Cour d’appel de Rennes, 27 novembre 2007, 06/03937

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Cour d’appel de Rennes, 27 novembre 2007, 06/03937

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE.

Par jugement du Tribunal de Commerce de VANNES en date du 25 avril 1997, confirmé par arrêt de cette Cour du 29 Avril 1998, Madame X… a été condamnée à payer à la SA GMF Banque, devenue SARL GMF Recouvrement, es qualités de caution de la société AMP X…, 750 000 F outre intérêts au taux légal à compter du 6 mars 1996.

Le 15 juillet 1999, elle a constitué, avec M X… et la Company BUTTONSMORE LIMITED, la SCI LES HORTENSIAS au capital de 20 000 F à laquelle elle a apporté, le 3 Août 1999, un immeuble lui appartenant, situé à NIVILLAC, évalué à 1.300.000 F. Le capital social a été porté à 1 320 000 F et Madame X… s’est vu attribuer 13 000 parts de 100 F chacune représentant son apport en nature en sus des 20 qu’elle détenait à l’origine.

Le 12 Août 1999, Madame X… a cédé respectivement à M Y… et à la Company BUTTONSMORE LIMITED 5 000 et 8 000 de ses parts pour le prix total de 490 000 F.

Soutenant que cette cession était intervenue en fraude de ses droits, ce que M Y… et la Company BUTTONSMORE LIMITED ne pouvaient ignorer, la SARL GMF Recouvrement l’a assignée ainsi que ceux-ci et la SCI Les Hortensias sur le fondement de l’article 1167 du Code Civil pour voir prononcer la révocation de l’apport de l’immeuble et de la cession de parts sociales et juger que ces actes lui sont inopposables.

Elle a été débouté de ses prétentions par jugement du Tribunal de Grande Instance de VANNES du 16 Mai 2006.

Appel de cette décision a été interjeté par la SARL GMF Recouvrement.

Aux termes de ses dernières écritures, en date du 5 septembre 2007, elle réitère ses prétentions initiales, sollicitant en outre 3 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles.

Mme X…, la SCI des Hortensias et la société Company BUTTONSMORE LIMITED concluent à la confirmation du jugement aux termes de leurs dernières écritures, en date du 15 Mai 2007, en soutenant, à titre principal, qu’aux termes d’une transaction en date des 14 Janvier et 11 Février 2005, l’appelante a reconnu la régularité de l’apport ou, subsidiairement, que les éléments de la fraude paulienne ne sont pas réunis. Ils réclament 3 500 € chacun sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Assigné à personne selon acte du 13 Novembre 2006, M Y… n’a pas constitué avoué.

Il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières écritures, ci-dessous visées.

DISCUSSION

Attendu qu’il résulte d’un protocole signé les 14 Janvier et 11 Février 2005 par Mme X…, la SCI Les Hortensias, représentée par son gérant, M Y…, et la SARL GMF RECOUVREMENT que:

– par jugement du Tribunal de Grande Instance de VANNES du 1 er Avril 1997 confirmé par arrêt de cette Cour du 6 Mai 1999, Madame X… a été condamnée à payer à la société GMF Banque 31 983,12 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 Décembre 1995 outre une indemnité de 1 119,41 €,

– le 19 Mai 1999, GMF Recouvrement a fait inscrire une hypothèque provisoire sur l’immeuble de NIVILLAC appartenant à Mme X…,

– le 21 Juin 2001, elle a fait inscrire une hypothèque définitive,

– le 11 Juillet 2003, elle a délivré à Mme X… un commandement de payer 62 378,03 €, selon décompte arrêté au 15 Janvier 2003,

– le 17 Septembre 2003, elle a délivré à la SCI LES HORTENSIAS un avis à tiers détenteur,

– le 19 Novembre 2003, elle a délivré à la partie saisie, au tiers détenteur et aux créanciers inscrits sommation de prendre connaissance du cahier des charges et d’assister à l’audience éventuelle et à l’adjudication,

– le 6 Juillet 2004, Mme X… et la SCI LES HORTENSIAS ont été déboutées de leur demande en nullité de la procédure.

Attendu qu’aux termes de ce protocole, Madame X… a reconnu une dette de 76 160,12 € dont elle s’est acquittée et la SARL GMF Recouvrement s’est engagée à donner main levée de la saisie et des hypothèques ;

Attendu que contrairement à ce que soutient Mme X…, cet acte qui avait pour objet de mettre fin au litige relatif à une condamnation prononcée le 1 er Avril 1997 et confirmée le 6 Mai 1999 ne vaut pas renonciation de la part de la SARL GMF Recouvrement à se prévaloir de la fraude paulienne dans le cadre du présent litige, relatif à une condamnation prononcée le 25 Avril 1997 et confirmée le 29 Avril 1998 ;

Attendu qu’il faut constater que la SCI Les Hortensias a été constituée moins de deux mois (15 Juillet 1999) après que la SARL GMF Recouvrement a inscrit une hypothèque provisoire sur l’immeuble de NIVILLAC appartenant à Mme X… (19 Mai 1999) en vertu de la créance ayant fait l’objet de la transaction susdite et que cette dernière savait à cette époque qu’elle lui était en outre débitrice de 750 000 F en principal en vertu du jugement du 25 Avril 1997, confirmé par arrêt contradictoire du 29 Avril 1998 ;

Attendu que M Y… et la Company Limited BUTTONSMORE, acquéreurs des parts, n’ignoraient pas eux-mêmes l’endettement de leur venderesse puisque l’acte de cession indique que le « cédant déclare que les parts cédées… correspondent aux parts qui lui ont été remises à la constitution de la société en contre partie de son apport en nature… diminué des hypothèques judiciaires et légales à ce jour connues et représentant la somme de 410 KF, avec une réserve sur les oppositions à venir d’un montant de 390 000 F  » ;

Attendu qu’il est établi par ailleurs par un jugement du Juge de l’Exécution de VANNES en date du 24 Février 2000 que Madame X… entretenait des liens étroits avec M Y…, qui, pour tenter de faire échec à une saisie vente diligentée par la SARL GMF Recouvrement à l’encontre de cette dernière le 10 Août 1999, avait prétendu, sans succès, qu’elle lui avait cédé ses meubles le I ,r Juin 1999; qu’il est aussi symptomatique de relever que la Company Limited BUTTONSMORE, qui fait cause commune avec Mme X…, ne précise pas son objet social et demeure taisante sur l’utilité que présentait pour elle l’acquisition de parts sociales d’une SCI en France ;

Attendu encore que l’acte de cession prévoit que la cession est consentie et acceptée moyennant le prix total de 490 000 F, payé « par crédit vendeur ce jour sur la base de 120 mois de règlement avec intérêts sur la base d’Euribor +2, à raison de mensualités par le cessionnaire au cédant » ;

Attendu qu’il s’évince de ces éléments qu’en apportant l’immeuble à la SCI Les Hortensias, puis en vendant ses parts sociales, Mme X… a tenté de faire échapper ce bien au gage de la SARL GMF Recouvrement et a ainsi commis, avec la complicité de M Y… et de la Company BUTTONSMORE LIMITED, une fraude à ses droits ;

Attendu, par ailleurs, que la nécessité dans laquelle la SARL GMF Recouvrement s’est trouvée de diligenter une procédure de saisie vente du mobilier de Mme X… le 10 Août 1999 démontre son état d’insolvabilité apparente au moment de cette opération, ce que confirme la lettre de son époux du 23 août 1999 qui proposait seulement la vente de deux véhicules, dont une R5, à l’huissier chargé du recouvrement, que devant la Cour, Mme X… ne prouve au demeurant pas qu’elle dispose de biens de valeur suffisante pour répondre de son engagement ;

Attendu que le jugement sera donc infirmé ; que si l’action paulienne, diligentée avec succès par la SARL GMF Recouvrement, ne peut entraîner la révocation de l’apport de l’immeuble à la SCI Les Hortensias et de la cession de parts sociales du 12 Août 1999, elle doit conduire à les lui déclarer inopposables;

Attendu que l’équité commande d’allouer à la SARL GMF Recouvrement 3 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

Infirmant,

Déclare inopposables à la SARL GMF Recouvrement l’apport de l’immeuble lieudit « Le Z… Martin », commune de NIVILLAC effectué par Mme X… au tirofit de la SCI LES HORTENSIAS selon acte notarié du

3 Août 1999 et la cession de parts sociales de la SCI LES HORTENSIAS intervenue le 12 Août 1999 entre Mme X…, d’une part et la société BUTTONSMORE LIMITED et M Y…, d’autre part,

Condamne in solidum Mme X…, la SCI LES HORTENSIAS, M Y… et la société BUTTONSMORE LIMITED à payer à la SARL GMF RECOUVREMENT 3 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles,

Les condamne in solidum aux entiers dépens et dit qu’ils seront recouvrés par la SCP CASTRES-COLLEU-PEROT-LE COULS BOUVET, conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER.- LE PRESIDENT.-


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