Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AFFAIRE : No RG 20/02214 – No Portalis DBWB-V-B7E-FOWV
Code Aff. :L.C ARRÊT N
ORIGINE :JUGEMENT du Pôle social du TJ de SAINT DENIS en date du 05 Novembre 2020, rg no 20/00173
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2021
APPELANT :
Monsieur [C] [W] [S]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA REUNION venant aux droits de la CAISSE LOCALE DÉLÉGUÉE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS DE LA REUNION
Pôle expertise juridique recouvrement – TSA 90001
[Localité 3]
Représentant : Me Patrice SANDRIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 octobre 2021 en audience publique, devant Laurent CALBO, conseiller chargé d’instruire l’affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 23 novembre 2021;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président :Alain LACOUR
Conseiller:Suzanne GAUDY
Conseiller :Laurent CALBO
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 23 NOVEMBRE 2021
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LA COUR :
Exposé du litige :
Par requête expédiée le 15 avril 2020, M. [C] [W] [S] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable (Cra) de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (la caisse), relative à la contestation de la mise en demeure émise le 10 octobre 2019 pour un montant de 342 euros euros concernant les cotisations afférentes au troisième trimestre de l’année 2019 et les majorations de retard afférentes.
Par jugement du 5 novembre 2020, le tribunal a sous le bénéficie de l’exécution provisoire :
– rejeté la demande de transmission de la question préjudicielle ;
– dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la Commission Européenne ;
– débouté M. [S] de ses demandes ;
– déclaré la mise en demeure valable et régulière ;
– condamné M. [S] à payer à la caisse la somme de 342 euros ;
– débouté M. [S] de sa demande de dommages-intérêts ;
– condamné M. [S] au paiement d’une amende civile de 1.000 euros envers le Trésor Public;
– débouté la caisse de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
– condamné M. [S] aux entiers dépens et au paiement à la caisse de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [S] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [S] a interjeté appel de la décision par déclaration transmise au greffe le 8 décembre 2020. L’affaire a été instruite selon les dispositions de l’article 446-2 du code de procédure civile.
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Vu les conclusions déposées par M. [S] le 30 juin 2021 auxquelles il s’est expressément référé lors de l’audience de plaidoiries du 26 octobre 2021 ;
Vu les conclusions déposées par la caisse le 18 août 2021 auxquelles elle s’est expressément référée lors de l’audience de plaidoiries ;
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.
Sur ce :
Sur la saisine préjudicielle de la Cour de justice de l’Union européenne :
Selon l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le juge national saisi, s’il estime qu’une décision sur l’interprétation d’un traité ou des actes pris par les institutions de l’Union est nécessaire pour rendre son jugement, peut demander à la Cour de statuer sur cette question. Si le renvoi préjudiciel devant la CJUE est obligatoire lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n’est pas susceptible d’un recours juridictionnel en droit interne, tel n’est pas le cas en l’espèce, le présent arrêt étant susceptible de pourvoi.
En outre, il sera relevé, d’une part, que selon l’article 2, d) de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement et du Conseil, on entend, aux fins de la directive, par « pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs », « toute action, omission, conduite démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs » ; d’autre part, que le recouvrement selon les règles d’ordre public du code de la sécurité sociale des cotisations et contributions dues par une personne assujettie à titre obligatoire à la caisse ne revêt pas le caractère d’une pratique commerciale au sens des dispositions sus-rappelées et n’entre pas, dès lors dans le champ d’application de la directive.
En conséquence, la demande sera rejetée.
Sur le sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Commission européenne :
M. [S] produit une plainte pour non-respect de la législation de l’Union européenne relative à des pratiques anticoncurrentielles et abus de position dominante visant l’État français, la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, la caisse RSI de la Réunion, la caisse nationale RSI et soutient que le sort du litige soumis à la cour sera impacté si la Commission européenne confirme que la France a violé les directives précitées.
La décision de la Commission européenne n’étant pas nécessaire à la résolution du litige, il n’y a lieu de surseoir à statuer par application des dispositions de l’article 378 du code de procédure civile.
Sur la régularité de la mise en demeure :
– Sur la nullité pour inopposabilité aux tiers ;
Vu les articles L. 752-4 et suivants du code de la sécurité sociale ;
M. [S] sollicite l’annulation de la mise en demeure en ce que la « caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants (ex-RSI Réunion) ne justifie pas de la publication de son arrêté de création ce qui rend l’organisme de droit privé inopposable aux tiers ».
Or, d’une part, les mises en demeure querellées ont été décernées par la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, en ce qu’elles portent mention de « la CGSS dans les DOM », dont les compétences et pouvoirs sont instaurés par la loi.
D’autre part, la caisse de base du RSI de la Réunion a été créée par la loi, et non par l’arrêté préfectoral du 25 juillet 2006, en sorte que l’absence de publication de cet arrêté est sans conséquence juridique sur la capacité de l’organisme à décerner lesdites mises en demeure.
Le moyen de nullité tiré de l’inopposabilité aux tiers sera rejeté.
– Sur la nullité pour défauts de pouvoir et de signature :
Vu les articles L. 244-2 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ;
L’appelant soutient d’une part qu’il appartient à la caisse de rapporter la preuve de ce que l’émetteur de la mise en demeure détient la capacité juridique et la qualité pour émettre les actes de recouvrement de cotisations et d’autre part que l’acte de recouvrement est irrégulier en l’absence de signature.
Or, la mise en demeure n’étant pas de nature contentieuse, l’absence de signature ou d’identification de son signataire n’en affecte pas la validité.
De même, la mise en demeure a été décernée par le directeur de la caisse, représentant légal de l’organisme de sécurité sociale, lequel dispose tant de la qualité que de la capacité à recouvrer les cotisations litigieuses.
Les moyens tirés du défaut de pouvoir et de signature seront rejetés.
– Sur la nullité formelle de la mise en demeure :
L’omission des mentions prescrites par l’article L.212-1 du code des relations entre le public et les administrations n’affectant pas la validité de la mise en demeure prévue par l’article L.244-2 du code de la sécurité sociale, dès lors que celle-ci mentionne la dénomination de l’organisme qui l’a émise, ce qui est le cas en l’espèce, la mise en demeure litigieuse portant indication de ce qu’elle a été délivrée par la « CGSS pour les DOM » dont l’adresse est précisée sans que son inexactitude ne soit établie, le moyen de l’appelant excipant de l’absence des mentions prévues par la loi est inopérant.
La mise en demeure adressée par un organisme de sécurité sociale, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de ses obligations, en application des dispositions de l’article L.244-2 du code de la sécurité sociale.
Tel est le cas en l’espèce, la mise en demeure délivrée le 10 octobre 2019 précisant la cause des sommes réclamées à M. [S], au titre des cotisations retraite de base, CSG-CRDS et maladie concernant la régularisation de l’année N-1, générant une créance de 342 euros au titre des cotisations en ce compris des majorations de retard à concurrence de 16 euros.
Ces mentions permettaient donc à M. [S] de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation. En conséquence, le moyen de nullité tiré de l’absence d’information du cotisant sur la nature, la cause et l’étendue de l’obligation est également inopérant.
La mise en demeure sera validée pour son entier montant, M. [S] étant condamné à son paiement.
Sur les demandes de dommages-intérêts :
M. [S] soutient que la caisse a commis des fautes justifiant qu’il demande réparation de son préjudice à hauteur de la somme réclamée. Or, ne les démontrant pas, il sera débouté.
La caisse reproche à M. [S] l’utilisation des voies de recours à des fins dilatoires et dans l’intention de se soustraire à son obligation de s’acquitter de ses cotisations lui causant un préjudice. Or, le retard en paiement des cotisations est compensé par leur majoration. En outre, la caisse ne démontre pas que l’usage d’une voie de recours par M. [S] aurait dégénéré en abus du droit d’ester. La caisse sera déboutée de sa demande.
Sur l’amende civile :
Le seul exercice par M. [S] des voies de recours qui lui sont ouvertes ne saurait caractériser un abus de droit.
Il n’y a donc pas lieu au prononcé d’une amende civile.
Le jugement sera infirmé sur ce point et confirmé pour le surplus.
Sur les demandes accessoires:
M. [S] qui succombe sera condamné aux dépens.
Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de la caisse les frais non compris dans les dépens auxquels elle a été exposée en charge d’appel, de sorte qu’il lui sera alloué la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion sauf en ce qu’il a condamné M. [S] au paiement d’une amende civile de 1.000 euros envers le Trésor Public et dit qu’une copie du jugement sera transmise au Trésor public pour recouvrement de l’amende civile ;
L’infirme sur ces points ;
Statuant à nouveau,
Dit n’y avoir lieu à amende civile ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [S] à payer à la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion la somme de 3.000 euros au titre des frais non répétibles ;
Condamne M. [S] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière,le président,