Cour d’appel de Poitiers, Chambre civile 1, 13 mars 2008, 06/01574

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Cour d’appel de Poitiers, Chambre civile 1, 13 mars 2008, 06/01574

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ARRÊT No

R.G : 06/01574

JONCTION 06/1577

X…

Y…

Z…

A…

B…

B…

C/

S.A. CARBONE LORRAINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 12 MARS 2008

Numéro d’inscription au répertoire général : 06/01574

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 10 mai 2006 rendu par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIORT.

APPELANTS :

Monsieur Rémi Michel, Gustave X…

« Marigny »

79600 BOUSSAIS

Monsieur Patrice Y…

86170 VOUZAILLES

Monsieur Yannick Pierre, Luc Z…

… aux Moines

79330 GLENAY

Monsieur Pascal Claude, Jean-Marie A…

79270 D… ROHAN ROHAN

Monsieur Pascal B…

31570 STE FOY D AIGREFEUILLE

Monsieur Pascal B…

31570 STE FOY D AIGREFEUILLE

représentés par la SCP PAILLE-THIBAULT-CLERC, avoués à la Cour,

assistés de Maître E… de la SCP CLARA-COUSSEAU-OUVRARD-PAGOT-REYE-SAUBOLE-SEJOURNE, avocats au barreau de POITIERS, entendu en sa plaidoirie

INTIMEE :

S.A. CARBONE LORRAINE

Dont le siège social est 2 Place des Vosges

92400 COURBEVOIE

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

représentée par la SCP TAPON-MICHOT, avoués à la Cour,

assistée de Maître F…, avocat au barreau de LYON, entendu en sa plaidoirie,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 Janvier 2008,en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Xavier SAVATIER, Président,

Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller,

Monsieur G… CHAPELLE, Conseiller,

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Sandra BELLOUET

ARRÊT:

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

– Signé par Monsieur Xavier SAVATIER, Président, et par Madame Sandra BELLOUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte du 30 avril 2001, MM. Rémi X…, Patrice Y…, Yannick Z…, Pascal ARNAUD et Pascal B… (ci-après les garants) ont cédé à la société CARBONE LORRAINE les actions constituant le capital social de la société AVO INDUSTRIE moyennant le prix de 13 138 106,61 euros, payable en plusieurs versements, le dernier, d’un montant de 5 107 042 euros, devant intervenir le 15 janvier 2004.

Le même jour les vendeurs se sont engagés solidairement à garantir l’acquéreur, notamment quant au passif de la société dont les actions étaient cédées.

La société CARBONE LORRAINE n’a pas réglé la dernière échéance du prix en se prévalant de cette garantie et de ce qu’un contrôle fiscal de la société AVO INDUSTRIE a été engagé fin 2003 et était susceptible de conduire à des redressements d’imposition.

Par la suite, elle a payé la somme de 1 798 047 euros et, en exécution d’une ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Nanterre du 27 mai 2004, a consigné le solde de la somme, soit 3 308 995 euros, entre les mains du bâtonnier de l’Ordre des avocats des Hauts de Seine. Cette somme sera limitée à 200 000 euros par accord des parties en février 2007.

Les 26, 27 et 28 mai 2004, la société CARBONE LORRAINE a assigné les garants pour voir juger qu’ils lui doivent leur garantie pour les suites du redressement fiscal, tout en demandant qu’il soit sursis à statuer sur le montant de la somme à lui revenir.

Les garants s’y sont opposé et ont demandé le paiement du solde du prix.

Par jugement du 10 mai 2006, le tribunal de commerce de Niort a fait droit à ces demandes de la société CARBONE LORRAINE, débouté les parties de leurs autres demandes et condamné les garants à payer à cette société la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

LA COUR :

Vu les appels formés par MM. Rémi X…, Patrice Y…, Yannick Z…, Pascal ARNAUD et Pascal B… qui ont été joints ;

Vu les conclusions du 23 janvier 2008 par lesquelles ceux-ci, poursuivant l’infirmation du jugement, demandent de :

– à titre principal, dire irrecevable l’action en garantie pour défaut d’intérêt et de qualité à agir ;

– à titre subsidiaire :

– dire que « le non respect de l’obligation contractuelle d’information par la SA LE CARBONE LORRAINE constitue une irrecevabilité conventionnelle de son action en garantie »;

– dire que « par ses initiatives la SA LE CARBONE LORAINE a libéré Messieurs X…, Y…, Z…, A… et B… de leurs engagements écartant la garantie selon la convention du 30 avril 2001 » ;

– débouter la société CARBONE LORRAINE de ses prétentions ;

– reconventionnellement :

– condamner cette société à leur payer diverses sommes détaillées dans leurs conclusions, outre celle de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 14 janvier 2008 par lesquelles la société CARBONE LORRAINE poursuit la confirmation du jugement et sollicite la condamnation in solidum des appelants à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Sur ce :

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir soulevée par les garants :

Considérant que les garants se prévalent de ce que la société CARBONE LORRAINE n’est plus propriétaire des actions de la société AVO INDUSTRIE puisque, par acte sous seings privés du 30 juin 2003, cette société a été absorbée par la société ATELIER DU VAL D’H… « AVO » ;

Considérant cependant que cette fusion absorption par cette dernière, laquelle était filiale de la société AVO INDUSTRIE qui détenait la quasi totalité de son capital, s’est faite par transfert des actifs et passifs de la société absorbée et par un échange de titres avec augmentation de capital, de sorte que l’importance du passif de la société AVO INDUSTRIE, objet de la garantie des vendeurs, n’est pas indifférent à la société CARBONE LORRAINE qui est aujourd’hui propriétaire d’une part du capital de la société absorbante ;

Considérant, en outre, que la clause de garantie dont la société CARBONE LORRAINE est bénéficiaire a pour objet de conférer à celle-ci « garanties quant aux éléments ayant servi à apprécier la valeur des titres cédés » (acte page 2, in fine), les garants s’engageant à garantir la bénéficiaire « contre toute augmentation du passif des sociétés cédées … par rapport à l’actif et au passif figurant à leur bilan au 31 décembre 2000 et qui viendrait à se révéler ultérieurement et ayant une cause antérieure » (clause 2.1.1 de l’acte) ; qu’ainsi cette société a intérêt à agir sur le fondement de cette garantie de valeur de son acquisition, quand bien même ne serait-elle plus actionnaire de la société dont elle avait acquis les parts sociales ;

Que la fin de non-recevoir ne peut donc être accueillie ;

Sur l’absence de respect de l’obligation d’information des garants :

Considérant qu’en se prévalant de ce que la société CARBONE LORRAINE n’aurait pas respecté la procédure convenue, les garants prétendent tout à la fois « irrecevable » l’action en garantie, et non fondée les demandes de sa bénéficiaire en énonçant que « l’obligation d’information ne se situe pas au stade de la sanction mais au stade de la mise en oeuvre de la garantie constituant une condition de ladite garantie » ;

Considérant que la clause 2.7 relative à la mise en oeuvre de la garantie prévoit une procédure d’information qui distingue, en sa clause 2.7.1.2.2, les « réclamation adressée par l’administration » laquelle est ainsi rédigée :

 » a) Communication à la charge de la BENEFICIAIRE

En cas de réclamation du fait de la notification émanant de l’administration, la BENFICIAIRE devra communiquer aux GARANTS par lettre recommandée avec accusé réception la photocopie de la notification ou de l’avis de vérification, ou de tout autre document justificatif (demande d’information etc…) dans les quinze jours de la réception de cette notification ou de cet avis par l’une ou l’autre des sociétés, en cas de contrôle URSSAF et dans les différents cas de contrôle fiscal, à moins qu’un délai de réponse inférieur soit imposé par l’Administration et les organismes précités, auquel cas la BENEFICIAIRE préviendra les GARANTS dans un délai non supérieur à la moitié du délai de réponse imposé.

De même, en cas de notification de redressement ou de clôture de la vérification, la BENEFICIAIRE préviendra les GARANTS par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée dans les mêmes délais que ci-dessus, étant précisé que cette lettre devra contenir photocopie de la notification de redressement ou de l’avis de clôture » ;

Que sont encore convenues les conditions dans lesquelles les garants interviendront à la procédure, la clause 2.7.1.2.2, c), y, étant ainsi rédigée :

« En cas de mise en cause des sociétés pour des faits relevant tant de la procédure de gestion des GARANTS que de la période de gestion du BENEFICIAIRE, la défense sera menée conjointement par la BENEFICIAIRE et les GARANTS. » ;

Considérant qu’il n’est expressément prévu aucune sanction en cas de manquement de la bénéficiaire à son obligation d’information, le seul cas dans lequel les garants se trouvent libérés de leur engagement de garantie étant celui prévu à la même clause, mais à l’alinéa c) i, applicable « en cas de mise en cause de la société pour des faits relevant de la période de gestion des GARANTS », qui donne le choix aux garants d’organiser seuls la défense de la société, et indique que dans cette situation « il est expressément convenu que la BENEFICIAIRE ou les sociétés conservent la faculté de décider seule de la stratégie de défense, mais dans ce cas, les GARANTS seront libérés de leur engagement de garantie » ; qu’en l’espèce, cette clause n’a pas vocation à s’appliquer, la vérification fiscale à l’origine du redressement ayant porté sur les années 2000, 2001 et 2003, donc pour une période qui correspond pour une part à la gestion des garants et pour une autre part à celle de la société CARBONE LORRAINE ;

Considérant qu’il en résulte que l’information des garants n’est pas une condition de recevabilité de l’action contrairement à ce qu’ils soutiennent mais constitue un engagement de la société CARBONE LORRAINE, les parties ayant entendu organiser l’information des garants pour leur permettre de faire valoir en temps utile leurs observations et arguments au cas où un événement ou une réclamation est susceptible de mettre en oeuvre leur garantie afin de pouvoir en discuter les éléments et réduire, autant que possible, l’étendue de leur obligation ;

Considérant qu’en l’espèce, il est constant que le 10 juillet 2003, l’administration fiscale a procédé à des visites domiciliaires chez MM. X… et Y…, ainsi qu’au siège de la société AVO INDUSTRIE après y avoir été autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Bressuire du 9 juillet 2003 ; que le 3 novembre 2003, elle a été l’objet d’une vérification de comptabilité qui s’est poursuivie jusqu’en décembre ; qu’enfin, le 22 décembre 2003, la société AVO a reçu notification de redressements du montant de certains impôts, droits et taxes ;

Considérant que s’il n’est pas contestable que la procédure d’information des garants conventionnellement prévue n’a pas été respectée, il n’en demeure pas moins que MM. X… et Y… n’ont pu ignorer la procédure fiscale engagée, puisqu’ils ont fait l’objet de la visite domiciliaire et que leur a donc été notifiée l’ordonnance autorisant celle-ci, commune à la société AVO INDUSTRIE et à la société ATELIER DU VAL D’H… AVO ; qu’en outre, M. Y… était à l’époque directeur général de la société AVO, de sorte qu’il a suivi à ce titre la vérification de comptabilité qui a suivie ces visites ;

Considérant que l’inexécution des obligations de la société CARBONE LORRAINE avant la notification de redressement n’a entraîné aucun préjudice aux garants qui n’indiquent pas sur quel moyen ils avaient une chance sérieuse d’obtenir la censure par la Cour de cassation de l’ordonnance ayant autorisé les visites domiciliaires à l’origine de cette vérification de comptabilité ;

Considérant que ce n’est que par les notifications des redressements du 22 décembre 2003 que l’administration a formé une réclamation susceptible d’obliger les garants envers la société CARBONE LORRAINE ;

Que par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 6 janvier 2004, ils ont alors été informés de ce que la société AVO INDUSTRIE faisait l’objet d’un contrôle fiscal avant de que par une nouvelle lettre de ce type du 7 janvier leur soit adressée copie de la notification de redressement ; que si cette information n’est intervenue que le 16o jour après la notification, le dépassement du délai convenu de quinze jours n’a en rien nui aux garants qui n’allèguent aucun fait précis de nature à caractériser une gêne dans la défense de leurs intérêts ;

Qu’au contraire, les garants ont dés le 16 janvier 2004 indiqué à la société CARBONE LORRAINE qu’ils entendaient voir contester les redressements ;

Qu’il ressort de la lettre du 28 janvier 2004 adressée par Maître I…, conseil des garants, à la société AVO que, dès le 14 janvier 2004, une réunion s’est tenue à l’initiative de celle-ci avec lui pour examiner les redressements notifiés et la stratégie de défense adoptée ; que celui-ci a écrit à cette société prendre acte de ce qu’elle « ne souhaite prendre aucune initiative sans l’accord préalable de mes clients et de leur conseil » et que ses clients ont proposé leur assistance ;

Que c’est ainsi que les lettres de recours qui ont été adressées à l’administration le 22 janvier 2004 l’ont été après avoir recueilli l’avis du conseil des garants ; qu’il est établi que par la suite celui-ci sera associé aux démarches accomplies et que les projets de réponse à la notification lui seront soumis ;

Que d’ailleurs, les garants admettent dans leurs conclusions que le montant des redressements a été très largement réduit sur le recours exercé par les sociétés concernées ;

Considérant qu’il apparaît donc que loin d’écarter les garants de la défense de la société, ceux-ci y ont été associés d’une manière réelle et utile ;

Considérant que les garants ne sont donc pas fondés à dénier leur garantie ;

Considérant, enfin, qu’il est constant qu’il n’est pas établi que la procédure suivie se terminera par un redressement effectif puisqu’au jour où la cour statue il n’en est pas justifié, aucun titre n’étant produit, les procédures étant toujours en cours ;

Que faute de connaître le fondement d’un éventuel redressement, la cour n’est pas en mesure de se prononcer sur la nature de la dette pour laquelle la garantie est sollicitée et donc sur l’étendue de l’obligation des garants qui ne soulèvent aucun moyen de ce chef ;

Considérant qu’il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a sursis à statuer sur la fixation de la somme due par les garants.

Sur les demandes en paiement au titre du solde du prix :

Considérant que le tribunal a omis de statuer sur les demandes dont il était saisi à ce titre ;

Considérant que le juge des référés saisi par les garants a par ordonnance du 27 mai 2004 ordonné la consignation du solde restant dû sur le prix « jusqu’à ce qu’un accord intervienne entre les parties ou qu’une décision définitive soit rendue sur le quantum du passif fiscal révélé et l’application de la garantie de passif du 30 avril 2001 » ;

Considérant que si un accord est intervenu pour une mainlevée partielle du séquestre, seule une somme de 200 000 euros demeurant séquestrée, il n’existe toujours aucune décision statuant sur le montant de la somme qui pourrait être mise à la charge des garants en exécution de la garantie de passif, la cour ordonnant qu’il soit sursis à statuer sur la fixation de celle-ci ;

Qu’il est donc opportun de surseoir également sur les demandes de paiement du solde du prix, dont il faut constater qu’il a été largement acquitté; que d’ailleurs les demandeurs ne précisent pas comment ils calculent la somme de 1 295 816,66 euros exactement retenue selon eux jusqu’au 15 janvier 2005 et exigible depuis, la seule indication d’une application de l’article 2.8.3 de la convention de garantie étant insuffisante pour contrôler le bien fondé de ce calcul ; qu’ils ne précisent pas plus à quel titre ils ont accepté qu’une partie, 1 821 590 euros, de la somme séquestrée qui représentait le solde du prix, soit versée au Trésor public par le séquestre ; que la cour observera enfin qu’ils ont perçu en février 2007 une somme de 110 091,62 euros représentant des intérêts produits par la somme séquestrée ;

Considérant que le sens du présent arrêt prive de fondement leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que la situation des parties et l’équité commandent de ne pas faire application en l’espèce et en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par MM. Rémi X…, Patrice Y…, Yannick Z…, Pascal ARNAUD et Pascal B…;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Dit qu’il est sursis à statuer sur le montant de la somme à garantir et sur les demandes de paiement du solde du prix de cession jusqu’à ce qu’une décision irrévocable intervienne sur le montant des sommes dues à l’administration fiscale au titre des procédures de redressement engagées ;

Ordonne la radiation de l’affaire dans cette attente ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne in solidum MM. Rémi X…, Patrice Y…, Yannick Z…, Pascal ARNAUD et Pascal B… aux dépens d’appel et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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