Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE NOUMÉA 132
Arrêt du 19 Juin 2014
Chambre Civile
Numéro R. G. : 14/ 4
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 11 Décembre 2013 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no : 13/ 439)
Saisine de la cour : 06 Janvier 2014
APPELANT
M. Fabrice X… né le 29 Novembre 1972 à VIENNE (38200)
demeurant …-98800 NOUMEA
Représenté par Me Marina LEVIS-ETOURNAUD de la SELARL LEVIS-LETOURNAUD, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉE
LA SOCIETE BP1, prise en la personne de son représentant légal en exercice
Dont le siège social est situé 28 rue Eugène Porcheron-Immeuble Roger Berard-98800 NOUMEA Représentée par Me Frédéric DE GRESLAN de la SELARL de GRESLAN, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 Mai 2014, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Pierre GAUSSEN, Président de Chambre, président,
M. Christian MESIERE, Conseiller,
M. François BILLON, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François BILLON.
Greffier lors des débats : M. Stéphan GENTILIN
ARRÊT :
– contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par M. Pierre GAUSSEN, président, et par M. Stéphan GENTILIN greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Par acte d’huissier en date du 10 Septembre 2013, la société civile immobilière (SCI) société BP1 a fait assigner M. Fabrice X… devant le juge des référés à l’effet d’obtenir le versement d’une provision de 1 507 656 F CFP outre la somme de 180 000 F CFP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. A l’appui de sa demande, la SCI la société BP1 exposait que le défendeur avait quitté, le 5 janvier 2012, le logement loué à l’état neuf à la société requérante, le 5 octobre 2010, moyennant un loyer mensuel de 155 000 F CFP, charges comprises, et que M. X… avait laissé l’appartement dans un état de délabrement total, ainsi qu’une dette locative.
Par conclusions déposées à l’audience tenue le 9 octobre 2013, M. Fabrice X… a soulevé l’existence de contestations sérieuses, faisant valoir que le logement était insalubre et impropre à sa destination en raison d’infiltrations, et a sollicité le débouté des prétentions adverses, outre la somme de 168 000 F CFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées à l’audience du 6 novembre 2013, la société civile immobilière BP1 répliquait que M. X… s’était maintenu dans les lieux pendant une année, malgré le caractère soit disant insalubre du logement et qu’il n’avait aucunement consigné les loyers dont les impayés remontaient à mai 2011. Par conclusions déposées à l’audience tenue le 4 décembre 2013, M. X… soulignait que le juge devait rechercher si l’obligation n’était pas sérieusement contestable avant d’accorder une provision et, qu’en l’espèce, l’état du logement était une contestation sérieuse. Il ajoutait que le dépôt de garantie qu’il avait versé n’avait pas été retiré du décompte des sommes dues.
Par ordonnance de référé du 11 décembre 2013, le tribunal de première instance de Nouméa a statué ainsi qu’il suit :
Au principal, renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront ;
Dès à présent, par provision, tous droits et moyens des parties restant expressément réservés quant au fond,
CONDAMNE Fabrice X…, à payer à la la SCI la société BP1 la somme de un million quatre vingt six mille neuf cent quatre vingt treize (1 086 993) F CFP ; CONDAMNE Fabrice X…, à payer à la la SCI la société BP1 la somme de cinquante mille (50 000) F CFP en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE Fabrice X… aux entiers dépens de l’instance.
PROCÉDURE D’APPEL
Par requête enregistrée au greffe le 6 janvier 2014, M. X… a interjeté appel.
Dans son mémoire ampliatif d’appel déposé le 6 février 2014, il fait valoir, pour l’essentiel :
– que le caractère insalubre du logement qui lui a été loué, qui était de nature à le rendre impropre à sa destination, constitue une contestation sérieuse qui ne permettait pas au premier juge d’accorder une provision ;
– qu’ainsi de nombreuses infiltrations s’étaient déclarées dans tout l’appartement, le rendant rapidement totalement impropre à sa destination et interdisant, dès le 14 janvier 2011, l’usage de l’ascenseur ; que ces événements l’avaient conduit, cinq mois après ses réclamations de remise en état, à cesser le paiement des loyers faute pour l’agence Sunset immobilier, mandataire de la SCI BP1, d’avoir mis en ¿ uvre les réparations indispensables à l’occupation paisible des lieux ;
– que le fait que le bailleur attribue cet état de délabrement à M. X… ne saurait faire illusion, d’autant plus que la SCI BP1 produit le rapport intermédiaire de l’expert établi le 1er juin 2012 qui détaille les différents désordres ; que la SCI BP1 parfaitement informée de ces désordres a en effet introduit une instance dès 2012 devant le tribunal mixte de commerce de Nouméa notamment à l’encontre de la Société Te Fenua et a ainsi sollicité, non seulement une expertise judiciaire auprès du juge en charge de la mise en état relative à ces malfaçons, mais également une indemnisation au titre des préjudices qu’elle subissait du fait de la non-location des appartements de M. X… et de M. Y…, en raison de la nécessité de procéder à des travaux de remise en état des peintures et à la réparation de l’ascenseur du bâtiment A ;
– que le juge doit ainsi admettre l’exception d’inexécution, lorsque le locataire se trouve dans l’impossibilité d’utiliser les lieux loués du fait des manquements du bailleur à son obligation d’entretien ou lorsqu’il qualifie les lieux d’inhabitables ; qu’ainsi, c’est à bon droit, que M. X… a suspendu, dès le mois de mai 2011, tout paiement de son loyer faute pour le propriétaire, dûment averti, d’avoir mis en ¿ uvre toutes les mesures nécessaires à rendre leur logement conforme à sa destination de nature à lui assurer une occupation paisible ;
– qu’au regard des contestations sérieuses existantes et admises par l’intimée, tant sur le principe de la créance que sur son quantum, il n’appartient qu’au seul juge du fond d’avoir à se prononcer sur la réalité de la créance alléguée à tort par la SCI BP1, cette dernière n’ayant au surplus pas restitué la caution versée d’un montant de 232 500 F CFP.
En conséquence, M. X… demande à la cour de statuer ainsi qu’il suit :
ENJOINDRE, si besoin en était, à la SCI BP1 d’avoir à produire les pièces 17 et 18 produite dans le cadre de l’instance devant le tribunal mixte de commerce de Nouméa et plus particulièrement :
– les devis acceptés de l’entreprise Ciel Peinture des appartements concernés A41 et A42, en date du 23 février 2012,
– la facture de la SOCOMETRA no F386550 en date du 9 novembre 2011, concernant la remise en état de l’ascenseur du bâtiment A,
– le tableau récapitulatif détaillé par appartement des sommes réclamées à la Société Te Fenua au titre de son préjudice pour perte de loyers, CONSTATER l’existence d’une contestation sérieuse,
DIRE n’y avoir lieu à référé,
En conséquence, INFIRMER en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 11 décembre 2013 par le président du tribunal de première instance de Nouméa,
CONDAMNER la SCI BP1 à payer à M. Fabrice X… la somme de 250 000 F CFP sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle Calédonie, CONDAMNER la SCI BPl aux entiers dépens d’instance et d’appel dont distraction au profit de la SELARL LEVIS-ETOURNAUD, avocats aux offres de droit,
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Par conclusions déposées le 10 avril 2014, la SCI BP1 fait valoir, pour l’essentiel :
– que le caractère prétendument inhabitable de l’appartement neuf que M. X… occupait depuis octobre 2010 n’est pas sérieux ; qu’ainsi M. X…, qui invoque des désagréments intervenus dès le mois de décembre 2010 et des infiltrations consécutives à la dépression tropicale de janvier 2011, s’est malgré tout maintenu dans les lieux jusqu’en janvier 2012, soit pendant douze mois, ce qui est de nature à contredire l’inhabitabilité dont il se prévaut pour justifier le non paiement de ses loyers depuis mai 2011 ;- que l’état d’insalubrité de l’appartement invoqué par M. X… n’est aucunement démontré par un expert contrairement à ses allégations portées à la connaissance du bailleur par son courrier du 11 mai 2011 dans lequel il signifie qu’il cesse tout paiement de loyer ;- que le rapport intermédiaire d’expertise de M. Z…, en date du 1er juin 2012, établi dans le cadre du litige pendant devant le tribunal mixte de commerce, ne mentionne pour l’appartement A42 occupé par M. X… que » des infiltrations en murs, des lumières d’évacuations menuiserie bouchées et un défaut de pose ou de réglage de la menuiserie aluminium « , mais ne précise aucunement que l’appartement serait inhabitable ;
– qu’il sera donné acte à M. X… que s’il conteste en référé le principe de la créance, il ne conteste pas le décompte des sommes réclamées par le bailleur et qu’il doit être, en conséquence, condamné à verser la somme provisionnelle de 1 507 656 F CFP ;
– que l’exception d’inexécution soulevée par M. X… ne saurait prospérer en référé ;
– que la bonne foi de M. X… est toute relative, celui-ci n’ayant pas fait connaître son adresse après avoir quitté les lieux puis ayant indiqué à l’huissier instrumentaire, le 10 septembre 2013, intervenant dans le cadre de l’audience de référé, qu’il était hébergé en brousse chez des amis alors que l’adresse qui figure sur les conclusions de son conseil déposées le 9 octobre 2013 font apparaître une adresse dans Nouméa.
En conséquence, la SCI BP1 demande à la cour de statuer ainsi qu’il suit :
Vu les dispositions de l’article 809 alinéa 2 du Code de Procédure Civile de Nouvelle Calédonie et les pièces du dossier,
CONFIRMER en toutes ses dispositions la décision entreprise ;
CONDAMNER M. Fabrice X… à payer à la SCI BP1 en deniers ou quittance la somme provisionnelle de 1 507 656 F CFP au titre des arriérés loyer et charges dues au 24 août 2012 ;
DÉBOUTER M. X… de toutes ses demandes fins et conclusions ;
CONDAMNER M. Fabrice X… au paiement d’une indemnité en cause d’appel de 180 000 F CFP, en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle Calédonie, outre les entiers dépens.
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L’ordonnance de protocole procédural et de fixation de la date de l’audience a été rendue le 20 février 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu’aux termes de dispositions de l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, le juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ;
Attendu que l’état des lieux de sortie de l’appartement A42 établi le 5 janvier 2012 par l’agence immobilière Sunset immobilier confirme l’état de délabrement du logement soutenu par M. X… en mentionnant de manière explicite, en fin de document :
» Appartement sinistré suite aux nombreuses infiltrations de nombreux murs sont touchés avec les plinthes et plafond » ;
Attendu que l’expert, M. Z…, dans son rapport intermédiaire d’expertise de en date du 1er juin 2012, établi dans le cadre du litige pendant devant le tribunal mixte de commerce, détaille les différents désordres de l’appartement A42 précédemment occupé par M. X… et confirme ces infiltrations ;
Attendu qu’ainsi la SCI BP1 n’est pas fondée à soutenir, fût-ce de manière implicite, que l’état de délabrement de l’appartement résulterait du manquement du locataire, alors que les infiltrations sont clairement identifiées comme étant à l’origine des désordres ;
Attendu en conséquence que M. X… est fondé à relever l’existence d’une contestation sérieuse tenant au caractère insalubre du logement loué de nature à le rendre impropre à sa destination ; que le fait que M. X… se soit maintenu dans les lieux, plusieurs mois après avoir signalé les désordres du logement, n’est pas de nature à contredire le caractère non habitable des lieux ;
Attendu en conséquence, qu’en application des dispositions de l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, M. X… est fondé à demander l’infirmation de l’ordonnance ;
Attendu que les autres demandes de M. X… tendant à enjoindre à la SCI BP1 d’avoir à produire des pièces produites dans le cadre de l’instance devant le tribunal mixte de commerce de Nouméa, qui ne sont pas utiles au règlement du présent litige, doivent être rejetées ;
Attendu qu’il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles ont dû exposer ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire déposé au greffe ;
Vu l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie,
Infirme l’ordonnance de référé rendue le 11 décembre 2013 par le président du tribunal de première instance de Nouméa en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Constate que la demande de provision formée par la SCI BP1 excède la compétence du juge des référés et l’en déboute ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
Condamne la SCI BPl aux entiers dépens d’instance et d’appel dont distraction au profit de la SELARL Levis-Etournaud, avocats aux offres de droit
Le greffier, Le président.