Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
MFTL/BLL
Numéro /07
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRET DU 19 novembre 2007
Dossier : 07/01385
Nature affaire :
Demande en cessation de concurrence déloyale ou illicite et/ou en dommages et intérêts
Affaire :
S.A.R.L. BEARN MATERIAUX
C/
S.A. TOUJAS & COLL venant aux droits de la S.A.R.L. SOPYMAT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 19 novembre 2007, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau code de Procédure Civile
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APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 01 octobre 2007, devant :
Monsieur LARQUE, Président
Madame TRIBOT LASPIERE, Conseiller chargé du rapport
Monsieur FOUASSE, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffier, présent à l’appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.R.L. BEARN MATERIAUX
2 rue de l’Ayguelongue
Zone Industrielle de Berlanne
64160 MORLAAS
agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistée de Me MOUTIER, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
S.A.S. TOUJAS & COLL
Route du Stade
65400 ARGELES GAZOST
venant aux droits de la S.A.R.L. SOPYMAT, représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par la SCP P. MARBOT / S. CREPIN, avoués à la Cour
assistée de Me Y…, avocat au barreau de DAX
sur appel de la décision
en date du 10 AVRIL 2007
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU
Faits et procédure
La S.A.R.L. SOPYMAT qui avait pour objet le négoce de matériaux de construction en gros et demi gros avait été créée en 1978 par Mr Lucien Z… qui en assuré la gérance jusqu’à son décès survenu le 25 juillet 1995 ; sa fille lui a succédé à la tête de cette société jusqu’en juillet 1996, date à laquelle, Mr A… a été désigné en qualité de gérant ; l’entreprise employait six salariés : deux chauffeurs, un vendeur comptoir, un comptable, un magasinier et un attaché commercial (Mr B… recruté en 1996 par le nouveau gérant) ; par le biais d’augmentations successives de capital intervenues le 1er juillet 1996, le 30 octobre 1999 et le 22 novembre 1999, Mr A… est devenu actionnaires de la société SOPYMAT dans laquelle il détenait 340 des 840 parts composant le capital social ;
Mr A… a proposé de racheter les 500 parts appartenant aux membres de la famille Z… ; cette proposition n’a pas eu de suite et le 20 juin 2004, Mr A… a informé Mme Annie Z… qu’il n’entendait pas poursuivre son mandat social au-delà du 31 décembre 2004 ; le 15 septembre 2004, il a fait part de son intention de céder ses parts à la société MEG INVESTISSEMENTS mais lors de l’assemblée générale du 13 octobre 2004, les associés de la société SOPYMAT ont refusé d’agréer cette société en qualité de nouvel associé ; ils ont en revanche accepté de racheter les parts de Mr A… ; la cession est intervenue le 26 novembre 2004 ;
Par lettre recommandée avec accusé de réception des 24 et 25 novembre 2004, quatre des salariés de la société SOPYMAT : les deux chauffeurs, la comptable et Mr B…, technico commercial ont donné leur démission à effet au 31 décembre 2004 ;
Il est apparu que le 2 octobre 2004, Mr B… avait constitué avec la société MEG INVESTISSEMENTS une société dénommée BEARN MATERIAUX ayant le même objet que la société SOPYMAT et que les anciens salariés de cette dernière travaillaient pour le compte de cette nouvelle société depuis le mois de janvier 2005 ;
La société SOPYMAT qui constatait une baisse importante de son chiffre d’affaires et se prétendait victime de faits de concurrence déloyale de la part de la société BEARN MATERIAUX a requis et a obtenu le 10 février 2005, une ordonnance du Président du Tribunal de commerce désignant Me C…, huissier de justice à l’effet de procéder à diverses investigations dans les locaux de la société BEARN MATERIAUX ;
Par acte d’huissier du 18 novembre 2005, la société SOPYMAT a fait assigner la société BEARN MATERIAUX en dommages intérêts ;
La société TOUJAS ET COLL qui a absorbé la société SOPYMAT en juillet 2006 est intervenue volontairement dans la cause ;
Par jugement du 10 avril 2007, le Tribunal de commerce a :
– donné acte à la société TOUJAS ET COLL de son intervention ;
– dit que la société BEARN MATERIAUX s’était rendue coupable de concurrence déloyale à l’égard de la société SOPYMAT ;
– condamné la société BEARN MATERIAUX à payer à la société TOUJAS ET COLL venant aux droits de la société SOPYMAT la somme de 385 000 à titre de dommages intérêts ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– condamné la société BEARN MATERIAUX à payer à la société TOUJAS ET COLL la somme de 2 000 en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
La société BEARN MATERIAUX a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 27 juin 2007, le Premier Président de la Cour a suspendu l’exécution provisoire en raison des conséquences manifestement excessives auxquelles elle exposait la société BEARN MATERIAUX.
Prétentions et moyens des parties
Par conclusions récapitulatives du 1er octobre 2007 auxquelles la Cour se réfère en application de l’article 455 du nouveau code de procédure civile, la société BEARN MATERIAUX déclare que sa création fait suite au refus des consorts Z… de respecter l’engagement qu’ils avaient pris de céder leurs parts sociales à Mrs LAC-ARIET et MONREPOS qui avaient opéré depuis le décès de Mr Z… le redressement spectaculaire de la société SOPYMAT ;
L’appelante prétend n’avoir commis aucun agissement contraire au jeu de la libre concurrence ; elle déclare notamment n’avoir exercé aucune pression à l’égard des anciens salariés de la société SOPYMAT qui n’étaient liés par aucune clause de non concurrence, n’étaient détenteur d’aucune connaissance particulière de la clientèle et qui avaient de bonnes raisons de quitter l’entreprise ; elle précise que ces salariés ont été embauchés aux mêmes conditions après expiration du préavis qui les liait à leur ancien employeur ;
La BEARN MATERIAUX soutient que la clientèle a spontanément suivi Mr B… avec lequel elle entretenait de bonnes relations et que la société SOPYMAT qui a été défaillante dans le suivi de ses clients, comme l’attestent bon nombres d’attestations ne peut s’en prendre qu’à elle-même si une partie de sa clientèle a préféré passer à la concurrence ;
La société BEARN MATERIAUX relève que le contrat d’approvisionnement exclusif conclu avec la société GEDIMAT a été résilié par Mr A… avant son départ de l’entreprise et que cette décision a été ratifiée par les associés lors de l’Assemblée Générale qui a donné quitus au gérant ;
L’appelante conteste l’existence d’un préjudice en rapport avec les agissements qui lui sont imputés ; elle déclare que la société SOPYMAT a subi les conséquences de sa propre négligence et les répercussions de l’installation récente d’un concurrent important (société CHAUSSON MATERIAUX) à proximité de son dépôt ;
La société BEARN MATERIAUX fait valoir que ma société SOPYMAT n’a pas fait preuve de loyauté en utilisant à des fins commerciales les documents recueillis dans le cadre des investigations judiciaires et en se servant de la procédure en cours pour la dénigrer auprès de la clientèle et des fournisseurs ;
Elle conclut au débouté des prétentions de la société TOUJAS ET COLL qui vient aux droits de la société SOPYMAT et sollicite l’octroi de la somme de 30 000 à titre de dommages intérêts et 20 000 sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
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La SAS TOUJAS ET COLL fonde l’action en concurrence déloyale sur les faits suivants :
– débauchage massif d’une équipe complète de salariés qui ont tous donné leur démission en même temps après s’être assurés qu’ils seraient repris par la société BEARN MATERIAUX à des conditions plus avantageuses, les contrats de travail ayant été signé alors que les intéressés étaient encore en cours d’exécution de leur préavis ou de leur contrat de travail ;
– constitution par Mr B… de la société concurrente qui a commencé son activité dès le mois d’octobre 2004 alors que ce dernier était encore employé par la société SOPYMAT ;
– réalisation d’un chiffre d’affaires immédiat avec les clients de la société SOPYMAT dont elle avait détourné les salariés ;
– dénigrement de la société SOPYMAT visant à répandre le bruit que la société SOPYMAT avait fermée et que les anciens salariés avaient créé leur propre négoce ;
– résiliation d’un contrat d’approvisionnement exclusif avec le fournisseur GEDIMAT dont elle a repris l’enseigne à son compte sur de nombreux devis établis pour son compte ;
La SAS TOUJAS ET COLL conclut à la confirmation du jugement dont appel en ce qu’il a déclaré la société BEARN MATERIAUX coupable de faits de concurrence déloyale ; elle évalue son préjudice constitué par la perte de clientèle en résultant à la somme de 770 727 avec intérêts de droit à compter de l’assignation et sollicite au besoin l’organisation d’une expertise judiciaire ; elle réclame en outre le versement d’une indemnité de 4 000 sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Motifs de la décision
Sur l’action en concurrence déloyale
Attendu que l’action en concurrence déloyale permet de sanctionner des pratiques entre concurrents, contraires aux usages du commerce ; qu’elle est fondée sur les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil ; qu’elle implique donc la démonstration par le demandeur d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage subi ;
Attendu qu’il résulte des documents comptables produits, qu’à partir de l’année 1996, date à laquelle Mr A… a pris la gérance de la S.A.R.L. SOPYMAT, la société SOPYMAT a connu un notable développement puisque son chiffre d’affaire est passé de
4,5 MF (686 021 ) en 1994 à 17,15 MF (2 614 626 ) en 2004 ;
Attendu qu’au cours de la même année 1996, le nouveau gérant, Mr A… avait embauché en qualité de technico commercial, Mr B…, qui présentait une expérience et une compétence reconnue dans le négoce des matériaux de construction ; qu’au début de l’année 2004, Mr A… qui avait acquis 340 des 840 parts composant le capital social de la société, a fait part aux autres associés de son intérêt pour cette affaire et a manifesté l’intention d’en devenir actionnaire majoritaire en procédant à une augmentation du capital social qui devait porter sa participation à 200 parts supplémentaires ; que ce projet était bien avancé puisque l’assemblée générale des actionnaires avait acceptée le 31 janvier 2004 l’augmentation de capital et avait reçu le 23 février 2004, la souscription de Mr A… pour l’achat de ces 200 parts dont le
prix de 36 000 avait été déposé le 12 février 2004 sur un compte bancaire ouvert au nom de la société émettrice ; que pour des raisons indéterminées, l’opération n’a finalement pas abouti ; que le 28 avril 2004, Mr A… a proposé aux autres actionnaires, exclusivement composés des membres de la famille Z…, de racheter leurs parts pour le prix de 160 000 ; que par lettre du 5 juillet 2004, signée par Mr A… et par Mr B… une dernière proposition de rachat des parts a été faite aux consorts Z… pour le prix de 210 000 qu’ils ont refusé ; que par courrier du 20 juin 2004, Mr A… a informé Mme Madeleine Z… de son intention de se démettre de ses fonctions de gérant au 31 décembre 2004 ; que le 16 septembre 2004 Mr A… a proposé de céder ses parts à une société dénommée MEG INVESTISSEMENTS mais l’assemblée générale des actionnaires réunie le 13 octobre 2004 a également écarté cette proposition ; que la cession des parts de Mr A… est finalement intervenue le 26 novembre 2004 au profit de Mme Madeleine Z… et de Mme Annie Z… épouse D… pour le prix global de 150 236 ; qu’il a été donné quitus à Mr A… de sa gestion lors de l’Assemblée Générale du 31 décembre 2004 au cours de laquelle Mme Annie D… a été désignée en qualité de gérante de la société SOPYMAT ;
Attendu que le rappel de ces évènements démontre l’intérêt manifesté par Mr A… et par Mr B… pour cette affaire qui présentait à l’époque toutes les apparences de la prospérité ;
Attendu que la société SOPYMAT a vu subitement son chiffre d’affaires baisser en novembre et décembre 2004 et s’effondrer au cours des huit premiers mois de l’année 2005 au cours desquels il a chuté de près de 44 % par rapport à la même période de l’année précédente ;
Attendu que les difficultés financières de la société SOPYMAT vont conduire cette dernière devant le Tribunal de commerce de PAU en août 2005 à l’effet de rechercher un règlement amiable des créances impayées ;
Attendu que la société SOPYMAT sera en définitive absorbée par la société TOUJAS ET COLL en 2006 dans des conditions qui n’ont pas été portées à la connaissance de la Cour puisque le traité de fusion n’a pas été produit ; que la régularité de cette opération n’est cependant pas contestée ;
Attendu que la société absorbante a recueilli par l’effet de la fusion tous les droits et actions de la société absorbée ; que la société TOUJAS ET COLL est en conséquence recevable à reprendre à son compte l’instance en concurrence déloyale introduite en novembre 2005 par la société SOPYMAT à l’encontre de la société BEARN MATERIAUX ;
Attendu que cette action s’inscrit dans un contexte d’opposition des actionnaires de la société SOPYMAT ou à la perte de contrôle ou à la cession au profit d’un tiers de cette entreprise à caractère familial ;
Attendu que deux personnes étaient directement ou indirectement intéressées par cette opération : Mr A… personnellement ou par l’intermédiaire de la société MEG INVESTISSEMENTS et Mr B… qui avait été embauché par Mr A… en 1996 ;
Attendu que Mr B… a donné sa démission le 24 novembre 2004 pour créer avec la société MEG INVESTISSEMENTS, la société BEARN MATERIAUX dont le siège est à MORLAAS ;
Attendu qu’il résulte des mentions figurant au K bis que cette société dont l’objet social est identique à celui de la société SOPYMAT a débuté son exploitation le 7 octobre 2004 alors que Mr B… était encore dans les liens de son contrat de travail avec la société SOPYMAT ;
Attendu que la société BEARN MATERIAUX a été immatriculée au Registre du commerce le 8 novembre 2004 ; que Mr B… a été nommé gérant de la nouvelle société avant de donner sa démission de ses fonctions de technico commercial de la société SOPYMAT et a travaillé dès cette date pour le compte de la société BEARN MATERIAUX, non seulement en procédant aux commandes de matériel et en effectuant les travaux préparatoires à ma mise en place de la société mais également en procédant à des démarches actives auprès de la clientèle de son ancien employeur puisque corrélativement à la baisse d’activité de la société SOPYMAT, la société BEARN MATERIAUX a immédiatement enregistré des commandes importantes auprès des anciens clients de la société SOPYMAT ; qu’il résulte en effet du procès-verbal de constat dressé le 3 mars 2005 par Me C…, huissier de justice mandaté par ordonnance du Président du Tribunal de commerce de PAU du 10 février 2005 que sur les 15 premiers clients ayant passé commande à la société BEARN MATERIAUX, 13 sont des clients de la société SOPYMAT ; que pendant les huit premiers mois de l’année 2005, la société SOPYMAT a ainsi enregistré une baisse significative de chiffre d’affaires de près de 44 % ;
Attendu que ces résultats ont été rendus possibles par la connaissance du marché local acquise par Mr B… au cours des huit années passées au service de la SOPYMAT et par le transfert à la société BEARN MATERIAUX de trois des cinq autres salariés de la société SOPYMAT ; que ces trois salariés dont la comptable de l’entreprise ont donné leur démission les 24 et 25 novembre 2004 après avoir conclu le 23 novembre 2004 un nouveau contrat de travail avec la société BEARN MATERIAUX ; que la simultanéité des départs et des embauches est révélatrice d’une concertation entre le nouvel employeur et les salariés ; que les conditions d’emploi au sein de la nouvelle société ont été à l’évidence débattues alors que ceux-ci comme Mr B… lui-même étaient encore dans les liens de leur contrat de travail avec la société SOPYMAT ; que leur engagement au sein de la nouvelle équipe est d’ailleurs antérieur à leur démission ; qu’il n’est pas en revanche démontré que ces salariés aient été embauchés par la société BEARN MATERIAUX à des conditions plus avantageuses ; que les données chiffrées versées aux débats établissent au contraire que les rémunérations mensuelles étaient équivalentes à quelques euros près ;
Attendu qu’en quittant son poste d’unique commercial de la société SOPYMAT et en recrutant concomitamment au profit de la nouvelle société qu’il venait de créer, trois des cinq autres salariés de son ancien employeur dont la comptable en poste depuis 1989, Mr B… qui n’ignorait pas le départ programmé de Mr A…, gérant de la société SOPYMAT à la fin de l’année 2004, savait qu’il désorganisait gravement cette petite entreprise dont il lui était dès lors aisé de récupérer la clientèle ;
Attendu que la société BEARN MATERIAUX qui s’est implantée sur le même secteur géographique pouvait ainsi faire l’économie des aléas d’une nouvelle installation et récupérer partie de l’activité de son ancien employeur qui lui avait échappée suite à l’échec de la négociation du rachat des parts sociales de la société SOPYMAT ;
Attendu que Mr Michaël E… ancien directeur de la SOPYMAT, non suspect de partialité puisqu’il a quitté l’entreprise, atteste qu’au début de l’année 2005, plusieurs fournisseurs et clients lui ont dit avoir été approchés par Mr A… ou Mr B… qui leur ont conseillé de ne plus travailler ou s’approvisionner avec la SOPYMAT qui était en train de fermer ou de faire faillite ; que d’autres lui ont précisé que la société SOPYMAT avait fermé et que les anciens salariés de la société avaient créé leur propre société (BEARN MATERIAUX) ;
Attendu qu’il est en outre établi que le 13 septembre 2004, Mr A… qui avait déjà fait part à la famille Z… de son intention de se retirer de la société SOPYMAT a résilié le contrat d’approvisionnement exclusif qui liait la société avec le Groupe GEDIMAT ; que la résiliation de ce contrat qui procurait à la société SOPYMAT des avantages non négligeables, n’a pu être ignorée de Mr B… qui était le seul commercial de la société ; qu’au début de son activité, la nouvelle société BEARN MATERIAUX a établi une vingtaine de devis à l’enseigne de GEDIMAT dont elle n’était pas adhérente, créant ainsi intentionnellement ou non une confusion dans l’esprit des clients ;
Attendu que l’ensemble de ces agissements est constitutif de concurrence déloyale au préjudice de la société SOPYMAT ; qu’ils ont eu pour effet de désorganiser cette entreprise, entraînant une baisse brutale de chiffre d’affaires et des problèmes de trésorerie importants ayant conduit la société, jusqu’ici prospère, à saisir le Tribunal de commerce d’une procédure de règlement amiable ;
Attendu que la société TOUJAS et COLL a recueilli l’action en concurrence déloyale dans le patrimoine de la société SOPYMAT qu’elle a absorbée ; que cette action qui a un fondement disciplinaire et indemnitaire doit tenir compte du préjudice subi du fait des agissements incriminés ; que l’absence de documents comptables pour l’année 2005 et la non production du traité de fusion par la société TOUJAS ET COLL qui vient aux droits de la société SOPYMAT, ne permettent pas de justifier les dommages intérêts réclamés par la société TOUJAS ET COLL; que leur montant (770 727 ) apparaît manifestement excessif si on le rapporte aux éléments objectifs de la cause et au capital social de la société SOPYMAT lequel, par référence au prix de cession des parts de Mr A… intervenue en novembre 2004, avant la révélation des agissements incriminés, pouvait être estimé à environ 371 171 ;
Attendu que la baisse significative du chiffre d’affaires enregistrée au cours des huit premiers mois de l’année 2005 consécutivement à la désorganisation de l’entreprise provoquée par le départ subi et simultané de plusieurs de ses salariés, les difficultés de trésorerie rencontrées, la nécessité de procéder à un recrutement dans l’urgence et de former un nouveau personnel justifient l’octroi de dommages intérêts que la Cour limite, au vu des pièces produites à la somme de 80 000 .
Sur la demande reconventionnelle
Attendu qu’il n’est pas établi que la société SOPYMAT ou la société TOUJAS ET COLL aient utilisé dans des conditions déloyales les renseignements recueillis dans le cadre de la présente procédure pour jeter le discrédit sur la société BEARN MATERIAUX ou se livrer à des pratiques anticoncurrentielles au détriment de cette dernière ; que l’appelante sera déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages intérêts.
Sur l’article 700 du nouveau code de procédure civile
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société TOUJAS ET COLL les frais qu’elle a exposés pour faire valoir ses droits en justice ; qu’il lui sera alloué à ce titre la somme globale de 4 000 en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile au titre des frais de première instance et d’appel.
Par ces motifs
LA COUR
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme le jugement du Tribunal de commerce de PAU du 10 avril 2007 en ce qu’il a retenu que la société BEARN MATERIAUX avait commis des faits de concurrence déloyale au préjudice de la société SOPYMAT ;
Réformant les condamnations prononcées ;
Donne acte à la société TOUJAS ET COLL de son intervention dans la cause aux droits de la société SOPYMAT ;
Condamne la société BEARN MATERIAUX à payer à la société TOUJAS ET COLL la somme de 80 000 à titre de dommages intérêts et 4 000 en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile au titre des frais de première instance et d’appel ;
Déboute la société BEARN MATERIAUX de sa demande reconventionnelle ;
Condamne la société BEARN MATERIAUX aux dépens ; autorise la SCP MARBOT CREPIN, avoués à recouvrer ceux d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt signé par Monsieur LARQUE Président et par Madame MARI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT