de services continus supérieure à 2 ans; contestant qu’il ait subi, du fait de la rupture, le moindre préjudice, elle conclut au mal fondé des demandes adverses et surtout de celle, qualifiée « d’exorbitante », de dommages intérêts; elle demande encore de dire que X… sera tenu de lui rembourser les sommes qui ont pu lui être versées en exécution du jugement déféré;
Elle sollicite enfin la condamnation de la partie adverse au paiement d’une somme de 2.000 ç compte tenu des frais irrépétibles qu’elle a du exposer pour la défense de ses intérêts;
Max X… conclut à la confirmation du jugement sur les condamnations prononcées à son profit mais à son infirmation pour le surplus;
Il sollicite principalement la condamnation de la S.E.H.C.S au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés de 2.696 ç, d’une indemnité conventionnelle de licenciement de 2.246,92 ç, et d’une somme de 228.673 ç à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Subsidiairement, il demande à la Cour de dire et juger que la rupture de son mandat social est intervenue sans que les droits de la défense aient été respectés et « sans justes motifs objectifs matériellement vérifiables » et de condamner son ex employeur au paiement d’une somme de 223.615,92 ç à titre de dommages intérêts, outre 2.000 ç sur le fondement de l’article 700 précité;
Il soutient, en substance:
– qu’il a été embauché le 01 décembre 2000, soit avant sa nomination en qualité d’administrateur, comme directeur général salarié;
– que son contrat de travail n’a jamais été suspendu, a fortiori
rompu, avant le 13 août 2003, nonobstant les modifications apportées à son fonction et à son mode de rémunération;
– que la délibération le révoquant de sa fonction de directeur général délégué a été prise au mépris des droits de la défense; qu’elle lui a occasionné un préjudice important que la chambre sociale de la cour est compétente pour évaluer;
Vu les écritures déposées
– les 7 décembre 2004, 29 juin 2005 et 5 octobre 2005 par l’appelante;
– les 20 avril, 20 septembre et 11 octobre 2005 par l’intimé
qui ont été reprises et développées à l’audience et auxquelles la cour renvoie pour l’exposé détaillé des demandes et moyens;
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Attendu que, selon l’appelante, les contrats de travail qu’elle a successivement conclus avec Max X… sont nuls au motif que celui ci faisait alors partie de son conseil d’administration;
Attendu que si un salarié peut, dans certaines hypothèses (article L.225-27 du Code de commerce) et/ou sous certaines conditions (article L.225-22 du même Code) devenir administrateur de la société anonyme sous la forme de laquelle l’entreprise est exploitée, un administrateur en fonction ne peut conclure un contrat de travail avec la société, faute de quoi sa subordination ne serait que théorique, alors qu’il s’agit du critère de ce type de contrat;
Attendu que si Max X… a démissionné de son mandat de directeur général le jour même de sa nomination comme directeur des jeux de la S.E.C.H.S, ainsi qu’il résulte du procès verbal du conseil d’administration du 8/06/2001, il n’a jamais abandonné son mandat d’administrateur;
Que nul ne soutient qu’il y ait eu, à un moment quelconque, novation
entre mandat social et contrat de travail, étant rappelé qu’aux termes de l’article 1273 du code civil, la novation ne se présume point;
Attendu certes que, selon l’intimé, le contrat du 8 juin 2001 n’était que la continuation d’un précédent contrat qu’il date du 01 décembre 2000;
Mais attendu que cette date est celle de la prise d’effet du contrat du 14/12/2000, alors que seule importe, pour l’appréciation de la condition d’antériorité, la date de conclusion du contrat; que le procès verbal de la réunion du conseil d’administration de la S.E.H.C au cours de laquelle Max X… en a été nommé directeur général, ne fait d’ailleurs nulle mention de sa qualité de salarié;
Que cette nomination était postérieure à celle de l’intéressé en qualité d’administrateur, ce qu’imposait, au demeurant, l’article 12 de l’arrêté du 23 décembre 1959 aux termes duquel « s’il s’agit d’une société anonyme, le directeur responsable doit être…un directeur général obligatoirement choisi parmi les administrateurs »;
Attendu en outre que le ministre de l’Intérieur n’ayant agrée que le 15 avril 2001 Max X… comme membre du comité de direction du casino de Saint Pierre, il ne pouvait exercer effectivement sa fonction, au moins dans des conditions régulières, avant le 7 juin 2001, date à laquelle cette décision lui a été notifiée;
Attendu qu’il importe peu à cet égard qu’il ait été rémunéré à partir du 01 décembre et que des cotisations sociales aient été prélevées sur sa rémunération, les directeurs généraux de société anonyme étant assimilés, au regard de la Sécurité Sociale, à des salariés qu’ils ne sont pourtant pas;que ce n’est pas davantage au régime d’assurance chômage qu’il a cotisé mais au régime de la structure financière à laquelle étaient soumis, de droit, les mandataires sociaux;
Attendu que l’irrégularité du contrat du 8 juin 2001 entraîne, les
conditions n’ayant pas changé, celle du contrat du 14 février 2003;
Attendu qu’un mandataire social étant révocable ad nutum, Max X… ne peut obtenir d’indemnité compensatrice de préavis ni se voir allouer de dommages intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, pas plus qu’il ne peut prétendre au bénéfice de la convention collective nationale des casinos du 29 mars 2002 et donc à une indemnité conventionnelle de licenciement; qu’aucune attestation n’a lieu de lui être délivrée par application de l’article R. 351-5 du Code du travail;
Qu’il est en revanche en droit d’obtenir paiement de la « rémunération » mensuelle de 6.740,76 ç brute fixée le 14 février 2003 par le conseil d’administration de la société, à défaut de quoi celle ci se serait enrichie indûment à son détriment en profitant sans contrepartie de ses talents et de son activité; * * *
Attendu que Max X… sollicite subsidiairement l’indemnisation du préjudice résultant des conditions dans lesquelles sa révocation serait intervenue;
Attendu que l’appelante ne soulève pas l’incompétence de la chambre sociale pour connaître de cette demande; que, compte tenu de la plénitude de juridiction dont elle jouit, il est toujours loisible à la Cour de statuer au fond, dès lors qu’elle est juridiction d’appel par rapport à la juridiction qui serait normalement compétente, ce qui est le cas en l’espèce;
Attendu, sur le fond, que l’intimé soutient n’avoir pas reçu la convocation à la réunion du conseil d’administration à l’ordre du jour duquel figurait sa révocation, ce qui l’a empêché de présenter sa défense;
Qu’une première convocation lui avait été adressée le 28 juillet 2003 pour une réunion qui devait se tenir le 14 août à 18 heures et une seconde, le 30 juillet, pour une réunion dont la date était fixée au
13 août;
Attendu que la signature figurant sur l’accusé de réception de la seconde convocation étant différente de celle figurant sur l’accusé de réception de la première, comme de celle apposée en bas de son contrat de travail du 8 juin 2001 et des procès verbaux qu’il a contresignés, il est loin d’être certain qu’il ait eu connaissance de la modification intervenue;
Attendu qu’en décidant dans ces conditions la révocation de l’intimé (au motif, entre autres, que son absence était la marque de son désintérêt pour les affaires de la société…), l’organe dirigeant de la S.E.H.C.S a commis une faute;
Attendu que le préjudice en découlant est toutefois loin d’avoir l’ampleur invoquée par Max X…; qu’on ne saurait, notamment, prendre en considération les refus qu’auraient opposé à sa candidature les casinos métropolitains auxquels il l’a posée, alors qu’il a fait valoir ses droits à la retraite au mois de septembre 2003, soit peu de temps après sa révocation;
Que la Cour dispose d’éléments suffisants pour évaluer ce préjudice à 20.000 ç;
Que la Cour dispose d’éléments suffisants pour évaluer ce préjudice à 20.000 ç; * * *
Attendu que l’intimé, qui succombe trés largement, devra supporter les dépens, conformément à l’article 696 du nouveau Code de procédure civile, ce qui interdit de faire application à son profit des dispositions de l’article 700 du même Code;
Qu’il n’est pas inéquitable, pour autant, de laisser à la charge de la partie gagnante les frais irrépétibles (honoraires d’avocat notamment) qu’elle a du exposer pour la défense de ses intérêts; PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier
ressort:
INFIRME le jugement rendu le 8 octobre 2004 par le Conseil des prud’hommes de Saint Pierre, section Encadrement et
Statuant à nouveau
Condamne la Société d’exploitation hôtelière du casino du sud (S.E.H.C.S) à payer à Max X… la somme de 20.000 ç avec les intérêts au taux légal à compter de ce jour;
Déboute l’intéressé de ses autres demandes;
Le condamne aux entiers dépens de première instance et d’appel;
Rejette les demandes formulées de part et d’autre au titre des frais irrépétibles;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Michel RANCOULE, Président de Chambre, et par Monsieur Eric Y…, agent administratif faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire; LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT