Cour d’appel de Paris RG n° 21/00021 2 mai 2024

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Cour d’appel de Paris RG n° 21/00021 2 mai 2024

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d’appel de Paris
RG n° 21/00021
2 mai 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 02 MAI 2024

(n° /2024, 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00021 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3P2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS 10 – RG n° 17/09168

APPELANTE

La société TELERAMA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

Madame [T] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1] / FRANCE

Représentée par Me Frédéric CHHUM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0929

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport et Madame Florence MARQUES, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre rédacteur

Mme Anne-Gaël BLANC, Conseillère

Mme Florence MARQUES, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La société Telerama édite un magazine culturel hebdomadaire. Elle compte plus de 10 salariés.

Mme [T] [J], née en 1972, a rédigé des piges pour le compte de la société Telerama entre novembre 2009 et octobre 2017 dans le cadre de contrats à durée déterminée.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des journalistes.

Par lettre datée du 16 novembre 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 29 novembre suivant, en vue d’un éventuel licenciement.

Celui-ci lui a été notifié par lettre du 20 décembre 2017 dans les termes suivants :

« Vous vous étiez engagée auprès de la société à rédiger un article sur le documentaire « La saison italienne-Raphaël » et à nous le remettre le 11 octobre 2017 au plus tard. Pourtant, à la date convenue, vous ne l’avez pas transmis. Lors de l’entretien préalable, vous avez indiqué que vous l’auriez mis en ligne sur le système informatique « Theleme » sans en avertir [I] [M], Responsable du service Télévision. Ce faisant, vous avez sciemment perturbé le bouclage du magazine. En tout état de cause, l’article mis en ligne sur le système informatique comporte 2500 signes au lieu des 1500 signes attendus et n’est pas signé. Il n’était donc pas publiable en l’état.

Sans nouvelle de votre part avant le bouclage, [I] [M] a tenté de vous joindre à deux reprises dans l’après-midi, ainsi qu’une troisième fois le lendemain matin. Vous n’avez répondu à aucune de ses sollicitations, que ce soit par un appel ou par l’envoi d’un message pour l’informer de la mise en ligne de votre article.

Vous vous étiez également engagée à assister aux tables rondes de comédiens organisées par la chaîne Canal + à propos de la série « Paris etc », le mercredi 11 octobre 2017 à 9h30, dans le cadre d’une enquête concernant la fiction française. A la date convenue, et alors même que vous aviez vous-même proposé ce sujet, vous ne vous êtes pas présentée et n’avez de surcroît pas prévenu la chaîne au préalable. Lors de l’entretien préalable, vous nous avez confirmé que votre omission de les informer était délibérée.

Un tel comportement est inacceptable et porte fortement atteinte à l’image de Télérama, au nom duquel vous deviez assister à cet événement.

Lors de l’entretien préalable, vous nous avez expliqué que cette série était « estimée faible » et qu’aucun papier vitrine n’était prévu. Si vous ne souhaitiez pas assister aux tables rondes, vous auriez cependant dû en faire-part à la Société avant de l’accepter. Nous vous rappelons que pour chaque commande de pige, vous êtes libre d’accepter ou de refuser la proposition. Les explications que vous nous avez apportées lors de notre entretien du 16 novembre 2017 n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. En effet, que ce soit pour l’article « La saison italienne-Raphaël » ou pour votre absence aux tables rondes organisées par Canal +, vous n’avez apporté aucune justification valable à vos manquements et avez, au contraire, précisé que vous aviez délibérément agi de la sorte et donc mis en difficulté la rédaction.

Pour justifier vos agissements délibérés, vous avez prétexté de votre colère ainsi que d’une prétendue gestion catastrophique du service. Outre que rien ne justifie de mettre une rédaction en difficulté, nous vous rappelons que vous ne nous avez jamais fait part du moindre problème lors de nos différentes collaborations. Nous ne pouvons donc pas accepter de telles explications de votre part pour justifier vos manquements.

Votre comportement nous contraint donc à mettre fin à notre collaboration, dont la poursuite s’avère désormais impossible. Nous ne solliciterons en conséquence plus vos services à l’avenir. Nous vous notifions donc, par la présente, votre licenciement ».

Mme [T] [J] a saisi le 8 novembre 2017 le conseil de prud’hommes de Paris, aux fins de voir :

– requalifier les piges et les contrats à durée déterminée de Mme [T] [J] en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet avec reprise d’ancienneté au 1er novembre 2009 et fixer son salaire mensuel brut de base de 3.371,53 euros, subsidiairement de 2.686,42 euros,

– ordonner sa réintégration au sein de la société Telerama et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

– condamner la société Telerama à payer à Mme [T] [J] les sommes suivantes :

* 10.000 euros brut d’indemnité de requalification,

* 37.056,25 euros brut de rappel de salaires au titre des périodes intercalaires, subsidiairement la somme de 16.225 euros brut,

* 3.705,62 euros brut d’indemnité de congés payés afférents, subsidiairement la somme de 1.622,50 euros brut,

* 332 euros brut de rappels de salaire pour les piges annulées par la société Telerama,

* 10.000 euros d’indemnité pour harcèlement moral, subsidiairement 5.000 euros d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail.

A titre principal :

– juger le licenciement du 20 décembre 2017 de Mme [T] [J] nul, car consécutif à son action prud’homale et lié à la dénonciation du harcèlement moral subi,

– ordonner la réintégration de Mme [T] [J] au sein de la société Telerama avec un salaire brut mensuel de base de 3.337,53 euros sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

– condamner la société Telerama à payer à Mme [T] [J] la somme de 116.795 euros brut d’indemnité pour la période du 11 octobre 2017 au jour de son intégration,

A titre subsidiaire :

– juger que le licenciement de Mme [T] [J] du 20 décembre 2017 est sans cause réelle et sérieuse

– condamner en conséquence la société Telerama à payer à Mme [T] [J] les sommes suivantes :

* 5.322 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis, outre 532 euros de congés payés afférents,

* 21.554 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 40.000 euros net d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :

– juger que doit être écarté le montant maximal d’indemnisation prévu par l’article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’organisation du travail et le droit au procès équitable ;

– condamner la société Telerama à payer à Mme [T] [J] les sommes suivantes :

* 5.000 euros brut de dommages-intérêts pour application illicite de la déduction forfaitaire spécifique,

* 3.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la transmission tardive et délibérée de l’attestation Pôle Emploi,

* 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Telerama à verser aux organismes de sécurité sociale des cotisations de retraite régularisées concernant l’année 2017,

– condamner la société Telerama à rembourser au Pôle Emploi les allocations chômage dans la limite de six mois,

– assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

– ordonner la remise de bulletins de paie rectificatifs, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement,

– ordonner la publication du jugement à intervenir dans ‘Le Monde’ et dans ‘Télérama’,

– condamner la société Telerama au paiement des dépens éventuels.

La société Telerama s’est opposée à la demande de requalification et a soulevé l’incompétence du conseil pour statuer sur les autres demandes.

Par jugement du 10 novembre 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris :

– A dit que la relation professionnelle liant les parties depuis le 1er novembre 2009 s’analyse en un contrat de travail à durée indéterminée,

– A condamné la société Telerama à payer à Mme [T] [J] les sommes suivantes :

* 2.686,42 euros à titre d’indemnité de requalification,

* 16.225 euros de rappel de salaires, outre 1.622,50 euros d’indemnité de congés payés afférents,

* avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2017,

– A prononcé la nullité du licenciement,

– A ordonné la réintégration de la demanderesse dans son emploi de journaliste au sein de la société Telerama, moyennant une rémunération brute mensuelle fixe d’un montant minimum de 2.686,42 euros,

– A condamné la défenderesse à payer à Mme [T] [J] :

* la somme brute totale de 94.924,70 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er novembre 2017 à septembre 2020 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018 sur la somme de 29.550,62 euros et à compter du 13 octobre 2020 pour le surplus,

* la somme totale de 5.000 euros de dommages-intérêts pour application illicite de la déduction forfaitaire spécifique, avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018,

– A ordonné le versement par l’employeur aux organismes de sécurité sociale des cotisations de retraite régularisées concernant l’année 2017,

– A ordonné la remise par la société Telerama à Mme [T] [J] d’un bulletin de salaire conforme au présent jugement, dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement,

– rejeté le surplus des demandes de Mme [T] [J],

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

– condamné la société Telerama aux dépens,

– condamné la société Telerama à payer à Mme [T] [J] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné, en application de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société Telerama au Pôle Emploi Ile-de-France la somme de 8.116,33 euros.

Par déclaration du 11 décembre 2020, la société Telerama a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 octobre 2023, l’appelante demande à la cour de :

A titre liminaire :

– De déclarer irrecevable la demande de Mme [T] [J] tendant à obtenir le paiement de congés payés au titre de la période d’éviction et, en conséquence, la rejeter et à titre subsidiaire l’en débouter,

– débouter l’intimée de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la demande de la société Telerama d’ordonner la communication des échanges de SMS entre Mme [T] [J] et Mme [B] du 19 octobre 2017,

A titre principal :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf en ce qu’il a rejeté le surplus des demandes de Mme [T] [J] et ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

Statuant à nouveau,

– constater la régularité du statut de pigiste dont bénéficiait Mme [T] [J],

En conséquence,

– débouter Mme [T] [J] de sa demande de requalification de ses prestations en contrat de travail à durée indéterminée,

– ordonner le remboursement par Mme [T] [J] des sommes perçues au titre de l’exécution provisoire du jugement déféré,

A titre susidiaire :

– constater que la requalification ne pourrait concerner que les forfaits piges exécutés à compter du 13 juillet 2015,

– limiter en conséquence les effets de la requalification à la période postérieure au 21 septembre 2015,

– débouter en conséquence Mme [T] [J] de sa demande de rappel de salaire au titre des périodes intercalaires, ainsi que du paiement des congés payés afférents,

– ordonner à Mme [T] [J] de communiquer l’intégralité des échanges SMS entre elle et Mme [B] du 19 octobre 2017, ou à défaut, ordonner toute mesure d’instruction visant à éclairer la Cour sur la teneur des échanges, ou à défaut d’écarter des débats l’échange entre Mme [T] [J] et Mme [B] produit devant le conseil de prud’hommes,

– constater que la rupture de la collaboration n’est ni nulle ni sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– débouter Mme [T] [J] de ses demandes :

* d’annulation de son licenciement,

* de réintégration au sein de la société Telerama,

* d’indemnisation au titre de la perte de salaire entre la rupture et la réintégration,

* d’indemnisation au titre de la rupture,

A titre infiniment subsidiaire :

– fixer la rémunération de référence à un montant de 1.498 euros bruts, correspondant à la rémunération conventionnelle afférente à la classification de Mme [T] [J] ou, à défaut, à la rémunération versée au cours de son dernier contrat à durée déterminée, soit 2.686,42 euros bruts,

– constater en conséquence que Mme [T] [J] a perçu une rémunération supérieure au minimum conventionnel ou, à défaut, limiter le montant de la condamnation de la société Telerama au titre des rappels de salaire au titre des périodes intercalaires à la somme de 11.907,77 euros ;

Si la Cour devait confirmer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que la rupture est nulle :

– limiter le montant de l’indemnité correspondant à la perte de rémunération au titre de la période comprise entre la rupture et la réintégration à un montant maximal de 50.183 euros ou, à défaut, 89.995,07 euros,

– débouter Mme [T] [J] de ses demandes au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement et au titre de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents ;

Si la Cour devait considérer que la rupture est sans cause réelle et sérieuse :

– débouter Mme [T] [J] de sa demande de réintégration ;

– constater la conformité des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail aux engagements internationaux de la France ;

– limiter en conséquence, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, le montant des dommages et intérêts versés à Mme [T] [J] au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture à un montant maximal 5.243 euros (sur la base d’un salaire mensuel de 1.498 euros bruts) ou, à défaut, 9.402,47 euros (sur la base d’un salaire mensuel de 2.686,42 euros brut) ;

En tout état de cause :

– constater que la société Telerama a valablement appliqué à Mme [T] [J] l’abattement forfaitaire pour frais professionnels,

– débouter en conséquence Mme [T] [J] de ses demandes de :

* de dommages et intérêts pour application illicite de la déduction forfaitaire spécifique,

* de régularisation des cotisations de retraite versées aux organismes de sécurité sociale au titre de l’année 2017 ;

* au titre du remboursement au Pôle emploi des allocations chômage dans la limite de six mois,

* au titre de l’article 700 du code de procédure civile, des dépens ainsi qu’au versement des intérêts légaux,

– condamner Mme [T] [J] aux dépens,

– dire que ceux d’appel seront recouvrés par Mme [O] [G], SELARL Lexavoue Paris Versailles conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 octobre 2023, l’intimée demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris, en ce qu’il a :

* requalifié la relation professionnelle liant Mme [T] [J] à la société Telerama en contrat à durée indéterminé à temps plein,

* condamné la société Telerama à payer à Mme [T] [J] une indemnité de requalification mais l’infirmer dans son quantum,

* condamné la société Telerama à payer à Mme [T] [J] des rappels de salaires du fait de la disposition permanente, mais l’infirmer dans son quantum,

* prononcé la nullité du licenciement de Mme [T] [J] et ordonné sa réintégration,

* condamné la société Telerama à payer à Mme [T] [J] des rappels de salaires entre son éviction et sa réintégration, mais l’infirmer dans son quantum,

* condamné la société Telerama à payer à Mme [T] [J] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour application illicite de la déduction forfaitaire spécifique,

* ordonné le versement par la société Telerama aux organismes de sécurité sociale des cotisations de retraite régularisées concernant l’année 2017,

* ordonné la remise par la société Telerama à Mme [T] [J] d’un bulletin de salaire conforme au présent jugement,

– infirmer le jugement déféré pour le surplus,

En conséquence, statuant à nouveau,

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée et ses conséquences :

– juger que Mme [T] [J] est employée de manière régulière et continue par la société Telerama depuis le 1er novembre 2009,

– juger que la société Telerama emploie Mme [T] [J] en contrat à durée déterminée de remplacement sans contrat écrit,

– juger que Mme [T] [J] est salariée de la société Telerama dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée,

– juger que Mme [T] [J] est à la disposition permanente de la société Telerama entre deux contrats,

En conséquence,

– requalifier les piges et les contrats à durée déterminée de Mme [T] [J] en contrat de travail à durée Indéterminée à temps complet avec reprise d’ancienneté au 1er novembre 2009 et un salaire mensuel brut de base de 3.371,53, subsidiairement, 2. 686,42 euros ;

– confirmer son intégration au sein de la société Telerama en contrat à durée indéterminée,

– condamner la société Telerama à payer à Mme [T] [J] les sommes suivantes :

* 10.000 euros brut à titre d’indemnité de requalification,

* 37.056,25 euros brut à titre de rappel de salaires du fait de la disposition permanente de Mme [T] [J] durant les périodes intercalaires, subsidiairement 16.225 euros bruts,

* 3.705,62 euros brut au titre des congés payés afférents, subsidiairement 1.622,50 euros bruts

* 10.000 euros à titre de d’indemnité pour harcèlement moral, subsidiairement 5.000 à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de,

Sur le licenciement de Mme [T] [J] :

A titre principal,

– dire et juger que le licenciement de Mme [T] [J] du 20 décembre 2017 est nul et de nul effet car consécutif à son action prud’homale et lié à la dénonciation du harcèlement moral subi bruts

– juger irrecevable la demande d’ordonner la communication des échanges sms entre Mme [T] [J] et Mme [B] du 19 octobre 2017, et en tout état de cause rejeter cette demande ;

– rejeter la demande de l’appelante d’écarter des débats l’échange entre Mme [B] et Mme [T] [J] par sms du 19 octobre 2017,

– ordonner la réintégration de Mme [T] [J] au sein de la société Telerama avec un salaire brut mensuel de base de 3.337,53 euros bruts,

– condamner la société Telerama à payer à Mme [T] [J] 134.000 euros d’indemnité d’éviction pour la période du 11 octobre 2017 au 31 octobre 2020 incluant les congés payés,

A titre subsidiaire,

– dire et juger que le licenciement de Mme [T] [J] du 20 décembre 2017 est sans cause réelle et sérieuse ;

– dire et juger que doit être écarté le montant maximal d’indemnisation prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et le droit au procès équitable,

– condamner en conséquence la société Telerama à payer à Mme [T] [J] les sommes suivantes :

* 5.322 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis, outre 532 euros de congés payés afférents ;

* 21.554 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 40.000 euros net d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire,

– dire et juger que le licenciement de Mme [T] [J] du 20 décembre 2017 repose sur une cause réelle et sérieuse et non pas une faute grave,

– condamner en conséquence la société Telerama à payer à Mme [T] [J] les sommes suivantes :

* 5.322 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 532 euros à titre de congés payés afférents,

* 21.554 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

En tout état de cause :

– condamner la société Telerama à payer à Mme [T] [J] les sommes suivantes :

* 3.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la transmission tardive et délibérée de l’attestation Pôle Emploi ;

* 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Telerama à rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage dans la limite de 6 mois sur le fondement de l’article L.1235-4 du Code du travail,

– Accorder intérêts légaux pour les indemnités à compter du prononcé du jugement,

– ordonner la publication du jugement à intervenir dans ‘Le Monde’ et ‘Telerama’,

– condamner la société Telerama au paiement des dépens éventuels.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 19 décembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Le texto du 19 octobre 2017, échangé entre Mme [T] [J] et Mme [B] n’a pas lieu d’être écarté au titre de la loyauté des débats, dés lors que les parties sont à même d’en débattre librement et que son contenu, fût-t-il comme s’en plaint la salariée la réponse à un courriel précédent, n’en perd pas pour autant sa valeur probante.

1 : Sur l’abattement forfaitaire des frais professionnels de journalistes

Mme [T] [J] sollicite le paiement de la somme de 5 000 euros en réparation de l’application irrégulière par l’employeur de la réduction forfaitaire de 30% dite spécifique, qui permet de réduire dans cette proportion censée correspondre aux frais professionnels, l’assiette des cotisations sociales, en lui faisant ainsi perdre des droits à la retraite notamment.

La société Télérama SA répond qu’elle n’a fait qu’appliquer un accord collectif conclu en faveur des salariées pour leur faire bénéficier d’un salaire net supérieur.

Sur ce

Aux termes de l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002, l’employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu’une convention ou un accord collectif l’a explicitement prévue ou lorsque le comité d’entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord.

En l’espèce, les articles 1er et 2 de l’accord du 12 novembre 2003 de la convention collective des journalistes dispose que les parties s’accordent pour fixer le principe de la déduction forfaitaire spécifique de charges sociales, sauf refus exprès du journaliste exprimé durant le mois de novembre précédant l’année d’application de la déduction notifiée à l’employeur par lettre recommandée avec accusé de réception.

Ainsi c’est régulièrement que la société Télérama SA a pratiqué l’abattement forfaitaire spécifique.

Dés lors la demande de dommages-intérêts formulée en réparation sera rejetée et de même que la demande de versement par la société Télérama SA aux organismes de sécurités sociale des cotisations de retraite afférentes à l’année 2017.

2 : Sur la requalification en contrat à durée indéterminée

2.1 : La qualification de la relation de travail

Aux termes de l’article L. 7111-3 du Code du travail est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Il est constant que Mme [T] [J] est journaliste professionnelle.

Aux termes de l’article L. 7112-1 du Code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.

Il s’ensuit que la salariée est présumée avoir été liée par un contrat de travail à la société Télérama SA tout au long de sa collaboration pour la société soit entre le 1er novembre 2009 et le 20 décembre 2017.

Il appartient à la société de presse qui conteste cette qualification de renverser la présomption.

Le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l’espèce, l’existence du contrat de travail a été formalisée pour des durées déterminées, par trois contrats à durée déterminée conclus pour les périodes du 26 avril au 7 mai 2010, du 26 au 30 juillet 2010 et du 16 janvier 2017 au 10 février 2017, chacun conclu pour des périodes comprises entre un jour et sept semaines. Par ailleurs les parties ont conclu des ‘forfaits piges’ stipulés pour le remplacement de salariés absents, par 13 forfaits entre le 13 juillet 2015 et le 26 août 2016, puis par 4 forfaits entre le 18 janvier 2017 et le 31 octobre 2017.

Il ressort des attestations versées aux débats que pendant ces périodes de remplacement d’un autre journaliste, Mme [T] [J] travaillait dans les locaux de la société, où elle bénéficiait d’un bureau, d’un ordinateur et d’un téléphone, tandis qu’elle participait aux réunions hebdomadaires de rédaction.

Pour ce qui est des conditions dans lesquelles étaient exécutées les piges pendant les autres périodes, les échanges de courriels entre la direction et l’intéressée établit que les tâches lui étaient confiées entre quelques jours en avance et le dernier moment, sur un mode d’expression qui n’envisageait pas de refus.

L’employeur n’apporte pas d’éléments permettant d’écarter le lien de subordination, tel que des refus de missions ou de directives, des négociations sur les conditions de la collaboration, si ce n’est pour demander la signature d’un contrat à durée indéterminée.

Aussi la cour retient-elle la qualification de contrat à durée indéterminée.

En application de l’article L. 3123-6 du Code du travail, l’absence d’un écrit constatant l’existence d’un contrat de travail à temps partiel fait présumer que ce dernier a été conclu pour un horaire à temps complet.

Pour échapper à la qualification en temps plein, l’employeur doit prouver, d’une part la durée exacte de travail mensuelle ou hebdomadaire convenue et sa répartition et, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’entreprise.

Or précisément, Mme [T] [J] dont les piges étaient commandées souvent au dernier moment ou à tout le moins tardivement, de manière irrégulière, comme le montrent les courriels versés aux débats, était dans l’impossiblité de prévoir à quel rythme elle devait travailler.

Par suite la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée à temps complet.

2.2 : Sur l’indemnité de requalification

Aux termes de l’article L. 1245-2 du Code du travail lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Il est demandé au titre de la requalificaiton de la relation de travail, la requalification, non seulement d’une activité de pigiste sur plusieurs années, mais de trois contrats à durée déterminée.

Au vu des circonstances de la cause, la cour fixe l’indemnité de requalification à la somme de 2 686,42 euros en reprenant les motifs pertinents du premier juge.

2.3 : Sur les rappels de salaire des périodes interstitielles

Il résulte des développements qui précèdent et des motifs du premier juge que la cour adopte, que l’intéressée devait se tenir constamment à la disposition de l’employeur pendant la période non prescrite courue de 2015 à 2017.

Le rappel de salaire sur les périodes interstitielles correspond, pour chaque période intercalaire, en fonction de la rémunération qui avait été la sienne au cours de la période de travail précédente.

Dés lors, la proposition de la salariée de ne retenir que le dernier salaire perçu en octobre 2017 comme référence, par plus que l’offre de la société Télérama SA de retenir le minimum conventionnel ne sont pertinents.

Au vu des éléments du dossier, le rappel de salaire auquel peut prétendre Mme [T] [J] est exactement d’un montant de 16 225 euros brut, outre 1 622,50 euros brut d’indemnité de congés payés y afférents.

Par suite, la condamnation prononcée par le premier juge enjoignant à l’employeur de remettre des bulletins de paie conformes à la décision sera confirmée.

3 : Sur le harcèlement moral

Mme [T] [J] sollicite la condamnation de l’employeur à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation du harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime.

La société Télérama SA répond que les agissements invoqués soit sont déformés, soit sont justifiés par des raisons objectives indépendantes de tout harcèlement moral.

Sur ce

Aux termes de l’article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d’examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l’employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

3.1 : Sur la matérialité des faits

S’agissant de l’ambiance de tavail nocive du service France télévision, auquel était affectée Mme [T] [J], et de son exclusion à raison de son statut précaire, la salariée se fonde sur l’attestation de son conjoint, inopérante comme partiale, ou sur des attestations faisant état d’une ambiance au sein de l’entreprise qui ne la concernait pas directement.

S’agissant de la dénonciation de harcèlement par la salariée, elle ne constitue qu’une pseudo preuve inopérante, puisque préconstituée par l’intéressée pour elle-même.

S’agissant de la suppression de l’adresse mail nominative de Mme [T] [J] le 16 octobre 2017, soi-disant pour l’isoler, un courriel interne du 15 septembre 2017 démontre qu’il était prévu dès cette date, que cette adresse ne serait valide que jusqu’au 13 octobre, soit en-de ça même de la date effective de la suppression. Il apparaît que comme le rappelle l’employeur cette adresse était attribuée pour les besoins d’une mission précise.

S’agissant de l’annulation du déjeuner du 19 octobre 2017, il ressort d’une courriel du supérieur de la salariée du 18 octobre 2017.

S’agissant des témoignages de soutien des collègues, ils font apparaître un mouvement de sympathie à la suite de la disparition inquiétante de Mme [T] [J], ayant conduit à lui manifester la reconnaissance de ses qualités, mais nullement de faits précis dont aurait pu souffrir Mme [T] [J] du fait de son employeur.

Quant à l’absence, probablement provisoire de remise d’un ordinateur muni de tous ses logiciels, elle ressort d’échanges de courriels.

S’agissant du grief tiré d’un entretien humiliant qu’aurait subi l’intéressée lorsqu’elle a formé sa candidature à un poste du service écran qui se libérait, aucun élément de preuve ne vient étayer ce fait.

S’agissant des conditions de travail à la suite de la réintégration, la salariée dénonce son affectation, non pas dans son emploi précédent mais sur les pages Web du service enfants, ce qui ne correspondrait pas à ses compétences, ce changement d’affectation est établi.

S’agissant de l’attribution, après sa réintégration, de 27 jours seulement de congés, durée inférieure à ce à quoi elle avait droit, ce fait est avéré, puisque ce n’est que sur plainte de sa part, qu’elle s’est vu reconnaître ses droits.

Il est également prouvé que son travail n’a pas été publié sur le magasine papier, sauf deux fois à la suite d’une plainte de sa part.

Ainsi, seuls quatre fait sont établis à savoir la suppression d’un déjeuner et la remise d’un ordinateur non muni des logiciels nécessaires, de sorte que la salariée a écrit travailler chez elle en attendant que ces manques soient réparés, la réintégration à un autre poste que celui qu’elle avait en tant que pigiste, l’octroi d’un nombre de jours de congés inférieur au nombre dû, la non diffusion dans le magasine papier du travail de Mme [T] [J].

3.2 : Sur la justification par l’employeur de sa décision

Le courriel de l’employeur du 18 octobre 2017 explique à Mme [T] [J], à la suite de sa disparition inquiétante, en termes mesurés et compréhensifs, qu’elle doit recouvrer sa santé, qu’un examen par le médecin du travail est nécessaire, qu’aucune collaboration ne doit reprendre immédiatement en attendant et que le dîner prévu doit être différé en attendant qu’elle soit déclarée apte.

Ainsi l’employeur a justifié sa décision.

Le défaut provisoire d’installation de logiciel sur son ordinateur ne saurait caractériser un agissement tel que défini par l’article du code du travail.

L’octroi d’un nombre de jours de congés inférieur au nombre dû, rapidement réparé par l’employeur, s’explique par une erreur dans l’ancienneté retenue par le service compétent qui a pris en compte non pas le début de la relation de travail, mais la date de réintégration. Ainsi ce fait traduit une simple erreur humaine réparée rapidement et n’est pas de nature à caractériser un harcèlement moral.

La réintégration de la salariée s’est faite, dans le cadre d’une médiation, à un poste de journaliste. La réintégration ne pouvait se faire exactement sur le même poste que celui que détenait l’intéressée auparavant, puisqu’elle n’était que pigiste, travaillant sur des missions précaires. Ainsi l’employer a rempli son obligation.

Demeure l’absence de diffusion de travaux de sa part dans le magasine papier. Ce fait unique ne peut caractériser un harcèlement moral.

Ainsi le harcèlement moral n’est pas caractérisé et la demande de dommages-intérêts sera rejetée.

3.3 : Sur l’exécution déloyale

Mme [T] [J] sollicite la condamnation de la société Télérama SA à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en cas de rejet de la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, en considérant que les agissements imputés à l’employeur du chef dudit harcèlement sont de nature à tout le moins à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail.

Cependant, les développements qui précèdent ne permettent pas de retenir une telle faute et cette demande subsidiaire sera également rejetée.

4 : Sur le licenciement

4.1 : Sur la nullité du licenciement

La nullité du licenciement comme lié au harcèlement moral en application de l’article L.1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail n’est pas encourue en l’absence de reconnaissance de celui-ci.

Par texto du 19 octobre 2017 une secrétaire, Mme [B], indiquait à Mme [T] [J] que son supérieur hiérarchique avait été très surpris d’apprendre que l’on avait conseillé à celle-ci de prendre un avocat. Un avis d’aptitude médicale donné par le médecin du travail a été dressé le 2 novembre suivant et la procédure de licenciement a été engagée par lettre de convocation à un entretien préalable du 16 novembre 2017. Cette chronologie et les motifs du premier juge que la cour adopte établissent que le licenciement a été provoqué par l’intention de la salariée d’agir en justice.

Ainsi cette rupture viole la liberté fondamentale d’agir en Justice proclamée par le préambule de la constitution de 1946 et l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme.

Il s’ensuit que le licenciement est nul.

La réintégration sollicitée par la salariée est de droits et sera ordonnée.

4.2 : Sur le remboursement des indemnités de chômage

Au vu des motifs qui précèdent, il sera ordonné le remboursement des indemnités Pôle Emploi en confirmation du jugement déféré en application de l’article L.1235-4 du Code du travail.

4.3 : Sur les salaires postérieurs au licenciement

Mme [T] [J] sollicite le paiement des salaires échus entre la date de la rupture et sa réintégration, soit du 11 octobre 2017, dernier jour travaillé à octobre 2020, dernier mois précédant le jugement prononçant sa réintégration. Elle fixe sa créance à la somme de 121 819 euros équivalant à 36,5 mois de salaire, le salaire mensuel étant évalué 3 337,53 euros, à quoi elle ajoute l’indemnité de congés payés y afférents, soit la somme de 12 181 euros. Elle se déclare recevable à solliciter pour la première fois, postérieurement à ses premières conclusions d’appel, cette indemnité de congés payés, en ce que celle-ci s’intègre dans l’indemnité d’éviction d’un montant total de 134 000 euros, correspondant à l’addition des rappels de salaire et de l’indemnité de congés payés y afférents.

La société Télérama SA soulève au contraire l’irrecevabilité de cette demande nouvelle d’indemnité de congés payés comme contraire au principe de la concentration des demandes édicté par l’article 910-4 du Code de procédure civile. Le salaire à retenir selon l’employeur est la salaire conventionnel soit la somme de 1 498 euros par mois ou à défaut celui qui lui a été servi lors de son dernier contrat à durée déterminée, déduction faite de ce que le salarié a perçu au cours de la période considérée. Il soutient que faute par le salarié de justifier de ce qu’il n’a rien perçu à cet égard, il doit être débouté de sa demande.

Sur ce

Aux termes de l’article 910-4 du Code du travail, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, poursuit ce texte, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Sur ce

Le droit méconnu qu’est le droit d’agir en Justice résulte du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, de sorte que la salariée a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, peu important qu’elle ait ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période.

L’indemnité d’éviction due au salarié qui a fait l’objet d’un licenciement nul a, de par la loi, le caractère d’un complément de salaire. Il en résulte que cette indemnité ouvre droit à des congés payés.

Une nouvelle jurisprudence issue d’un arrêt de la Cour de cassation du 1er décembre 2021 qui reconnaît le droit à une indemnité de congés payés sur l’indemnité d’éviction en ce qu’elle a le caractère d’un complément de salaire ne caractérise pas une question née postérieurement aux premières conclusions, mais seulement une réponse à une question née antérieurement aux premières conclusions. La question du droit à l’indemnité de congés payés ne résulte par plus de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Par suite, elle est irrecevable.

L’indemnité d’éviction recouvre les salaires perdus pendant la période litigieuse. Ce salaire ne correspond ni au salaire conventionnel, ni au dernier salaire perçu, mais au salaire que l’intéressé aurait dû percevoir pendant la période d’éviction. La cour retient à l’instar du premier juge la rémunération mensuelle de 2 686,42 euros brut, ce qui donne sur les mois couvrant la période comprise entre le 20 décembre 2017, date de notification du licenciement, et la fin du mois de novembre 2020, pour tenir compte de la date de signification du jugement de première instance, la somme de 3594 024,70 euros,

L’indemnité d’éviction sollicitée couvre la période comprise entre la date du licenciement et la date du jugement qui ordonnait la réintégration avec exécution provisoire.

4.4 : Sur la remise tardive de l’attestation Pôle Emploi

Mme [T] [J] sollicite l’allocation de la somme de 3 000 euros en réparation de la remise tardive et intentionnelle par l’employeur de son attestation Pôle Emploi.

La société Télérama SA répond que l’intéressée demande deux fois la réparation du même préjudice, puisqu’elle réclame à la fois les salaires échus après la rupture et le bénéfice d’une attestation Pôle Emploi qui lui aurait procuré des indemnités de chômage auxquelles elle n’avait pas droit.

Il est constant que Mme [T] [J] a réclamé à la société Télérama SA son attestation Pôle Emploi par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mars 2018 et du 19 mars 2018, n’a obtenu satisfaction que par suite d’une ordonnance du bureau de conciliation et d’orientation du conseil des prud’hommes.

De ce fait, alors qu’il fallait qu’elle attende une décision de justice exécutoire pour obtenir paiement d’une indemnité correspondant aux salaires perçus, elle s’est trouvée sans ressources.

Ce manquement de l’employeur justifie l’allocation de la somme de 2 000 euros.

5 : Sur la demande de publication, les intérêts, la demande de dommages-intérêts pour transmission tardive de l’attestation Pôle Emploi, sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Mme [T] [J] sollicite la publication dans les journaux Le Monde et Télérama de la présente décision.

Toutefois, une telle mesure, qui a plutôt valeur d’exemplarité pénale, n’est pas de nature à réparer un quelconque préjudice subi par Mme [T] [J] et cette demande sera rejetée.

Les sommes allouées de nature contractuelle, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes. Les autres sommes de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la décision qui les a prononcées. Il sera ordonné la capitalisation des intérêts courus pour une année entière ainsi qu’il l’est demandé, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Il est équitable au regard de l’article 700 du code de procédure civile de condamner la société Télérama SA qui succombe sur l’essentiel à payer à Mme [T] [J] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d’appel.

Pour le même motif, l’employeur sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

REJETTE la demande tendant à voir écarter des débats le texto échangé entre Mme [T] [J] et Mme [B] le 17 octobre 2017 ;

CONFIRME le jugement déféré, sauf sur les demandes Mme [T] [J] en paiement de dommages-intérêts pour remise tardive de l’attestation Pôle Emploi devenu France Travail, de dommages-intérêts pour application de l’abattement forfaitaire pour frais professionnel de journalistes et régularisation auprès des organismes sociaux des cotisations de retraites concernant l’année 2017 ;

Statuant à nouveau ;

REJETTE les demandes de dommages-intérêts pour application irrégulière de l’abattement forfaitaire pour frais professionnel de journalistes et de régularisation auprès des organismes sociaux des cotisations de retraites concernant l’année 2017 ;

CONDAMNE la société Télérama SA à payer à Mme [T] [J] la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la remise tardive de l’attestation Pôle Emploi devenu France Travail ;

Y ajoutant ;

DÉCLARE irrecevable la demande d’indemnité de congés payés afférents à l’indemnité de réintégation ;

CONDAMNE la société Télérama SA à payer à Mme [T] [J] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Télérama SA aux dépens d’appel ;

Le greffier Le président de chambre


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