Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AFFAIRE : No RG 21/00208 – No Portalis DBWB-V-B7F-FQAB
Code Aff. :CF ARRÊT N
ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de SAINT DENIS en date du 19 Janvier 2021, rg no 19/02137
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 24 MAI 2022
APPELANT :
Monsieur [C] [T] [R]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
CAISSE GÉNÉRALE DE SÉCURITÉ SOCIALE DE LA REUNION venant aux droits de la CAISSE LOCALE DÉLÉGUÉE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS DE LA REUNION
Pôle Expertise Juridique Recouvrement TSA 90001
[Localité 3]
Représentant : Me Patrice SANDRIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mars 2022 en audience publique, devant Christian FABRE, magistrat chargé d’instruire l’affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 mai 2022;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président :Alain LACOUR, président
Conseiller:Laurent CALBO, conseiller
Conseiller :Christian FABRE, magistrat honoraire à titre juridictionnel
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 24 MAI 2022
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LA COUR :
Exposé du litige :
Monsieur [C] [R] a interjeté appel dans le délai légal d’un jugement rendu le 19 janvier 2021par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion, pôle social, dans une affaire l’opposant à la Caisse Générale de sécurité sociale de la Réunion (CGSSR).
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Monsieur [R] a saisi le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion en opposition de deux contraintes des 14 novembre 2019 par la CGSSR, en sa qualité de sécurité sociale pour les indépendants, portant respectivement sur les sommes de 5.992 euros (cotisations provisionnelles du 1er trimestre 2018 au 2o trimestre 2019) et de 21.901 euros (cotisations provisionnelles du 1er trimestre 2016 au 4o trimestre 2017). Le jugement déféré a notamment validé les mises en demeure préalables et les contraintes, a condamné Monsieur [R] au paiement des sommes précitées plus celle de 1.700 euros pour une amende civile et celle de 1.500 euros pour les frais irrépétibles.
Vu les conclusions notifiées le 23 septembre 2021 par Monsieur [R], oralement soutenues à l’audience.
Vu les conclusions notifiées le 14 décembre 2021 par la CGSSR oralement soutenues à l’audience.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements à suivre.
Sur ce :
La recevabilité de l’appel n’est pas contestée, étant précisé que celle-ci résulte du montant des cotisations visées par la mise en demeure.
Sur la saisine préjudicielle de la Cour de justice de l’Union européenne :
Selon l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le juge national saisi, s’il estime qu’une décision sur l’interprétation d’un traité ou des actes pris par les institutions de l’Union est nécessaire pour rendre son jugement, peut demander à la Cour de statuer sur cette question. Si le renvoi préjudiciel devant la CJUE est obligatoire lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n’est pas susceptible d’un recours juridictionnel en droit interne, tel n’est pas le cas en l’espèce, le présent arrêt étant susceptible de pourvoi.
En outre, il sera relevé, d’une part, que selon l’article 2, d) de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement et du Conseil, on entend, aux fins de la directive, par « pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs », « toute action, omission, conduite démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs » ; d’autre part, que le recouvrement selon les règles d’ordre public du code de la sécurité sociale des cotisations et contributions dues par une personne assujettie à titre obligatoire à un régime de sécurité sociale ne revêt pas le caractère d’une pratique commerciale au sens des dispositions sus-rappelées et n’entre pas, dès lors dans le champ d’application de la directive.
En conséquence la demande sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur la demande de sursis à statuer :
Monsieur [R] demande qu’il soit sursis à statuer en l’attente de la décision à venir de la Commission européenne suite à une plainte pour abus de position dominante (pièce no 25) de l’association CSAPR et de Messieurs [G] et [W] dont il n’est pas justifié du dépôt. Cette plainte concerne feu le RSI et la CGSSR, régime social des indépendants, sur la base d’un postulat, par définition non démontré, d’une identité de nature entre les deux. Pour le reste, la cour adopte les motifs pertinents du jugement qui reprennent la démonstration de ce que les régimes obligatoires de sécurité sociale ne sont pas des entreprises au sens de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2015.
La demande de sursis à statuer est en conséquence rejetée.
Sur l’inopposabilité de l’arrêté de création du RSI (régime social des indépendants) :
Les mises en demeure et contraintes ayant été émises par la CGSSR et non le RSI, nul n’étant admis à plaider par procureur, en l’absence de mise en cause du RSI, le moyen est rejeté comme étant sans effet sur le présent litige.
Sur les nullités formelles :
Les contraintes mentionnent « délivrée par l’URSSAF (la CGSSR dans les DOM) ». Cette mention informe donc Monsieur [R] de la dénomination de l’organisme émetteur. Les contraintes sont signées du directeur de la CGSSR, la signature n’est donc pas électronique. Il importe peu qu’elle ne soit pas manuscrite, celle-ci n’étant pas exigée à peine de nullité.
Si les contraintes ne détaillent pas les cotisations provisionnelles réclamées, étant rappelé que la nature prévisionnelle de celles-ci résulte du non-respect par Monsieur [R] de ses obligations déclaratives, elles renvoient aux cinq mises en demeure préalables à la première et aux huit autres pour la seconde. Dès lors, le devoir d’information de la CGSSR conditionnant la régularité des contraintes est à analyser au regard des mises en demeure.
L’omission des mentions prescrites par l’article L.212-1 du code des relations entre le public et les administrations n’affectant pas la validité de la mise en demeure prévue par l’article L.244-2 du code de la sécurité sociale, dès lors que celle-ci mentionne la dénomination de l’organisme qui l’a émise, ce qui est le cas en l’espèce, la mise en demeure litigieuse portant indication de ce qu’elle a été délivrée par la CGSSR dont l’adresse est précisée, le moyen de l’appelant excipant de l’absence des mentions prévues par la loi est inopérant.
La mise en demeure adressée par un organisme de sécurité sociale, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de ses obligations, en application des dispositions de l’article L.244-2 du code de la sécurité sociale.
Tel est le cas en l’espèce, la mise en demeure précisant chaque type de cotisations provisionnelles (maladie-maternité, indemnités journalières, invalidité-décès, retraite de base, retraite complém. Trche 1- RCI, allocations familiales, CGS-CRDS/rev. Act+cot. oblig, majorations de retard) pour le montant individualisé sur la période concernée.
Ces mentions permettaient à Monsieur [R] de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation. Si le mode de détermination de la cotisation provisionnelle, dont il n’est pas invoqué qu’il soit contraire aux dispositions légales ou réglementaires applicables, n’est pas précisé par la mise en demeure, cet élément n’est pas exigé et ne relève pas de l’obligation d’information de la CGSSR. En conséquence, le moyen de nullité tiré de l’absence d’information de Monsieur [R] sur la nature, la cause et l’étendue de l’obligation est également inopérant.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la régularité tant des mises en demeure que des contraintes est acquise. Le jugement est alors confirmé pour les avoirs validées et avoir condamné Monsieur [R] au paiement des sommes visées par les contraintes.
Sur les demandes de dommages-intérêts et l’amende civile :
Monsieur [R] soutient que la CGSSR est fautive, sans toutefois le démontrer. La demande est en conséquence rejetée.
La CGSSR reproche à Monsieur [R] l’utilisation des voies de recours à des fins dilatoires et dans l’intention de se soustraire à son obligation de s’acquitter de ses cotisations lui causant un préjudice.
Or, le retard en paiement des cotisations est compensé par leur majoration. En outre, la CGSSR ne démontre pas que l’usage d’une voie de recours par Monsieur [R] aurait dégénéré en abus du droit d’ester. La CGSSR sera déboutée de sa demande sur l’amende civile.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement est confirmé sur les frais et dépens justement arbitrés. La CGSSR doit être indemnisée de ses frais irrépétibles d’appel à concurrence de la somme de 3.000 euros. Les dépens d’appel sont à la charge de Monsieur [R] qui succombe au principal.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement sur l’amende civile,
Confirme pour le reste le jugement rendu le 19 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion,
Condamne Monsieur [C] [R] à payer à la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [C] [R] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière,le président,