Cour d’appel de Paris, du 5 mars 2002

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Cour d’appel de Paris, du 5 mars 2002
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

DOSSIER N 01/03059

ARRÊT DU 05 MARS 2002 Pièce à conviction : néant Consignation P.C. :

néant

COUR D’APPEL DE PARIS

13ème chambre, section A

(N 4 , pages) Prononcé publiquement le MARDI 05 MARS 2002, par la 13ème chambre des appels correctionnels, section A, Sur appel d’un jugement du TRIBUNAL DE POLICE DE PARIS – 2EME CHAMBRE – du 17 SEPTEMBRE 2001, (01560657). PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

X… Marc Président Directeur Général de la société FRANCE 2 domicilié en cette qualité 7 Esplanade Henri de France 75097 PARIS CEDEX 15 Prévenu, non comparant, libre intimé Représenté par Maître COISNE Martine, avocat au barreau de PARIS (B 244) SOCIETE NATIONALE DE TELEVISION FRANCE 2, 7 Esplanade Henri de France – 75015 PARIS Civilement responsable, intimée Représentée par Maître COISNE Martine, avocat au barreau de PARIS LE MINISTÈRE PUBLIC : non appelant, CNCT COMITE NATIONAL CONTRE LE TABAGISME, 31 avenue du Général Bizot – 75012 PARIS Partie civile, appelant Représenté par Maître TCHOLAKIAN Gérard, avocat au barreau de PARIS (B 567) COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats, du délibéré et au prononcé de l’arrêt, Président

:

:

Monsieur Y…,Madame GERAUD Z…, GREFFIER : Madame A… aux débats et au prononcé de l’arrêt. MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats et au prononcé de l’arrêt par Monsieur MADRANGES, avocat général. RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : Le tribunal, par jugement contradictoire, a renvoyé X… Marc et la société FRANCE 2 des fins de la poursuite a dit que la constitution de partie civile du COMITE NATIONAL CONTRE LE TABAGISME est recevable mais mal fondée (Du chef de VIOLATION DE L’INTERDICTION DE FUMER DANS UN LIEU COUVERT ET CLOS ACCUEILLANT DU PUBLIC, faits commis à PARIS, infraction prévue par les articles R.355-28-13 AL.1, R.358-28-1 AL.1, L.3511-7 du Code de la santé publique et réprimée par l’article R.355-28-13 AL.1 du Code de la santé publique) LES APPELS : Appel a été interjeté par : – le CNCT COMITE NATIONAL CONTRE LE TABAGISME, le 19 Septembre 2001 contre SOCIETE NATIONALE DE TELEVISION FRANCE 2, Monsieur X… Marc DÉROULEMENT DES B… : A l’audience publique du mardi 12 février 2002, Monsieur le Président a constaté l’absence du prévenu, représenté par son conseil. Maître COISNE, avocat, a déposé des conclusions au nom de M. X… et de la société FRANCE 2. Maître TCHOLAKIAN, avocat, a déposé des conclusions au nom du C.N.C.T. Monsieur le Conseiller Y… a fait un rapport oral. Le conseil du C.N.C.T. a indiqué sommairement le motif de l’appel de son client. ONT ETE ENTENDUS : Monsieur l’avocat général MADRANGES en ses réquisitions Maître TCHOLAKIAN, avocat, en sa plaidoirie Maître COISNE, avocat, en sa plaidoirie à nouveau le conseil du prévenu qui a eu la parole en dernier. A l’issue des débats, Monsieur le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu le mardi 5 mars 2002. A cette date, il a été procédé à la lecture de l’arrêt par l’un des

magistrats ayant participé aux débats et au délibéré. DÉCISION :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant sur l’appel du COMITÉ NATIONAL CONTRE LE TABAGISME (le CNCT), partie civile, interjeté à l’encontre du jugement entrepris ; RAPPEL DES FAITS et DEMANDES : Marc X… et la société nationale de télévision FRANCE 2 ont été poursuivis à la requête du CNCT, pour ne pas avoir à Paris, appliqué la loi du 9 juillet 1976 modifiée par la loi du 10 janvier 1991 ni le décret du 29 mai 1999 concernant l’usage du tabac dans des lieux affectés à 1’usage collectif ; Le CNCT a produit à l’appui de sa poursuite, un procès-verbal de constat, dressé le 18 octobre 2000 par Michel Delattre, huissier de justice ; Le COMITÉ NATIONAL CONTRE LE TABAGISME, partie civile représentée par son avocat, rappelle que depuis de nombreux mois, certains salariés de la société FRANCE 2 se plaignant du manque de respect de la loi contre le tabagisme par les salariés fumeurs, avaient fait circuler une pétition ayant recueilli 210 signatures, qu’un huissier de justice, autorisé par requête, a fait un constat sur place le 18 octobre 2000, et que par ordonnance du 8 mars 2001, le juge des référés a constaté qu’il existait un trouble manifestement illicite, dès lors que les salariés de la société FRANCE 2 fumaient dans l’entreprise au mépris de la réglementation, grâce à la complaisance de la direction de la société ; La partie civile soutient que : -En droit, les articles L355-28 et suivants du Code de la santé publique, posent le principe de l’interdiction de fumer dans des lieux affectés à un usage collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs, et que ce principe s’applique à tous les lieux fermés accueillant du public ou qui constituent les lieux de travail mais ne s’applique pas aux emplacements délimités par l’autorité compétente, mis à la disposition des fumeurs, qui doivent respecter des conditions

d’utilisation, de volume, d’aération, de ventilation ; qu’une signalisation apparente doit rappeler le principe de l’interdiction de fumer et indiquer les emplacements mis à la disposition des fumeurs ; -Le 18 octobre 2000, l’huissier de justice a constaté : 1°/ la présence d’un cendrier et de mégots, dans un coin du bâtiment, réservé au repos et à la réunion, à côté des distributeurs automatiques de boissons, alors qu’il n’existe aucun panonceau ou indication indiquant qu’il s ‘agit d’un local de fumeurs, 2°/ au sixième étage, au sol , la présence de différents mégots et de différents cendriers, 3°/ dans le bureau n°534, la présence d’un cendrier contenant deux mégots, dans le bureau 243 occupé par environ trente personnes, quelques cendriers et des traces de mégots, dans le bureau 279 un cendrier entièrement rempli de mégots a été caché par une feuille de papier, 4°/ qu’il existe une certaine anarchie au siège de la société France 2 sur les conditions dans lesquelles l’utilisation du tabac est tolérée ; il semble qu’une grande liberté individuelle soit laissée aux différents collaborateurs de la société France 2 qui font leur police eux-mêmes par rapport à l’utilisation et à l’usage du tabac , 5°/ l’huissier de justice n’a pas constaté la présence d’une signalétique à l’entrée des locaux de la société FRANCE 2 (la partie civile considère sur ce point que les photographies visées dans les conclusions du prévenu sont des preuves établies unilatéralement et nécessairement à posteriori puisque non relevées par l’huissier) ; 6°/ sur la porte 266 une affichette indiquant “local fumeur” ; Le CNCT considère que la responsabilité pénale de Marc X…, dirigeant légal de la société nationale de télévision FRANCE 2, est totalement engagée, ainsi que celle de la société FRANCE 2, en qualité de civilement responsable ; il demande de les condamner à lui payer la somme de 15.244,90 (100.000 F) à titre de dommages intérêts et celle de 2.286,74 (15.000 F), au titre

de l’article 475 -1 du Code de procédure pénale ; Le ministère public s’en rapporte à justice ; Marc X… et la société nationale de télévision FRANCE 2 demandent à la Cour, par voie de conclusions, de confirmer le jugement entrepris et de débouter la partie civile seule appelante, de sa constitution de partie civile ; ils soutiennent que le CNCT a visé globalement les dispositions du Code de la santé publique alors que des infractions distinctes sont encourues : -1°/ Le fait de fumer dans l’un des lieux visés par le décret, hors d’un emplacement mis à la disposition des fumeurs, constitue une contravention de la 3 ème classe ; mais cette infraction ne peut être imputée au chef d’entreprise qui n’est pas responsable du fait de certains salariés qui fument en dehors des zones autorisées ; 2°/ Constituent des contraventions de la 5 ème classe :

-a) le fait de réserver aux fumeurs des emplacements non conformes aux dispositions réglementaires ; d’une part, l’extrait du procès-verbal de l’huissier de justice fait état d’un espace fumeur derrière le couloir du bar mais ces locaux au 6 ème étage, en bout de bâtiment, ne constituent pas des locaux que l’employeur a réservés aux fumeurs ; la mise à disposition des fumeurs de ce lieu, ne résulte pas de l’initiative de la direction, ni d’une approbation du Comité d’Hygiène ; la présence de mégots ou de cendriers dans les couloirs résulte d’initiatives individuelles et c’est pourquoi il n’existe pas de signalétique réservant cet endroit aux fumeurs ; d’ailleurs l’existence d’autres locaux réservés aux fumeurs est attestée par les pièces versées aux débats ; contrairement à ce que soutient le CNCT, le règlement n’impose pas que la signalisation des panneaux “non-fumeur” indique également les emplacements mis à la disposition des fumeurs ; d’autre part, pour les bureaux, l’interdiction de fumer est laissée à la libre appréciation des personnes y travaillant et cette situation ne saurait être considérée

comme une infraction dans la mesure où il ne s’agit pas d’emplacement que l’employeur a réservé aux fumeurs ; L’huissier de justice, qui n’a pas précisé dans son procès-verbal si les bureaux visités étaient individuels ou collectifs, ne permet pas le contrôle du règlement ; seules les constatations faites dans le bureau 243 établissent que les salariés fument dans ce bureau commun à plusieurs personnes ; mais ces locaux n’ont pas été réservés aux fumeurs par l’employeur et on ne saurait reprocher à Marc X… la présence de cendriers et de mégots hors les emplacements réservés aux fumeurs, de tels faits résultant de comportements individuels passibles pour les auteurs-fumeurs, d’une contravention de 3 ème classe ;

-b) le fait de ne pas respecter les normes de ventilation prévues par l’article 3 du décret: même si l’huissier de justice n’a effectué aucune constatation concernant les normes de ventilation, le tribunal a relevé que les locaux et espaces réservés aux fumeurs répondent aux normes de ventilation prévues par la loi ;

-c) le fait de ne pas mettre en place, de façon apparente, la signalisation prévue ; dans son constat, l’huissier de justice a mentionné, à de nombreuses reprises, qu’il avait relevé l’existence de panneaux signalisant l’interdiction de fumer, sur toutes les cabines d’ascenseurs, dans les toilettes, à la cafétéria, à divers endroits dans les étages et la société FRANCE 2 verse aux débats des photographies qui montrent que sur les portes d’accès aux ascenseurs, il existe également des panneaux précisant qu’il est interdit de fumer ; SUR CE Considérant que le ministère public n’ayant pas fait appel de la décision de relaxe, rendue à l’égard des prévenus, celle-ci est devenue définitive ; que cependant, en raison de l’indépendance de l’action civile et de l’action publique, l’appel de la partie civile, s’il est sans incidence sur la force de chose jugée qui s’attache à la décision de relaxe sur l’action publique, saisit

valablement la Cour des seuls intérêts civils ; Qu’en conséquence, malgré la décision de relaxe, il appartient à la Cour d’apprécier les faits dans le cadre de la prévention pour se déterminer sur le mérite des demandes civiles qui lui sont présentées ; Considérant que l’assignation délivrée à chacun des prévenus, demande de juger qu’ils se sont rendus coupables “de la contravention aux dispositions de la loi du 10 janvier 1991 et du décret du 29 mai 1992” ; que cet acte initial qui fixe définitivement la nature et l’étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification n’est pas très précis ; que cependant, la Cour se référant au jugement entrepris et aux écritures de la partie civile constate que le CNCT qui se fonde sur le principe de l’interdiction de fumer dans des lieux affectés à un usage collectif, non expressément réservés aux fumeurs, reproche aux prévenus de ne pas avoir pratiquer dans les locaux de la société FRANCE 2, une signalisation apparente qui rappelle le principe de l’interdiction de fumer et indique les emplacements mis à la disposition des fumeurs ; Considérant que selon l’article R355-28-13, du Code de la santé publique , sera puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe, a) Quiconque aura réservé aux fumeurs des emplacements non conformes aux dispositions réglementaires b) Quiconque n’aura pas respecté les normes de ventilation prévues par l’article R355-28-3, c) Quiconque n’aura pas mis en place la signalisation prévue à l’article R355-28-6 ; Considérant que la Cour, adoptant sur ce point les motifs du tribunal, constate 1°/ que le règlement de la société FRANCE 2 est rappelé dans le bulletin interne d’information dénommé “Agora”, 2°/ que dans sa séance extraordinaire du 28 mai 1998 et à l’occasion de son installation dans à son nouveau siège social, le comité d’hygiène et de sécurité a été consulté sur la politique de lutte contre le tabac mise en oeuvre et sur l’implantation des locaux réservés aux fumeurs, une note a été remise

à chacun des membres du personnel avec des autocollants adéquats et publiée dans le bulletin d’information interne, 3°/ que le 4 septembre 1998, une note rappelant l’interdiction de fumer dans les salles de montage a été diffusée à l’attention de la rédaction ainsi qu’une note en date du 10 février 1999 à l’attention de tous les services, affichée jusqu’au 5 mars 1999, rappelant l’interdiction de fumer sauf dans les lieux expressément réservés et identifiés 4°/ que le 12 mars 1999, le président de la société FRANCE 2 constatant que les règles n’étaient pas pleinement respectées demandait à chacun des membres du personnel “de se mobiliser afin que la réglementation soit respectée” 5°/ que demandée lors d’une séance du CHS-CT du 6 juillet 2000, une analyse de l’air a été effectuée par un expert et une étude du bureau Veritas, remise en 2000 a démontré que les espaces fumeurs aux niveaux 0 et 1 comportaient une ventilation suffisante ; qu’il en résulte que les manquements prévus aux a) et b) de l’article R355-28-13, du Code de la santé publique ne sont pas établis par la partie civile ; Considérant que dans son constat, l’huissier de justice a mentionné, à de nombreuses reprises, qu’il avait relevé l’existence de panneaux signalisant l’interdiction de fumer, sur les cabines d’ascenseurs, dans les toilettes, à la cafétéria, à divers endroits dans les étages et la société FRANCE 2 verse aux débats des photographies qui montrent que sur les portes d’accès aux ascenseurs, il existe également des panneaux précisant qu’il est interdit de fumer ; Que dès lors, les constatations de l’huissier de justice font ressortir que Marc X… a, en sa qualité de président de FRANCE 2, mis en place une signalétique apparente rappelant l’interdiction de fumer ; que la partie civile n’établissant pas en quoi la signalisation mise en place serait insuffisante, la Cour confirmera le jugement déféré ayant décidé que Marc X… n’avait pas enfreint les règles prévues à l’article R355-28-6 du Code de la santé publique

; Considérant que le fait que certains salariés ont fumé en dehors des emplacements prévus et mis à leur disposition, ne peut pas être reproché aux prévenus, Marc X… et la société FRANCE 2 ne pouvant être tenus pour responsables du comportement individuel de chacun des salariés ; Considérant qu’il y a lieu de recevoir l’appel du CNCT et de le débouter de l’intégralité de ses demandes présentées en cause d’appel en confirmant le jugement déféré ; PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l’appel du COMITÉ NATIONAL CONTRE LE TABAGISME partie civile, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions civiles et déboute le COMITÉ NATIONAL CONTRE LE TABAGISME de ses demandes formées en cause d’appel. LE PRÉSIDENT,

LE GREFFIER,


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