Cour d’appel de Rennes, Chambre commerciale, 2 octobre 2007, 06/03373

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Cour d’appel de Rennes, Chambre commerciale, 2 octobre 2007, 06/03373

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

1. cour d’appel de Rennes

02/10/2007

Deuxième Chambre Comm.

ARRÊT No

R.G : 06/03373

S.C.C.V. CENTRE FRANCAIS D EXPLOITATION DU DROIT DE COPIE

C/

S.A.R.L. FAC REPRO

M. Dominique CHARRIER

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,

Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller,

Madame Véronique BOISSELET, Conseiller, entendu en son rapport,

GREFFIER :

Madame Béatrice Y…, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 26 Juin 2007

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l’audience publique du 02 Octobre 2007, date indiquée à l’issue des débats.

****

APPELANTE :

S.C.C.V. CENTRE FRANCAIS D EXPLOITATION DU DROIT DE COPIE

75006 PARIS

représentée par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués

assistée de Me Jean Z…, avocat

INTIMÉS :

S.A.R.L. FAC REPRO

44300 NANTES

représentée par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués

assistée de Me Yann A…, avocat

Monsieur Dominique CHARRIER

44450 ST JULIEN DE CONCELLES

représenté par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués

assisté de Me Yann A…, avocat

FAITS ET PROCÉDURE :

Le Centre Français d’Exploitation du droit de Copie (CFC) est une société de perception et de répartition prévue par l’article L.321-1 du Code de la propriété intellectuelle, et a pour objet la gestion des droits de reproduction par reprographie relatifs à des oeuvres publiées.

La S.A.R.L. FAC REPRO (ci-après FAC REPRO) exploite quatre établissements de reprographie à Nantes.

Six procès-verbaux de constat ont été dressés par des agents assermentés en application des articles L.331-2 et R.331-1 du Code de la propriété intellectuelle, selon lesquels des oeuvres protégées ont été reproduites par reprographie par la société FAC REPRO.

Par acte du 1er décembre 2005, le CFC a assigné en référé devant le président du tribunal de grande instance de Nantes la société FAC REPRO et son gérant, Dominique Charrier, aux fins de leur faire interdire la poursuite de cette activité illicite, et d’obtenir réparation du préjudice causé.

Par ordonnance du 13 avril 2006, le juge des référés de Nantes a :

interdit à FAC REPRO de faire, laisser faire ou permettre dans ses établissements la reproduction par reprographie d’oeuvres de l’esprit, sous astreinte provisoire de 500 € par infraction constatée à l’expiration d’un délai de 10 jours à compter de la signification de l’ordonnance,

dit n’y avoir lieu à se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte,

débouté le CFC du surplus de ses demandes.

Le CFC en a relevé appel le 19 mai 2006.

Par conclusions du 18 avril 2007, auxquelles il est expressément fait référence pour l’exposé complet de son argumentation, il demande que :

l’ordonnance soit confirmée sur l’interdiction prononcée,

l’affichage d’un extrait de l’arrêt à intervenir soit ordonné sous astreinte,

Dominique Charrier soit condamné in solidum à l’interdiction sous astreinte prononcée contre FAC REPRO,

FAC REPRO et Dominique Charrier soient condamnés in solidum à lui payer une provision à valoir sur les dommages et intérêts de 32 431, 76 €, ainsi que la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions du 3 mai 2007, auxquelles il est expressément fait référence pour l’exposé complet de leur argumentation, FAC REPRO et Dominique Charrier demandent que:

soit posée à la Cour Européenne de Justice une question préjudicielle relative à la compatibilité avec les dispositions de l’article 86 du Traité de Rome des modalités de calcul et de perception de la redevance fixée par le CFC,

soit saisi pour avis ou par la voie contentieuse le Conseil de la Concurrence d’une question relative à l’éventuel abus de position dominante vis à vis des sociétés de reprographie constitué par ces modalités de calcul et de perception de la redevance fixée par le CFC,

l’ordonnance soit confirmée pour le surplus, le CFC étant condamné à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

*****

Par conclusions d’incident du 18 mai 2007, FAC REPRO et Dominique Charrier demandent que soient versés aux débats l’ensemble des contrats régularisés entre le CFC et les sociétés de reprographie de Loire-Atlantique, Vendée, Ille et Vilaine, et Maine et Loire, ainsi que le barème général des redevances pour 2007, sous astreinte de 50 € par jour de retard, le conseiller de la mise en état se réservant la liquidation de l’astreinte.

Par conclusions d’incident du 5 juin 2007, le CFC sollicite le rejet de l’incident, le barème 2007 étant accessible au public, et les contrats réclamés étant couverts par le secret des affaires, l’ensemble étant en tout état de cause inutile à la solution du litige.

L’incident a été joint au fond.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la demande de communication de pièces :

Le présent appel ne porte que sur une décision prise en référé, et la cour n’est pas saisie du fond du litige. Ni les contrats souscrits par des entreprises concurrentes, ni le barème des redevances pour 2007 ne sont indispensables à l’appréciation du mérite des demandes de FAC REPRO, et la communication de ces pièces n’a pas lieu d’être itérativement ordonnée.

Sur la demande de rejet des écritures de l’intimée du 19 juin 2007 :

Ces écritures se bornent à reprendre les précédentes prétentions de l’intimée en y intégrant la demande de communication de pièces précédemment formée par voie d’incident, sur laquelle l’appelant a eu loisir de s’exprimer. Elles peuvent dès lors être conservées aux débats sans qu’il y ait atteinte au principe de la contradiction.

Sur le fond :

Selon l’article L.122-10 du Code de la propriété intellectuelle, la publication d’une oeuvre emporte cession du droit de reproduction par reprographie à une société régie par le titre II du livre II du même code et agréée à cet effet par le ministre de la Culture. Les sociétés agréées peuvent seules conclure toute convention avec les utilisateurs aux fins de gestion du droit ainsi cédé.

Le CFC justifie de son agrément par arrêté du 23 juillet 1996, renouvelé pour la dernière fois le 13 juillet 2006.

Sur la demande de question préjudicielle :

Les sociétés de perception et de répartition des droits sont des entreprises au sens des articles 85 et 86 (devenus 81 et 82) du Traité de Rome, et à ce titre soumises aux prescriptions de ces textes. Dans la mesure où le CFC jouit d’un monopole de fait, il se trouve effectivement dans une position dominante, dont le traité lui fait obligation de ne pas abuser.

Toutefois, l’existence d’éventuels abus ne peut faire l’objet d’une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés, puisqu’elle n’a pas pour objet l’interprétation du texte communautaire, mais l’appréciation d’un comportement de fait par rapport à la règle communautaire, qui relève exclusivement, comme l’a justement observé le premier juge, de la juridiction nationale.

L’ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de question préjudicielle.

Sur la demande de saisine du Conseil de la Concurrence:

Il résulte de l’article L.420-4 du Code de commerce que les pratiques qui résultent de l’application d’un texte législatif ou réglementaire pris pour son application ne sont pas soumises aux dispositions des articles L.420-1 et L.420-2 du même code. Tel est le cas de celles du CFC, dont l’existence, les attributions, et les conventions qu’il peut passer avec les entreprises de reprographie sont prévues par les articles du Code de la propriété intellectuelle précités. Ainsi, l’utilité de la saisine du Conseil de la Concurrence, au demeurant facultative, ne relève pas de l’évidence, et, à ce titre, n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés.

En outre, FAC REPRO, qui soutient que les tarifs pratiqués et imposés seraient excessifs et caractériseraient par là un abus de position dominante, ne produit aucun élément de comparaison sur les pratiques existant dans d’autres états membres de la Communauté susceptible d’étayer cette thèse.

Sur les demandes d’interdiction sous astreinte, et d’affichage :

Selon l’article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction d’une oeuvre de l’esprit sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite.

L’article L.122-10 du Code de la propriété intellectuelle dispose que la publication d’une oeuvre emporte cession du droit de reproduction par reprographie à une société régie par le titre II du livre II du même code et agréée à cet effet par le ministre de la Culture. Les sociétés agréées peuvent seules conclure toute convention avec les utilisateurs aux fins de gestion du droit ainsi cédé.

Le CFC justifie de son agrément par arrêté du 23 juillet 1996, renouvelé pour la dernière fois le 13 juillet 2006.

Ainsi, la reproduction par reprographie sans autorisation du CFC, cessionnaire de ce droit par l’effet de la loi, constitue un trouble manifestement illicite. Dès lors l’interdiction sous astreinte prononcée par le premier juge ne peut qu’être confirmée.

En outre, deux procès-verbaux postérieurs à l’ordonnance dont appel établissent que les reprographies non autorisées d’oeuvres protégées perdurent chez FAC REPRO. Dès lors, la mesure d’affichage sollicitée est utile pour parvenir à leur cessation et sera ordonnée selon des modalités précisées au dispositif.

Sur la demande de provision :

Indépendamment de l’existence d’un éventuel abus de position dominante commis par le CFC dans la fixation et l’application de son barême, dont l’appréciation n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, il n’est pas sérieusement contestable que cette société, dont l’objet statutaire, défini par la loi, consiste à collecter la rémunération due aux auteurs et éditeurs lors de la reprographie d’une oeuvre publiée, a subi un préjudice.

Au regard des éléments produits par FAC REPRO sur le chiffre d’affaire des deux magasins intéressés, en ce qui concerne l’activité ‘photocopie en libre service’, soit de l’ordre de 35 000 € par an pour 2003 à 2005, et 26 000 € pour 2006, retenant que les photocopies d’oeuvres protégées représentent 10 % de cette activité, l’obligation à réparation n’est pas contestable à hauteur de 10 000 €, et la provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice subi par le CFC sera fixée à cette somme.

Sur les demandes formées à l’encontre de Dominique Charrier :

Le CFC ne produit pas moins de sept courriers vainement adressés entre 1997 et 2005 à FAC REPRO afin de l’inviter à régulariser sa situation. La volonté délibérée qu’elle traduit, de la part du dirigeant de cette entreprise, de se soustraire à l’exploitation légale de l’oeuvre d’autrui, caractérise l’évidence d’une faute personnelle détachable de ses fonctions sociales, et, aucune contestation sérieuse n’existant non plus sur ce point, Dominique Charrier sera condamné à supporter in solidum avec FAC REPRO les condamnations pécuniaires prononcées contre cette dernière.

Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile :

Les intimés, qui succombent, supporteront les dépens ainsi que les frais de procédure exposés en première instance et en appel par le CFC à hauteur de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS :

Rejette la demande de communication des contrats conclus par le Centre Français d’Exploitation du droit de Copie avec les sociétés de reprographie de Loire Atlantique, Vendée, Ille et Vilaine et Maine et Loire, et du barême de 2007,

Dit n’y avoir lieu à rejet des écritures de la société FAC REPRO et Dominique Charrier du 19 juin 2007,

Confirme l’ordonnance en ce que la demande de question préjudicielle a été rejetée, et en ce qu’il a été fait interdiction à la société FAC REPRO de faire, laisser faire et permettre dans ses établissements la reproduction par reprographie d’oeuvres publiées sous astreinte provisoire de 500 € par infraction constatée passé le délai de dix jours après signification de l’ordonnance,

La réformant partiellement et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à saisine du Conseil de la Concurrence,

Ordonne l’affichage pendant une durée de trois mois du dispositif du présent arrêt sur la porte d’entrée côté rue à hauteur des yeux dans les quatre établissements exploités par la société FAC REPRO, sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de dix jours après signification du présent arrêt,

Condamne in solidum Dominique Charrier et la société FAC REPRO à payer au Centre Français d’Exploitation du droit de Copie la somme provisionnelle de 10 000 € à valoir sur l’indemnisation de son préjudice,

Condamne Dominique Charrier in solidum avec la société FAC REPRO au paiement des astreintes,

Les condamne aux dépens, avec recouvrement direct au profit de Maîtres Gautier et Lhermitte, avoués,

Les condamne également à payer au Centre Français d’Exploitation du droit de Copie la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT Enregistrer « TYPE=PICT;ALT=vouspouvezaffichercette »Imprimer Fermer


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