Cour d’appel de Paris RG n° 21/11785 16 mai 2024

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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d’appel de Paris
RG n° 21/11785
16 mai 2024
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 16 MAI 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/11785 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5QW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2021 – Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2019071331

APPELANTE

S.A.S. BELINCELLE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 841 024 011

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Guillaume Jimenez de la SELARL 28 OCTOBRE SOCIETE D’AVOCATS A LA COUR DE PARIS, avocat au barreau de Paris, toque : J086

substitué à l’audience par Me Sabine Cherifi, avocat au barreau de Paris

INTIME

Monsieur [F] [O] [X] [ID]

Né le 31 janvier 1990 à [Localité 9]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Jérémy Maruani, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5

Madame Christine Soudry, conseillère

Madame Marilyn Ranoux-Julien, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Christine Soudry dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Yulia Trefilova

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5 et par Monsieur Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Belincelle, dont la gérante est Mme [I] [J], exerce une activité d’agence immobilière en transaction, gestion et location à [Localité 8]. Elle appartient au réseau d’agences immobilières et coopératives ORPI (Organisation Régionale des Professionnels de l’Immobilier).

Elle a conclu le 3 janvier 2019 un contrat d’agent commercial avec M. [F] [ID].

Pour l’exercice de son mandat, M. [ID] a travaillé en binôme avec un autre agent commercial, M. [WY] [OY].

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 8 juillet 2019, la société Belincelle a résilié le contrat la liant à M. [ID] en reprochant à son agent diverses fautes tenant à des faits de “harcèlement moral et sexuel envers le personnel de l’agence”, “désorganisation de la bonne marche de l’agence du fait de votre comportement et dénigrement” et “non-respect de vos obligations contractuelles”.

Par lettre recommandée du même jour, la société Belincelle a également résilié le contrat la liant à M. [OY].

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 11 juillet 2019, le conseil de MM. [ID] et [OY] a contesté les griefs reprochés à ses clients.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 juillet 2019, M. [ID] a mis en demeure la société Belincelle de lui payer une somme de 10.000 euros au titre d’une facture n°2019/06 correspondant à la commission due sur la transaction [NR]/[D].

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 5 août 2019, Mme [J], gérante de la société Belincelle, a dénié le droit à commission revendiqué par M. [ID] sur cette transaction.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 10 octobre 2019, M. [ID] a mis en demeure la société Belincelle de lui payer une somme de 3.640 euros au titre d’une facture n°2019/07 correspondant à la commission due sur la transaction SCI de l’Industrie/[S], une somme de 2.765 euros au titre d’une facture n°2019/08 correspondant à la commission due sur la transaction indivision [L]/[Z]-[T] et une somme de 8.623 euros au titre d’une facture n°2019/09 correspondant à la commission due sur la transaction [D]/[FJ] [M] [UV].

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 24 octobre 2019, Mme [J], gérante de la société Belincelle, a adressé à M. [ID] un chèque d’un montant de 3.640 euros au titre d’une facture n°2019/07 correspondant à la commission due sur la transaction SCI de l’Industrie/[S] ainsi qu’un chèque de 4.643 euros correspondant à la commission due sur la transaction [D]/[FJ] [M] [UV].

Par acte du 19 décembre 2019, M. [ID] a assigné la société Belincelle devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de commissions qu’il estimait lui être dues et en indemnisation des préjudices qu’il estimait avoir subi résultant de la rupture du contrat.

Par jugement du 23 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

– Condamné la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 3.500 euros (non soumis à TVA) à titre de commission sur les dossiers traités ;

– Condamné la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 6.417 euros à titre d’indemnité de rupture ;

– Condamné la société Belincelle à payer à M. [ID] une indemnité de préavis de 3.209 euros ;

– Débouté M. [ID] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire ;

– Débouté la société Belincelle de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice de désorganisation et abus du droit d’agir en justice ;

– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

– Condamné la société Belincelle à verser la somme de 2.500 euros à M. [ID] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

– Condamné la société Belincelle aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA.

Par déclaration du 24 juin 2021, la société Belincelle a interjeté appel du jugement en ce qu’il a :

– Condamné la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 3.500 euros (non soumis à TVA) à titre de commission sur les dossiers traités ;

– Condamné la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 6.417 euros à titre d’indemnité de rupture ;

– Condamné la société Belincelle à payer à M. [ID] une indemnité de préavis de 3.209 euros ;

– Débouté la société Belincelle de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice de désorganisation et abus du droit d’agir en justice ;

– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

– Condamné la société Belincelle à verser la somme de 2.500 euros à M. [ID] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

– Condamné la société Belincelle aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA.

Par ses dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2021, la société Belincelle demande, au visa des articles 1353 et 1240 et suivants du code civil, des articles 9, 32-1 et 700 du code de procédure civile, de l’ancien article 514 du code de procédure civile, des articles L.134-1 et suivants du code de commerce, des articles L.1153-1 et L.1153-5 du code du travail relatifs à la lutte contre le harcèlement sexuel au travail, de :

Sur les demandes formulées au titre de l’exécution du contrat d’agent commercial (droit à commission)

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a débouté M. [ID] de ses demandes de commissions relatives aux dossiers [D]/[FJ], [M] [UV], [L] ([V] [A])/[Z]-[T], [N]-[B]/

[CY], [FJ] [UV]/[P] ;

Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a condamné la société Belincelle à verser à M. [ID] une somme de 3.500 euros (non soumise à TVA) au titre de la sortie du dossier [NR]/[D] ;

Sur les demandes formulées au titre de la rupture du contrat,

– A titre principal, infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a considéré qu’aucune faute grave n’a été commise par M. [ID] ;

– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a condamné la société Belincelle à verser à M. [ID] une somme de 6.417 euros au titre de l’indemnité de rupture du contrat d’agent commercial conclu entre eux ;

– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a condamné la société Belincelle à verser à M. [ID] une somme de 3.209 euros au titre de l’indemnité de préavis ;

– Débouter M. [ID] de l’intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour écartait l’existence de fautes graves,

– Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a limité l’indemnité de rupture de contrat à verser à M. [ID] à deux mois de commissions ;

– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a condamné la société Belincelle à verser à M. [ID] une somme de 3.209 euros au titre de l’indemnité de préavis ;

– Débouter M. [ID] de ses demandes autres, plus amples ou contraires ;

Sur les demandes formulées au titre des circonstances ayant entouré la rupture du contrat

– Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a débouté M. [ID] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire ;

A titre reconventionnel,

– En premier lieu, infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a débouté la société Belincelle de sa demande reconventionnelle relative à son préjudice de désorganisation ;

Par conséquent,

– Condamner M. [ID] à verser à la société Belincelle la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice de désorganisation ;

En second lieu,

– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a débouté la société Belincelle de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Par conséquent,

– Condamner M. [ID] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

En toute hypothèse :

– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu’il a condamné la société Belincelle à verser à M. [ID] une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner M. [ID] à verser à la société Belincelle la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre de la présente instance d’appel.

Par ses dernières conclusions, notifiées deux fois le 24 septembre 2021 et le 16 décembre 2021, M. [ID] demande, au visa des articles L. 134-4 et suivants du code de commerce, de :

– Infirmer le jugement du chef de l’évaluation des préjudices subis par M. [ID], et notamment en ce qu’il a :

* jugé et fixé le préjudice de M. [ID] à la somme de 3.500 euros (non soumis à TVA) au titre des commissions sur les dossiers traités ;

* jugé et fixé le préjudice de M. [ID] à la somme de 6.417 euros au titre de l’indemnité de rupture ;

* jugé et fixé le préjudice de M. [ID] à la somme de 3.209 euros au titre de l’indemnité de préavis contractuel ;

* débouté M. [ID] de sa demande d’indemnisation de son préjudice moral ;

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris, en date du 24 juin 2021, en ce qu’il a jugé que la société Belincelle a rompu le contrat d’agent commercial brutalement, sans démontrer l’existence d’une faute grave, et condamné la société Belincelle à 2.500 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.

– Dire et juger M. [ID] recevable et bien fondé

– Et, statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés :

– Condamner la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 10.000 euros, en paiement de la commission due au titre du dossier [NR]/[D] ;

– Condamner la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 2.765 euros, en paiement de la commission due au titre du dossier indivision [L]/[Z]-[T] ;

– Condamner la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 3.980 euros, en paiement de la commission due au titre du dossier [D]/[FJ] ;

– Condamner la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 2.566 euros, en paiement de la commission due au titre du dossier [N]/[CY] ;

– Condamner la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 161.381 euros au titre de l’indemnité de rupture, et du préavis contractuel ;

– Condamner la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 6.455,27 euros en réparation de son préjudice moral ;

– Débouter la société Belincelle de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner “la société Orpi” aux entiers dépens, ainsi qu’aux frais d’actes et d’exécution de l’arrêt à intervenir ;

– Sur l’appel principal :

– Rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de la société Belincelle.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2023.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les demandes en paiement de commissions

L’article L.134-6 alinéa premier du code de commerce dispose que :

“Pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission définie à l’article L. 134-5 lorsqu’elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l’opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre”.

L’article L.134-7 du même code précise que :

“Pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l’opération est principalement due à son activité au cours du contrat d’agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l’article L. 134-6, l’ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l’agent commercial avant la cessation du contrat d’agence”.

Par ailleurs, le contrat conclu entre la société Belincelle et M. [ID] stipule que :

“Article 7 – Rémunération de l’agent commercial

Pour toute affaire entièrement réalisée grâce à son intervention et entérinée par la société pour chaque année civile, l’agent commercial perçoit un pourcentage des honoraires hors taxes, déduction faite des éventuelles reprises, rétrocessions ou autres sommes, dues à des tiers (notamment en cas d’indication d’affaire), selon les paliers suivants :

Chiffre d’affaires réalisé par l’agent commercial et effectivement encaissé par la société

Affaire rentrée par l’agent commercial et enterinée par la société

Affaire vendue (sortie) par l’agent commercial et enterinée par la société

Affaire rentrée et envue par l’agent commercial

De 0 à 100 000 €

26%

14%

40%

De 100 001 à 150 000 €

30%

15%

45%

De 150 001 à 200 000 €

33%

17%

50%

De 200 001 à 300 000 €

39%

21%

60%

A partir de 300 000 €

46%

24%

70%

(‘)”

Si le contrat ne précise pas les notions d’ “entrée” ou de “sortie ” de l’affaire, il apparaît que l’entrée s’entend des diligences accomplies pour obtenir la signature du mandat de vente du bien immobilier au profit de l’agence et que la sortie correspond aux diligences accomplies pour conclure la vente du bien, soit pour obtenir une offre d’achat et l’acceptation de l’offre par le propriétaire.

M. [ID] revendique un droit à rémunération au titre de quatre transactions. La société Belincelle dénie ce droit. Il convient donc d’examiner successivement ces quatre transactions.

M. [ID] se prévaut, pour établir son droit à rémunération, d’une pièce n°6 dont la valeur probante est contestée par la société Belincelle. Il s’agit d’une capture d’écran d’un tableau informatique, extrait d’un logiciel informatique recensant les affaires en cours au sein de l’agence immobilière et les droits à rémunération des agents sur lesdites affaires. Sans entrer dans l’argumentation des parties sur les conditions d’obtention de cette pièce ou encore sur l’auteur des mentions qui y sont contenues, il convient de relever plusieurs incohérences et incertitudes concernant cette pièce. Tout d’abord, il sera relevé que les éléments versés aux débats ne permettent pas d’établir la date de la capture d’écran. En effet, si M. [ID] indique que la capture d’écran a été réalisée le 3 juillet 2019, le tableau mentionne en dernière colonne plusieurs dates comme étant ” prévues “, et donc à venir, alors qu’elles sont bien antérieures au 3 juillet 2019. En outre, le tableau apparaît réunir deux tableaux différents puisqu’il existe un décalage entre les colonnes des 7 premières lignes et celles des 5 dernières lignes et qu’après les 7 premières lignes, certains dessins et mots apparaissent coupés. Dans ces conditions, cette pièce ne sera pas retenue à titre de preuve.

– Mandat n°51 – [NR]/[D] – Appartement du [Adresse 3]

M. [ID] revendique une commission de 10.000 euros au titre de son intervention à la fois pour l’ “entrée” de l’affaire et pour sa “sortie”.

La société Belincelle considère que l’intervention de M. [ID] tant dans l’entrée que dans la sortie de l’affaire a été marginale par rapport aux diligences de Mme [J].

Il ressort des pièces versées aux débats que le mandat de vendre confié le 25 février 2019 à l’agence Orpi par l’indivision [NR] (pièce Belincelle n°17) a été signé le même jour que l’acceptation de l’offre des acquéreurs, les époux [D], (pièce Belincelle n°18) et que l’intervention de M. [ID] a été déterminante puisque Mme [J] elle-même lui a attribué l’entrée du mandat dans un courriel du 2 mars 2019.

En outre, la sortie du bien a été attribuée par Mme [J] à M. [ID] puisqu’elle indique dans un courriel du 6 mai 2019 que : “[NR] : la vente du bien nous échappait avec des propriétaires sur le PAP mais tu as su regagner leur confiance et vendre le bien.”

Ces éléments de preuve émanant de Mme [J], représentante de la société Belincelle, contredisent les éléments de preuve versés aux débats par cette dernière et tentant de minimiser le rôle de M. [ID].

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de commission de M. [ID] à concurrence d’une somme de 10.000 euros et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

– Mandat n°65 – Indivision [L] ([V] [A])/[Z]-[T] – Appartement 70 rue Labrouste

M. [ID] revendique une commission de 2.765 euros au titre de son intervention pour la sortie de l’affaire.

La société Belincelle fait valoir que c’est M. [OY] qui a reçu l’offre d’acquisition du bien qui a été acceptée par les propriétaires et soutient que c’est ce dernier qui est donc à l’origine de la sortie du bien.

A l’appui de sa demande, M. [ID] se contente de verser aux débats une capture d’écran de son agenda et des SMS indiquant l’organisation de quelques visites sur le bien situé [Adresse 5] ainsi qu’un courriel de Mme [J] en date du 6 mai 2019 faisant état du bilan de l’agence du mois d’avril 2019 qui mentionne :

” BILAN CA SOUS OFFRE ACCEPTEE AVRIL :

1 – [WY]= 25 837 € HT ([N]/[L])

2- [H]= 15 667 € HT ([C]/[ZS]/[Y]/[SS])

3- [F]= 13 912 € HT ([N]/[L]).

Ces éléments sont insuffisants pour démontrer qu’il est à l’origine de la ” sortie ” du bien et sont contredits par les SMS qu’il verse aux débats (pièce [ID] n°30) échangés entre l’acquéreur (M. [U] [W]) et M. [WY] [OY] témoignant des démarches accomplies par celui-ci pour recueillir l’offre de M. [W] et Mme [T] qui a été acceptée par les vendeurs le 1er avril 2019 (pièce Belincelle n°27).

Dans ces conditions, la demande de rémunération de ce chef sera rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

– Mandat n°62 – [D]/[FJ] [M] [UV] – Appartement [Adresse 6]

M. [ID] revendique un solde de commission d’un montant de 3.980 euros, déduction faite d’une somme de 4.643 euros déjà perçue, au titre de son intervention pour l’entrée de l’affaire.

Il ressort des pièces versées aux débats que le mandat de vendre confié à l’agence Orpi par M. et Mme [D] a été signé le 1er mars 2019 (pièce Belincelle n°21).

M. [ID] ne verse aux débats aucun élément de preuve démontrant son intervention dans la signature de ce mandat. L’ensemble des pièces qu’il produit aux débats démontre son intervention dans la sortie du bien, à savoir sa vente aux époux [FJ]/[UV] et notamment la réception de leur offre d’achat. La société Belincelle reconnaît cette intervention et a payé à M. [ID] une commission de sortie d’un montant de 4.643 euros.

Dès lors, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [ID] en paiement d’une commission pour l’entrée du mandat. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

– Mandat n°64 – [N]-[B]/[CY] 6 – appartement [Adresse 4]

M. [ID] revendique une commission de 2.566 euros au titre de son intervention pour la sortie de l’affaire.

S’il ressort des pièces versées aux débats que M. [ID] a effectué plusieurs visites concernant ce bien, a reçu une offre de Mme [R] à laquelle il n’a pas été donné suite et a assisté à la signature de l’acte de vente du bien à M. [CY] chez le notaire, il ressort néanmoins des pièces versées aux débats que l’offre d’achat de M. [CY], qui a été acceptée par le vendeur, a été adressée à Mme [J] le 17 mai 2019 et que M. [CY] a attesté n’avoir eu de contact, dans le cadre de l’acquisition de ce bien, qu’avec Mme [J] à l’exclusion de MM. [OY] et [ID].

Dès lors, la demande de rémunération sur cette vente sera rejetée et le jugement entrepris confirmé.

Sur la résiliation du contrat d’agence commerciale

La société Belincelle se prévaut de fautes graves de M. [ID] excluant le versement à celui-ci de toute indemnité de rupture et de toute indemnité de préavis.

M. [ID] dénie les fautes invoquées.

Il est admis que la faute grave, privative d’indemnités de rupture et de préavis, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel. Elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.

Il convient également de rechercher si des fautes successives et renouvelées ne constituaient pas, par leur caractère répétitif et leur accumulation, une faute grave.

Il ressort des éléments versés aux débats que Mme [J], gérante de la société Belincelle, a manifesté sa grande satisfaction des missions accomplies par M. [ID] dans le cadre de son contrat d’agent commercial au moins jusqu’à la fin du mois de mai 2019, comme en témoigne divers courriels de Mme [J] adressés à son équipe et notamment un courriel du 28 mai 2019, et que les relations se sont dégradées au mois de juillet 2019 au point que M. [ID] n’a notamment pas pu accéder à l’agence les 1er et 2 juillet 2019 aux horaires habituels d’ouverture, que toute communication orale a été rompue avec Mme [J] qui portait un casque au sein de l’agence (courriels de 3 et 5 juillet 2019 – pièces Belincelle n°52 et 53) et que celle-ci a porté plainte le 3 juillet 2019 à l’encontre de M. [OY] pour des faits de vol d’un ordinateur portable professionnel appartenant à la société Belincelle et a résilié les contrats d’agence commerciale de MM. [OY] et [ID] le 8 juillet 2019 en invoquant diverses fautes graves à leur encontre.

La société Belincelle reproche tout d’abord à M. [ID] des faits de harcèlement sexuel sur le personnel féminin de l’agence.

A l’appui, elle verse des attestations de Mme [G], étudiante en alternance au sein de la société Belincelle, et de Mme [E], stagiaire du 23 avril au 7 juin 2019 au sein de l’agence, qui, au regard du lien d’autorité les liant à la gérante de la société Belincelle, apparaissent sujettes à caution. Il sera à cet égard relevé qu’une autre stagiaire, Mme [K], a rétracté le témoignage qu’elle avait fait aux termes duquel elle dénonçait des “remarques sexistes” de la part de M. [ID]. En outre, les attestations de Mmes [G] et [E] sont peu circonstanciées. Les faits dénoncés ne sont donc pas caractérisés.

La société Belincelle fait ensuite grief à M. [ID] des faits de harcèlement moral sur l’ensemble du personnel de l’agence.

Ainsi qu’il a été dit ci-dessus les attestations de Mme [G] et de Mme [E] ne seront pas retenues. L’attestation de M. [IU], qui fait état d’un désaccord entre Mme [J] et MM. [ID] et [OY] ayant provoqué une ambiance délétère au sein de l’agence et d’un harcèlement de ces derniers à l’égard de Mme [J] exclusivement, ne mentionne aucun fait précis ni circonstancié de harcèlement à l’exception d’un incident du 8 juillet 2019 qui, en l’absence de répétition, ne peut être qualifié de harcèlement. En outre, il sera relevé que M. [IU] est agent commercial de la société Belincelle et que l’objectivité de son témoignage est sujette à caution. Le témoignage de M. [CP], manager régional du réseau Orpi, qui ne rapporte aucun fait dont il a été personnellement témoin et ne fait que rapporter les propos de Mme [J], ne sera pas davantage retenu. Les faits reprochés de harcèlement moral ne sont donc pas établis.

La société Belincelle affirme par ailleurs que M. [ID] est à l’origine d’une désorganisation de l’agence immobilière. Elle explique que celui-ci a, avec M. [OY], volé un ordinateur portable professionnel lui appartenant afin de falsifier le fichier relatif aux rémunérations des agents. Elle soutient encore que MM. [OY] et [ID] ont également extrait des dossiers informatiques appartenant à l’agence et ont détourné son fichier clients.

Toutefois les quelques éléments versés aux débats pour démontrer les faits reprochés, à l’exception des attestations dont la valeur probatoire a déjà été écartée, concernent exclusivement M. [OY] et non M. [ID]. Dès lors, aucun manquement n’est caractérisé de ces chefs à l’encontre de M. [ID].

Enfin la société Belincelle dénonce l’inexécution par M. [ID] de ses obligations administratives et financières : immatriculation au registre spécial des agents commerciaux, souscription d’une assurance responsabilité civile professionnelle et suivi d’une formation professionnelle.

L’article 3 du contrat d’agent commercial prévoit que :

“L’agent commercial déclare remplir toutes les conditions lui permettant d’accomplir le présent contrat, notamment :

(‘)

– S’engager, si cette condition n’est pas remplie au jour de signature des présentes, à s’immatriculer dans les meilleurs délais au registre spécial des agents commerciaux, tenu au greffe du tribunal de commerce (ou du tribunal de grande instance) de son domicile ; le cas échéant, en justifier auprès du mandant dans le délai maximal d’un mois suivant conclusion des présentes.

(‘)

– Conclure à ses frais et maintenir effective tant que durera le présent contrat, toutes assurances nécessaires à la couverture de son activité d’Agent commercial, notamment une assurance “responsabilité civile professionnelle” et une assurance couvrant l’usage de tout véhicule dont il usera pour l’accomplissement de sa mission. A peine de résiliation à ses torts exclusifs, pour justifier de ce qu’il est bien assuré, l’Agent commercial adressera spontanément au mandant, et au besoin par retour à première demande de ce dernier, une attestation d’assurance dans le délai maximal d’un mois après conclusion des présentes et, par suite, lors de chaque reconduction, renouvellement ou changement d’assurance. Il justifiera, aux mêmes dates, de ce qu’il est bien titulaire d’un permis de conduire en cours de validité.

– Justifier, au plus tard dans les six mois suivant la conclusion du présent mandat, avoir suivi une formation garantissant son niveau de compétence.

En cas de non-respect de l’un ou l’autre de ces engagements, ce mandat sera automatiquement rompu aux torts du mandataire.”

Aux termes du contrat, M. [ID] avait l’obligation de justifier de son inscription au registre spécial des agents commerciaux, ce qu’il n’a pas fait. Cette obligation contractuelle est également une obligation légale prévue à l’article R. 134-6 du code de commerce. Cette obligation d’inscription à ce registre est une mesure de police assurant à l’égard des tiers la publicité des informations relatives à l’activité de l’agent. Toutefois si la directive 86/653 CEE du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants ne s’oppose pas à ce que les Etats entretiennent des registres dans lesquels les agents commerciaux doivent ou peuvent s’inscrire, c’est à la condition que les conséquences de la non-inscription ne portent pas atteinte à la protection que la directive accorde aux agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants. En conséquence, faute pour la société Belincelle de démontrer que l’absence d’immatriculation au registre spécial a eu une incidence sur les rapports de droit privé existant entre elle et son mandataire, le défaut d’immatriculation ne peut constituer une faute grave exclusive de toute indemnité de rupture et de préavis. Il sera à cet égard observé que la société Belincelle n’a pas rappelé à son agent la nécessité de s’immatriculer au registre spécial, ce qui démontre qu’elle n’y attachait pas une importance déterminante pour l’exercice du mandat.

Il est versé aux débats une attestation d’assurance professionnelle au nom de M. [ID] pour l’activité d’agent commercial dans le secteur immobilier à effet au 1er juin 2019. Si cette attestation fait état d’une couverture commençant plusieurs mois après le début du contrat d’agent commercial du 3 janvier 2019, il sera néanmoins relevé que la société Belincelle n’a adressé aucune demande à son agent commercial de justifier de la souscription d’une assurance professionnelle dans le mois suivant la conclusion du contrat. Dans ces conditions, ce manquement ne saurait revêtir un caractère de gravité tel qu’il priverait l’agent de toute indemnité de rupture et de préavis.

Enfin il sera relevé que le contrat d’agence commercial a été résilié le 8 juillet 2019 par la société Belincelle, soit six mois après sa conclusion de sorte qu’au moment de la résiliation, le délai imparti à l’agent pour justifier auprès de son mandant du suivi d’une formation venait tout juste d’expirer. Aucune faute grave de M. [ID] n’est caractérisée de ce chef.

En conséquence, aucune faute grave n’étant démontrée à l’encontre de M. [ID], celui-ci est bien fondé à solliciter le paiement d’une indemnité de rupture et d’une indemnité de préavis.

Sur l’indemnité de préavis

L’article L 134-12 du même code, dont les dispositions sont d’ordre public, indique qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu’il perd toutefois le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l’agent.

L’indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l’agent du fait de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune. Son quantum n’étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause.

En l’espèce, il est établi que la rémunération perçue par M. [ID] entre le 3 janvier et le 8 juillet 2019 s’est élevée à 15.752 euros à laquelle il convient d’ajouter la somme de 10.000 euros au titre de la transaction [NR]/[D], soit 25.752 euros pour six mois ou une base de rémunération annuelle de 51.504 euros.

Compte tenu de la courte durée de la mission d’agence commerciale (6 mois) et du très faible montant des investissements nécessaires pour exercer l’activité d’agent commercial immobilier, l’indemnité de rupture sera fixée à une somme de 12.876 euros correspondant à trois mois de commissions. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur l’indemnité de préavis

L’article L. 134-11 du code de commerce prévoit que lorsque le contrat d’agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. La durée du préavis est d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois par la troisième année commencée et les années suivantes.

Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d’une faute grave de l’une des parties ou de la survenance d’un cas de force majeure.

Contrairement à ce que soutient la société Bellincelle, en l’absence de faute grave, M. [ID] est bien fondé à revendiquer une indemnité de préavis.

Le contrat ayant été résilié dans sa première année, le préavis qui aurait dû être accompli était d’un mois.

La cour fixera donc à 4.292 euros (51.504 euros/12 mois) l’indemnité de préavis. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire

M. [ID] revendique une indemnisation complémentaire au titre du préjudice résultant des conditions vexatoires de la rupture du contrat d’agent commercial.

Toutefois M. [ID] ne justifie aucunement de conditions vexatoires de la rupture à l’exception des griefs qui lui étaient reprochés dans la lettre de résiliation et qui n’ont pas été retenus. Ce seul fait ne saurait caractériser une faute de la société Belincelle engageant sa responsabilité.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [ID] sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

Il résulte de ce qui précède que la complicité de M. [ID] quant au vol de l’ordinateur portable et à l’extraction des fichiers qui y étaient contenus n’est pas démontrée de même que n’est pas démontrée une quelconque désorganisation de l’agence liée au comportement de M. [ID]. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Belincelle de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société Belincelle reproche à M. [ID] d’avoir abusé de son droit d’agir en justice en agissant de concert avec M. [OY] et en introduisant deux procédures au fond et deux procédures en référé pour lesquelles elle a dû organiser sa défense.

Toutefois il ressort de ce qui précède qu’aucun abus de procédure n’est caractérisé à l’encontre de M. [ID]. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêt sur ce point.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Belincelle succombe à l’instance. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société Belincelle supportera les dépens de l’instance d’appel et sera condamnée à payer à M. [ID] une somme supplémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La demande de la société Belincelle sur ce point sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société Belincelle à payer à M. [ID] la somme de 3.500 euros (non soumis à TVA) à titre de commission sur les dossiers traités, la somme de 6.417 euros à titre d’indemnité de rupture et une indemnité de préavis de 3.209 euros ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société Belincelle à payer à M. [F] [ID] la somme de 10.000 euros à titre de commission sur les dossiers traités ;

Condamne la société Belincelle à payer à M. [F] [ID] la somme de 12.876 euros à titre d’indemnité de rupture ;

Condamne la société Belincelle à payer à M. [F] [ID] la somme de 4.292 à titre d’indemnité de préavis ;

Y ajoutant,

Condamne la société Belincelle à payer à M. [F] [ID] une somme supplémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Belincelle sur ce point ;

Condamne la société Belincelle aux dépens de l’instance d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE