Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
ARRET No
du 04 février 2008
R. G : 06 / 03242
MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DE LA MARNE
c /
Y…
YM
Formule exécutoire :
à : COUR D’ APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE- 1o SECTION
ARRET DU 04 FEVRIER 2008
APPELANT :
d’ un jugement rendu le 24 Octobre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de REIMS
MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DE LA MARNE
Cité Administrative Tirlet
51036 CHALONS EN CHAMPAGNE CEDEX
COMPARANT, concluant par la SCP GENET- BRAIBANT avoués à la Cour
INTIMEE :
Madame Madeleine Y… épouse DE BEGON DE LAROUZIERE DE MONTLOSIER
Les Vergers
63460 ARTONNE
Comparant, concluant par la SCP DELVINCOURT- JACQUEMET- CAULIER- RICHARD, avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SA FIDAL, avocats au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame SOUCIET, Conseiller, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’ y étant pas opposées ; en ont rendu compte à la Cour lors de son délibéré
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur MAUNAND, Président de Chambre
Monsieur ALESANDRINI, Conseiller,
Madame SOUCIET, Conseiller
GREFFIER :
Madame Nicole Z…, Adjoint Administratif faisant fonction de Greffier lors des débats et Madame Maryline THOMAS, Greffier lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’ affaire a été régulièrement communiquée.
DEBATS :
A l’ audience publique du 08 Janvier 2008, où l’ affaire a été mise en délibéré au 04 Février 2008,
ARRET :
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Février 2008 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame THOMAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Le groupe Y… exerce une activité de négoce de vins de champagne (société en commandite par actions Henriot & Associés et S. A. Vignobles Y…) et de vins de Bourgogne (société civile La Vigie, S. A. Bouchard Père & Fils, S. A. BPF Participations).
Afin de garantir le contrôle du groupe familial, chacune des quatre branches appartenant au groupe Y… a constitué, le 16 novembre 1996, une société holding par apport en nature de la nue- propriété des actions que chacune détenait dans la SCA Henriot & Associés et dans la société civile La Vigie.
Mme Madeleine Y… épouse AA… a ainsi constitué la S. A. Artonne par l’ apport en nature de la nue- propriété de 136. 874 actions détenues dans la S. C. A. Y… & Associés pour une valeur de 2. 489. 660 francs et de la nue- propriété de 787. 249 parts détenues dans la société civile La Vigie pour une valeur de 13. 304. 640 francs.
Pour évaluer les apports en nue- propriété a été utilisée la méthode économique (méthode du cash- flow actualisé).
Par acte du 14 décembre 1996, enregistré à la Recette principale de Reims- Est le 23 décembre 1996, Mme Y… épouse AA… a effectué une donation- partage en pleine propriété de 140. 432 actions sur les 140. 443 actions détenues dans la S. A. Artonne, au profit de ses huit enfants, de sorte qu’ ils détiennent chacun 12, 50 % du capital.
Les actions ainsi données ont été estimées à la somme de 14. 043. 200 francs, soit 100 francs l’ unité.
Le 15 décembre 1999, l’ administration fiscale, estimant que ces opérations avaient eu pour but unique de dissimuler la donation directe aux enfants de Mme Y… épouse AA… de la nue- propriété des actions de la S. C. A. Henriot & Associés et des parts de la société civile La Vigie afin d’ éluder l’ application du barème légal prévu par l’ article 762 du code général des impôts, a engagé à l’ encontre de l’ intéressée une procédure de répression de l’ abus de droit prévue à l’ article L. 64 du livre des procédures fiscales. Cette procédure est pendante devant la Cour d’ appel de Reims.
Par une seconde notification de redressement du 15 décembre 1999, l’ administration fiscale a contesté la valeur des actions de la S. A. Artonne retenue dans le cadre de la donation- partage et a réclamé un rappel de droits en principal de 1. 313. 880 francs, outre une somme de 344. 893 francs au titre des intérêts de retard, et ce, sur la base de 172 francs l’ unité.
Par courrier du 26 janvier 2000, Mme Y… épouse AA… s’ est opposée à ce redressement. L’ administration fiscale a rejeté ses arguments le 17 juillet 2000, tout en ramenant la valeur de l’ action à la somme de 168 francs.
La Commission départementale de conciliation, saisie par Mme Y… épouse AA…, a rendu un avis le 9 février 2001 dans lequel elle a tenu partiellement compte des observations de la contribuable, tout en considérant que le principe de la réévaluation des actions devait être maintenu.
L’ administration fiscale s’ étant rangée à l’ avis de la commission a notifié à Mme Y… épouse AA… le 28 février 2001 une imposition complémentaire sur la base d’ une valeur de l’ action de 148 francs.
Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 10 mai 2001 pour un montant de 1. 105. 607 francs (168. 548, 70 euros), soit 133. 503, 87 euros au titre des droits et 35. 044, 83 euros au titre des intérêts de retard.
Mme Y… épouse AA… a contesté cette imposition par une réclamation contentieuse du 26 juin 2003 qui a été rejetée par le Directeur des Services Fiscaux de la Marne le 27 février 2004.
Par acte du 4 mai 2004, Mme Y… épouse AA… a fait assigner ce dernier devant le Tribunal de grande instance de Reims pour voir annuler la décision de rejet et prononcer le dégrèvement des impositions complémentaires.
Par jugement avant dire droit du 31 mai 2005, le Tribunal de grande instance de Reims a déclaré régulière la procédure de redressement et ordonné une expertise judiciaire, confiée à M. Jean- Claude A…, afin d’ avoir un avis sur la valeur vénale des actions à la date du fait générateur de l’ impôt.
L’ expert judiciaire a déposé son rapport le 31 mars 2006.
Par jugement du 24 octobre 2006, le Tribunal de grande instance de Reims a :
– fixé à la somme de 107 francs la valeur unitaire des actions de la S. A. Artonne à la date du 14 décembre 1996 ;
– constaté l’ insuffisance des bases déclarées à l’ acte du 14 décembre 1996 ;
– dit que les droits restant dus par Mme Y… épouse AA… et les pénalités seront mis en recouvrement sur la base d’ un prix unitaire de l’ action de la S. A. Artonne de 107 francs ;
– ordonné le dégrèvement des droits et pénalités pour le surplus ;
– dit que les frais de l’ expertise judiciaire seront supportés pour un quart par Mme Y… épouse AA… et pour les trois quarts par l’ administration fiscale ;
– dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu’ elle a exposés ;
– débouté Mme Y… épouse AA… de sa demande d’ indemnité de procédure.
Le Directeur des Services Fiscaux de la Marne a relevé appel de ce jugement le 22 décembre 2006.
Par dernières conclusions notifiées le 19 avril 2007, le Directeur des Services Fiscaux de la Marne demande à la Cour de :
– réformer pour partie le jugement en décidant que :
. la fiscalité latente n’ a pas à être prise en compte dans la détermination de la valeur mathématique des parts de sociétés ;
. la méthode d’ évaluation par comparaison utilisée par l’ administration fiscale pour la fixation de la valeur vénale des parts de la société civile La Vigie est suffisamment probante ;
. en toute hypothèse, la valeur retenue par le tribunal pour l’ évaluation de la société civile La Vigie ne peut être retenue ;
. l’ abattement pour absence de liquidité et associé minoritaire doit être fixé à 20 % ;
– condamner Mme Y… épouse AA… au paiement de la somme de 1. 000 euros au titre de l’ article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’ appel.
Par dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2007, Mme Y… épouse AA… poursuit la confirmation du jugement déféré et la condamnation de l’ appelant au paiement de la somme de 2. 000 euros au titre de l’ article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’ appel.
L’ avis du ministère public a été recueilli le 17 janvier 2007.
SUR CE, LA COUR,
Attendu que les premiers juges ont justement rappelé, d’ une part, que la valeur vénale de titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de l’ ensemble des éléments permettant d’ obtenir un chiffre aussi proche que possible de celui qu’ aurait entraîné le jeu normal de l’ offre et de la demande et, d’ autre part, que la détermination de la valeur des parts de la S. A. Artonne, dont les seuls actifs sont constitués de participation dans la SCA Henriot & Associés et la société civile La Vigie, requiert la détermination de la valeur des parts de ces deux sociétés et de celles de la S. A. Vignobles Y… dont les actions sont détenues par la SCA Henriot & Associés ;
Que, par ailleurs, la valeur des parts doit notamment être déterminée par la combinaison de la valeur mathématique obtenue par actualisation de l’ actif net comptable de la société, de la valeur de productivité tirée de l’ importance du bénéfice et de la valeur de rendement établie par capitalisation du dividende ; que la combinaison de ces méthodes doit prendre en considération les caractéristiques de la société évaluée et le contexte économique dans lequel elle évolue au jour du fait générateur de l’ impôt ;
Attendu qu’ en ce qui concerne la valeur des parts de la S. A. Vignobles Y…, si les parties ne contestent pas la réévaluation opérée par les services fiscaux des postes » constructions « , » vignes et plantations » et » stocks de vins « , l’ administration fiscale fait grief aux premiers juges d’ avoir déterminé le passif de la société en intégrant l’ impôt sur les sociétés, ramené à un taux de 15 %, sur le montant total des plus values latentes (stock de vins, constructions, vignes et plantations), ce qui a eu pour effet de créer un passif supplémentaire de plus de dix- huit millions de francs et, partant, de diminuer la valeur mathématique de la société ; que les services fiscaux rappellent que la valeur mathématique n’ est pas une valeur liquidative, mais celle d’ un potentiel économique, et qu’ elle tend à mesurer la valeur des titres en cas de cession et non de liquidation, hypothèse où la société dépose le bilan ; qu’ ils indiquent que la valeur recherchée étant la valeur d’ utilité du bien pour l’ entreprise, il n’ y a pas lieu de tenir compte d’ une fiscalité latente pour les constructions, les vignes et les plantations, lesquelles sont toutes nécessaires à l’ activité de la société ; qu’ ils font observer que, dans leur rapport portant observations sur l’ évaluation des sociétés du groupe, les membres de la famille Y… avaient estimé recevable l’ argumentation des services fiscaux dans la mesure où la société n’ avait pas pour objet de céder ses moyens permanents d’ exploitation ; que les services fiscaux précisent, par ailleurs, que prendre en compte la fiscalité latente sur les stocks de vins, lesquels constituent un actif circulant nécessaire à l’ exploitation, reviendrait à considérer que l’ impôt sur les sociétés est exigible sur la vente du stock, ce qui est erroné sur le plan comptable et financier, alors que cet impôt est exigible sur le résultat d’ exploitation dégagé par l’ entreprise ; que les services fiscaux soutiennent, enfin, qu’ en recourant également à la valeur de productivité, la fiscalité litigieuse a déjà été prise en compte pour l’ évaluation de la S. A. Vignobles Y… et que la décision du tribunal a pour effet de ne pas permettre une évaluation des titres à la date du fait générateur de l’ impôt ;
Mais attendu que l’ expert judiciaire a justement relevé que l’ on ne pouvait pas retenir des plus- values ou des moins- values latentes sans retenir ou réintégrer par ailleurs les charges latentes correspondantes, parmi lesquelles figure l’ impôt sur les sociétés ; qu’ il a indiqué que la position de l’ administration fiscale manquait de cohérence dès lors que la détermination de la valeur mathématique des parts d’ une société revient à » figer » cette valeur à un instant » T « , en l’ espèce à la date du fait générateur de l’ impôt, en intégrant tous les correctifs extra- comptables en termes de plus- values et de moins- values sans que cette opération s’ apparente au calcul d’ une valeur liquidative, laquelle est hors sujet ; que M. A… a indiqué dans son rapport que » cette évaluation s’ inscrit dans une continuité d’ exploitation (cession, transmission) » et qu’ il » est légitime de décompter la fiscalité latente au même instant » T » de cette évaluation, c’ est- à- dire avec les taux actuels » ; qu’ il a précisé, avec pertinence, que » lorsque les stocks de vins sont réévalués dans la présente évaluation, ils ne sont pas vendus pour autant ; il est donc tout à fait logique de retenir l’ impôt sur ces plus- values latentes » ; que la position de l’ administration fiscale ne répond pas à l’ objectif auquel doit tendre la détermination de la valeur vénale des titres non cotés en bourse, à savoir l’ obtention d’ un chiffre aussi proche que possible de celui qu’ aurait entraîné le jeu normal de l’ offre et de la demande, alors que l’ intimée fait justement observer que l’ impôt sur les sociétés latent sur la réévaluation des stocks constitue un passif réel et certain de l’ entreprise qu’ aucun acquéreur normalement avisé n’ accepterait de supporter ; que, contrairement ce que soutient l’ administration fiscale, il ressort des énonciations du jugement, comme l’ a justement relevé l’ intimée, que les premiers juges ont appliqué l’ imposition sur la seule plus- value sur les stocks ; qu’ au demeurant, l’ application de l’ abattement de 15 % retenu par le tribunal sur les constructions, les vignes et les plantations aurait été sans réelle incidence sur la valeur de la société dès lors que les plus- values latentes concernent, pour l’ essentiel, les stocks de vins ; que l’ intimée fait également justement observer que c’ est en vain que les services fiscaux soutiennent que la fiscalité aurait déjà été prise en compte pour l’ évaluation de la société dès lors que le résultat de l’ entreprise, pris en compte dans la valeur de productivité, est un résultat réalisé en tenant compte d’ un impôt dû et non d’ un impôt latent sur des valeurs de stocks non encore commercialisés ; que l’ intimée ne querelle pas le jugement entrepris en ce qu’ il a procédé, au titre de l’ imposition latente, à un abattement d’ un montant inférieur de plus de moitié au taux de l’ impôt sur les sociétés au motif que cette imposition est soumise à un aléa important et qu’ il est fonction des résultats annuels de la société, lesquels dépendent eux- mêmes de la conjoncture et des arbitrages des dirigeants ;
Que le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’ il a arrêté à la somme de 555, 44 francs la valeur mathématique de l’ action de la S. A. Vignobles Y… ;
Attendu que les services fiscaux contestent l’ évaluation faite par les premiers juges des parts de la société civile La Vigie et demandent à la Cour de retenir la valeur comptable d’ inscription des titres de la S. A. Bouchard Père & Fils et de la S. A. BPF Participations au bilan de la société civile ; qu’ ils soutiennent, à cette fin, qu’ un marché a existé alors que les actions de la S. A. Bouchard Père & Fils ont été acquises par le groupe Y… les 12 juin 1995, 31 décembre 1995 et 3 avril 1996 et qu’ en novembre 1996, soit un mois avant la donation litigieuse, la S. A. BSOP Investissements, filiale de Paribas- Luxembourg, a acheté quatre cent mille parts de la société civile La Vigie, soit 11, 26 % du capital, au prix de cent francs la part ; que les services fiscaux demandent, en conséquence, à la Cour de retenir, à titre principal, comme suffisamment probante la méthode d’ évaluation par comparaison qui a été utilisée ;
Qu’ à titre infiniment subsidiaire, l’ administration fiscale conteste la valeur retenue par le tribunal dès lors qu’ elle repose sur des critères différents de ceux retenus pour l’ évaluation des parties de la S. A. Vignobles Y… ; qu’ elle fait valoir, à cette fin, que l’ expert judiciaire, dont les conclusions ont été retenues par le tribunal, s’ est contenté, pour le calcul des plus- values latentes sur les actifs détenus par la S. A. Bouchard Père & Fils, de retenir les valorisations faites par les membres de la famille Y… qui n’ ont pas justifié de leur évaluation par des termes de comparaison ; qu’ elle querelle également le jugement en ce qu’ il a procédé à un abattement au titre de l’ imposition latente sur les plus- values latentes ; qu’ elle fait observer que la valeur de rendement de la S. A. Bouchard Père & Fils, retenue par l’ expert judiciaire, intègre une valeur » par la CAF actualisée » alors que cette valeur devait se calculer à partir des seules valeurs de productivité et de marge brute d’ autofinancement ; qu’ elle fait grief aux premiers juges de ne pas avoir calculé la valeur de productivité avec un taux de capitalisation de 6 %, au demeurant retenu par l’ intimée, mais d’ avoir entériné le taux proposé par l’ expert judiciaire ;
Qu’ en ce qui concerne l’ évaluation des parts de la SCA Y… & Associés, les services fiscaux font grief aux premiers juges d’ avoir tenu compte, au niveau du passif, de l’ impôt sur les sociétés latent, reproche étendu à l’ évaluation de toutes les sociétés holdings ;
Qu’ enfin, les services fiscaux contestent l’ abattement de 30 % retenu par le tribunal au titre de l’ absence de liquidité des titres et de la situation d’ associé minoritaire pour la détermination de la valeur de la nue- propriété des actions de la S. A. Artonne alors que la commission départementale de conciliation avait considéré qu’ il y avait lieu de retenir un abattement de 20 % et que dans leur rapport portant observations sur l’ évaluation des sociétés du groupe les membres de la famille Y… avaient expressément accepté ce taux ;
Mais attendu, tout d’ abord, que les premiers juges ont justement rappelé, au visa des articles L. 17 et L. 192 du livre des procédures fiscales que la charge de la preuve de la valeur des parts de la société La Vigie incombe à l’ administration fiscale dès lors que cette dernière ne se prévaut pas d’ irrégularités dans la tenue de la comptabilité ni d’ absence de comptabilité ou de pièces en tenant lieu ;
Qu’ en l’ espèce, la méthode retenue par l’ administration fiscale pour valoriser les titres de la société La Vigie ne peut pas être retenue alors qu’ elle consiste en fait à n’ appliquer pour la détermination de la valeur des actions de la S. A. Bouchard Père & Fils qu’ un seul critère, à savoir celui de la valeur historique, en prenant de surcroît en compte une transaction intervenue dix- huit mois avant la donation litigieuse ; que l’ intimée justifie de la baisse de la valeur du titre (passant de 10. 083 francs à 6. 100 francs) par le résultat lourdement déficitaire de l’ exercice clos le 31 décembre 1995 (déficit de près de treize millions de francs) ; que, par ailleurs, une transaction effectuée en avril 1996 avec le Consortium de réalisation l’ a été sur la base de 6. 100 francs l’ action ; que l’ administration fiscale ne peut se prévaloir utilement de l’ opération conduite par la S. A. BSOP Investissements dès lors qu’ il ne s’ agit pas d’ une cession de parts à titre onéreux, mais d’ une augmentation de capital ; qu’ il s’ ensuit que les premiers juges ont justement appliqué plusieurs critères pour valoriser les titres des sociétés dont la société civile La Vigie détient des participations ;
Que les services fiscaux ne démontrent pas que les actifs détenus par la S. A. Bouchard Père & Fils tels qu’ ils ont été valorisés par l’ expert judiciaire afin de calculer les plus- values latentes seraient sous- évalués ; que, pour les motifs développés ci- dessus et auxquels il est expressément référé, la Cour retiendra l’ abattement pratiqué par le tribunal au titre de la fiscalité latente sur les plus- values latentes ;
Que l’ administration fiscale ne querelle pas utilement le jugement, dont l’ intimée poursuit la confirmation, en ce qu’ il a entériné les propositions retenues par l’ expert judiciaire au titre de la valeur de rendement et de la valeur de productivité ; que la Cour relèvera que, pour valoriser les actions de la S. A. Vignobles Y…, M. A… a pris en compte la valeur mathématique, la valeur de productivité, la valeur par la marge d’ autofinancement et la valeur par la » CAF actualisée « , et ce, afin de déterminer une valeur financière moyenne ; que, contrairement à ce que soutiennent les services fiscaux, c’ est la même méthode qu’ il a utilisée pour valoriser les actions de la S. A. Bouchard Père & Fils ;
Que l’ appelant ne démontre pas en quoi la méthode retenue par l’ expert judiciaire et entérinée par les premiers juges dans le jugement entrepris dont l’ intimée poursuit la confirmation ne permettrait pas de valoriser exactement les sociétés litigieuses alors qu’ en toute hypothèse l’ application de la seule méthode retenue par l’ administration n’ est pas pertinente dès lors qu’ elle ne combine pas les différentes méthodes d’ évaluation d’ une société ;
Qu’ enfin, l’ abattement de 30 % sur la valeur brute des titres de la S. A. Artonne, dont l’ intimée poursuit la confirmation, tient compte des contraintes pesant sur lesdits titres en raison, notamment, de l’ existence d’ un pacte d’ actionnaires très contraignant en matière de cession et de prix de vente, d’ une clause d’ agrément, d’ un droit de préemption, d’ une absence de liquidité et d’ une situation minoritaire ;
Attendu qu’ il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que le Directeur des Services Fiscaux de la Marne, qui succombe dans ses prétentions devant la Cour, sera condamné aux dépens d’ appel ; qu’ il ne peut donc pas obtenir l’ indemnité qu’ il sollicite au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens ;
Que l’ équité ne commande pas qu’ il soit fait droit à la demande formée par l’ intimée au titre de l’ article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Rejette les demandes formées en cause d’ appel par les parties au titre de l’ article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le Directeur des services fiscaux de la Marne aux dépens d’ appel et admet la SCP Delvincourt Jacquemet Caulier- Richard, avoués, au bénéfice de l’ article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président