Cour d’appel de Nouméa, Chambre commerciale, 13 octobre 2008, 07/56

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Cour d’appel de Nouméa, Chambre commerciale, 13 octobre 2008, 07/56

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 13 Octobre 2008

Chambre Commerciale

Numéro RG : 07 / 56

Décision déférée à la Cour :

rendue le : 04 Juin 2007

par le : Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA

Saisine de la Cour : 19 Juin 2007

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTS

LA SOCIETE LAGOON FARMS SA représentée par M. Enrique X…, Président au Conseil d’administration

siège social Route de Foué-98860 KONE

LA SOCIETE LA PENEIDE DE OUANO représentée par son gérant, M. Enrique X…

siège social 85 avenue du Général de Gaulle-98800 NOUMEA

toutes deux représentées par la SELARL CABINET D’AVOCATS F. DESCOMBES, avocats

INTIMÉE

LA SOCIETE DES PRODUCTEURS AQUACOLES CALEDONIENS prise en la personne de son représentant légal

siège social Quai des Pêches de Nouville-98800 NOUMEA

représentée par la SELARL LOUZIER-FAUCHE-GHIANI-NANTY, avocats

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Septembre 2008, en audience publique, devant la cour composée de :

Gérard FEY, Premier Président, Président,

Jean-Louis THIOLET, Président de Chambre,

Christian MESIERE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Christian MESIERE, Conseiller, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

– contradictoire,

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

– signé par Gérard FEY, président, et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par un jugement rendu le 04 juin 2007 auquel il est renvoyé pour l’exposé de l’objet du litige, le rappel des faits et de la procédure, les prétentions et les moyens des parties, le Tribunal Mixte de Commerce de NOUMEA, statuant :

1) sur les demandes formées par la SA BLUE LAGOON FARMS et par la société LA PENEIDE DE OUANO à l’encontre de la Société des Producteurs Aquacoles Calédoniens dite SOPAC,

aux fins d’obtenir :

* à titre principal :

– la reconnaissance d’un abus de position dominante sur le marché de conditionnement de la crevette en Nouvelle-Calédonie,

– le paiement d’une somme de 178 000 000 FCFP à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, avec intérêts légaux à compter du 1er novembre 2003,

* à titre subsidiaire :

– la reconnaissance d’actes de concurrence déloyale constitutifs d’une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil,

– le paiement d’une somme de 178 000 000 FCFP à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, avec intérêts légaux à compter du 1er novembre 2003,

– d’enjoindre à la SOPAC de mettre un terme à ses comportements anticoncurrentiels, notamment de cesser de verser aux producteurs un complément de prix provenant des subventions attribuées par l’ERPA et de s’abstenir de stipuler des clauses d’exclusivité dans ses contrats d’approvisionnement et de fourniture conclus avec les aquaculteurs,

– en tout état de cause, le paiement d’une somme de 500 000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

2) sur les demandes reconventionnelles formées par la Société des Producteurs Aquacoles Calédoniens dite SOPAC à l’encontre de la SA BLUE LAGOON FARMS et de la société LA PENEIDE DE OUANO, aux fins d’obtenir :

– le paiement d’une somme de 361 590 000 FCFP à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du comportement déloyal des sociétés demanderesses,

– le paiement d’une somme de 1 000 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– le paiement d’une somme de 500 000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

a :

– débouté la société BLUE LAGOON FARMS et la société LA PENEIDE DE OUANO de l’ensemble de leurs demandes,

– débouté la Société des Producteurs Aquacoles Calédoniens dite SOPAC de ses demandes reconventionnelles,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie,

– condamné les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO, d’une part, et la SOPAC, d’autre part, chacune pour moitié, aux dépens.

PROCEDURE D’APPEL

Par une requête enregistrée au greffe de la Cour le 19 juin 2007, la SA BLUE LAGOON FARMS et la SAS LA PENEIDE DE OUANO ont déclaré relever appel de cette décision, signifiée le 12 juin 2007 à la seconde.

Dans leur mémoire d’appel et leurs conclusions postérieures, elles sollicitent l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a rejeté leurs demandes et renouvellent l’intégralité de leurs demandes initiales, outre le paiement d’une somme de 700 000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elles sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté la SOPAC de ses demandes reconventionnelles.

Elles rappellent qu’au début de 1990, le conditionnement et la commercialisation de la crevette n’étaient pas structurés en Nouvelle Calédonie et que pour pallier cette carence, les aquaculteurs ont créé une structure commune, la SOPAC, dont l’objet était de faciliter la distribution de leurs productions par l’organisation du conditionnement des crevettes.

Elles ajoutent qu’en 1998, son capital détenu à l’origine par des personnes physiques et des personnes morales de droit privé a été racheté par des  » institutionnels « .

Elles précisent qu’en 2002, le conseil d’administration a décidé d’intervenir au-delà de son objet social d’origine, en y ajoutant notamment la production des produits de la mer et de l’aquaculture.

Elles font valoir que d’une structure d’aide à ses actionnaires, la SOPAC est devenue un concurrent direct bénéficiant au surplus d’une position privilégiée lui permettant de réguler le marché.

La société BLUE LAGOON FARMS souligne que la SOPAC a facilité la prise de contrôle des sociétés AQUAMER et SEAFARM à son détriment.

Elles font valoir que liées à la SOPAC par un contrat d’approvisionnement exclusif pour le marché local et l’exportation (sauf USA), elles ont directement souffert de cette nouvelle situation.

Elles considèrent que la SOPAC, qui détenait le monopole du conditionnement des crevettes, a confisqué la valeur ajoutée produite par la filière crevettes, filière dont le groupe qu’elles forment est le plus gros opérateur.

C’est ainsi qu’elles ont été amenées à envisager de construire leur propre unité de conditionnement de crevettes.

La SOPAC a réagi immédiatement, en menaçant de résilier le contrat d’approvisionnement qui les liait et en leur proposant un nouveau contrat d’une durée incompresssible de trois ans, en lieu et place du contrat d’une durée d’un an renouvelable.

Elles ajoutent qu’après discussions, elles ont obtenu de ramener ce délai à deux ans et que les contrats d’approvisionnement exclusif qui expiraient à la date du 31 octobre 2004 n’ont pas été renouvelés.

Elles font valoir que le système de verrouillage du secteur mis en place par la SOPAC a continué à produire ses effets jusqu’au mois de mai 2005, date à laquelle elles ont concrétisé leur projet d’usine de conditionnement.

Elles reprennent et développent les arguments présentés en première instance, tant en ce qui concerne l’abus de position dominante que les actes de concurrence déloyale.

Sur le premier point, elles reprochent au premier juge, qui a caractérisé l’abus de position dominante sur trois points : imposition de contrats d’approvisionnement exclusif d’une durée anormalement longue, obligation de lui vendre le totalité de leur production, fixation du prix d’achat des crevettes, de n’avoir pas tiré toutes les conséquences de ses constatations.

Elles soutiennent que contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, les faits délictueux n’ont pas cessé le 31 octobre 2004, date de l’expiration des contrats, mais se sont poursuivis jusqu’au milieu de l’année 2005, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de la Délibération n° 14 du 06 octobre 2004 fixée au 27 janvier 2005.

A titre subsidiaire, elles font valoir que l’abus de position dominante reste, en application de la Délibération ou non, un abus de droit ayant conduit à un préjudice et ouvre donc droit à réparation sur le fondement du Code civil.

Sur le second point, elles détaillent les agissements de la SOPAC réalisés sous couvert de son monopole : perception et attribution d’aides financières, imposition de contrats d’approvisionnement exclusif, politique de prix d’achat des crevettes anormalement bas, captation de la marge commerciale et abus de l’état de dépendance économique des appelantes.

Elles font valoir que la SOPAC a capté à son seul profit la valeur ajoutée constituée par l’amélioration constante de la qualité des crevettes de Nouvelle-Calédonie, alors même que la démarche qui avait permis d’y aboutir constituait un effort partagé des aquaculteurs et de la SOPAC.

Par conclusions datées des 20 novembre 2007 et 26 mai 2008, la Société des Producteurs Aquacoles Calédoniens dite SOPAC sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO de l’ensemble de leurs demandes.

En tout état de cause, elle demande à la Cour de condamner les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO à lui payer la somme de 1 000 000 FCFP à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 500 000 FCFP au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle rappelle qu’aux termes d’un acte sous seing privé du 18 août 1994, elle a été constituée entre tous les producteurs de crevettes de Nouvelle-Calédonie, avec pour mission l’organisation, le conditionnement et la commercialisation de l’ensemble de la production de ses actionnaires, tant sur le marché local qu’à l’exportation, le contrôle de la qualité de production, de conditionnement et de commercialisation, la promotion de l’image de la crevette de Nouvelle-Calédonie, l’établissement de normes de qualité de production et de classification en vue de l’attribution d’un label commun de commercialisation, la mise en place d’un observatoire de la filière, l’amélioration de la production de ses membres en termes de qualité et de coût de production.

Elle précise qu’en 1998, toutes les fermes aquacoles ont sollicité l’intervention des pouvoirs publics et que l’entrée d’investisseurs institutionnels dans son capital s’est faite sur la base des principes suivants : un objectif de rentabilité et de compétitivité à l’export et le transfert de la fonction de régulation des prix de production à l’ERPA (Etablissement de Régulation des Prix Agricoles), par le versement de subventions directement aux fermes aquacoles et non plus à la SOPAC.

Elle fait valoir que depuis cette date elle n’a effectivement reçu aucune subvention publique.

Elle ajoute que cette modification de la répartition du capital social n’a en rien modifié son rôle, tel que défini par ses fondateurs, à savoir un acteur essentiel de l’organisation et du développement de la filière aquacole dans l’intérêt collectif de l’ensemble des acteurs de la filière, au premier rang desquels les aquaculteurs.

Elle considère qu’en cela, elle assure une véritable mission d’intérêt général et que son mode de fonctionnement s’apparente à une organisation de producteurs.

Elle précise qu’à ce jour, les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO sont toujours actionnaires de la SOPAC.

Elle fait valoir qu’elle exploite l’usine de Nouville depuis sa création en 1994 et qu’en 2002, elle a décidé d’augmenter ses capacités de traitement par la construction d’une seconde usine située à KONE dans la Province Nord.

Elle précise que l’usine de KONE a été livrée au mois de décembre 2004 et mise en exploitation au cours du premier trimestre 2005.

Elle ajoute que dans le même temps, la société LA PENEIDE DE OUANO a également décidé de construire une usine de conditionnement située à LA FOA dans la Province Sud.

Cette usine a été inaugurée le 10 décembre 2004 et a commencé son exploitation au cours du mois de février 2005.

Elle reprend et développe les arguments présentés devant le premier juge.

Elle soutient que l’article 69 de la Délibération n° 14 du 06 octobre 2004 n’est pas applicable aux faits reprochés qui sont antérieurs à son entrée en vigueur.

Elle fait valoir qu’aucun abus de position dominante ne peut lui être reproché et ajoute que l’abus de position dominante ne saurait être sanctionné sur le terrain de la concurrence déloyale et qu’elle n’a commis aucun abus de domination à l’égard des appelantes susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

Elle fait valoir qu’elle n’a commis aucun acte de concurrence déloyale et relève l’absence de toute preuve de l’existence d’un préjudice résultant des pratiques prétendument déloyales.

Elle ajoute que l’appel étant manifestement dénué de tout fondement, la Cour ne pourra que condamner les appelantes pour procédure abusive.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Sur la recevabilité des appels :

Attendu que l’appel principal et l’appel incident, formés dans les délais légaux, doivent être déclarés recevables ;

2) Sur les demandes présentées par les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO :

Attendu qu’il résulte des pièces versées et des débats qu’en 1994, les producteurs de crevettes de Nouvelle-Calédonie ont constitué la société SOPAC et lui ont confié diverses missions, dont l’organisation, le conditionnement et la commercialisation de l’ensemble de la production de ses actionnaires, tant sur le marché local qu’à l’exportation, le contrôle de la qualité, la promotion de l’image de la crevette de Nouvelle-Calédonie, l’établissement de normes de qualité de production et de classification en vue de l’attribution d’un label commun de commercialisation, la mise en place d’un observatoire de la filière, l’amélioration de la production de ses membres en termes de qualité et de coût de production ;

qu’en 1998, les actionnaires de la SOPAC, confrontés à des difficultés financières, ont demandé aux pouvoirs publics d’intervenir en favorisant l’entrée d’investisseurs institutionnels dans le capital ;

que cette refonte du capital social avait pour objectif l’amélioration de la rentabilité et de la compétitivité à l’exportation et le transfert de la fonction de régulation des prix de production à l’Etablissement de Régulation des Prix Agricoles, les subventions étant désormais directement versées aux fermes aquacoles et non plus à la SOPAC ;

qu’à la suite de cette modification de la répartition du capital social de la SOPAC, celle-ci a continué de remplir son rôle initial, à savoir l’organisation et le développement de la filière aquacole dans l’intérêt collectif de l’ensemble des acteurs de la filière crevettes et notamment des aquaculteurs ;

Attendu que les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO comptent parmi les entreprises d’aquaculture qui sont à l’origine de la création de la société SOPAC ;

que celle-ci soutient sans être contredite qu’elles figurent toujours au rang de ses actionnaires ;

A) Sur l’abus de position dominante :

Attendu que les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO font valoir que les contrats litigieux, qualifiés d’accord d’approvisionnement et de fourniture exclusive, qui les liaient à la société SOPAC, ont pris fin le 31 octobre 2004 ;

qu’en cause d’appel, elles soutiennent que leurs relations contractuelles se sont poursuivies jusqu’au début de l’année 2005 mais peinent à en faire la démonstration ;

qu’en outre, leur usine de conditionnement a été inaugurée au mois de décembre 2004 et mise en production au mois de février 2005 ;

qu’il n’est pas contestable que leur action se fonde sur les dispositions prévues par l’article 69 de la Délibération n° 14 portant réglementation économique adoptée par le Congrès le 06 octobre 2004, qui a introduit dans le droit positif local des règles concernant la concurrence, notamment les notions d’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché intérieur et d’état de dépendance économique en l’absence de solution équivalente ;

que selon l’article 104 de ce texte, les dispositions de cette délibération devaient entrer en vigueur trois mois près sa publication au Journal Officiel de la Nouvelle-Calédonie ;

que cette délibération a été publiée au JONC le 26 octobre 2004 et est entrée en vigueur le 27 janvier 2005 ;

Attendu qu’au vu de ces éléments, c’est par des motifs pertinents que la Cour entend adopter que le premier juge a exactement retenu :

que les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO font état de l’abus par la société SOPAC d’une position dominante à l’occasion des contrats d’approvisionnement qui les liaient,

que les contrats litigieux ont pris fin le 31 octobre 2004, soit antérieurement à l’application sur le territoire de la Nouvelle Calédonie des dispositions de la délibération sanctionnant les abus de position dominante,

que l’action des sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO fondée sur un texte inapplicable aux relations commerciales qu’elles ont entretenues avec la SOPAC antérieurement au 31 octobre 2004 ne saurait donc prospérer,

et les a déboutées de ce chef de demande ;

Attendu qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point aux motifs du premier juge ;

B) Sur la concurrence déloyale :

Attendu que les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO soutiennent que les pratiques commerciales de la société SOPAC sont constitutives d’un comportement anticoncurrentiel et que les fautes commises à leur égard engagent sa responsabilité ;

Attendu qu’il résulte des pièces versées et des débats qu’à la suite de la recapitalisation de la SOPAC intervenue en 1998, celle-ci n’a plus reçu de subventions des pouvoirs publics, lesdites subventions étant versées directement aux aquaculteurs par l’Etablissement de Régulation des Prix Agricoles, créé à cet effet ;

que les derniers contrats d’approvisionnement conclus le 1er novembre 2002 entre la SOPAC et les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO portent sur une durée de deux ans, alors que les contrats passés avec les autres aquaculteurs ont une durée de trois ans ;

que les conditions d’achat des crevettes, et notamment le prix, ont été négociées et acceptées par les aquaculteurs actionnaires de la SOPAC, dont les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO, regroupés au sein d’une association, le Groupement des Fermes Aquacoles de Nouvelle-Calédonie, chargée de les représenter et de défendre leurs intérêts ;

que les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO, bien que s’étant abstenues d’approuver les comptes de la SOPAC à compter de l’exercice 2002, n’ont émis aucune réserve quant à sa politique financière et ont continué à lui livrer l’intégralité de leur production ;

que les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO avaient la possibilité de refuser les prix pratiqués par la SOPAC, de se désolidariser des autres aquaculteurs, de conclure des accords avec d’autres entreprises calédoniennes présentes sur le marché du conditionnement, telle la société CALEDOGEL, de mettre un terme à leurs relations commerciales avec la SOPAC, soit de construire puis d’exploiter leur propre usine de conditionnement, ce qu’elles ont d’ailleurs fait à la fin de l’année 2004 ;

Attendu qu’au vu de ces éléments, c’est par des motifs pertinents que la Cour entend adopter que le premier juge a exactement retenu :

que les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO ne sauraient valablement reprocher à la SOPAC d’avoir bénéficié d’aides publiques faussant la concurrence,

que les contrats d’approvisionnement conclus pour deux ans, même assortis d’une clause d’exclusivité, ne sauraient être considérés comme présentant une durée excessive ou un caractère abusif,

qu’en effet, au regard des investissements réalisés, la SOPAC pouvait légitimement réclamer à ses partenaires un approvisionnement régulier et constant en crevettes,

qu’en outre, la durée de ces contrats bénéficiait aux aquaculteurs eux-mêmes qui étaient assurés de vendre la totalité de leur production de crevettes pendant toute la durée du contrat, l’exclusivité étant réciproque,

qu’enfin, les contrats litigieux ne prévoient aucune sanction financière en cas de non-renouvellement ni aucun engagement de non-concurrence après leur expiration,

que les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO ne sont pas fondées à contester et à remettre en cause postérieurement à la cessation de leurs relations commerciales les prix pratiqués par la SOPAC, prix qu’elles ont négociés, acceptés et encaissés,

qu’en outre, elles ne justifient pas de prix discriminatoires imposés par la SOPAC à leur égard et ne démontrent pas en quoi les prix d’achat convenus entre la SOPAC et les aquaculteurs auraient été anormalement bas, compte tenu des conditions du marché,

que la captation de la marge bénéficiaire, évoquée par les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO, qui n’ont jamais contesté les comptes ni la politique financière de la SOPAC, dont elles étaient actionnaires, ne saurait être retenue comme constitutive d’un acte de concurrence déloyale,

que les aquaculteurs, qui ne sont pas de simples fournisseurs de la SOPAC mais en sont avant tout les actionnaires, ne sauraient être placés en situation de dépendance économique à son égard,

et en a déduit que les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO ne rapportaient pas la preuve d’une faute commise par la SOPAC ni d’actes de concurrence déloyale dont la SOPAC se serait rendue coupable à leur détriment,

et les a déboutées de l’ensemble de leurs prétentions ;

Attendu qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point aux motifs du premier juge ;

3) Sur la demande aux fins de dommages-intérêts présentée par la SOPAC :

Attendu que l’usage d’un droit dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages-intérêts dès lors qu’il est établi que celui qui a fait usage de ce droit l’a fait de mauvaise foi, ou par une erreur telle qu’elle est assimilable à la mauvaise foi ;

que tel n’est pas le cas en l’espèce et la demande sera donc rejetée comme mal fondée ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire déposé au greffe ;

Déclare l’appel principal et l’appel incident recevables en la forme ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 04 juin 2007 par le Tribunal Mixte de Commerce de NOUMEA ;

Déboute la SA SOPAC de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires comme mal fondées ;

Vu les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, condamne la SA BLUE LAGOON FARMS et SAS LA PENEIDE DE OUANO à payer à la SA SOPAC la somme de quatre cent mille (400 000) FCFP ;

Déboute les sociétés BLUE LAGOON FARMS et LA PENEIDE DE OUANO des demandes présentées à ce titre ;

Condamne la SA BLUE LAGOON FARMS et SAS LA PENEIDE DE OUANO aux dépens de la procédure d’appel, avec distraction d’usage au profit de la selarl d’avocats LOUZIER-FAUCHE-GHIANI-NANTY sur ses offres de droit.


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