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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRET DU 16 MAI 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06246 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEBFL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 18/02801
APPELANT
Monsieur [N] [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Anne-laurence HUBAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0148
INTIMEE
SAS CINE ECHAFAUDAGES SERVICES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique BOST, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
– contradictoire
– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre, Président et par Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [N] [K] était détenteur, via des sociétés, de 80% des parts sociales de la société Ciné Échafaudages Services (CES).
Cette société a été cédée le 24 janvier 2018 à la société Seguin@xel Organisation. Le contrat de cession d’action prévoyait qu’un contrat à durée déterminée de six mois serait consenti à M. [K].
Ce contrat de travail a été conclu le 24 janvier 2018 à effet au lendemain.
Le 12 juin 2018, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle rupture du contrat.
Cet entretien s’est tenu le 20 juin 2018.
La rupture du contrat avant son terme a été notifiée à M. [K] par courrier du 29 juin 2018.
La lettre de rupture est ainsi rédigée :
« vous vous présentez comme le dirigeant de l’entreprise encore récemment. En présence de Monsieur [V],
– vous vous êtes engagé à payer des commissions à un apporteur d’affaires sans autorisation en vous présentant comme le Président de la Société,
– vous avez détourné de façon frauduleuse une ligne téléphonique de l’entreprise en demandant à l’opérateur de vous faire une portabilité de cette ligne CES en vous faisant passer pour le gérant de la société à la date du 28/03/2018 et vous avez refusé de corriger ce détournement,
– vous ne nous avez convié à aucun rendez-vous de clientèle afin de nous présenter,
– vous annulez au dernier moment des rendez-vous dès lors que nous vous demandons d’être accompagné par un collègue (mairie de [Localité 4] et Concept décoration). Rendez-vous pris systématiquement en début d’après-midi veille de week-end pour vous permettre de ne pas repasser au bureau et partir plus tôt.
– vous refusez de nous informer de vos rendez-vous extérieurs 24 heures à l’avance afin de nous permettre de nous joindre à vous. Malgré cette requête, vous continuez à informer après coup des soit-disant rendez-vous que vous effectuez,
– vous refusez de donner le détail des kilomètres parcourus avec la carte essence de la société,
– vous ne respectez pas les consignes de validation des offres avant transmission au client,
– notre demande d’être plus actif sur la partie commerciale est restée sans action de votre part
– vous passez vos journées à repasser derrière l’ensemble de vos collègues et de la direction pour des instructions ou bien de détail ou bien en opposition à la direction.
– alors que vous devez exercer votre activité au bureau où vous avez accès à l’ensemble des documents et dossiers clients, votre présence que vous considérez comme résiduelle, est sporadique : arrivée le matin entre 10H30 et 11H00, déjeuner et pause de 2 à 3 heures
– vous prenez à partie vos collègues pour évoquer vos problèmes avec la direction, et tenez des propos diffamatoires par mail en mettant en copie l’assistante commerciale,
– vous dénigrez systématiquement le travail de la direction et de vos collègues,
– vous êtes insultant vis-à-vis de vos collègues de travail, voire grossier en les qualifiant d’éléphant ou d’idiot ouvertement,
– vous êtes agressif et l’ensemble de vos collègues se sont plaints de cette attitude.
Toutes nos mises en garde sont restées sans effet, bien au contraire puisque vous n’avez pas cessé de polémiquer, en les considérant comme des mensonges, accusations gratuites maintes fois proférées notamment dans votre courrier du 4 juin 2018 (en réponse à notre lettre du 23 mai 2018) et dans lequel, vous communiquez le nom de votre avocat.
Au cours de notre entretien, vos explications toujours empreintes de mépris et de provocation ont attesté votre volonté manifeste de persister dans une relation conflictuelle en aggravant une exécution défectueuse de vos prestations que vous décidez d’accomplir selon votre bon vouloir, à minima et avec désinvolture.
Vous nous avez par ailleurs indiqué lors de l’entretien, qu’en votre qualité d’ancien dirigeant de CES, vous n’aviez pas à rendre de compte sur vos journées de travail.
Ces propos pourront être confirmés par l’enregistrement de l’entretien que vous avez fait.
Nous précisions qu’à l’issue de notre entretien, vous n’avez pas échappé à la grossièreté que vous pratiquez fréquemment, en revenant sur vos pas pour m’insulter, notamment en ces termes « vous n’avez pas de couilles », et ce manifestement pour me provoquer.
Dès lors nous avons décidé de mettre fin à votre contrat de travail pour toutes les raisons rappelées ci-dessus. »
Contestant cette rupture, M. [K] a, par requête du 18 septembre 2018, saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny.
Par jugement du 30 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :
– débouté M. [N] [K] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société CES de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de
procédure civile,
– condamné M. [N] [K] aux dépens.
M. [K] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 8 juillet 2021.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 janvier 2024, M. [K] demande à la cour de :
– le dire recevable et bien fondé en son appel,
Y faisant droit,
– infirmer le jugement rendu le 30 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Bobigny, en ce qu’il a :
– débouté M. [N] [K] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné M. [N] [K] aux entiers dépens.
Statuant à nouveau,
– dire que la rupture de son contrat de travail à durée déterminée est injustifiée et abusive,
– condamner la société Cine Echafaudages Services à lui régler les sommes de :
* 4 522,38 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,
* 452,24 euros à titre de congés payés afférents,
* 2 588,96 euros à titre de rappel de commissions sur mise à pied,
* 258,90 euros à titre de congés payés afférents,
* 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail,
* 7 508,25 euros à titre d’indemnité de précarité,
* 16 898,75 euros à titre de dommages et intérêts pour prise en charge réduite par Pôle Emploi
* 12 726 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de cotisation au régime de retraite,
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour agissements de harcèlement moral.
* 3 550,54 euros à titre de rappel de commissions pour la période du 25 janvier au 12 juin 2018,
* 355,05 euros à titre de congés payés afférents,
* 3 876,41 euros à titre de solde d’indemnité de congés payés,
* 426,02 euros à titre de remboursement des indemnités kilométriques
– condamner la société Cine Echafaudages Services, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir, à lui remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée,
– condamner la société Cine Echafaudages Services à rectifier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, à compter de l’arrêt à intervenir, l’intégralité de ses bulletins de salaire,
– écarter des débats les pièces 30, 32-1 et 34 versées aux débats par la société Cine Echafaudages Services,
– débouter la société Cine Echafaudages Services de l’intégralité de ses fins et demandes,
– condamner la société Cine Echafaudages Services à lui régler la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 25 janvier 2024, la société CES demande à la cour de :
– recevoir ses conclusions, les dire et juger bien fondées en toutes leurs fins ;
– déclarer M. [N] [K] irrecevable et mal fondé en son appel et le débouter en toutes ses fins et conclusions ;
– confirmer le jugement rendu le 30 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Bobigny en toutes ses dispositions ;
– dire et juger que la rupture du contrat de travail de M. [K] est intervenue pour faute grave ;
– débouter Monsieur [K] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner M. [K] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [K] aux entiers dépens.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 janvier 2024.
Sur le rejet des débats de certaines pièces
M. [K] demande que soient écartées des débats les pièces 30, 32-1 et 34 communiquées par l’employeur.
Dans le corps de ses conclusions, il soutient que la pièce 30, un mail dont M. [G] serait l’auteur, serait un faux ce qui justifierait que la pièce soit écartée des débats. La cour relève que ce mail n’est pas daté. Il ne porte aucune mention d’une adresse d’auteur comme de destinataire. Pour autant, M. [K] ne démontre pas qu’il s’agirait d’un faux.
Il ne sera pas fait droit à la demande de rejet de cette pièce.
En ce qui concerne les pièces 32-1 et 34, M. [K] ne s’explique pas sur sa demande et la cour relève qu’il les vise lui-même dans ses conclusions (notamment p. 57).
La demande de rejet de ces pièces sera également écartée.
Sur le harcèlement moral
Le harcèlement moral s’entend aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte des articles 1152-1 et 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [K] invoque les faits suivants :
– la multiplication de courriers et mails comminatoires entre avril et juin 2018
– la suppression de ses outils de travail au mois de mai 2018
– le fait qu’à la même période, on ne lui a plus donné de travail
– une surveillance constante totalement déplacée
– le fait d’avoir permis, en lui retirant les clés de l’entreprise, qu’il reste enfermé dans les locaux
– la remise de son bulletin de paie de juin avec retard, retard qui a également concerné le versement de son salaire
– l’envoi d’un mail de convocation à un entretien préalable en retour du mail par lequel il informait son employeur qu’il devait accompagner sa femme souffrante à l’hôpital.
En ce qui concerne la multiplication de courriers et mails, M. [K] produit notamment trois courriers (pièces 4, 5 et 15) adressés par la société CES à la société Rive de Scène concernant la cession de la société et non la relation de travail. La majorité des mails produits par M. [K] sont des mails en réponse à ses propres mails. Néanmoins, l’employeur a également adressé des courriers ou des mails à M. [K] en première intention, ainsi un courrier le 16 avril 2018 sur son manque d’activité sur les ventes, un mail du 17 avril évoquant notamment les horaires de travail de M. [K], un courrier du 7 mai 2018 sur la portabilité de la ligne de téléphone portable. Les termes de ces courriers ne sont ni excessifs ni comminatoires. La matérialité de ce grief n’est pas établie.
En ce qui concerne la suppression de certains outils de travail, il ressort des pièces produites que les droits sur le logiciel de facturation ont été retirés à M. [K] début avril 2018 ainsi que d’autres droits informatiques. Ce fait est établi.
M. [K] produit trois mails dont il est l’auteur à l’appui de son affirmation selon laquelle il aurait été privé de travail à compter de mai 2018. Ce fait n’est pas matériellement établi.
En ce qui concerne la surveillance constante déplacée, M. [K] produit des mails concernant des rendez-vous auxquels il devait être accompagné par Mme [Z] ou des demandes de validation de devis par M. [S], nouveau dirigeant de la société. L’accompagnement à des rendez-vous comme la validation des devis s’inscrivent dans la logique de l’objet du contrat de travail qui était « la bonne transmission opérationnelle de l’activité cédée » et ne caractérisent nullement une surveillance constante déplacée. Un tel fait n’est pas matériellement établi.
Il n’est pas contesté que M. [K] est resté coincé dans l’entreprise le 17 mai 2018. Il s’agit d’un incident isolé.
En ce qui concerne l’envoi tardif du bulletin de paie de juin 2018 et le retard dans le paiement de son salaire, M. [K] ne produit que deux mails en date du 4 juin 2018 dont il est l’auteur qui sont insuffisants à établir la matérialité de ce grief.
M. [K] a averti son employeur le 12 juin 2018 de son absence car il devait emmener son épouse à l’hôpital. Plus tard dans la matinée, M. [S] lui a adressé une copie par mail de la convocation à un entretien préalable à son licenciement adressée par lettre recommandée le même jour.
La cour retient que les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble ne permettent pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
M. [K] sera débouté de ses demandes à ce titre.
Sur la demande de rappel de commissions
M. [K] sollicite la somme de 3 550,54 euros à titre de rappel de commissions pour la période du 25 janvier 2018 au 12 juin 2018. Il fait expressément référence aux tableaux transmis par la société CES à l’appui de ces demandes.
Toutefois, les chiffres d’affaires mensuels qu’il retient pour procéder au calcul de ses commissions ne correspondent pas aux tableaux visés sans qu’il s’explique à cet égard et sans qu’il produise d’autres éléments.
Il ressort des bulletins de paie que le montant des commissions calculé sur la base des tableaux établis par l’employeur et visés par M. [K] dans ses conclusions a été réglé de sorte que ce dernier a été rempli de ses droits à ce titre.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [K] de ses demandes à ce titre.
Sur le remboursement d’indemnités kilométriques
M. [K] sollicite la somme de 426,02 euros à titre de remboursement de frais kilométriques à compter du 17 mai 2018, date à laquelle la carte essence de l’entreprise lui a été retirée.
La société CES indique que M. [K] n’a jamais fourni le détail de ses déplacements en dépit de ses demandes réitérées.
La cour constate que l’annexe au contrat de travail prévoit « le salarié bénéficiera de la carte essence de l’entreprise » sans autre précision notamment quant aux conditions d’utilisation de cette carte. Cette clause contractuelle assurait à M. [K] la prise en charge de ses frais de déplacement, ce dont le retrait de la carte l’a privé. Il peut en conséquence prétendre au remboursement d’indemnités kilométriques.
M. [K] produit des tableaux d’utilisation de son véhicule depuis le 17 mai 2018 que la société CES ne conteste pas.
Il sera fait droit à sa demande au titre du remboursement des frais kilométriques. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur le solde des congés payés
M. [K] soutient qu’il n’aurait pas été rempli de ses droits quant à l’indemnité compensatrice de congés payés. Il fait valoir que des jours lui ont été décomptés alors qu’il n’avait pas pris de congés.
La société CES oppose que M. [K] a été rempli de ses droits et qu’au mois de juin, certains jours de congé pris antérieurement ont été régularisés.
Toutefois, la société CES n’établit pas que M. [K] aurait effectivement pris les congés qu’elle a déduits du bulletin de paie de juin 2018.
En conséquence, la société CES sera condamnée à payer à M. [K] la somme de 3 230,28 euros.
Sur la rupture du contrat de travail
Aux termes de l’article 1243-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.
La faute grave est la faute qui rend impossible le maintien du lien contractuel.
Il est en premier lieu reproché à M. [K] de se présenter comme le dirigeant de l’entreprise. Aucun élément de preuve n’est apporté à l’appui de ce grief.
Il est reproché à M. [K] de s’être engagé à payer des commissions à un apporteur d’affaires sans autorisation de son employeur. Dans ses conclusions, la société CES indique que l’affaire en question aurait été initiée fin décembre 2017, début janvier 2018 à une époque où M. [K] était encore le dirigeant et lui fait désormais grief de ne pas avoir informé le nouveau dirigeant de la société. Ce défaut d’information ne figure pas dans la lettre de licenciement et le grief qui y est énoncé n’est pas constitué.
L’employeur reproche à M. [K] le détournement d’une ligne téléphonique portable de l’entreprise, détournement réalisé en se faisant passer pour le gérant de l’entreprise. M. [K] indique que ce grief est prescrit dès lors que le détournement en question aurait eu lieu le 28 mars 2018 et que l’employeur n’établit pas qu’il ne l’aurait découvert que le 7 mai 2018. Il ajoute que la pièce produite, à savoir une copie d’écran du site de Bouygues Telecom portant sur une commande non décrite n’établit aucun détournement.
Au regard de la date de commission du détournement allégué, les faits étaient prescrits lors de la convocation à l’entretien préalable. Le détournement n’est en outre pas établi alors qu’il s’agissait de la ligne personnelle de M. [K] qu’il a utilisée pour son activité pour la société tout en prévoyant de pouvoir la reprendre.
Le grief tiré de ce que M. [K] n’aurait pas convié la nouvelle direction à des rendez-vous clientèle afin de la présenter n’est pas établi. Il n’est pas non plus établi que M. [K] aurait annulé des rendez-vous clients. La lettre de licenciement vise en particulier deux rendez-vous. Il ressort des pièces produites que le rendez-vous avec une responsable de la mairie de [Localité 4] a été annulé à l’initiative de cette dernière et que le rendez-vous avec Concept Décoration a eu lieu avec la participation de Mme [Z].
Le grief portant sur le refus d’informer des rendez-vous extérieurs 24 heures avant n’est pas caractérisé.
Le grief tiré du refus de donner le détail des kilomètres parcourus avec la carte essence de la société n’est assorti d’aucune offre de preuve.
A l’appui du grief de refus de respecter les consignes de validation des offres avant transmission, l’employeur se prévaut d’un mail du 23 mai 2018. La cour relève que ce mail est un mail de réponse à un mail de M. [K] qui indiquait qu’il restait « en attente de votre validation. Ainsi, ce grief n’est pas établi.
Le fait que la demande d’être plus actif sur le plan commercial soit restée sans réponse n’est pas constitutif d’une faute.
L’employeur n’offre aucune preuve à l’appui du grief selon lequel M. [K] aurait passé ses journées à repasser derrière ses collègues ou la direction pour leur donner des instructions de détail ou en opposition avec la direction.
Les éléments produits aux débats sont insuffisants à établir le grief fondé sur une présence sporadique au bureau en mai 2018.
L’employeur ne démontre pas que M. [K] aurait pris à partie ses collègues pour évoquer ses problèmes avec la direction.
A l’appui des derniers griefs évoquant un dénigrement systématique de la direction et un comportement insultant et agressif à l’égard de ses collègues, l’employeur produit deux attestations de M. [V] et de Mme [Z]. Ces attestations évoquent le comportement de M. [K] en des termes généraux. Il n’est fait état d’aucun fait précis. Ces attestations sont très peu circonstanciées. Elles sont insuffisantes à établir les griefs visés par la lettre de licenciement.
Ainsi, aucune faute grave n’est caractérisée à l’encontre de M. [K].
En conséquence, la rupture anticipée du contrat à durée déterminée est infondée. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les conséquences de la rupture anticipée du contrat de travail
La rupture anticipée du contrat de travail étant infondée, il sera fait droit à la demande de M. [K] quant au rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, la société CES ne formulant aucune observation quant au quantum de cette demande. Il sera également fait droit à sa demande de rappel sur commission, l’employeur se bornant à indiquer que ce rappel ne serait pas dû et à rappeler la somme perçue par M. [K] au titre des commissions pour la période antérieure.
En application de l’article 1243-4 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L.1243-8.
L’article L.1243-8 dispose que lorsque, à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation.
Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.
M. [K] fonde son calcul de l’indemnité de précarité sur des montants erronés notamment quant au rappel de commission sur la période de mise à pied conservatoire.
Au regard de la rémunération qu’il a reçue et qu’il aurait dû recevoir jusqu’au terme du contrat, il peut prétendre à la somme de 7 430,93 euros au titre de l’indemnité de précarité.
M. [K] sollicite la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts, indiquant qu’il aurait dû percevoir la somme de 17 556,87 euros si le contrat était allé à son terme. L’employeur ne conteste pas ce montant mais se borne à préciser que cette somme inclut les commissions sur la période.
Il sera alloué à M. [K] la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat de travail. Cette somme répare tous les préjudices résultant de la rupture anticipée du contrat. Il ne sera en conséquence pas fait droit à la demande de M. [K] au titre de la prise en charge réduite par Pôle Emploi ainsi que du défaut de cotisations au régime de retraite.
Sur la remise des documents sociaux
L’employeur sera tenu de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt, sans qu’il soit besoin de prononcer une astreinte.
Sur les frais de procedure
La société CES sera condamnée aux dépens.
Elle sera également condamnée à payer à M. [K] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procedure civile.
La cour,
REJETTE la demande tendant à voir écarter des débats les pièces 30, 32-1 et 34 communiquées par la société Cine Echafaudages Services,
INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [N] [K] de ses demandes au titre du harcèlement moral et de rappel de commissions pour la période du 25 janvier 2018 au 12 juin 2018,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée abusive,
CONDAMNE la société Cine Echafaudages Services à payer à M. [N] [K] les sommes de :
* 426,02 euros à titre de remboursement de frais kilométriques
* 3 230,28 euros à titre de solde d’indemnité de congés payés
* 4 522,38 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
* 452,24 euros au titre des congés payés afférents
* 2 588,96 euros à titre de commissions sur mise à pied
* 258,90 euros au titre des congés payés afférents
* 7 430,93 euros au titre de l’indemnité de précarité
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail
* 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
ORDONNE à la société Cine Echafaudages Services de remettre à M. [N] [K] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la signification de l’arrêt,
CONDAMNE la société Cine Echafaudages Services aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE