Cour d’appel de Paris, CT0109, du 3 octobre 2006

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Cour d’appel de Paris, CT0109, du 3 octobre 2006

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

3ème Chambre – Section A

ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2006

(no , pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 05/16715 Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2005 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL – RG no 99/10611 APPELANTE SARL MATENEC HG, agissant tant pour elle-même qu’en qualité de subrogée dans les droits de la Société ELMAC Jean X…, M. François X…, M. Y… X…, Mme Marie Laure Z…, M. Vincent X…, Mme Claire X…, M. Antoine X…, prise en la personne de son gérant ayant son siège106 avenue de Caen 76000 ROUEN représentée par la SCP BAUFUME – GALLAND – VIGNES, avoués à la Cour assistée de Me Badia BRICK, avocat au barreau de PARIS, toque : L 70, de la SELARL ANTARES, INTIMÉE Madame Aline A… demeurant … 94300 VINCENNES représentée par la SCP BOMMART-FORSTER – FROMANTIN, avoués à la Cour assistée de Me Andrée MINGUET, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 4 Septembre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bernadette CHAGNY, Président

Monsieur Henri LE DAUPHIN, Conseiller

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseiller qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du nouveau code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN MINISTÈRE B… :

L’affaire a été communiquée au ministère public, ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile,

– signé par Madame CHAGNY, président et par Madame HOUDIN, greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement en date du 28 juin 2005, assorti de l’exécution provisoire, par lequel le tribunal de grande instance de Créteil a :

– débouté la société Matenec de ses demandes,

– condamné la société Matenec à payer à Mme Aline A… la somme de 57.944,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 1995, ainsi que celle de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts,

– déclaré irrecevable la demande de Mme A… en paiement du solde de comptes courants ;

Vu l’appel formé par la société Matenec à l’encontre de cette décision ;

Vu les conclusions en date du 20 juin 2006 par lesquelles l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Mme A… de ses demandes reconventionnelles, et de :

– constater que M. et Mme A… se sont rendus coupables d’un dol à l’encontre des cessionnaires lors de la cession de la société A…, – de condamner Mme A… à lui verser la somme de 1.004.199 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 6.000 euros en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 20 janvier 2006 par lesquelles Mme A… demande à la cour :

– à titre principal, de déclarer la société Matenec irrecevable en ses demandes,

– à titre subsidiaire, de la déclarer mal fondée en ces demandes,

– de la condamner à lui payer la somme de 100.544,19 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 1995 ainsi que celles de 10.000 euros pour procédure abusive et de 10.000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur ce :

Considérant que la société anonyme A…, ayant pour objet la location de matériels à des entreprises industrielles, et en particulier aux raffineries présentes autour de l’étang de Berre, a été créée en 1970 ; que M. Lucien A… en a été le dirigeant jusqu’en 13 février 1990 et, avec son épouse, Mme Aline A…, le principal actionnaire jusqu’à la cession de contrôle ci-après mentionnée ;

Considérant qu’aux termes d’un protocole d’accord du 4 juillet 1989, M. et Mme A…, d’une part, la société anonyme Elmac Jean X… (la société Elmac), représentée par M. François X…, son président, d’autre part, se sont engagés réciproquement à vendre et à acquérir 494 des 500 actions représentant le capital de la société A…, selon le calendrier suivant : 125 actions le 4 juillet 1989, avec jouissance au 1er janvier 1989, et 369 actions le 1er janvier

1990 ;

Qu’il était stipulé que la cession de ces titres aurait lieu moyennant le prix de 7.600.000 francs, payable à hauteur de 1.900.000 francs lors de la signature du protocole et, pour le solde, aux échéances précisées à l’acte, la dernière étant fixée au 31 décembre 1993, et (article 4) que ce prix avait été « déterminé en tenant compte de l’actif net de la société au 31 décembre 1988 après réévaluation forfaitaire et faite d’un commun accord du fonds de commerce (éléments incorporels), des constructions et des matériels », la situation nette étant évaluée à 1.595.534 francs et la plus value latente sur immobilisations à 6.004.466 francs ;

Considérant que l’acte du 4 juillet 1989 contenait en outre une « garantie d’actif et de passif » , réitérée par convention du 13 février 1990, aux termes de laquelle M. A… s’engageait à ce que l’actif net de la société au 31 décembre 1989 soit au moins égal à la somme de 1.195.534 francs ;

Considérant que la société Elmac a acquis 125 actions le 4 juillet 1989, les 369 autres actions étant acquises, le 13 février 1990, par la société Matenec, principalement, ainsi que, conformément à la clause de substitution insérée au protocole d’accord, par la société Bricolation, MM. Y…, Vincent et Antoine X… et Mmes Marie-Laure Z… et Claire X…, la société Matenec ayant été ensuite subrogée dans les droits de ces derniers ainsi que dans ceux de la société Elmac ;

Considérant que par trois avenants des 29 juin 1990, 28 février 1991 et 12 janvier 1994, le prix de cession a été ramené à la somme de 6.587.111 francs ; que ces corrections du prix à la baisse étaient la conséquence pour les deux premières de la constatation du défaut de paiement de créances sur les clients couvertes par la garantie de passif et, pour la troisième, d’un redressement fiscal consécutif à

des détournements commis par M. Laurent C…, salarié de la société A… ;

Considérant que la société Matenec ayant refusé de régler le solde du prix de vente et le montant des comptes courants des époux A…, ces derniers ont mis en oeuvre la procédure d’arbitrage prévue à l’acte du 4 février 1999 ; que la société Matenec a, de son côté, demandé au tribunal arbitral de prononcer l’annulation pour dol de la convention de cession des actions ;

Considérant que par une sentence du 24 novembre 1995, le tribunal arbitral a déclaré irrecevable l’action tendant à l’annulation de l’acte du 4 juillet 1989, au double motif qu’elle se heurtait à la prescription quinquennale de l’article 1304 du code civil et à l’autorité de la chose jugée attachée à la transaction conclue le 28 février 1991 entre les parties, aux termes de laquelle celles-ci déclaraient renoncer irrévocablement « à toute réclamation pour tout fait concernant l’exécution de la garantie d’actif et de passif du 13 février 1990 » et reconnaissaient « que plus aucune contestation ne les (opposaient) relativement à l’évaluation de l’actif net » ; que par la même sentence, les arbitres, déclarant exercer les pouvoirs d’amiables compositeurs dont ils étaient investis, ont estimé qu’une considération d’équité propre à l’espèce conduisait à une minoration du prix global de cession d’un montant de 100.000 francs ; que le tribunal arbitral a, en conséquence, fixé à la somme de 380.091 francs la somme due aux époux A… au titre du solde du prix et à 279.435.71 francs celle due au titre du solde des comptes courants, soit au total 659.526,71 francs ;

Considérant que la cour d’appel d’Aix en Provence ayant, par arrêt du 28 avril 1998, déclaré irrecevables l’appel et le recours en annulation formés par la société Matenec à l’encontre de la sentence arbitrale, la Cour de cassation a, par arrêt du 15 février 2001,

cassé cette décision au motif que les arbitres, chargés de statuer comme amiables compositeurs, s’étaient prononcés sur la demande d’annulation par application des règles de droit, sans s’expliquer sur la conformité de celle-ci à l’équité ; que l’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Lyon, laquelle n’a pas été saisie ;

Considérant que par acte du 2 juillet 1999, la société Matenec a assigné les époux A… devant le tribunal de grande instance de Créteil afin d’obtenir leur condamnation au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui aurait causé le dol que ces derniers auraient commis à l’occasion de la cession des actions de la société A… ;

Considérant que par un premier jugement du 19 mars 2002, le premier juge a déclaré cette action recevable après avoir écarté les fins de non recevoir soulevées par les défendeurs et tirées de l’autorité de la chose jugée attachée à la sentence arbitrale, de celle attachée à la transaction du 28 février 1991 et du défaut de qualité à agir de la société Matenec et a ordonné une expertise confiée à M. D…, celui-ci ayant pour mission de fournir tous éléments de nature à permettre au tribunal de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et d’évaluer, s’il y a lieu, les préjudices subis ; que l’expert a déposé son rapport le 21 octobre 2003 ;

Considérant que, se fondant, notamment, sur les constatations de l’expert judiciaire, le tribunal a, par le jugement déféré, débouté la société Matenec de toutes ses demandes et accueilli partiellement la demande reconventionnelle en paiement formée par Mme A…, Lucien A… étant décédé en cours d’instance ;

Considérant que le jugement du 19 mars 2002 n’ayant pas été frappé d’appel, Mme A… est irrecevable, comme le relève l’appelante, en ses demandes tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions de

cette dernière en raison de la chose jugée ou d’un prétendu défaut de qualité ou d’intérêt à agir ;

Considérant, sur le fond, que l’appelante soutient que le dol qu’elle impute à Lucien A… est caractérisé par des manoeuvres, réticences et mensonges portant à la fois sur la comptabilité de la société A…, le matériel et le personnel ;

Mais considérant que la société Matenec ne rapporte pas la preuve, ainsi que l’a dit le premier juge, par des motifs qui répondent en l’écartant à l’argumentation de l’appelante, que M. A… a, par manoeuvres, mensonges ou simples réticences, intentionnellement cherché à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement donné par M. François X…, à titre personnel et en tant que représentant légal de la société Elmac, à l’acte du 4 juillet 1989 ; Considérant qu’il suffit d’ajouter, sur ce point, en premier lieu, que s’il est vrai que les mentions du protocole d’accord et de celles de l’annexe étaient, à cet égard, imprécises, voire incohérentes, il ne peut être utilement soutenu que l’existence du prêt de 2.070.000 francs consenti en 1989 par le Crédit Lyonnais à la société A… pour l’acquisition de divers matériels d’exploitation et du nantissement sur fonds de commerce garantissant cette créance a été dissimulée à la société Elmac et à M. X… dès lors que l’annexe 2 de l’acte du 4 juillet 1989 mentionnait, sous la rubrique « nantissements », « ceux figurant sur les états à recevoir des greffes des tribunaux de commerce concernés », ce qui visait celui établi le 14 juin 1989, constatant l’inscription de nantissement au profit du Crédit Lyonnais et qui était aisément accessible avant la signature de l’acte litigieux, et que ledit acte faisait état (p. 5) des  » investissements réalisés au cours de l’exercice 1989 dans le cadre de la gestion courante et nécessités par la bonne marche de

l’entreprise », cette formule pouvant s’appliquer à celui ci-dessus visé ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société Matenec qui ne précise pas le montant de la provision sur stocks qui était selon elle nécessaire avant 1989 et qui rappelle que la « manipulation de la facture Matech » a été sans influence sur la volonté d’acquérir de M. X…, n’apporte aucun élément propre à combattre les constatations de l’expert selon lesquelles les éléments à la disposition des acquéreurs ne pouvaient laisser que peu de doutes sur l’âge moyen et l’état de vétusté du matériel de la société A… ; que sa prétendue inadaptation au marché ne pouvait davantage échapper à l’acquéreur averti qu’était M. X… ;

Considérant, en troisième lieu, qu’aucune preuve n’est rapportée de la volonté de M. A… de tromper M. X… sur la compétence et l’intégrité de certains salariés ;

Considérant, au surplus, et en toute hypothèse, que la société Matenec ne rapporte pas la preuve que, mis en possession des informations dont ils auraient selon elle été illicitement privés relativement à la comptabilité de la société A…, à son matériel et à son personnel, la société Elmac ou M. X… auraient renoncé à acquérir les actions de la société A… ou décidé de les acquérir à des conditions différentes ;

Qu’il y a lieu de relever, à cet égard, que M. François X…, associé majoritaire de la société Elmac, exerçant une activité de location de matériels de bâtiment et de travaux publics, proche de celle de la société A…, et qui a, par lettre du 5 mai 1989, se référant à une précédente visite à la société A… en compagnie de l’un de ses collaborateurs, pris l’initiative de proposer à M. A… de fixer à 7.600.000 francs la « base de l’acquisition », a décidé de procéder à cette acquisition sans procéder préalablement à celle-ci à

un audit des comptes de la société A…, alors que rien n’établit que les cédants s’y soient opposés, et sans davantage procéder à un inventaire du matériel de cette dernière en dépit, comme le relève l’expert judiciaire, de « l’aspect hautement stratégique du parc locatif pour l’activité » ; que ces éléments, qui corroborent l’analyse de l’expert, selon laquelle « il y a tout lieu de penser que, dans les faits, la valeur attribuée aux titres cédés résulte plus d’une négociation globale menée entre Messieurs X… et A… que d’une valorisation objective dont les comptes sociaux auraient été l’instrument », font également apparaître que l’acquisition litigieuse obéissait, pour l’acquéreur, dans son principe comme dans ses modalités, à une logique qui n’aurait pas été modifiée par une connaissance plus approfondie de la comptabilité, de l’état et des performances du matériel ou de la compétence et de la moralité de certains membres du personnel de la société A… ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Matenec de toutes ses prétentions ;

Considérant que le jugement mérite pareillement confirmation en ce qu’il a accueilli la demande de Mme A… en paiement de la somme de 57.944,50 euros (380.091 francs), représentant le solde du prix, en l’état de la sentence arbitrale susvisée, avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 1995, et débouté Mme A… de sa demande en paiement de la somme de 42.600 euros (279.435,71 francs) au titre de son compte courant, cette créance ayant été éteinte pour une cause postérieure à la sentence arbitrale, en raison de l’absence de déclaration au passif de la procédure collective ouverte le 3 avril 1996 à l’égard de la société A… ;

Considérant que la société Matenec n’ayant fait qu’user, sans commettre d’abus, de son droit d’agir en justice, la demande en

paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par l’intimée ne peut qu’être rejetée ;

Considérant que la demande formée par cette dernière en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre de l’instance d’appel, sera partiellement accueillie ;

Par ces motifs :

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne la société Matenec à payer à Mme Aline A… la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

La condamne au paiement des dépens d’appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du même code ;

La condamne au paiement des dépens d’appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du même code ; Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, M.C. HOUDIN B. CHAGN


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