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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 14 MAI 2024
(n° / 2024 , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06243 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNLQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 mars 2021 -Tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2019066433
APPELANTE
S.A. QUALIGROUP, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de VERSAILLES sous le numéro 325 646 644,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocate au barreau de PARIS, toque : L0056,
Assistée de Me Jean AUBIGNAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1137,
INTIMÉE
SAS IN EXTENSO & ASSOCIES, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 844 694 828, à titre personnel et venant aux droits en lieu et place de la société radiée SOCIETE FINANCIERE IN EXTENSO NATIONAL ensuite d’une fusion simplifiée, anciennement immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 480 099 373 à titre personnel et venant aux droits en lieu et place de la société radiée IN EXTENSO NATIONAL, anciennement immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon, sous le numéro 381 632 231, à la suite d’une fusion simplifiée opérée au profit de la SOCIETE FINANCIERE IN EXTENSO NATIONAL,
Dont le siège social est situé [Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque : L0034,
Assistée de Me Karine DARNAJOU-POUHAUT, avocate au barreau de LYON, toque : 687 substituant Me Antoine LARCENA de la SELAS DELOITTE SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 687,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et Madame Constance LACHEZE, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHÈZE, conseillère.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Constance LACHÈZE dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La société Qualigroup est une société spécialisée dans le contrôle technique des bâtiments et elle dispose de filiales intervenant dans d’autres domaines de prestations de services. Parmi elles, les sociétés Ibiza Software, Fidgi Software et rRH Software ont développé des logiciels permettant aux experts-comptables d’offrir des prestations comptables en ligne et notamment le logiciel Ibiza.
Souhaitant céder cette branche d’activité, la société Qualigroup, son président, M. [V] [R], et un membre du comité de direction, M. [M] [O], ont conclu le 15 octobre 2013 un protocole de cession de la totalité des titres des sociétés Ibiza Software, Fidgi Software et rRH Software avec la société d’expertise comptable In Extenso Opérationnel – devenue en 2018 In Extenso National puis ayant fait l’objet d’une fusion simplifiée au profit de la société Financière In Extenso National (” la société In Extenso “).
La vente est intervenue entre les parties le 5 novembre 2013, moyennant paiement de 1 euro s’agissant des actions de la société Ibiza Software et de 4 millions d’euros s’agissant de la créance de la société Qualigroup envers la société Ibiza Software.
Le protocole de cession du 15 octobre 2013 stipule une clause de complément de prix (clause 1.5) dans deux hypothèses :
– en cas de refacturation aux clients des fonctionnalités comptables collaboratives du logiciel Ibiza (clause 1.5.1) et
– en cas de versement par l’administration de sommes au titre du crédit d’impôt Recherche (CIR) pour la période précédant l’intégration des sociétés dans le périmètre de la société In Extenso Opérationnel (clause 1.5.2).
Estimant que des sommes lui seraient dues en application de la clause de complément de prix et confrontée au refus de la société In Extenso National, la société Qualigroup a saisi le centre de Médiation et d’Arbitrage de la CCI de Paris conformément au protocole qui imposait une procédure de médiation préalable à la saisine du tribunal de commerce. La procédure de médiation a été acceptée par la société In Extenso National et a pris fin le 2 mai 2019, les parties n’ayant pu trouver une issue amiable au différend les opposant.
La société Qualigroup a alors assigné le 15 novembre 2019 les sociétés In Extenso National et In Extenso Opérationnel devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 12 mars 2021, le tribunal de commerce de Paris :
– s’est déclaré compétent pour ordonner une mesure d’expertise,
– a dit irrecevable la société Qualigroup en son action à l’encontre de la société In Extenso Opérationnel,
– a débouté la société Qualigroup de sa demande en paiement de la somme de 30 000 000 d’euros,
– a débouté la société Qualigroup de sa demande de versement du montant des crédits d’impôts recherche de l’année 2013,
– a débouté la société Qualigroup de sa demande d’expertise,
– a condamné la société Qualigroup à payer à la société Financière In Extenso National et à la société In Extenso Opérationnel la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
– a condamné la société Qualigroup aux dépens et débouté la société Financière In Extenso National et la société In Extenso Opérationnel de leur demande relative à la distraction de ces dépens.
Le tribunal a considéré notamment :
– que l’article 1.5.1 du Protocole doit s’entendre comme stipulant que le complément de prix est lié au nombre de clients de la société Ibiza Software utilisant le logiciel Ibiza software et que le versement opéré par la société cessionnaire lui avait permis de s’acquitter du complément de prix.
– que l’article 1.5.2 concerne uniquement les demandes déposées avant la signature du Protocole et que la demande concernant l’année 2013 déposée en 2014 après la signature du Protocole ne permettait pas d’obtenir le remboursement du CIR de l’année 2013 au prorata temporis de janvier à octobre 2013.
Par déclaration du 1er avril 2021, la société Qualigroup a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt du 8 décembre 2023, la cour statuant par arrêt mixte et contradictoire a déclaré recevable l’intervention volontaire de la société Financière In Extenso National, rejeté le moyen tiré du défaut de saisine de la cour, confirmé le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de complément de prix au titre des crédits d’impôt recherche de l’année 2013, avant dire droit sur la demande de complément de prix au titre de la facturation aux clients des fonctionnalités comptables et la demande d’expertise judiciaire, ordonné la réouverture des débats, afin d’inviter les parties à s’expliquer sur un certain nombre d’écritures listées et, s’il s’agit de clients de type 2 de la société Ibiza Software auquel l’accès aux fonctionnalités collaboratives a été facturé, à les intégrer au calcul du complément de prix.
Confirmant le jugement, la cour a notamment jugé que la clause 1.5.1 du protocole de cession du 15 octobre 2013 doit s’entendre comme stipulant que le complément de prix est lié au nombre de clients de la société Ibiza Software.
Sur la demande d’expertise judiciaire, la cour a également invité les parties à s’expliquer sur les ” références produit ” listées dans sa pièce 14.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 22 février 2024, la société Qualigroup demande à la cour :
– sur le fond, de réformer le jugement ;
– avant dire droit, de désigner tel expert qu’il plaira à la Cour, en lui confiant la mission de:
‘ dire si le service logiciel hébergé à Ibiza (SAAS) était, pendant les années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, logé au sein de la société Ibiza, de la société In Extenso Opérationnel devenue In Extenso National devenue Société Financière In Extenso National (In Extenso) ou tout autre société du groupe In Extenso ;
‘ établir si la société Ibiza ou la société In Extenso ou toute autre société du groupe In Extenso a décidé d’une politique de facturation des fonctionnalités du logiciel Ibiza à ses clients, ou si ce service a été expressément stipulé gratuit au bénéfice desdits clients et ce dans les devis, contrats et factures ;
‘ décrire la politique de facturation dont il s’agit, et dire si cette facturation est individualisée ou forfaitaire, directe ou indirecte ;
‘ établir le nombre de clients de type 1 (consultation comptable) et de type 2 (saisie manuelle d’écritures comptables) pendant les années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018;
‘ calculer le montant total de la facturation du service pendant ces années ;
‘ établir le montant des crédits d’impôt recherche (CIR) perçu par la société Ibiza ou la société In Extenso pour le compte de la société Ibiza pour l’année 2013 ;
– puis, à l’ouverture du rapport d’expertise, de condamner les sociétés In Extenso National et Société financière In Extenso National, solidairement, à lui verser une somme de 30 000 000 d’euros, à parfaire à l’analyse du rapport d’expertise qui sera déposé ;
– subsidiairement, dans l’hypothèse où une expertise judiciaire ne serait pas ordonnée, d’ordonner la communication, par la société In Extenso, des informations et documents mentionnés dans la note du cabinet [T] (production n°24 § 4.1 pp. 18 et 19) ;
– (nouveau) à défaut, d’ordonner la communication, par la société In Extenso, (i) du nombre exact de personnes physiques ayant un code d’accès au logiciel et la dénomination sociale précise de l’employeur desdites personnes, (ii) de l’explication technique précise de chaque code de facturation utilisé par la société Ibiza, (iii) de la démonstration technique précise du fait que, pour chaque code de facturation, la prestation ne correspond aucunement à celles ouvrant droit au paiement du complément de prix convenu, (iv) de l’indication, pour chaque référence de facturation, du détail de la prestation facturée, (v) de l’indication, pour chaque référence de facturation, du motif selon lequel elles ne sont pas incluses dans le complément de prix, lesquelles informations sont nécessaires pour le calcul du complément de prix ;
– de condamner les sociétés In Extenso National et Société Financière In Extenso National, solidairement, à lui verser à une somme de 30 000 000 euros sur le fondement des informations délivrées par lesdites sociétés, à parfaire à l’analyse des informations et documents qui seront communiqués ;
– de débouter les parties de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de la société Qualigroup ;
– de condamner les sociétés In Extenso National et Société Financière In Extenso National, solidairement, à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de l’instance dont distraction pour ceux la concernant au profit de Me Hardouin de la SELARL 2H Avocats, et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, y compris les frais et honoraires de l’expert judiciaire et une somme de 5040 euros au titre des frais de médiation.
Elle soutient que le document produit pour expliquer les références retenues (pièce n° 37) ne permet pas de respecter le principe d’égalité des armes et le droit à un procès équitable car elle demeure dans l’ignorance de l’usage technique auquel renvoie chacun des codes de facturation employés par la société In Extenso, ce qui justifie le recours à un
technicien pour vérifier, pour chaque code de facturation, quelle est précisément la prestation facturée par la société Ibiza Software afin de déterminer si elle entre dans le champ d’application de la clause de complément de prix, que dans le décompte des clients de la société Ibiza Software, l’entier groupe In Extenso composé de 120 sociétés immatriculées ne compte que pour un seul client, qu’il en est de même pour le groupe Eurex et le groupe Sagemcom, que cette façon de comptabiliser les clients n’est pas conforme à la décision de la cour, que le chiffrage actuel de 56 clients sur 5 ans est incohérent au regard des personnes morales réellement bénéficiaires du logiciel Ibiza et que le Cabinet [T] a proposé un chiffrage à 4,8 millions d’euros.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 22 janvier 2024, la société In Extenso & Associés agissant tant à titre personnel que venant aux droits et en lieu et place de la société Financière in Extenso National radiée par suite d’une fusion simplifiée (” la société In Extenso “) elle-même intervenante volontaire agissant tant en son nom personnel que venant aux droits et en lieu et place de la société In Extenso National, demande à la cour :
– in limine litis, de juger la société In Extenso & Associés, venant aux droits de la Société Financière In Extenso National, valablement constituée et recevable en ses écritures, tant à titre personnel que venant aux droits et en lieu et place de la société radiée intimée In Extenso National ;
– si la cour s’estimait saisie, de la juger recevable et bien fondée en ses présentes écritures;
– de confirmer le jugement en ce qu’il a :
‘ débouté la société Qualigroup de sa demande de lui verser la somme de 30 000 000 d’euros,
‘ débouté la société Qualigroup de sa demande d’expertise,
‘ condamné la société Qualigroup à la société Financière In Extenso National et à la société In Extenso Opérationnel la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ débouté la société Qualigroup de ses demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
‘ condamné la société Qualigroup aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 117, 82 euros dont 19,42 euros de TVA.
– en conséquence, de débouter la société Qualigroup de ses demandes en paiement, d’expertise judiciaire, de communication de pièces et accessoires ;
– de juger que la société In Extenso National (dont la société In Extenso & Associés est venue aux droits et en lieu et place) a réglé la somme de 26 345 euros au profit de la société Qualigroup à titre de complément de prix ;
– en tout état de cause, de condamner la société Qualigroup à payer à la Société Financière In Extenso National, telle que venant aux droits de la société In Extenso National, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance ;
– de condamner la société Qualigroup aux entiers dépens, dont distraction.
Elle explique que seules les ” références produit ” Rcol et RcolO qu’elle liste dans leur intégralité dans ses écritures correspondent à un usage collaboratif du logiciel Ibiza, alors que les références Rcf et Rinex renvoient à un usage non collaboratif du logiciel, que les autres écritures n’entrent pas dans l’assiette du complément de prix en ce que les données n’ont pas été hébergées par la SAAS Ibiza.
– Sur l’intervention de la société In Extenso & Associés
La société In Extenso & Associés intervient volontairement à la présente instance au stade de l’appel postérieurement à la réouverture des débats pour venir aux droits de la Société Financière In Extenso National.
L’intervention volontaire de cette dernière ayant été déclarée recevable par arrêt du 8 décembre 2023 et l’intervention volontaire de la société In Extenso & Associés n’étant pas contestée, elle sera déclarée recevable tant à titre personnel que venant aux droits et en lieu et place de la Société Financière In Extenso National.
– Sur les demandes d’expertise judiciaire et de communication de pièces
Pour mémoire, la société Qualigroup soutient que la société In Extenso a violé son obligation contractuelle de lui verser le complément de prix stipulé à l’article 1.5.1 du protocole signé entre les parties le 15 octobre 2013, mais également qu’elle a manqué à son obligation légale d’exécuter le contrat de bonne foi, d’une part en refusant de communiquer les informations qui auraient permis à la société Qualigroup de calculer de la manière la plus juste qui soit le montant du complément de prix stipulé à l’article 1.5.1 du protocole et, d’autre part, en affirmant de manière mensongère et dilatoire qu’il n’existerait aucun client facturé pour les fonctionnalités comptables du logiciel Ibiza, qu’elle est donc en droit de percevoir une indemnisation du préjudice subi du fait de ces manquements, dont le montant devra être précisé après réalisation d’une expertise, ou à défaut en référence au calcul établi par le cabinet d’expertise comptable [T], qui a déterminé que le complément de prix serait a minima de 4 807 875 euros à parfaire après communication par la société In Extenso des éléments comptables manquants.
Elle explique que le ” client du service hébergé ” visé par la clause de complément de prix est le client de l’expert-comptable ” de profil 2 ” qui utilise via un identifiant le logiciel Ibiza hébergé suivant les modalités du SAAS (software as a service ou logiciel en tant que service), système hébergé interactif permettant à l’expert-comptable et à son client de passer conjointement des écritures sur ce logiciel, et se voit facturer ce service en l’occurrence de l’ordre de 100 000 entreprises en 2017 et de 165 000 en 2020, qu’il ne s’agit pas de l’expert-comptable travaillant sous logiciel Ibiza qui facture ses services à ses propres clients – soit les 250 cabinets d’expertise comptable de la société In Extenso -, que la société In Extenso a refusé de communiquer le nombre exact de clients utilisateurs suivant cette acception, faisant ainsi obstacle au calcul du complément de prix, que cette clause de complément de prix a dans cette acception constitué un élément déterminant du prix convenu et qu’au regard d’une offre d’achat concurrente, elle a conditionné la signature du protocole à sa mise en ‘uvre extensive, que le montant susceptible de lui être dû est de 5 euros X 100 000 clients X 12 mois X 5 ans = 30 000 000 euros, calcul à parfaire puisque n’ont pas été communiqués tous les éléments comptables de la société In Extenso qui comporte 250 cabinets d’expertise-comptable, que la conséquence de la décision unilatérale de la société In Extenso d’externaliser la plus grande partie du service SAAS de la société Ibiza Software vers son propre service SAAS ” maison ” sous un prétexte déontologique a eu pour conséquence de vider, a posteriori, de toute portée la clause de complément de prix puisque la société In Extenso a commercialisé, auprès de ses propres clients, le logiciel Ibiza sans passer par le service SAAS de la société Ibiza software, que cette décision lui est inopposable, sauf à considérer que les motifs de cette décision préexistaient à la signature du protocole et que la société In Extenso a contracté en sachant qu’elle ne serait pas en mesure de l’exécuter, que de par cette décision, les conditions d’application de la clause sont devenues purement potestatives au sens de l’article 1178 (ancien) du code civil et doivent par conséquent être réputées accomplies puisque le cessionnaire a postérieurement réduit le nombre de clients concernés par le mode d’hébergement visé dans la clause de complément de prix.
La société In Extenso rétorque que la demande d’expertise doit être rejetée en ce qu’elle est formée avant-dire droit, la nature de l’affaire justifiant au préalable de se positionner sur la teneur des stipulations contractuelles convenues entre les parties, que la clause litigieuse est rédigée en des termes clairs qui ne souffrent d’aucune imprécision et n’ont pas à être interprétés, que cette clause ne vise que les clients du service logiciel hébergé (SAAS) de la société Ibiza Software, distincts des clients de la société In Extenso, c’est-à-dire l’expert-comptable qui utilise le logiciel Ibiza et facture ses services à ses propres clients qui sont les entreprises dont la comptabilité est tenue via le logiciel, qu’elle n’a pas à payer un complément de prix sur sa propre clientèle, qu’au cours des négociations de la cession, elle a toujours refusé de stipuler un complément de prix en cas d’utilisation des fonctionnalités interactives du logiciel, qu’à supposer la clause potestative, elle a déjà exécuté l’obligation en découlant par versement de la somme qu’elle estime due par virement CARPA le 30 avril 2020, qu’elle utilise un hébergement autonome sur un data center séparé et non pas le SAAS mis en place par la société Ibiza Software, que les différentes conditions posées par l’article 1.5.1 font écho aux différentes modalités d’exploitation du logiciel prévues au contrat, de manière autonome, option qu’elle a choisie conformément à la Charte CECI, ou en mode SAAS par l’hébergement extérieur proposé par la société Ibiza software, que ces conditions ne constituent pas des conditions potestatives et qu’elle a toujours refusé le schéma de facturation aux ” clients finaux ” proposé par les dirigeants de la société Qualigroup, que l’assiette de calcul revendiquée par la société Qualigroup sur la base d’un nombre de liasses fiscales déposées est erronée, que l’usage de la fonctionnalité de consultation dite de type 1 n’est pas facturée, que la société Ibiza Software ne facture que ses clients directs, des experts-comptables, qui sont au nombre de 450, que parmi eux, tous ne font pas usage de la fonction collaborative et que d’autres font usage de cette fonction sans être facturés à ce titre ou de manière épisodique précisant qu’il n’y a pas de récurrence systématique de l’utilisation des fonctionnalités par lesdits clients, que la réconciliation des chiffres certifiés par les commissaires aux comptes avec les données de gestion produites démontre la pertinence, la réalité et l’exhaustivité des chiffres utilisés pour le calcul du complément de prix et l’exactitude du montant déjà versé de 26 345 euros qui correspond aux usages du logiciel par les clients de la société Ibiza Software (5 269 accès en mode collaboratif de l’utilisation des fonctionnalités de type 2 enregistrées entre octobre 2013 et octobre 2018), que c’est à bon droit qu’elle n’a pas déféré à la sommation de communiquer de la société Qualigroup qu’elle considère infondée et inutile.
Sur ce,
Le protocole de cession stipule une clause de complément de prix d’une durée de cinq ans à compter de l’acquisition des titres par la société In Extenso, le 5 novembre 2013, soit les années 2013 à 2018.
Il a pour objet la cession des actions de la société Ibiza Software qui demeure propriétaire de son logiciel, ainsi que la créance de la société Qualigroup sur la société Ibiza Software et ne concerne pas une cession du logiciel Ibiza à la société In Extenso.
La clause litigieuse est ainsi rédigée :
” 1.5 – Clause de complément de prix
Au prix de base susvisé de 4 [millions] d’euros dû au titre de la cession de créance de Qualigroup envers Ibiza Software susvisée, viendront s’ajouter les compléments de prix suivants :
Article 1.5.1. D’un commun accord entre les Parties, pendant une durée de 5 ans à compter de l’acquisition par la société IEO, ou toute société qu’elle se substituerait, de 95% des titres et droits de vote dans le capital de la société Ibiza Software, et dans l’hypothèse où In Extenso Opérationnel déciderait d’une politique de facturation aux clients des fonctionnalités comptables attachées au profil de type 1 (consultation comptable) ou 2 (saisie manuelle d’écritures comptables) et pour les seuls clients du service comptable hébergé (SAAS) d’Ibiza Software, la société IEO, ou toute société qu’elle se substituerait verserait trimestriellement à Qualigroup un premier complément de prix équivalent à un prix forfaitaire de 3 euros par mois et par client de type 1, et 5 euros par mois et par client de type 2. ” (en gras et souligné par nos soins).
Il a été précédemment démontré que l’article 1.5.1 doit s’entendre comme stipulant que le complément de prix est lié au nombre de clients de la société Ibiza Software utilisant le logiciel Ibiza, que le montant du complément de prix est de 5 euros par mois et par client de type 2 faisant usage du service hébergé par la société Ibiza Software et qu’il convient de se référer comme base de calcul au nombre d’entités juridiques facturées par la société Ibiza Software.
La société In Extenso a fourni un décompte des occurrences facturées d’utilisation collaboratives du logiciel Ibiza soit 5 269 utilisations, chiffre que conteste la société Qualigroup qui prétend, au soutien de sa demande d’expertise, ne pas être en mesure d’effectuer les vérifications nécessaires.
Toutefois, la société Qualigroup ne démontre pas, alors qu’elle ne pouvait ignorer que le calcul du complément de prix quelle que soit son acception dépendrait du nombre de clients qui ne pouvait dans un premier temps qu’être connu de la société In Extenso, le moindre commencement de preuve d’une dissimulation de la part de la société In Extenso dans les chiffres qu’elle communique, alors qu’une expertise comptable de ces chiffres communiqués ne pourrait reposer que sur les factures de la société Ibiza Software qui sont d’ores et déjà fournies par la société In Extenso. Dans ces conditions, la mesure d’instruction susceptible d’être prononcée, en ce qu’elle ne permet pas à l’expert de disposer de pouvoirs d’enquête et d’investigations, n’apportera pas d’autres éléments utiles à la solution du présent litige que ceux déjà communiqués par la société In Extenso.
En outre, cette dernière apporte les explications techniques utiles à la solution du litige de ses codes de facturation.
Par ailleurs, il n’y a pas lieu de prendre en compte le nombre de liasses fiscales transmises par les sociétés du groupe In Extenso comme le propose la société Qualigroup car le nombre de liasses fiscales correspond au nombre de clients finaux des sociétés du groupe In Extenso alors qu’il n’est pas démontré qu’il ait été fait usage du logiciel Ibiza pour l’établissement de ces liasses ou qu’elles auraient donné lieu à facturation de la part de la société Ibiza Software.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il rejeté la demande d’expertise.
Pour les mêmes raisons, outre le fait que la société In Extenso produit des pièces suffisamment exhaustives et circonstanciées, il n’y a pas non plus lieu de faire droit à la demande de communication de pièces et de notes d’analyse.
La pièce 14 de la société In Extenso consistant en un tableau excel avec intitulé des factures indique suffisamment le détail de la prestation fournie communiquée, étant précisé que le nombre exact de personnes physiques ayant un code d’accès au logiciel et la dénomination sociale précise de l’employeur desdites personnes, l’explication technique de chacun des codes de facturation ne sont pas nécessaires à la solution du litige. L’analyse des pièces résulte suffisamment des débats
La demande subsidiaire de communication de pièces sera rejetée.
– Sur la demande de complément de prix au titre de la facturation aux clients des fonctionnalités comptables
Il ressort du libellé des factures que seules les lignes référencées ” Rcol ” et ” Rcol0 ” dans le tableau récapitulatif (pièce 14 In Extenso) doivent être prises en compte dans le calcul du complément de prix.
En effet, les lignes de référence produit ” Rcf ” et ” Rinex “, si elles correspondent à des usages du logiciel Ibiza justifiant le versement d’une redevance en contrepartie, ne relèvent pas d’un usage collaboratif permettant aux utilisateurs finaux (les clients) de procéder eux-mêmes aux saisies comptables en ligne, ce dont il se déduit que ces usages ne nécessitent pas d’utiliser le service comptable hébergé (SAAS) d’Ibiza Software.
Il s’en déduit que seules les facturations référencées ” Rcol ” et ” Rcol0 ” correspondent aux clients de type 2 avec saisie manuelle (première condition du droit à complément de prix) et avec usage de la fonction collaborative (seconde condition).
Par ailleurs, le fait que l’utilisation du logiciel par plusieurs sociétés du même groupe ne soit facturée qu’au niveau de la holding de tête par une facturation globale (au sein des groupes EUREX, SAGECOM et IN EXTENSO) résulte de choix de gestion internes propres à ces différents groupes, n’est pas propre ni imputable à la seule société In Extenso et de ce fait ne constitue ni une condition potestative ni une violation des obligations contractuelles de cette dernière.
Dès lors, le chiffrage proposé par la société In Extenso est conforme à l’interprétation de la clause retenue par la cour dans son arrêt avant-dire droit.
Ainsi que le soutient la société In Extenso, le nombre d’occurrences facturées est justifié à raison de 5 269 utilisations facturées, portant le montant du complément de prix à la somme de 26 345 euros (5 269 x 5€), somme que la société Qualigroup ne conteste pas avoir déjà perçue.
La société Qualigroup doit en conséquence être déboutée de sa demande complémentaire de ce chef.
– Sur les demandes accessoires
La société Qualigroup qui succombe, sera condamnée aux dépens et à verser à la société In Extenso la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera confirmé de ces deux chefs.
L’équité ou sa situation économique ne commande pas de lui allouer une indemnité de procédure à ce titre.
La cour statuant publiquement et contradictoirement, dans la limite de sa saisine,
Déclare recevable l’intervention volontaire de la société In Extenso & Associés ;
Déboute la société Qualigroup de sa demande de communication de pièces ;
Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande au titre du complément de prix, en ce qu’il a débouté la société Qualigroup de sa demande d’expertise et en ce qu’il condamné la société Qualigroup à payer à la société Financière In Extenso National et à la société In Extenso Opérationnel la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Condamne la société Qualigroup aux dépens d’appel ;
Condamne la société Qualigroup à payer à la société In Extenso & Associés la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Qualigroup de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT