Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE LG
ARRÊT N °
AFFAIRE N : 00/01291
AFFAIRE Jean X…
C/D E L T O U R
(ML S A
RENNEPONT)ä C.G.E.A. REIMS, D’AMIENS, A.G.S. / UNE D2CISION RENDUE le 16 Novembre 1999 par le Conseil de Prud’hommes d4EPERNAY section encadrement. ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2002 APPELANT: Monsieur Jean X… 36 Clos du Moulin 51700 VERNEUIL Comparant, concluant et plaidant par la SCP FOSSIER, avocats au barreau de INTINES : Maître DELTOUR ès-qualités de mandataire liquidateur de la SA RENNEPONT 3 Rue Noùl 51100 REIMS Comparant, concluant et plaidant par Me Christine SAUER BOURGUET, avocat au barreau de REIMS C.G.E.A. D’AMIENS Délégation Régionale Nord Est 2 rue de FEtoile 80094 AMIENS CEDEX 3 A.G.S. 3 rue Paul Cézanne 75008 PARIS Comparants, concluants et plaidants par Me RAFFIN, avocat au barreau de REIMS, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré Monsieur Bertrand SCHEIBLING Président Madame Catherine BOLTEAU-SERRE Conseiller Monsieur Luc GODINOT Conseiller GREFFIER Madame Geneviève Y…,adjoint administratif principal faisant fonction de greffier ayant prêté le serment de l’article 32 du décret du 20 juin 1967 lors des débats et lors du prononcé DÉBATS: A l’audience publique du 28 Août 2002, où l’affaire a été mise en délibéré au 09 Octobre 2002, ARRÊT prononcé par Monsieur Bertrand SCHEIBLING, Conseiller à l’audience publique du 09 Octobre 2002, qui a signé la minute avec le greffier présent lors du prononcé. EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE Monsieur X… a été embauché le 21 avril 1971 en qualité d’assimilé cadre par la société des Etablissements RENNEPONT
dont il est devenu administrateur en date du 18 février 1981,
et directeur général à compter du 27 juin 1985 ; la société ayant fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire en date du 3 juin 1998 puis de liquidation judiciaire en date du 16 décembre 1998, Monsieur X… a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception de Maître DELTOUR ès qualité de liquidateur pour motif économique. L’ UNEDIC CGEA d’AMIENS-AGS ayant contesté la réalité du contrat de travail de Monsieur X…, et par la même la prise en charge de ce qu’il estime être ses droits salariaux, ce dernier a saisi en date du 9 février 1999 le conseil de Prud’hommes d’ EPERNAY des demandes suivantes : –
46 888,81 F au titre des salaires du mois de septembre 1998, –
6 989,53 F au titre du salaire du 1 au 6 octobre 1998, –
23 467,31 F au titre du solde du salaire du mois d’octobre 1998, –
30 000 F au titre du salaire du mois de décembre 1998, –
46 529,60 F d’indemnité de congés payés pour 1998, –
348 972 F d’indemnité de préavis, –
1 013,182,04 F d’indemnité de licenciement –
demandant que le CGEA d’AMIENS-AGS soit tenu au paiement de ces sommes, –
10 000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Par jugement du 16 novembre 1999 le conseil de prud’hommes d’Epernay a débouté Monsieur X… de l’intégralité de ses demandes. Le jugement lui a été notifié le 5 mai 2000. Monsieur X… a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe du conseil de prud’hommes d’EPERNAY en date du 10 mai 2000. Vu les conclusions déposées au secrétariat-greffe de la Chambre sociale le 15 janvier 2001 par Monsieur X… et développées oralement à l’audience, aux termes desquelles l’appelant demande à la Cour : –
d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, –
de constater qu’il était salarié position repère 3 C de la convention collective applicable, –
de dire qu’il existait un lien de subordination entre Monsieur X… et son employeur, –
Constater qu’il n’a pas été entièrement rémunéré de sommes qui lui étaient dues au titre de ses salaires, congés payés, préavis et indemnité de licenciement, –
En conséquence, –
Fixer sa créance à la procédure de la société RENNEPONT aux sommes de : –
46.888,81 F au titre du salaire du mois de septembre 1998, –
6.989,53 F au titre de salaire du 1e au 6 octobre 1998, –
23.467,31 F au titre du solde su salaire dû au mois d’octobre 1998, –
30.000,00 F au titre du salaire du mois de décembre 1998, –
46.529,60 F au titre de l’indemnité de congés payés pour 1998, –
348.972,00 F au titre de l’indemnité de préavis, –
1 013.182,04 F d’indemnité de licenciement, –
dire que les AGS CGEA d’AMIENS seront tenus de garantir le paiement des sommes dues, –
10 000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Vu les conclusions déposées au secrétariat-greffe de la Chambre sociale le 28/08/0 par Maître DELTOUR ès qualités de mandataire liquidateur de la société des Etablissements RENNEPONT et développées oralement à l’audience, aux termes desquelles l’intimé demande à la Cour de : –
Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes d’EPERNAY en ce qu’il a considéré qu’aucun lien de subordination n’existait entre Monsieur Jean X… et la société anonyme des Etablissements
RENNEPONT , –
Constater que la position repère 3 C de la convention collective correspondait à la fonction de direction générale exercée par Monsieur X… et non pas à sa fonction salariale. –
Dire qu’eu égard au principe de la suspension du contrat de travail de Monsieur Jean X…, tous les droits à ancienneté de Monsieur X… ont été suspendus du 27 juin 1985 au 1er décembre 1998, –
Dire que Monsieur X… ne rapporte pas la preuve de ses prétentions en terme de fixation de créance, –
Débouter purement et simplement Monsieur X… de toutes ses demandes, tout en ajoutant dans ses explications que selon ses calculs l’indemnisation du licenciement devrait être limitée à 232 166,61 F compte tenu de la période de suspension du contrat de travail ; Vu les conclusions déposées par l’AGS et le CGEA d’AMIENS
le 28/08/02 et reprises oralement à l’audience du même jour, aux termes desquelles ces organismes demandent à la Cour : –
la confirmation du jugement entrepris, –
de constater que Monsieur X… ne rapporte pas aux débats la preuve de la réalité de son contrat de travail. –
de débouter Monsieur X… de l’ensemble de ses demandes et prononcer la mise hors de cause du CGEA d’AMIENS-AGS –
à titre subsidiaire dire qu’en application de l’article L 143-11-1 du Code du Travail, la garantie du CGEA d’AMIENS-AGS est limitée à un mois et demi de travail pour toutes les sommes (salaires et accessoires) qui seraient dues pendant la période d’observation, dans les quinze jours de la liquidation judiciaire et pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire, –
dire que la demande au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ne rentre pas dans son champ de garantie, – de
donner acte au CGEA d’AMIENS et à l’AGS de ce qu’ils ne pourront être amenés à avancer le montant des condamnations qui seront éventuellement prononcées par la Cour, qu’entre les mains du mandataire liquidateur et dans la seule limite des textes légaux et plafonds réglementaires applicables, à l’exclusion de tous intérêts et autres – de condamner en conséquence tout autre qu’eux aux dépens EXPOSE DES MOTIFS I – SUR LA PROCEDURE Z… que l’appel interjeté l’a été dans le délai et que Monsieur X… a qualité et intérêt pour agir, que l’appel sera donc déclaré recevable ; II – SUR LE FOND Z… que le litige porté devant la Cour consiste à déterminer si Monsieur X… avait ou non la qualité de salarié, et dans l’affirmative d’en tirer les conséquences au regard de sa créance salariale ; Sur le contrat de travail de Monsieur X… Z… qu’il convient au préalable de préciser que : – la société des Etablissements RENNEPONT avait deux secteurs d’activité : le secteur scierie, et le secteur bâtiments travaux publics ; –
que selon le rapport de l’expert judiciaire nommé par le juge commissaire, la société des Etablissements RENNEPONT dont Monsieur X… était directeur général et actionnaire minoritaire était détenue à 99% par la société COGEFIS elle même détenue par la SARL FINACO à 76,95 % dont Monsieur X… était porteur de 4988 parts sur les 29 930 représentant le capital ; Z… que le parcours de Monsieur X… au sein de la société des Etablissements RENNEPONT a été le suivant : –
21 avril 1971 : embauche en qualité d’assimilé cadre, la mention sur les bulletins de paie comportant la qualité ‘d’adjoint de direction’ –
18 février 1981 : nomination en qualité d’administrateur, –
27 juin 1985 : nomination en qualité de directeur général, –
1er décembre 1998 démission de la fonction de Directeur général, –
26 décembre 1998 licenciement par M° DELTOUR, mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire des Etablissements RENNEPONT ; Z… qu’il ressort de ce parcours que la période du 21 avril 1971, date d’embauche, jusqu’au 18 février 1981 Monsieur X… a travaillé en qualité de salarié, le lien de subordination n’étant pas contesté ; qu’il apparaît selon les pièces versées aux débats qu’il exerçait son activité dans le secteur bâtiments travaux publics ; Z… qu’à compter du 18 février 1981 Monsieur X… a été nommé administrateur ; qu’il n’est pas contesté qu’il est resté dans un lien de subordination, en sorte qu’à défaut qu’il ait été prévue une suspension expresse de son contrat de travail, ce dernier a continué ; Z… en revanche qu’à compter du 27 juin 1985 Monsieur X… a été nommé directeur général, c’est à dire mandataire social assistant le président et ayant vocation à représenter la société à l’égard des tiers ; qu’il apparaît suivant le procès verbal de la séance du conseil d’administration du 27 juin 1985 que les aménagements internes ont consisté à préciser qu’il serait spécialement chargé de la responsabilité du comité d’hygiène et de sécurité, et des inventaires ; qu’il n’est nullement précisé que son rôle de directeur général était cantonné au secteur dans lequel il exerçait, qu’il est d’ailleurs symptomatique que lors de l’établissement du bilan économique et social établi par M° CONTANT, administrateur judiciaire, l’analyse générale de la situation a été faite non par le Président du conseil d’administration, mais par Monsieur X…, directeur général ; qu’en tout état de cause selon ses propres déclarations (lettre du 15/12/98 ) il revendique avoir été le manager depuis toujours du secteur TP pour lequel il déclare avoir assuré et adapté ce secteur aux aléas des situations économiques diverses ; que ce faisant il démontre la généralité des ses pouvoirs et l’absence de tout lien de subordination de même que
la confusion de ses activités de salarié avec celle de son mandat ; que d’ailleurs selon la page 11/41 du manuel de qualité versé aux débats il apparaît que Monsieur X… se rendait compte à lui même ; qu’enfin la Cour constate que s’il y a eu des bulletins de paie distinguant la fonction salariale de celle de directeur général, une telle différenciation ne saurait suffire à caractériser le maintien d’un lien de subordination dès lors qu’il est démontré une autonomie totale dans la gestion d’un pan entier de la société représentant 40% du chiffre d’affaires et un monopole des connaissances techniques ; qu’il en ressort que son rôle de directeur général a nécessairement suspendu le contrat de travail qu’il avait conclu le 21 avril 1971 en sorte que toute la période ou il a été directeur général doit en principe être neutralisée pour le calcul de ses droits ; que cette période de suspension a pris fin lorsqu’il a démissionné de ses fonctions de directeur général en date du 1er décembre 1998 Mais attendu que cette période de suspension n’est dans le cas d’espèce que d’un intérêt de principe ; qu’en effet selon l’article 10 de la convention collective applicable, l’ancienneté dans l’entreprise se détermine sans que soient exclues les périodes de suspension : pour l’application des dispositions de la présente convention, on entend par présence le temps écoulé depuis la date d’entrée en fonction, en vertu du contrat de travail en cours, sans que soient exclues les périodes de suspension de ce contrat ; qu’en conséquence l’indemnité de licenciement due à Monsieur X… sera déterminée sans tenir compte de cette période de suspension ; Sur l’incidence financière Z… qu’il convient au préalable de savoir sur quelle base de rémunération doivent être calculés les droits de Monsieur X… ; que la Cour constate que la rémunération qui a été distinguée entre les fonctions de salarié et de directeur général, quand bien même il a été vu que cette distinction n’était pas
suffisante pour caractériser le maintien d’un lien de subordination, correspond à une rémunération équivalente à la position III C de la convention collective ; que d’ailleurs Maître DELTOUR se réfère à cette classification et à la rémunération correspondante pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement ; que la Cour retiendra en conséquence comme salaire le minima conventionnel correspondant à la position III C soit pour 1998 une rémunération annuelle de 372 709 F correspondant à 31 059,08 F/mois ; Au titre de la rémunération Z… que Monsieur X… qui réclame sa rémunération du mois de septembre1998 et le solde de celle du mois d’octobre, de même que ses congés payés ne peut prospérer dans ces demandes dès lors qu’il n’était pas salarié à cette époque ; qu’en revanche, ayant retrouvé sa qualité de salarié à compter de sa démission, il lui est dû sa rémunération du 1er au 26 décembre 1998, ce qui sur la base du salaire conventionnel de la position III C représente une créance de 31 059,08 F x 26/30° soit 26 917,87 F correspondant à 4 103,60 ; Au titre du préavis Z… que selon l’article 27 de la convention collective de la métallurgie il est prévu un préavis de 6 mois pour les salariés licencié âgé de 55 ans ou plus; que Monsieur X… qui avait plus de 55 ans lors du licenciement prononcé pour motif économique par Maître DELTOUR le 26 décembre 1998 verra donc sa créance fixée à ce titre pour 186 354,48 F soit 28 409,56 ; Au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement Z… que le calcul de l’indemnité de licenciement, compte tenu du fait que la période de suspension du contrat de travail n’a pas, conventionnellement, à être prise en compte, doit se calculer sur l’ancienneté de Monsieur X… de 1971 (année de l’embauche) à 1998 (année du licenciement), soit sur 27 ans, ce qui donne le calcul suivant pour l’indemnité de licenciement (article 29 de la convention collective ) : –
pour la tranche de 1 à 7 ans d’ancienneté :1/5ème de mois par année d’ancienneté, soit : –
31 059,08 x 7/5° ..= 43 482,71 F –
pour la tranche au delà de 7 ans : 3/5ème par année d’ancienneté, soit : 31 059,08 ( 3/5° x 20 ) = 372 708,96 F total ………= 416 191,67 F somme qu’il convient de majorer de 30 % le salarié ayant plus de 55 ans et plus de 5 ans d’ancienneté soit une indemnité totale de 416 191,08 F x 1,3 = 541 048,40 F correspondant à 85 228,67 , somme qui sera fixée au passif de la société des Etablissements RENNEPONT en ce qu’elle ne dépasse pas le plafond de 18 mois de traitement prévu par la convention collective ; sur les demandes accessoires Z… que l’équité ne commande pas qu’il soit fait droit à la demande de Monsieur X… au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; que les frais et dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective ; PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire,
En la forme, Déclare recevable l’appel interjeté par Monsieur Jean X…, Au fond, Le dit partiellement fondé, Infirme dans la mesure utile le jugement du conseil de prud’hommes d’EPERNAY rendu le 16 novembre 1999, et statuant à nouveau, fixe la créance salariale de Monsieur X… au passif de la société des Etablissements RENNEPONT comme suit : –
4 103,60 au titre du salaire du mois de décembre 1998, –
28 409,56 au titre du préavis, –
85 228,67 au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement Donne acte au CGEA d’Amiens et à l’AGS de ce qu’ils n’auront à avancer le montant des condamnations/admissions qu’entre les mains du mandataire liquidateur et dans la seule limite des textes légaux et plafonds réglementaires applicables, à l’exclusion de tous intérêts
et autres, Dit qu’il n’y a pas lieu à fixation d’une créance au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, Dit que les frais et dépens seront passés en frais privilégié de la procédure collective de la société des Etablissements RENNEPONT. LE GREFFIER
LE PRESIDENT