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L’usage d’une marque faible mais stable et régulier peut constituer un usage sérieux de marque. Il n’est pas nécessaire que l’usage soit important pour être qualifié de sérieux.
Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.
L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque.
L’usage de la marque peut être minime, à condition qu’il ne soit ni sporadique ni symbolique car destiné au seul maintien des droits sur la marque, et le caractère sérieux doit être apprécié au regard du secteur économique en cause.
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 1ER FEVRIER 2023
(n° 018/2023, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/21420 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZM5
Décision déférée à la Cour : Décision du 03 Novembre 2021 -Institut National de la Propriété Industrielle – Référence et numéro national :
REQUERANTE
S.A.E.M. D’AMENAGEMENT ET DE GESTION DU MARCHE D’INTERET NATIONAL DE LA REGION PARISIENNE (SEMMARIS)
Agissant poursuite poursuites et diligences de son président de son conseil d’administration et directeur général, Monsieur [T] [M], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD – SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J 125
Assistée de Me Virginie BRUNOT plaidant pour la SELAS ALAIN BENSOUSSAN , avocate au barreau de PARIS, toque E 241
EN PRESENCE DE
MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE (INPI)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Mme Caroline LE PELTIER, Chargée de Mission
APPELE EN CAUSE
M. [R] [O]
Né le 08 février 1971 à [Localité 8]
De nationalité française
Chef d’entreprise
Demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Alexis GUILLEMIN de la SELAS GUILLEMIN FLICHY, avocat au barreau de PARIS, toque D 133
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente, en présence de Mme Françoise BARUTEL, Conseillère
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, Présidente
Mme Françoise BARUTEL, Conseillère
Mme Déborah BOHEE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC, auquel l’affaire a été communiquée, représenté lors des débats par Monica d’ONOFRIO, avocat général, qui a fait connaître son avis,
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
La Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de la région parisienne (Semmaris) gère depuis 1969 le Marché d’Intérêt National de [Localité 8]-[Localité 9] notoirement connu sous le nom « [Localité 9] ». Elle expose qu’en 2017 elle a découvert que M. [R] [O] avait enregistré une marque française [Localité 9] n°4031285 déposée le 9 septembre 2013 pour divers produits et services des classes 9, 35, 38, 41 et 42, et que cette marque était inexploitée.
Le 10 décembre 2020, la Société Semmaris a présenté une demande en déchéance à l’encontre de la marque verbale [Localité 9] n°4031285 déposée, dont M. [R] [O] est titulaire.
La demande de déchéance portait sur l’ensemble des produits et services pour lesquels la marque est enregistrée.
Le Directeur général de l’INPI a rendu le 3 novembre 2021 la décision suivante :
Article 1 : La demande en déchéance DC20-0143 est partiellement justifiée.
Article 2 : M. [R] [O] est déclaré déchu de ses droits sur la marque n°13/4031285 à compter du 4 janvier 2019 pour les produits et services suivants : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ou optiques ; disques compacts, DVD et autres supports d’enregistrement numériques ; mécanismes pour appareils à pré paiement ; caisses enregistreuses ; machines à calculer ; équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs ; logiciels de jeux ; logiciels (programmes enregistrés) ; périphériques d’ordinateurs ; batteries électriques ; détecteurs ; fils électriques ; relais électriques ; combinaisons, costumes, gants ou masques de plongée ; vêtements de protection contre les accidents, les radiations et le feu ; dispositifs de protection personnelle contre les accidents ; lunettes (optique) ; articles de lunetterie ; étuis à lunettes ; appareils pour le diagnostic non à usage médical ; cartes à mémoire ou à microprocesseur ; bâches de sauvetage ; Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; services d’abonnement à des journaux (pour des tiers) ; services d’abonnement à des services de télécommunication pour les tiers ; présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail ; conseils en organisation et direction des affaires ; comptabilité ; reproduction de documents ; bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques ; organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; locations d’espaces publicitaires ; diffusion d’annonces publicitaires ; relations publiques ; Télécommunications ; informations en matière de télécommunications ; communications par terminaux d’ordinateurs ou par réseau de fibres optiques ; communications radiophoniques ou téléphoniques ; services de radiotéléphonie mobile ; fourniture d’accès utilisateur à des réseaux informatiques mondiaux ; mise à disposition de forums en ligne ; fourniture d’accès à des bases de données ; services d’affichage électronique (télécommunications) ; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial ; agences de presse ou d’informations (nouvelles) ; location d’appareils de télécommunication ; émissions radiophoniques ou télévisées ; services de téléconférences ou de visioconférences ; services de messagerie électronique ; location de temps d’accès à des réseaux informatiques mondiaux ; Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ou d’éducation ; recyclage professionnel ; mise à disposition d’installations de loisirs ; publication de livres ; prêts de livres ; production de films sur bandes vidéo ; location de films cinématographiques ; location d’enregistrements sonores ; location de magnétoscopes ou de postes de radio et de télévision ; location de décors de spectacles ; montage de bandes vidéo ; services de photographie ; organisation de concours (éducation ou divertissement) ; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ; organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs ; réservation de places de spectacles ; services de jeu proposés en ligne à partir d’un réseau informatique ; service de jeux d’argent ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; micro-édition ; Evaluations et estimations dans les domaines scientifiques et technologiques rendues par des ingénieurs ; recherches scientifiques et techniques ; conception et développement d’ordinateurs et de logiciels ; recherche et développement de nouveaux produits pour des tiers ; étude de projets techniques ; architecture ; décoration intérieure ; élaboration (conception), installation, maintenance, mise à jour ou location de logiciels ; programmation pour ordinateur ; analyse de systèmes informatiques ; conception de systèmes informatiques ; consultation en matière d’ordinateurs ; numérisation de documents ; logiciel-service (SaaS) ; conseils en technologie de l’information ; contrôle technique de véhicules automobiles ».
Article 3 : La demande de répartition des frais exposés est rejetée.
Le 3 décembre 2021, un recours a été formé par la Société Semmaris contre la décision rendue par M. le Directeur général de l’INPI.
Vu les dernières conclusions, numérotées 2, notifiées par RPVA le 22 novembre 2022, par lesquelles la Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de la région parisienne (Semmaris) demande à la cour de :
— déclarer la Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du Marché d’intérêt national de la région parisienne (Semmaris) recevable et bien fondée en son recours et en l’ensemble de ses fins, moyens et prétentions, y faire droit et, en conséquence :
— écarter des débats les pièces n° 2, 3, 4 et 7, 5bis, 6 communiquées par M. [R] [O] pour défaut de valeur probante ;
— infirmer la décision de M. le Directeur général de l’Institut National de la Propriété Industrielle du 3 novembre 2021 statuant sur la demande en déchéance DC20-0143, en ce qu’elle a :
* retenu que M. [R] [O] démontrait un usage sérieux de la marque française [Localité 9] n°4 031 285 pour les services d’ « hébergement de serveurs » et par conséquent, déclaré la demande en déchéance DC20-0143 partiellement justifiée ;
* rejeté la demande de répartition des frais exposés ;
— statuant à nouveau :
* juger que la marque française [Localité 9] n°4 031 285 n’a fait pas l’objet d’une exploitation sérieuse pour les services d’ « hébergement de serveurs » depuis le 4 janvier 2014, et en conséquence :
* juger que la demande en déchéance DC20-0143 est totalement justifiée ;
* et, en conséquence :
* prononcer la déchéance des droits de M. [R] [O] sur la marque française [Localité 9] n°4 031 285 pour les services d’ « hébergement de serveurs » à compter du 4 janvier 2019, date à laquelle le motif de déchéance est survenu ;
* Juger que M. [R] [O] supportera la totalité des frais exposés par la Semmaris dans le cadre de la demande de déchéance ;
— condamner M. [R] [O] à verser à la Semmaris la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamner M. [R] [O] aux dépens de l’instance, dont distraction au profit de l’AARPI Teytaud ‘ Saleh conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
— Juger que les condamnations prononcées à l’égard de M. [R] [O] emportent intérêts au taux légal à compter des premières conclusions de la Semmaris.
Vu les dernières conclusions n°2, notifiées par RPVA le 24 novembre 2022, par lesquelles M. [R] [O] demande à la cour de :
Au visa notamment des articles L.714-4, L.714-5, L.716-1 et suivants, L.716-3 et suivants, et R.411-19 du code de la propriété intellectuelle,
A titre principal,
— JUGER que M. [O] est recevable et bien fondé en ses demandes ;
— CONFIRMER intégralement la décision rendue par le Directeur Général de l’INPI le 3 novembre 2021, sous la référence DC20-0143 / SG ;
Par conséquent,
— JUGER que M. [O] a démontré un usage sérieux de la marque française « [Localité 9] » n°4 031 285 dont il est titulaire pour les services d’hébergement de serveurs qu’elle vise en classe 42, à tout le moins entre le 10 décembre 2015 et le 10 décembre 2020 ;
— DEBOUTER en conséquence la Semmaris de sa demande en déchéance pour défaut d’usage sérieux de la marque française n°4 031 285 à compter du 4 janvier 2019, pour les services d’hébergement de serveurs qu’elle vise en classe 42 ;
— DEBOUTER la Semmaris de sa demande de répartition des frais exposés devant l’INPI ; et,
En tout état de cause,
— DEBOUTER la Semmaris de l’ensemble de toutes autres demandes, fins et conclusions;
— CONDAMNER la Semmaris à payer à M. [O] la somme de 10.000 euros (dix mille euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; et,
— CONDAMNER la Semmaris aux entiers dépens.
Vu les dernières observations écrites du directeur général de l’INPI transmises le 25 novembre 2022,
Les conseils des parties, la représentante de l’INPI et le Ministère public entendus en leurs observations orales,
MOTIFS DE LA DECISION
La cour observe que cette décision n’est pas contestée en ce qu’elle a déclaré M. [R] [O] déchu de ses droits sur la marque n°4031285 à compter du 4 janvier 2019 pour les produits et services listés à l’article 2 du dispositif de la décision.
La décision est en revanche contestée en ce qu’elle n’a pas fait droit à la demande de déchéance pour le service : ‘hébergement de serveurs’.
Sur l’appréciation de l’usage sérieux
Conformément à l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, le titulaire d’une marque peut être déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux en France pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs de non-usage.
L’article L.714-5 du même code précise qu’ ‘est assimilé à un usage [sérieux] (‘.) :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;
(‘)
3° L’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;
4° L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l’exportation.’
L’article L.716-3-1 du même code prévoit que la preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.
Sur la période pertinente
La cour constate qu’il n’est pas contesté que la période pertinente court du 10 décembre 2015 au 10 décembre 2020.
Sur les éléments de preuve à prendre en considération
La société Semmaris demande d’écarter :
— la pièce 2 au motif qu’elle n’a pas de date certaine, et que l’adresse dont elle est issue, à savoir une extension générique ‘.com’ et des mentions cookies démontrant qu’il s’agit de la version francophone d’un site anglophone, ne permettent pas de justifier de prestations offertes en France;
— la pièce n° 3 au motif qu’elle n’est pas datée ;
— les pièces 4 et 7 au motif que 14 factures du client n°1 et 18 factures du client n°2 se situent en 2014 et 2015 avant la période pertinente, outre qu’elles ont été anonymisées de sorte qu’en l’absence d’adresse elles ne permettent pas de démontrer un usage sur le territoire français ;
— la pièce 5 bis au motif qu’elle n’est pas datée ;
— la pièce 6 au motif qu’elle est issue de manipulations et comprend des dates incertaines et contradictoires.
L’INPI fait valoir que les pièces doivent être analysées en combinaison les unes avec les autres de sorte que l’absence de date sur certaines d’entre elles n’est pas rédhibitoire.
M. [O] soutient le caractère probant de ces pièces et demande la confirmation de la décision qui les a prises en considération.
La pièce 2 est une impression d’écran rédigée en français du site internet de la société Euris Health Cloud. Le document 3 est une plaquette publicitaire de l’offre [Localité 9] Pharma non datée.
La pièce 4 est une facture [Localité 9] Pharma d’octobre 2020, et la pièce 7 est constituée de 76 factures [Localité 9] Pharma pour les années 2014 à 2017. La pièce 5 bis est une fiche produit ‘[Localité 9] PHARMA’ portant la mention ‘2017 NextPlus’. La pièce 6 est constituée de captures d’écran du site internet www.netplus extraits d’archives ‘wayback machine’ qui comportent toutes des dates de 2017 à 2020.
Au vu de ces constatations, et après examen des pièces en cause, la cour approuve le directeur de l’INPI, qui après avoir relevé que 44 factures produites se situaient dans la période pertinente, tout comme la fiche produit (pièce 5 bis) et les captures d’écran du site internet netplus extraits d’archives de ‘Wayback Machine’, a dit que si certaines pièces n’étaient pas datées (pièce 3 – plaquette commerciale), et que quelques factures se situaient en dehors de la période pertinente, l’ensemble de ces pièces devait être pris en considération dans le cadre d’une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce pour apprécier le caractère sérieux de l’usage de la marque pendant la période pertinente. Il n’y a pas lieu dès lors de faire droit à la demande d’écarter des pièces des débats formée par la société Semmaris.
Sur l’usage pour un service d ‘hébergement de serveurs’
La société Semmaris prétend qu’à supposer que les pièces produites soient considérées pertinentes, elles ne justifient pas d’une exploitation pour le service ‘d’hébergement de serveurs’, mais pour celui d’hébergement de données de santé qui est un service distinct n’ayant ni la même nature, ni la même finalité ni la même destination, le service d’hébergement de serveurs consistant à louer des services informatiques (matériel et logiciel), pouvant être associés à des services d’hébergement de données ou de site web mais n’incluant pas par principe de tels services; que le service d’hébergement de données de santé qui est un service de traitement sécurisé de données personnelles de santé suppose que l’hébergeur soit certifié ; que les sociétés qui offrent ces services ne sont pas les mêmes ; qu’il s’agit de services complémentaires mais ni identiques ni similaires ; qu’en tout état de cause les preuves d’usage portant sur des services d’hébergement de données de santé, qui sont une sous-catégorie autonome des services d’hébergement de serveurs compte tenu de leur finalité spécifique et de leur caractère réglementé, ne peuvent valoir usage sérieux pour la catégorie générale des services d’hébergement de serveurs.
Le directeur de l’INPI soutient que les services d’ ‘ hébergement de serveurs’ consistent à mettre à disposition à distance du matériel informatique qui va héberger des applications ou des sites web ainsi que stocker et sauvegarder des données, et que les pièces fournies par le titulaire de la marque contestée font état d’une offre d’hébergement de données de santé (pièce n°6), mais également de services d’hébergement de sites de pharmacies et de services accessoires, les factures (pièces n° 4 et 7) évoquant un abonnement à des services d’hébergement (« héberg-abo ») pour du « stockage » et de la « sauvegarde ».
M. [O] fait valoir que les prestations d’hébergement de données et de serveur poursuivent les mêmes finalités et destination, et ont les mêmes clients ; qu’à l’instar des services ‘d’hébergement de serveurs’, l’hébergement de données comprend la mise à disposition d’une infrastructure matérielle, d’espaces de stockages, ainsi que la fourniture de services de configuration et de maintenance ; que les services ‘d’hébergement de serveurs’ et de ‘gestion de données sur serveur’ ont été jugés similaires par l’EUIPO.
Les services d’ ‘hébergement de serveurs’ désignés par la marque [Localité 9] litigieuse consistent à mettre à disposition à distance du matériel informatique aux fins d’héberger des applications ou des sites web ainsi que stocker et sauvegarder des données.
La cour constate, comme le directeur de l’INPI, que les pièces n° 3, 5 et 6 font état d’une offre de services d’hébergement de données de santé, mais également de services d’hébergement de sites de pharmacies et de services accessoires, et que les factures (pièces n° 4 et 7) évoquent un abonnement à des services d’hébergement (« héberg-abo ») pour du ‘stockage’ et de la ‘sauvegarde’, ces pièces attestant dès lors d’une activité de services d’hébergement de sites et de données, et donc de services d’hébergement de serveurs, qui ainsi qu’il vient d’être dit consistent en la mise à disposition à distance de matériel informatique hébergeant des applications ou des sites web, ainsi que stockant et sauvegardant des données, peu important que ces données soient des données de santé susceptibles d’être soumises à une réglementation particulière, les services d’hébergement de sites de santé et de données de santé n’étant pas une sous-catégorie autonome des services d’hébergement de serveur, leur finalité et leur destination étant commune, à savoir héberger des sites comprenant des données, sans que doivent être prises en compte les caractéristiques spécifiques des différentes données hébergées, ce qui reviendrait à multiplier artificiellement des sous-catégories de services, et aurait pour conséquence, de limiter excessivement les droits du titulaire de la marque (cf arrêt CJUE du 16 juillet 2020 – C 714/18).
La décision déférée doit donc être approuvée en ce qu’elle a considéré que les pièces fournies établissent l’usage de la marque pour les services d’ ‘hébergement de serveurs’.
Sur l’importance de l’usage
La société Semmaris soutient que l’usage auprès de deux clients est insuffisant au regard du marché considéré ; que le marché des hébergeurs de serveurs, constitué des hébergeurs web et des data centers est en pleine croissance ; que l’hébergement des sites web représente 1,8 milliard de sites dans le monde et plus de 3,6 millions de sites sous l’extension ‘.fr’ ; qu’il s’adresse à toutes les entreprises de France ; que les pièces produites ne justifient d’aucun volume commercial ni d’aucune fréquence ou durée ; que seules les factures démontrent la fourniture effective des services ; qu’elles se rapportent à deux clients isolés faisant l’objet d’un abonnement mensuel ; qu’étant anonymisées elles ne permettent pas de déterminer si ces prestations sont à destination d’un public français ; que sur un marché pertinent de plusieurs milliards d’euros annuels, l’existence de deux clients pour un montant global moyen de 800 euros mensuel ne justifie pas d’un usage de la marque pour maintenir ou créer des parts de marché pour les services protégés.
M. [R] [O], qui expose avoir concédé l’usage de la marque litigieuse à la société Euris Health Cloud dont il est le Président, prétend que son usage constant depuis 2014 n’est pas symbolique et contribue de façon effective à la création de débouchés commerciaux pour la société Euris Health Cloud, qui propose à ses clients des solutions technologiques pour garantir la sécurité, l’activité et l’intégrité des données de santé, sans pouvoir être réduit au seul objectif du maintien artificiel des droits conférés par la marque.
Le directeur de l’INPI soutient que le titulaire de la marque a démontré un usage, avec son consentement, sur plusieurs années, relativement faible mais stable et régulier, et qu’il n’est pas nécessaire que l’usage soit important pour être qualifié de sérieux.
La cour rappelle qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque.
La cour rappelle en outre que l’usage de la marque peut être minime, à condition qu’il ne soit ni sporadique ni symbolique car destiné au seul maintien des droits sur la marque, et que le caractère sérieux doit être apprécié au regard du secteur économique en cause.
En l’espèce, le directeur de l’INPI doit être approuvé en ce qu’il a relevé que la plupart des pièces justifient d’un usage en France en ce qu’elles sont en français, notamment les factures (pièces 4 et 7) lesquelles comportent en pied-de-page une adresse en France de la société Netplus Communication ainsi que son immatriculation au RCS de Nanterre, les documents publicitaires (pièces 3 et 5bis) et les extraits de site Internet (pièce 6) comportant une extension de nom de domaine en « .fr », outre que la fiche produit (pièce 5bis) mentionne, sous la rubrique « Contact commercial », un numéro de téléphone français ainsi qu’une adresse mail localisée sur le domaine ‘.fr’, à savoir ” [Courriel 7] “, Netplus étant l’enseigne de la société française Euris Health Cloud dont le titulaire de la marque contestée est le président ainsi qu’il résulte de l’extrait Kbis (pièce 1).
Le directeur de l’Inpi a également pertinemment relevé que même si les 76 factures produites concernent principalement deux clients, elles attestent d’une prestation d’hébergement sur une plateforme dans le secteur pharmaceutique pour de longues périodes de plus de 3 ans dont 23 mois dans la période pertinente pour l’un, et 21 mois pour l’autre, pour des montants mensuels modestes mais réguliers allant de 358,80 euros à 543,47 euros, cette régularité démontrant un usage du signe contesté qui n’est pas de nature symbolique, mais répond bien à une réelle justification commerciale permettant de créer ou de conserver un débouché sur le marché des services d’hébergement de serveurs, étant rajouté que ce marché important et en pleine croissance comprend cependant de très nombreux intervenants dont certains peuvent être de taille et d’activité modestes.
Il résulte des développements qui précèdent qu’il y a lieu de confirmer la décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle.
La procédure de recours contre une décision du directeur général de l’INPI ne donne pas lieu à condamnation aux dépens et à l’application de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Semmaris, partie perdante, verra rejeter sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de faire partiellement droit à la demande formée par M. [R] [O] sur le même fondement, et de condamner la société Semmaris à lui payer à ce titre la somme de 8 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme la décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle du 3 novembre 2021 portant déchéance partielle des droits de M. [R] [O] sur la marque française [Localité 9] n°4031285 ;
Condamne la société Semmaris à payer à M. [R] [O] la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, par lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE