Cour d’appel de Paris, du 3 octobre 2000

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Cour d’appel de Paris, du 3 octobre 2000

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRET DU 3 OCTOBRE 2000 (N , 7 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 1999/24852 Pas de jonction Décision dont recours : Décision n° 99-D-55 du Conseil de la Concurrence en date du 07/10/1999 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : REJET DEMANDERESSE AU RECOURS : S.A.R.L PHOTOTELEM, ayant son siège 2, rue Grignan 13001 MARSEILLE, prise en la personne de Monsieur X… gérant, présent aux débats ; Assistée de Maître B.JACOB, avocat, 45 avenue Victor Hugo – 75116 PARIS Toque M 1894 ; DEFENDERESSE AU RECOURS :

STE FRANCE TELECOM, ayant son siège 6, Place d’Alleray 75505 PARIS CEDEX 15, prise en la personne de son Président, Représentée par la SCP GIBOU-PIGNOT-GRAPPOTTE-BENETREAU, avoué, 201 rue Lecourbe 75015 PARIS ; Assistée de Maître H. CALVET, avocat, 154 rue de l’Université – 75007 Paris Toque T 09 ; EN PRESENCE : du Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, Représenté aux débats par Madame Fabienne Y…, munie d’un mandat régulier. COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Madame RENARD-PAYEN, Président Monsieur CARRE-PIERRAT, Conseiller Monsieur SAVATIER, Conseiller GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l’arrêt : Madame Z… MINISTERE A… : Monsieur B…, Substitut Général , en ses observations. ARRET : Prononcé publiquement le TROIS OCTOBRE DEUX MILLE, par Madame RENARD-PAYEN, Président, qui a signé la minute avec Madame Z…, Greffier ;

La société Phototélem a souscrit auprès de la société FRANCE TELECOM plusieurs contrats d’accès Télétel en qualité de centre serveur et de

fournisseur de services télématiques, et a exploité plusieurs codes d’accès.

Par lettre du 5 novembre 1998, la société FRANCE TELECOM a écrit à chacun des fournisseurs de service pour les informer de ce qu’elle avait adopté un nouveau tarif d’abonnement applicable à compter du 1 er décembre 1998. L’ancien prix unique d’abonnement de 252,95 F HT était remplacé par quatre niveaux de prix modulés en fonction des paliers tarifaires souscrits variant entre 200 F HT et 1000 F HT.

La société Phototélem a contesté cette mesure et a saisi le Conseil de la concurrence, par lettre du 24 juin 1999, en faisant valoir que les pratiques de la société FRANCE TELECOM relatives aux redevances d’abonnement des codes d’accès Télétel étaient susceptibles d’entrer dans le champ d’application de l’article 8 de l’ordonnance du 1 er décembre 1986. Elle a assorti sa saisine d’une demande de mesures conservatoires.

Par décision n° 99-D-55 du 7 octobre 1999, le Conseil de la concurrence (Le Conseil) a retenu que si la société FRANCE TELECOM détient un monopole sur le marché des prestations nécessaires à la fourniture au grand public de services disponibles sur Minitel, il lui était loisible de relever ses tarifs, dès lors que cette augmentation n’a pas un objet ou un effet anticoncurrentiel, et a relevé que la saisine ne contient aucun élément probant à l’appui des allégations selon lesquelles la société FRANCE TELECOM aurait abusé de sa position dominante.

Il a en conséquence déclaré irrecevable la saisine et rejeté les demandes de mesures conservatoires.

Le 22 décembre 1999, la société Phototélem a formé un recours devant la Cour d’appel de Paris à l’encontre de cette décision.

Par arrêt en date du 9 mai 2000, la Cour a ordonné la réouverture des débats à l’audience du 20 juin 2000 et a enjoint au Conseil de la

concurrence de déposer au greffe de la Cour d’appel de Paris le procès-verbal de sa séance du 7 octobre 1999 et de le communiquer aux parties afin que la Cour puisse être en mesure d’apprécier la régularité formelle de la dite séance, contestée par la requérante.

A l’appui de son recours la société Phototélern fait valoir que la société FRANCE TELECOM a abusé de sa position dominante en imposant une hausse soudaine et brutale des tarifs d’abonnements qu’elle n’avait pas la capacité financière de supporter, laquelle a fait disparaître un grand nombre de services qui généraient peu de trafic de sorte qu’elle a réalisé une économie de gestion.

Elle demande que la saisine soit déclarée recevable et que l’affaire soit renvoyée pour instruction au Conseil de la concurrence. Subsidiairement elle demande l’audition de plusieurs personnes et qu’à titre de mesures conservatoires, la Cour condamne la société FRANCE TELECOM à annuler le différentiel de créance correspondant à l’augmentation des tarifs et à rembourser le trop-perçu éventuel ainsi qu’à revenir à l’ancien tarif et à lui rouvrir les accès Télétel.

Enfin, elle soutient que le procès-verbal de la séance qui a été produit ne permet pas de s’assurer du respect de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, dés lors qu’il ne transcrit pas le rapport du rapporteur qui n’est pas versé aux débats.

La société FRANCE TELECOM, qui conteste d’abord la recevabilité du recours de la société Phototélem, notamment parce que les demandes ne relèvent pas de la compétence du Conseil mais procèdent du droit commun du contrat, demande à la Cour de rejeter celui-ci et de confirmer la décision du Conseil de la concurrence. Elle prétend que les services Minitel et Internet constituent aujourd’hui un même marché pertinent sur lequel elle n’est pas en position dominante.

Elle fait valoir que le réaménagement tarifaire n’avait aucun objet anticoncurrentiel et n’a eu aucun effet sur le jeu de la concurrence. Elle expose qu’elle a entendu corriger le déplacement des services grand public vers les paliers plus fortement tarifié au public opéré par les fournisseurs de services qui entendent ainsi obtenir une rémunération plus importante, ce qui a renchéri le coût à la minute du Télétel et a contribué à infléchir la consommation comme l’a relevé la Cour des comptes dans son rapport du 18 septembre 1998.

Le ministre de l’économie conclut aux termes de ses observations écrites au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

Le Conseil de la concurrence a déposé des observations écrites.

Le ministère public a conclu oralement au rejet du recours. SUR CE, LA COUR: Sur la recevabilité Sur la régularité de la déclaration de recours,

Considérant que, France Télécom fait valoir que le recours formé par Phototélem contre la décision du Conseil n’est pas recevable au motif, que la déclaration de recours ne précise pas l’objet dudit recours ;

Mais considérant que la décision attaquée est une décision d’irrecevabilité, que l’objet d’un tel recours ne peut être que la réformation, qu’il s’ensuit que le défaut de précision de l’objet du recours dans la déclaration ne vicie pas cette dernière, que le moyen doit dès lors être écarté. Sur la procédure Sur la communication du rapport avec le procès verbal de séance du Conseil,

Considérant que, par lettre du 18 mai 2000, le Conseil de la concurrence a communiqué à la Cour et aux parties le procès-verbal de la séance du 7 octobre 1999, que ce dernier indique la date de la séance, les parties présentes, l’ordre du jour, et le déroulement des débats ;

Considérant qu’aux termes de l’article 15 du règlement intérieur du Conseil de la Concurrence, le secrétaire du Conseil rédige et signe avec le président le procès-verbal chronologique des séances, qui mentionne le nom des personnes présentes ; que le procès-verbal transmis respecte les prescriptions du règlement intérieur du Conseil de la concurrence, qu’il est dès lors régulier ;

Considérant qu’en outre, l’absence de communication de la retranscription des interventions au cours de la séance ne fait pas grief à la requérante dès lors, d’une part, qu’aucune disposition ne prescrit cette communication, et d’autre part, que le rapport a été contradictoirement porté à la connaissance des parties lors des débats ; que les critiques de la requérante ne sont donc pas fondées ; Sur le fond

Considérant qu’en application de l’article 19 de l’ordonnance du ler décembre 1986, la Conseil de la concurrence peut déclarer la saisine irrecevable s’il estime que les faits invoqués n’entrent pas dans le champ d’application de sa compétence ou ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants.

Sur le marché concerné

Considérant qu’il y a lieu de se placer au jour de la décision de réaménagement des tarifs pour examiner le marché auquel elle s’est appliquée ; qu’à cet égard, c’est en faisant une juste appréciation des faits de la cause que le Conseil a retenu que, pour les fournisseurs de services, le recours au Minitel ou à Internet ne permettait pas d’atteindre la même clientèle, ni d’offrir des conditions de paiement comparables ; qu’en particulier, l’équipement requis de l’utilisateur n’était pas le même et le système de rémunération du fournisseur de service était différent, seul le Minitel offrant la possibilité d’une rémunération de ce fournisseur à la consultation, sans souscription d’un abonnement, puisque cette

rémunération pouvait être recouvrée par la société FRANCE TELECOM par le biais du coût de la connexion téléphonique facturée à l’utilisateur, cette société la reversant au fournisseur d’accès ;

Considérant que le Conseil a justement retenu que les prestations offertes n’étaient pas, à l’époque, substituables, la société FRANCE TELECOM étant le seul opérateur a offrir aux prestataires de services informatiques le système de facturation Kiosque permettant d’intégrer le paiement du service rendu au consommateur à la facture téléphonique de ce dernier, et qu’elle était seule en mesure d’assurer la circulation de l’information entre les fournisseurs de service et les terminaux, notamment pas sa filiale Transpac, seul opérateur à offrir un service de transport de données pour la fourniture de services télématiques ;

Considérant que le Conseil en a exactement déduit que la société FRANCE TELECOM détenait sur le marché pertinent une position dominante.

Sur les faits invoqués :

Considérant que, comme l’a relevé le Conseil de la concurrence, le seul fait pour un opérateur occupant une position dominante sur un marché de relever ses tarifs est insuffisant pour caractériser une violation des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du ler décembre 1986 ;

Considérant qu’il est établi que la décision dénoncée de modulation des abonnements a été annoncée par la société FRANCE TELECOM qui l’a toujours justifiée par sa volonté de rééquilibrer la répartition des fournisseurs selon les paliers tarifaires des codes ; qu’ainsi elle en a délibéré avec les associations professionnelles de fournisseurs de services lors d’une réunion du 19 mai 1998 ; qu’elle a aussi consulté le Conseil supérieur de la télématique ; qu’elle a respecté la procédure qui s’impose à elle, laquelle a, notamment, donné lieu à

avis de l’Autorité de régulation des télécommunications ;

Considérant que la société Phototélem n’apporte aucun élément de nature à mettre en doute la réalité de cet objectif ; qu’au contraire la société FRANCE TELECOM justifie de sa légitimité en produisant le rapport de la Cour des comptes du 18 septembre 1998, sur le bilan financier des programmes Télétel et Audiotel de FRANCE TELECOM, qui dénonce la faible rentabilité du Télétel et constate que la société « subit le contrecoup de la politique tarifaire des fournisseurs de service qui préfèrent maximaliser à court terme leurs gains, quitte à entraîner ensuite une baisse de la consommation » ; qu’en effet, il apparaît que ces fournisseurs ont privilégié leurs offres sur des services à prix élevé afin d’obtenir un reversement plus important, d’autant que le coût de l’abonnement était identique quelque soit le pallier tarifaire retenu ;

Considérant que l’allégation selon laquelle la mesure a eu pour effet de faire disparaître des milliers de services, n’est pas plus de nature à mettre en doute la réalité de l’objet de la mesure de réaménagement ; que la société Phototélem procède par simple affirmation, non étayée par des éléments de preuve, quand elle prétend que l’objectif inavoué de la mesure était de faire disparaître les petits fournisseurs pour accroître la rentabilité de la société FRANCE TELECOM ;

Considérant que cet effet sur le nombre de codes proposés n’établit pas davantage que l’augmentation tarifaire litigieuse, qui s’est appliquée d’une manière uniforme à tous les fournisseurs de services, a porté une atteinte sensible au marché, et que la hausse serait abusive ;

Considérant que la requérante invoque encore la vente forcée qui serait imposée aux souscripteurs d’abonnements sans fournir d’éléments sérieux de nature à caractériser une telle pratique ;

Considérant, sans qu’il y ait lieu d’examiner l’inexécution par la société FRANCE TELECOM de ses obligations contractuelles invoquée par la société Phototélem, qui ne relève pas de la compétence du Conseil de la concurrence, ou qu’il y ait lieu d’entendre les témoins indiqués par la requérante, qu’il résulte de ce qui précède que cette société n’a pas apporté d’éléments suffisants, à l’appui de sa saisine, dés lors que ses allégations sont dépourvues de tout élément probant de nature à établir leur pertinence au regard d’une éventuelle application de l’article 8 de l’ordonnance du ler décembre 1986 ; qu’il s’ensuit que la demande tendant à ce que soient ordonnées des mesures conservatoires n’est pas fondée ;

Considérant qu’il y a donc lieu de débouter la société Phototélem de son recours ; PAR CES MOTIFS: Rejette le recours de la société Phototélem, La condamne aux dépens.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


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