Cour d’appel de Riom, Chambre civile 1, 20 septembre 2007, 06/02001

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Cour d’appel de Riom, Chambre civile 1, 20 septembre 2007, 06/02001

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

Du 20 septembre 2007

Arrêt no-CB / SP-

Dossier n : 06 / 02001

Jean L…, Jean Claude X…, Gérard Y… / SA Z…, Jacques Z…, SELARL BAULAND A…

Arrêt rendu le VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Gérard BAUDRON, Président

M. Claude BILLY, Conseiller

M. Bruno GAUTIER, Conseiller

En présence de :

Mme Sylviane PHILIPPE, Greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 28 Juin 2006, enregistrée sous le n 05 / 1703

ENTRE :

M. Jean L…

Résidence Pique Cailloux

33200 BORDEAUX

M. Jean Claude X…

33110 LE BOUSCAT

M. Gérard Y…

13270 FOS SUR MER

représentés par Me Martine-Marie MOTTET, avoué à la Cour

assistés de Me B… de la SELARL BAFFERT-FRUCTUS-ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

APPELANTS

ET :

SA Z…

Les Plaines

route de Billom

63800 PERIGNAT SUR ALLIER

M. Jacques Z…

Les Plaines

route de Billom

63800 PERIGNAT SUR ALLIER

représentés par Me Barbara GUTTON-PERRIN, avoué à la Cour

assistés de Me C… substituant la SCP COLLET-DE ROCQUIGNY-CHANTELOT-ROMENVILLE, avocat au barreau de RIOM

No 06 / 2001-2-

SELARL BAULAND A…, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de continuation de la SA Z…

63038 CLERMONT-FD

représenté par Me Barbara GUTTON-PERRIN, avoué à la Cour

INTIMES

Le dossier ayant été communiqué au Ministère Public, après avoir entendu à l’audience publique du 05 Juillet 2007 les représentants des parties, avisés préalablement de la composition de la Cour, celle-ci a mis l’affaire en délibéré pour la décision être rendue à l’audience publique de ce jour, indiquée par le Président, à laquelle a été lu le dispositif de l’arrêt dont la teneur suit, en application de l’article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Attendu que, en décembre 2003, un contentieux a opposé la société de droit congolais CETE APAVE CONGO à la S.A.Z…, la première ayant alors déposé trois plaintes avec constitution de partie civile contre Monsieur D… gérant, d’une part, de la société DTS et, d’autre part, de la société CETE APAVE CONGO, et contre Monsieur Z… ;

Que ce dernier a, courant 2004, diffusé différents documents mettant en cause les responsables de l’APAVE CONGO, et, nommément, Messieurs E… et Y… ;

Que Monsieur L…, président de l’association APAVE SUDEUROPE et vice-président de la société CETE APAVE SUDEUROPE, propriétaire de 237 parts sur 300 de la société CETE APAVE CONGO, Monsieur X…, directeur étranger de CETE APAVE SUDEUROPE, et Monsieur Y…, gérant de CETE APAVE CONGO, se sont estimés diffamés par ces documents ;

Que le tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND, par jugement du 28 juin 2006, les a déboutés de leur action contre la S.A.Z… et Monsieur Z…, Maître F…, représentant des créanciers de la dite société et Maître A… administrateur judiciaire, et les a condamnés solidairement à payer à ceux-ci 1. 000 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Qu’ils en ont interjeté appel par déclaration du 22 août suivant ;

Attendu que, expliquant que, après avoir opposé à ce propos un silence méprisant et invité Monsieur Z… à cesser ces diffamations, la persistance de ce dernier en 2005 les a amenés à l’assigner, qu’ils visent deux lettres de Monsieur Z… à Monsieur L… des 28 février et 14 mars 2005, une lettre de la S.A.Z… à l’APAVE lyonnaise du 24 mars 2005 et trois lettres diffusées par e-mail les 14 et 24 mars et 18 avril 2005, ainsi que des courriels de Monsieur Z… des 13 juin 2005 et 11 janvier 2006, que leur action est fondée sur les articles 24 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, que l’article 4 du code de procédure pénale autorise l’action civile en dehors de l’action pénale, qu’ils ne se sont jamais basés sur l’article 1382 du code civil, qu’ils ont scrupuleusement respecté le formalisme de la loi de 1881, que ces écrits ont fait l’objet d’une très large diffusion, que des copies des courriers à Monsieur L… ont été adressées à plusieurs destinataires (lettre du 14 mars à tous ses fournisseurs, lettre

No 06 / 2001-3-

du 24 mars intitulée  » recherche témoignages « ) et des doubles ont été joints aux e-mails, eux-mêmes diffusés aux agences APAVE et à des tiers, voire des concurrents de l’APAVE, que la totalité du personnel d’une entreprise telle que l’APAVE, comptant plus de 3. 000 personnes, ne peut être assimilée à des personnes ayant une communauté d’intérêts, que les propos tenus ont un caractère nettement diffamatoire que Monsieur Z… ne conteste pas, qui plaide seulement la bonne foi, qu’il ne peut toutefois revendiquer aucune décision affirmant qu’il est victime d’une arnaque, que Monsieur Y… a été relaxé, que la personne de Monsieur X… est parfaitement reconnaissable pour toute personne connaissant les rouages de l’APAVE, Messieurs E…, X… et Y… demandent de condamner in solidum la S.A.Z… et Monsieur Z… à payer à chacun 50. 000 € de dommages-intérêts, d’ordonner la publication du dispositif de l’arrêt dans trois journaux nationaux aux frais exclusifs de Monsieur Z… sous astreinte, et de condamner in solidum les intimés à leur payer 1. 000 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que, soutenant que Monsieur Z… est le créateur et le principal actionnaire de la S.A.Z… qui exerce une activité de contrôle non destructif en France et en Afrique, que les sociétés CETE APAVE CONGO et Z… ont conclu le 1er janvier 1996 un contrat d’un an renouvelable chaque année, que la première n’a pas payé une partie des factures et que la créance de la S.A.Z… a été transformée en prêt à moyen terme, honoré jusqu’en juin 2003, qu’à la suite d’un audit de APAVE SUD réalisé par Messieurs Y… et X… à la demande de Monsieur L…, les dirigeants d’APAVE SUD et APAVE CONGO ont incité Monsieur D… à rejoindre APAVE SUD, qu’il a refusé, et que le champ d’intervention qui lui a été confié s’est de plus en plus restreint, que le 2 décembre 2003 Monsieur L… lui a ordonné de rompre ses contrats avec les sociétés Z… et DTS, puis APAVE SUD a bloqué le virement des remboursements du prêt, qu’en arrivant à POINTE NOIRE en janvier 2004 Monsieur Z… a constaté que Monsieur D… était dessaisi de ses pouvoirs, que Messieurs Z… et D… ont été convoqués à une assemblée générale à BORDEAUX où, en fait, Monsieur L… a essayé d’imposer Monsieur Y… comme gérant à la place de Monsieur GOVAERTS, ce qui a été fait de façon irrégulière, que ce dernier a été licencié le 2 mars 2004, que la S.A.Z…, ne pouvant recouvrer sa créance, s’est soumise à un redressement judiciaire, que, dans différents courriers adressés au personnel d’APAVE, Monsieur Z… a légitimement relaté les manoeuvres d’APAVE CONGO pour se soustraire à ses obligations, qu’aucun des documents n’a été adressé à Monsieur X… à titre personnel et son nom n’est jamais directement mentionné, que sa demande est donc irrecevable, que les demandeurs ont entendu se placer sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle, que le fondement erroné en première instance n’est pas régularisable en appel, que Monsieur Z… était de bonne foi et que les faits qu’il a relatés sont avérés, que le style pamphlétaire n’exclut pas la bonne foi, que la communauté d’intérêt liant les destinataires résulte de la lecture des courriels et qu’il n’y a donc pas eu de publicité, la S.A.Z… et Monsieur Z… concluent à l’irrecevabilité de l’action de Monsieur X…, à la confirmation du jugement pour le surplus et la condamnation de Messieurs E…, X… et Y… à payer solidairement à Monsieur Z…, Maître F… et Maître A… la somme de 10. 000 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que la S.E.L.A.R.L. BAULAND-GLADEL, ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de continuation de la S.A.Z…, conclut dans le même sens ;

Attendu que Monsieur le Procureur Général s’en rapporte à la sagesse de la cour ;

No 06 / 2001-4-

Attendu que, pour ce qui concerne la recevabilité de la demande de Monsieur X…, le courrier du 14 mars 2005 évoque  » la méthode employée par ces trois personnes pour tenter de nous éliminer « , et le mail du 18 avril 2005, après une série d’accusations commençant par  » ils ont… « , puis l’affirmation  » Y… m’a demandé…  » et  » E… m’a menacé… « , accuse  » nous ne savons pas encore si l’arnaque a été montée par 3 personnes « , puis  » les 3 pourris d’Apave Sud Europe n’ont pas réussi à nous couler « , et l’ensemble des courriers parle du  » trio ayant la responsabilité d’APAVE CONGO  » (lettre du 15 mars 2004) ;

Que ces propos ont reçu une large diffusion auprès du personnel du groupe APAVE, de ses fournisseurs et d’autres personnes, évidemment intéressées à l’activité d’APAVE, que d’ailleurs les intimés considèrent en  » communauté d’intérêt « , que toutes ces personnes étaient donc capables d’identifier le trio en question, que Monsieur X…, chargé de l’étranger, s’est reconnu, et que les intimés, qui, en disant que  » son nom n’est jamais directement mentionné « , reconnaissent pour le moins qu’il l’est  » indirectement « , ne présentent aucune allégation que le troisième membre du trio serait une autre personne ;

Que le jugement, qui a déclaré la demande de Monsieur X… recevable à ce titre, ne peut qu’être confirmé sur ce point ;

Attendu que l’assignation disait que  » les différents éléments cités ci-dessus constituent des imputations de faits contraires à l’honneur et à la probité et de ce fait pourraient tomber sous le coup de la loi pénale et plus particulièrement des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881. Cependant, les requérants entendent porter leur instance devant les tribunaux civils et solliciter la réparation de leur préjudice dans la mesure où ces imputations constituent une diffamation punissable et donc une faute caractérisée  » ;

Que le fait d’indiquer renoncer à la voie pénale prévue en vertu de la loi de 1881 pour lui préférer la voie civile ne peut pas signifier que les intéressés renoncent totalement au bénéfice de cette loi, ce qui ne résulte d’aucune mention de ladite assignation, alors que les intéressés précisent que, s’ils portent leur recours devant les tribunaux civils et sollicitent la réparation de leur préjudice, c’est justement parce que  » ces imputations constituent une diffamation punissable  » ;

Que, par ailleurs, les conditions de procédure et délais imposées par ladite loi ont été parfaitement respectées, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté ;

Que le fondement de l’action est donc clairement indiqué par référence aux articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, et que l’assignation a d’ailleurs été dénoncée dès le 2 mai au procureur de la République, ce qui n’aurait eu aucun sens dans une action fondée sur l’article 1382 du code civil ;

Attendu que, sur la publicité des propos tenus, leur adresse à toutes les personnes intéressées à l’activité de l’APAVE ne peut être considérée comme limitée à des personnes ayant une communauté d’intérêts ;

Que, en particulier, le courriel du 18 avril 2005 en particulier adressé à DPS, Monsieur D…, SECU, CELTE dont les intimés ne précisent pas en quoi ils sont intégrés dans la communauté d’intérêts des destinataires et précise que  » ce courrier sera diffusé à plus de 3000 exemplaires « , ce qui, selon l’e mail suivant, n’a pas encore été fait, mais que le chiffre de 300 destinataires avancé par les demandeurs n’est pas contesté ;

No 06 / 2001-5-

Que le courrier du 14 mars 2005 indique qu’il contient une  » demande à tous mes fournisseurs « , dont la communauté d’intérêt n’est pas précisée, et celui du 24 mars est intitulé  » recherches témoignages « , et sollicite l’aide de nombreuses personnes ;

Qu’il est bien évident que Monsieur Z… ne voulait pas diffuser des messages à des personnes totalement étrangères à l’activité de l’APAVE, pour qui ils auraient été dépourvus d’intérêt ;

Qu’il en résulte que les propos reprochés ont reçu une très large publicité ;

Attendu que le caractère diffamatoire des propos relatés dans l’assignation ne fait l’objet d’aucune contestation des intimés, s’agissant d’une accusation d’ » arnaque  » ;

Attendu, sur l’excuse de bonne foi, que le non remboursement du prêt, pas plus que l’éviction de Monsieur D… et la non communication de l’audit organisé en février 2003, s’ils peuvent expliquer une certaine colère, ne peut certainement justifier les procédés utilisés par les défendeurs ;

Que les éléments de la procédure congolaise, réquisitoire de renvoi de Monsieur Y… devant le tribunal correctionnel et non-lieu pour Monsieur D…, ne sauraient non plus expliquer ces procédés ;

Qu’enfin le mail de Monsieur LOUBET, envisageant,  » en cas d’issue favorable « , d’ » augmenter notre participation auprès du Président du Tribunal et penser qu’il y aura appel et cassation « , n’est pas évoqué dans les courriers visés ;

Qu’il ressort des courriers litigieux que leur but n’était pas uniquement d’information, que l’un précise qu’il s’agit d’une recherche de témoignages, que, plus généralement, il y avait un but évident de mise en accusation, qui exclut l’existence de bonne foi de la part de leurs auteurs ;

Attendu que le préjudice de chacun des demandeurs, compte tenu des termes employés et de l’importance de la diffusion utilisée, doit être estimé à 7. 000 € ;

Attendu que les écrits émanent tous de Monsieur Z…, lequel écrivait sous l’en-tête de la S.A.Z…, laquelle est donc responsable in solidum avec lui, s’agissant de l’évocation de faits relatifs aux relations avec cette société ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirmant,

Condamne Monsieur Z… à payer à Monsieur L… d’une part, à Monsieur X… d’autre part et à Monsieur Y… enfin,7. 000 € (SEPT MILLE EUROS) de dommages-intérêts chacun,

Le condamne à leur payer la somme unique de 1. 000 € (MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

No 07 / 2001-6-

Dit que la S.A.Z… est débitrice de ces sommes, in solidum avec Monsieur Z…,

Les condamne in solidum aux dépens lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. BAUDRON, président, et par Mme PHILIPPE, greffier présent lors du prononcé.

le greffier le président


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