Cour d’appel de Rouen, CT0037, du 28 novembre 2006

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Cour d’appel de Rouen, CT0037, du 28 novembre 2006

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

R.G : 05/03026COUR D’APPEL DE ROUENCHAMBRE DES APPELS PRIORITAIRESARRET DU 28 NOVEMBRE 2006DÉCISION DÉFÉRÉE :TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BERNAY du 26 Mai 2005APPELANTS :Monsieur Michel X…34 rue des Canadiens27800 LA HAYE DE CALLEVILLEreprésenté par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Courassisté de Me ETCHEBERRY, avocat au barreau de PAUMadame Michèle PETILLON épouse X…34 rue des Canadiens27800 LA HAYE DE CALLEVILLEreprésentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Courassistée de Me ETCHEBERRY, avocat au barreau de PAUINTIMES :SOCIETE GENERALE29 boulevard Haussmann75009 PARISreprésentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Courassistée de Me Vincent MESNILDREY, avocat au barreau de BERNAYMonsieur Georges X…46 rue des Essarts27800 BRIONNEN’ayant pas constitué avoué bien que régulièrement assignée par acte d’huissier en date du 19/01/2006 à sa personneCOMPOSITION DE LA COUR :Lors des débats et du délibéré Madame PLANCHON, PrésidentMadame LAGRANGE, ConseillerMadame AUBLIN-MICHEL, ConseillerMadame le Président a été entendue en son rapport oral de l’instance avant plaidoiriesGREFFIER LORS DES DEBATS :Mme NOEL-DAZY, GreffierDEBATS :A l’audience publique du 17 Octobre 2006, où l’affaire a été mise en délibéré au 28 Novembre 2006ARRET : Prononcé publiquement le 28 Novembre 2006, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier .* * *

La S.A.R.L. X… Père et Fils a souscrit différents crédits et engagements auprès de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE pour lesquels Monsieur

Georges COCHET et les époux Michel X… se sont portés cautions.

Le tribunal de commerce de PONT AUDEMER a prononcé la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. X… Père et Fils par jugement en date du 14 juin 2002 et a ordonné une expertise pour rechercher les causes de l’état de cessation des paiements de la société.

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a assigné en paiement les cautions devant le tribunal de grande instance de BERNAY qui, par jugement avec exécution provisoire en date du 26 mai 2005, a :- condamné solidairement les époux X… à payer à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE la somme de 274 408,23 ç avec intérêts au taux légal, de 10.967,39 ç avec intérêts au taux contractuel de 10,70% et de 46.404,04 ç avec intérêts au taux contractuel de 9,70% à compter du 19 avril 2002,- débouté Monsieur Georges X… de sa demande de nullité du cautionnement souscrit le 25 octobre 2001 et l’a condamné à payer à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE la somme de 38.112,25 ç avec intérêts au taux légal et de 198.406,24 ç avec intérêts au taux contractuel de 10,50% sur la somme de 103.383,41 ç et au taux de 10,80% sur celle de 95.022,83 ç à compter du 19 avril 2002,- débouté les consorts X… de leurs demandes de dommages et intérêts,- condamné les consorts X… au paiement de la somme de 1.500 ç au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile outre les dépens.

Les époux X… ont régulièrement interjeté appel de ce jugement le 21 juillet 2005.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 12 octobre 2006, les époux X… demandent à la Cour de :- condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à réparer le préjudice par eux subi par paiement de dommages et intérêts qui ne sauraient au minimum être inférieurs au quantum des engagements de caution consentis,- ordonner la compensation entre lesdits dommages et intérêts et toutes sommes qui seraient dues par eux à quelque titre que ce soit à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE,- juger nul

l’engagement de caution de 19.818,30 ç souscrit par eux le 20 mars 2001,- condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à réparer le préjudice moral par eux subi, indirect et distinct, et évalué à la somme de 30.000 ç,- condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à leur payer une indemnité de procédure de 8.000 ç outre les entiers dépens.

Après avoir rappelé que le rapport d’expertise est contradictoire et donc opposable à la banque intimée, les époux X… concluent à la responsabilité de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE en ce qu’elle a soutenu abusivement la S.A.R.L. X… Père et Fils en lui octroyant plusieurs crédits manifestement excessifs alors qu’elle était dans une situation irrémédiablement compromise. Ils font valoir également que la banque a commis une faute à l’égard du dirigeant, Monsieur Michel X…, en lui dissimulant des informations dont il n’avait pas connaissance et, qu’en tout état de cause, les cautionnements demandés étaient disproportionnés par rapport à leurs revenus et patrimoine et à l’évolution prévisible de l’activité.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 septembre 2006, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE demande à la Cour de :- débouter les époux X… de leur appel,- rectifier l’erreur matérielle affectant le dispositif du jugement quant au prénom de Monsieur Michel X…,- condamner solidairement les époux X… à lui payer les sommes indiquées au dispositif du jugement, – confirmer la décision entreprise du chef des montants retenus,- condamner solidairement les appelants au paiement d’une indemnité de procédure de 2.000 ç outre les dépens.

La banque soutient que les appelants sont irrecevables en leurs prétentions relatives à l’octroi fautif de crédits manifestement excessifs et à la situation irrémédiablement compromise de la S.A.R.L. X… Père et Fils dès lors que seul le liquidateur peut exercer une telle action en responsabilité. Elle conteste l’opposabilité du rapport d’expertise. Elle soutient, en outre, que

la société n’était pas dans une situation irrémédiablement compromise au moment de l’octroi des crédits, que l’état de cessation des paiements en mars 2002 est dû à la mauvaise gestion de Monsieur Michel X… qui, en tant que caution dirigeante, lui avait communiqué des bilans prévisionnels erronés et qui, par ailleurs, n’est pas fondé à se prévaloir d’une disproportion de ses engagements. Enfin, elle rappelle qu’à la date de signature des engagements, les époux X… disposaient de revenus et d’un patrimoine tels qu’aucune disproportion ne peut être retenue.

Monsieur Georges X…, assigné à personne, n’a pas constitué avoué.

SUR CE,

Attendu que, par acte du 3 août 1995, les époux X… se sont portés cautions solidaires et conjointes d’un prêt de 500.000 F accordé par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à la S.A.R.L.X… Père et Fils ;

Que, par acte du 15 octobre 1998, les époux X… se sont également portés cautions solidaires et conjointes à hauteur de 50% d’un prêt de 1.200.000 F accordé à la S.A.R.L.X… Père et Fils, au taux de 5,70% sur ressources CODEVI, avec garantie de la SOFARIS pour 30% et nantissement sur le matériel pour 74.700 F, remboursable en 84 mensualités ; que ce prêt finançait l’achat d’une machine à matelasser automatique ;

Que, par acte du 21 février 1999, ils se sont également portés cautions solidaires et conjointes d’un prêt consenti par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à la S.A.R.L.X… Père et Fils de 1.300.000 F, au taux de 6,70%, remboursable par échéances mensuelles de 3.074,01 F ;

Que, par acte du 20 mars 2001, ils se sont portés cautions solidaires pour le montant de 130.000 F d’un prêt accordé le 7 mars 2001 à la S.A.R.L. X… Père et Fils d’un montant de 100.000 F sur ressources CODEVI pour l’achat d’un véhicule d’occasion ;

Attendu que, par jugement en date du 12 mars 2002, le tribunal de commerce de PONT AUDEMER a prononcé le redressement judiciaire de la S.A.R.L.X… Père et Fils avec fixation de la date de cessation des paiements au 6 mars 2002 ; que la liquidation judiciaire de la société a été prononcée par jugement en date du 14 juin 2002 ;

Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE demande aux époux X…, en vertu des actes de cautionnements ci-dessus rappelés, le paiement des sommes de 274.408,23 ç avec intérêts au taux légal, de 10.967,39 ç avec intérêts au taux contractuel de 10,70% et de 46.404,04 ç avec intérêts au taux contractuel de 9,70% à compter du 19 avril 2002 ;

1/. Sur la recevabilité de l’action des époux X… en responsabilité de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE pour soutien abusif et octroi de crédits excessifs.

Attendu que les époux X… soutiennent que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a commis une faute en aggravant l’endettement de la S.A.R.L.X… Père et Fils par l’octroi abusif de crédits de montants élevés entre les mois de mars et juillet 2001 alors que la situation de la société était irrémédiablement compromise ; que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE soulève l’irrecevabilité de cette action en responsabilité dès lors qu’il s’agit d’un préjudice collectif des créanciers dont seul peut se prévaloir le liquidateur de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ;

Attendu qu’en application de l’article 2313 du code civil, anciennement l’article 2036, la caution peut opposer aux créanciers toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette ;

Attendu qu’elle peut demander par voie reconventionnelle ou par voie de défense au fond, à être déchargée de son obligation si elle démontre la faute commise par le créancier à l’encontre du débiteur principal, sans prétendre obtenir un autre avantage que le rejet des prétentions du créancier ou obtenir des dommages et intérêts venant

se compenser avec le montant de la dette ; que la caution peut ainsi agir en réparation de son préjudice propre, distinct par nature de celui des créanciers ;

Attendu que c’est à titre de cautions des engagements du débiteur principal, la S.A.R.L.COCHET Père et Fils, que les époux X…, par demande reconventionnelle en première instance et en défense au fond en cause d’appel, recherchent la faute commise par la banque à l’encontre de cette dernière sur le fondement de l’article 1382 du code civil ; qu’ils sont dès lors recevables en leur action ;

2/. Sur l’opposabilité du rapport d’expertise judiciaire déposé le 17 décembre 2003.

Attendu que le tribunal de commerce a ordonné une expertise avec pour mission de rechercher les causes du dépôt de bilan de la S.A.R.L.X… Père et Fils ; que Monsieur LORDEREAU, expert désigné, a déposé son rapport le 17 décembre 2003 ;

Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE soutient que ce rapport lui est inopposable au motif qu’elle n’était pas partie au jugement ayant ordonné la mesure d’expertise et qu’elle n’a pas participé aux opérations d’expertise ;

Attendu, cependant, que le rapport a été discuté en première instance; qu’en cause d’appel, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE utilise certains éléments de ce rapport pour réfuter les allégations des appelants ; qu’en outre, si ce rapport n’est pas strictement opposable, il fournit des éléments d’information soumis au principe du contradictoire dans la présente instance dès lors qu’ils sont discutés par les parties ;

3/. Sur le soutien abusif de la S.A.R.L.X… Père et Fils par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et l’octroi de crédits ruineux.

Attendu que la responsabilité du dispensateur de crédits n’est susceptible d’être engagée à l’égard des tiers que dans le cas où il soutient abusivement le débiteur dont il connaît ou devrait connaître la situation irrémédiablement compromise au moment de l’octroi du crédit litigieux où s’il consent un crédit ruineux dont il ne peut ignorer qu’il conduira l’entreprise à sa ruine ; que les dirigeants ne peuvent invoquer cette responsabilité que si le créancier a disposé d’informations particulières qu’eux-mêmes ignoraient sur le succès escompté de l’activité de l’entreprise et sur les facultés de remboursement prévisibles ;

Attendu que les pièces produites aux débats révèlent que, outre les prêts ci-dessus rappelés et dont les époux X… se sont portés cautions solidaires et conjointes, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a accordé à la S.A.R.L.X… Père et Fils :- le 19 juin 2001, un prêt de 700.000 F sur ressources CODEVI, sur cinq ans, pour équipement avec nantissement du fonds, aux taux de 6,50% puis 6,80% ;- le 23 juillet 2001, un prêt de 3.500.000 F, sur un an, gagé sur le stock à hauteur de 3.770.000 F, pour financer le besoin en fonds de roulement,- le 27 juillet 2001, un prêt de 1.500.000 F, sur 5 ans, avec nantissement du fonds, sur ressources CODEVI, avec garantie de la SOFARIS à hauteur de 50% et nantissement du fonds pour financer également le besoin en fonds de roulement ;

Attendu que Monsieur Georges X… s’est porté rétroactivement caution solidaire, le 25 octobre 2001, de ces prêts à la S.A.R.L.X… Père et Fils, à hauteur de 1.885.000 F ;

Attendu, en conséquence, que le montant total des concours de la banque ,à la S.A.R.L.X… Père et Fils, entre mars et juillet 2001, soit sur cinq mois, s’élève à la somme totale de 5.800.000 F ;

Attendu qu’à la fin de l’exercice 2001/2002, les seules dettes bancaires représentaient 34,34% du total du bilan ; que, compte tenu

des crédits fournisseurs, la totalité de l’endettement total en représentait 59,69% ; que la banque a ainsi aggravé les frais financiers qui ont atteint 272.000 ç au point que le montant des engagements s’est avéré être supérieur aux capitaux propres ; que, pourtant, les ratios des frais financiers par rapport au chiffre d’affaires pour les exercices antérieurs, soit 8,2% en 1999-2000 et 9% en 2000-2001, étaient connus de la banque ; qu’ils étaient déjà largement supérieurs à ceux habituellement admis comme raisonnables ; qu’en outre, les stocks avaient anormalement augmenté d’un exercice à un autre démontrant l’existence d’invendus dès le mois de mars 2001 ;

Attendu que la banque s’est contentée d’un bilan prévisionnel pour accorder un nouveau prêt cautionné par les époux X… puis d’autres prêts cautionnés par Monsieur Georges X… sans faire de véritables analyses comptables et financières ; qu’elle admet ne pas avoir réclamé les comptes définitifs ; qu’elle ne peut utilement soutenir que la société lui avait présenté de faux bilans prévisionnels alors que ceux-ci, par nature, ne pouvaient être le reflet strictement exact de la situation comptable de la société ; que ce n’est qu’en octobre 2001 que la banque s’est entourée de garanties supplémentaires en exigeant rétroactivement le cautionnement des crédits du deuxième trimestre 2001 par Monsieur Georges X… à hauteur de 1.885.000 F;

Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a fait preuve d’une légèreté fautive en accordant coup sur coup près de 5.800.000 F dont 86,2% correspondaient à des besoins de trésorerie de l’entreprise ; qu’elle n’a pas recherché les causes de ces besoins de trésorerie qu’elle finançait ; que, pourtant, sans qu’il s’agît d’une ingérence dans la gestion de sa cliente, elle aurait dû effectuer une analyse

comptable, même simplifiée, à partir des chiffres des premiers mois de l’année qui auraient révélé une baisse importante du chiffre d’affaires et des marges correspondantes et qui auraient ainsi démontré la situation financière irrémédiablement compromise de sa cliente dès le deuxième trimestre 2001 alors même qu’au début de l’exercice 2001/2002, les stocks de matières premières étaient multipliés par 7 par rapport à l’exercice précédent ; qu’elle a ainsi créé une solvabilité fictive en évitant l’apparition de découverts mais en aggravant de façon inconsidérée les charges financières ;

Attendu que, par l’importance des concours qu’elle avait ainsi accordés en cinq mois dont les deux plus importants étaient destinés au financement du besoin en fonds de roulement, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n’ignorait pas l’évolution désastreuse des besoins de trésorerie de l’entreprise ; que ces prêts étaient la preuve déterminante de l’engagement total de la banque et de sa connaissance des besoins considérables de trésorerie de l’entreprise et constituaient une « fuite en avant » et non le financement de matières premières destinées aux commandes passées par ALSTOM, contrairement à ce qu’elle soutient dès lors que ce n’est qu’en octobre 2001 que Monsieur Michel X… informait la banque de l’annonce de ces commandes qui n’ont été finalement enregistrées qu’en janvier 2002 ;

Attendu que Monsieur Michel, en sa qualité de dirigeant de la société emprunteuse, était le mieux placé pour connaître la situation de sa société ; qu’il soutient, cependant, qu’il ignorait l’existence de circonstances particulières sur les risques encourus par sa société alors que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE disposait d’informations inconnues de lui concernant les facultés de remboursement prévisibles et l’état de succès escompté de l’activité de sa société ;

Attendu que la S.A.R.L.X… Père et Fils avait comme activité

l’équipement des décors dans l’hôtellerie ; qu’elle avait comme principal client le groupe ACCOR au point d’en être un sous-traitant captif à hauteur de 65% de son chiffre d’affaires avec des contrats de référencement imposant les modes de fonctionnement de la S.A.R.L.X… Père et Fils en termes de stocks, de prix, de délais, d’affacturage, de marges et même de rétrocession de 4% du chiffre d’affaires en fin de chaque année ;

Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE était le banquier unique de la S.A.R.L.X… Père et Fils, le Crédit Agricole n’étant que le support du système d’affacturage pour le compte de cette dernière, imposé par ACCOR ; qu’elle n’ignorait donc pas la fragilité structurelle de sa cliente avec pour conséquence que tout infléchissement de la stratégie du groupe ACCOR avait des répercussions immédiates et graves sur l’activité et les résultats de celle-ci ;

Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE était non seulement actionnaire du groupe ACCOR mais également membre du Conseil de Surveillance du groupe ; qu’elle participait ainsi aux décisions stratégiques de celui-ci ; qu’il résulte des pièces produites aux débats que, pour l’année 2001, le groupe ACCOR avait réorienté sa stratégie vers une augmentation de la production de services au détriment de celle de l’hôtellerie ; que cette inflexion avait nécessairement des répercussions sur les sous-traitants du groupe et, en premier lieu, sur l’activité de la S.A.R.L.X… Père et Fils ;

Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE disposait de cette information ; qu’elle n’en a pas informé Monsieur Michel X… alors même qu’elle continuait à dispenser les crédits demandés et à solliciter les cautionnements tout en sachant que la société, déjà fragilisée dès la fin de son exercice 2000/2001, allait connaître une forte chute de ses commandes ; que les très importants besoins de trésorerie du

deuxième trimestre 2001 étaient la conséquence de la baisse d’activité qui était non pas ponctuelle mais structurelle ; que les événements du 11 septembre 2001 ont eu certes un impact mais à titre d’accélérateur de la crise financière de la société en raison notamment du défaut de paiement d’une facture de 223.000 ç au dernier trimestre 2001 ; que les erreurs de gestion de Monsieur Michel X… invoquées par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne sont pas démontrées d’autant plus que celui-ci a cherché de nouveaux contrats auprès de nouveaux clients (la société ALSTOM pour l’équipement de navires) pour élargir son marché ; que l’argument de l’embauche de Monsieur MAILLARD comme directeur financier en 2001, comme le prétend la banque, est inopérant dès lors que les appelants démontrent qu’il était salarié depuis 1995 ; que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n’apporte pas plus la preuve de l’embauche d’un agent commercial avec une liste de clients en 2001; qu’en tout état de cause, rechercher les moyens d’élargir sa clientèle ne peut être considéré comme une erreur de gestion ;

Attendu, en conséquence, que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE qui était le pourvoyeur habituel de facilités à la S.A.R.L.X… Père et Fils et qui connaissait donc parfaitement les caractéristiques de l’activité de sa cliente, a dissimulé au dirigeant et aux cautions les informations qu’elle détenait sur les risques encourus par la société qui, eu égard à sa structure, la conduisaient à une situation irrémédiablement compromise au cours de l’année 2001 ; qu’elle a ainsi manqué à son devoir de loyauté envers les cautions y compris la caution dirigeante en dissimulant que les crédits consentis en cinq mois conduisaient la S.A.R.L.X… Père et Fils inexorablement à sa ruine ;

Attendu, en conséquence, que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE qui a commis une faute sera condamnée à payer des dommages et intérêts aux époux X… ; que le montant de ceux-ci sera égal au montant des sommes

réclamées, soit 331.779,66 ç outre les intérêts tels qu’ils étaient demandés dans l’assignation délivrée aux époux X… par la Société Générale ; que la compensation sera ordonnée entre les sommes réclamées aux époux X… par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et les dommages et intérêts ainsi dus par cette dernière aux appelants ;

Attendu que les époux X… ne démontrent pas avoir subi un préjudice moral spécifique que, d’ailleurs ils ne caractérisent pas, le recours aux procédures de surendettement étant insuffisant à justifier un tel préjudice ; qu’ils seront donc déboutés de leur demande à ce titre ;

Attendu que le jugement sera donc infirmé en ses dispositions condamnant les époux Michel X… au paiement des sommes réclamées par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et rejetant leurs demandes de dommages et intérêts ; qu’il n’y a donc pas lieu de statuer sur les autres demandes ;

Attendu qu’il est équitable que les époux Michel X… n’assument pas les frais qu’ils ont dû engager dans la présente instance ; que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE sera condamnée à leur payer la somme de 5.000 ç au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Qu’elle sera condamnée aux dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la condamnation des époux Michel X… au paiement des sommes et intérêts à eux réclamés à titre de cautions solidaires par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et au débouté de leurs demandes de dommages et intérêts,

Et, statuant de nouveau de ce chef,

Dit que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a commis une faute à l’égard des époux

Michel X…,

Condamne la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer aux époux Michel X…, à titre de dommages et intérêts, la somme de 331.779,66 ç outre les intérêts tels qu’elle les a réclamés dans son assignation du 26 avril 2002,

Ordonne la compensation entre les sommes réclamées par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aux époux Michel X… et les dommages et intérêts dus par elle à ceux-ci,

Déboute les époux X… de leurs demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral,

Dit n’y avoir lieu à statuer sur les autres demandes,

Condamne la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer aux époux Michel X… la somme de 5.000 ç en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la S.C.P. d’Avoués HAMEL FAGOO DUROY conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier,

Le Président,


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