Cour d’appel de Montpellier, SOC, du 10 octobre 2001, 01/00287

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Cour d’appel de Montpellier, SOC, du 10 octobre 2001, 01/00287

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ARRET N° R.G : 01/00287 C.p.h. montpellier 12 décembre 2000 Commerce S.A. TIR JOULIE ET FILS VENANT AUX DROITS DE LA SA JOU LOGISTIQUES C/ X… JPM/AP COUR D’APPEL DE MONTPELLIER CHAMBRE SOCIALE ARRET DU 10 OCTOBRE 2001 APPELANTE : SA TIR JOULIE ET FILS venant aux droits de SA JOULIE LOGISTIQUES Rue des barrys BP 4 34660 COURNONSEC Représentant : Me Christian DUMONT (avocat au barreau de MONTPELLIER) INTIME : Monsieur Pierre X… 3, rue de la Mairie 34680 SAINT GEORGES D’ ORQUES Représentant : la SCP FABRE FRAISSE SALLELLES GERIGNY (avocats au barreau de MONTPELLIER) COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

M.. Jean-Pierre MASIA, Conseiller, a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés. Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : M. Louis GERBET, Président, M Jean-Pierre MASIA, Conseiller Mme Christine DEZANDRE, Conseiller GREFFIER : Mme Béatrice Y…, Agent Administratif faisant fonction, DEBATS : A l’audience publique du 05 Septembre 2001, où l’affaire a été mise en délibéré a l’audience du 10 Octobre 2001 ARRET : Contradictoire, prononcé et signé par M Louis GERBET, Président, à l’audience publique du 10 Octobre 2001, date indiquée à l’issue des débats avec Madame COULON greffier. * * *

FAITS PROCEDURE.

Monsieur X… a été embauché en qualité de manutentionnaire à compter du 26 février 1985 par la SARL MANUTENTION JOULIE à laquelle a succédé la SARL SERVICES RAPIDES JOULIE qui, d’un commun accord

avec le salarié , l’a nommé à compter du 15 décembre 1993, ouvrier d’entretien afin d’effectuer  » différentes tâches de nettoyage , manutention , peinture, maçonnerie et coursier » . Son salaire brut mensuel a alors été fixé à la somme de 7.200,00 francs .

A compter du 1er janvier 1996, Monsieur X… a reçu des bulletins de salaires de la SA JOULIE LOGISTIQUES mentionnant comme ancienneté la date du 26 février 1985 et comme qualification  » peintre ».

Le 26 janvier 1998, la SA JOULIE LOGISTIQUES a convoqué Monsieur X… à un entretien préalable en vue de son licenciement lequel lui a été notifié par lettre du 12 février 1998 ainsi rédigée :

<>. Compte tenu de l’activité, ce dernier n’est plus justifiée : ( il n’y a plus de travail en peinture bâtiment).

Nous avons essayé de vous reclasser au sein d’autres sociétés dans lesquelles nous sommes actionnaires comme cela avait déjà été fait, malheureusement ce n’est pas possible. Nous sommes donc en négociation avec l’entreprise que nous vous avons citée le 04.02.1998 et pour laquelle vous aimeriez travailler. Toutefois , nous n’avons aucune promesse à ce jour et, vous engageons à regarder de votre côté toutes les possibilités.

Conformément à l’article L 122.14.1 du Code du Travail, la présentation de cette lettre recommandée fixe le point de départ de votre préavis d’une durée de deux mois soit du 16.02.1998 au 15.04.1998 .

A l’issue de celui-ci , nous vous remettrons les sommes et documents que nous ne pouvons rester vous devoir.

Conformément à l’article L 122.14.2 du Code du Travail, nous vous informons que vous pouvez bénéficier d’une priorité de réembauchage dans notre entreprise , pour tout poste disponible et correspondant à votre qualification actuelle durant un an à compter de la date de cessation de nos relations contractuelles, à condition de nous informer dans les quatre mois , suivant cette même date.

Vous pouvez également bénéficier de la même priorité pour des postes disponibles correspondant à une nouvelle qualification que vous êtes susceptible d’acquérir, à condition de nous en informer préalablement.

Nous vous rappelons que votre délai de réflexion concernant l’adhésion à la convention de conversion se terminera le 24.02.1998 soit dans les 12 jours>>.

Contestant son licenciement et réclamant des indemnités de rupture ainsi que des compléments de salaire, Monsieur X… a saisi le Conseil de Prud’hommes de Montpellier lequel par jugement de départage du 12 décembre 2000 a :

[* dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

*] condamné l’employeur à lui payer les sommes de:

– 96.000,00 francs à titre de dommages-intérêts

-5.000,00 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

[* débouté Monsieur X… de ses autres demandes

*] condamné l’employeur à rembourser aux organismes concernés, les indemnités de chômage versées au salarié.

La SA JOULIE LOGISTIQUES a interjeté appel.

MOYENS PRETENTIONS DES PARTIES.

La SA TIR JOULIE ET FILS venant aux droits de la SA JOULIE LOGISTIQUES demande à la Cour de :

-infirmer le jugement sur le licenciement

-le confirmer en ce qu’il a débouté le salarié de ses autres demandes -constater la violation du principe du contradictoire

-dire le licenciement économique fondé

-débouter le salarié de ses demandes

-ordonner la restitution des sommes mises sous séquestre

-condamner le salarié à lui payer la somme de 10.000,00 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle soutient tout d’abord que certaines des attestations produites en première instance ne lui avaient pas été communiqués ; qu’ensuite , le licenciement économique est bien fondé et qu’en raison de l’absence de polyvalence de Monsieur X… , affecté sur un poste de peintre, il n’a pu lui être proposé le moindre reclassement interne ou un autre poste , celui de Monsieur X… ayant été supprimé en raison de la cessation de l’activité par suite de la perte du seul fournisseur; qu’elle a néanmoins tenté de le reclasser en externe mais en vain comme l’atteste le témoin NICOLLIN.

Enfin, s’agissant du surplus des demandes du salarié , elle prétend que ce dernier n’a jamais justifié de ses prétentions.

Monsieur X… demande à la Cour de :

-confirmer le jugement sur la cause du licenciement et le montant des dommages-intérêts

-condamner , en outre, l’employeur à lui payer les sommes de :

-*26.400 ,00 francs au titre des tickets restaurant

* 24.003,00 francs à titre de complément de salaire

* 3.000,00 francs pour les congés payés s’y rapportant

-condamner l’employeur à lui remettre sous astreinte de 500 francs par jour de retard les bulletins de salaires conformes

-condamner l’employeur à lui payer la somme de 10.000,00 francs au

titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Contestant la réalité du motif économique de son licenciement Monsieur X… fait également valoir que l’employeur qui appartient à un groupe n’a pas tenté sérieusement de le reclasser alors que contrairement à ce à ce que soutient son employeur, il n’exécutait pas uniquement des tâches de peinture mais bien d’autres , ayant été embauché comme ouvrier d’entretien polyvalent .L’intimé maintient en cause d’appel ses demandes relatives aux tickets restaurant et au complément de salaires.

MOTIFS DE LA DECISION.

Sur la communication des pièces.

Par l’effet dévolutif de l’appel et l’ensemble des pièces produites en cause d’appel par Monsieur X… ayant été finalement régulièrement communiquées à la Société TIR JOULIE ET FILS avant l’audience de cette Cour, il y a lieu de constater que le principe du contradictoire a été respecté et qu’il n’ y a pas lieu d’écarter les pièces de l’intimé.

Sur le licenciement.

En cas de licenciement pour motif économique , l’employeur est tenu préalablement à ce licenciement à une obligation de reclassement du salarié lequel reclassement doit se faire non seulement dans l’entreprise qui emploie le salarié mais aussi dans toutes les sociétés du groupe auquel elle appartient. L’obligation de reclassement porte sur un poste de même nature et à défaut sur un emploi de catégorie inférieure, fut-ce par modification du contrat de travail.

En l’espèce, il y a lieu de relever que nonobstant la succession d’employeurs entre 1985 et le licenciement de Monsieur X… c’est le même contrat de travail qui s’est poursuivi , les dispositions contractuelles constatées dans l’avenant du 10 décembre 1993 et

prenant effet le 15 décembre 1993 sont par conséquent demeurées valables jusqu’au licenciement , en ce qu’elles ont expressément visé la qualification  » d’ouvrier d’entretien  » ( coefficient 128 M) pour l’exécution de  » différentes tâches de nettoyage , manutention, peinture , maçonnerie et coursier  » sans que l’employeur venant aux droits et obligations de celui qui était partie à cet avenant puisse se prévaloir de la décision unilatérale ultérieure de cantonner Monsieur X… aux seules fonctions de peintre comme le mentionnent les bulletins de salaires, Monsieur X… n’ayant jamais expressément accepté la réduction de ses fonctions contractuelles au seul poste de peintre.

Il s’ensuit que l’obligation de reclassement ne pouvait se limiter aux seules fonctions de peintre comme tente de le soutenir l’employeur mais sur tout autre poste de nettoyage, manutention , maçonnerie et coursier , voire sur tout autre poste de qualification inférieure, y compris après modification du contrat de travail.

Or, et alors qu’elle appartient à un groupe, la société appelante ne produit aucun justificatif de ce qu’elle aurait tenté de reclasser Monsieur X… sur l’un quelconque des postes susvisés, que ce soit en interne ou dans l’une des sociétés du groupe sur lesquelles l’intimée persiste à rester taisante se contentant de produire un relevé informatique de septembre 1999 contenant la liste des personnels de la SARL SERVICES RAPIDE JOULIE ce qui est insuffisant à démontrer l’absence de disponibilité de poste.

La société intimée ne peut se prévaloir davantage de la moindre tentative de reclassement externe alors qu’il lui appartenait d’abord de rechercher le reclassement dans l’entreprise ou le groupe. Au surplus, hormis la seule attestation NICOLLIN laquelle n’énonce même pas la qualification du poste concerné pour le reclassement proposé de Monsieur X… , il n’est produit aucune pièce démontrant des

recherches de reclassement auprès de sociétés extérieures , la seule attestation de Monsieur Guy Z…, concerné directement par le présent litige , étant dénué de toute valeur probante sauf à autoriser chacun à se délivrer des preuves à lui -même.

Dans ces conditions, par les motifs qui précèdent et ceux non contraires des premiers juges , il y a lieu de dire que l’employeur ayant manqué à son obligation de reclassement , le licenciement du salarié est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les moyens fondés sur la cause économique elle même et son incidence sur l’emploi du salarié . Les circonstances de la rupture, l’ancienneté et l’âge du salarié et les éléments relatifs à sa situation après le licenciement justifient le montant des dommages-intérêts alloués par les premiers juges.

Sur le rappel de salaires.

Le rappel ne peut porter que sur la période non prescrite postérieure au 3 mai 1994.

Si le contrat initial de 1985 vise un salaire minimum égal au SMIC et si l’avenant du 10 décembre 1993 mentionne un salaire brut mensuel de 7.200,00 francs pour 169 heures , les bulletins de salaires produits aux débats démontrent en réalité que Monsieur X… a perçu un salaire brut de base de 7.200,00 francs du 1er mai 1994 jusqu’au mois d’août 1995 soit un droit acquis à percevoir cette somme .

A partir du mois de septembre 1995, l’employeur a réduit unilatéralement la salaire brut de base à 7.058,53 francs jusqu’au jour de licenciement . Ainsi le rappel de salaire est de (7200 F – 7058,83 F) X 31 mois 1/2 = 4.446,85 francs outre les congés payés s’y rapportant. Il convient dès lors de réformer le jugement sur ce chef de demande et de condamner l’employeur à payer cette somme.

Sur les tickets restaurant .

Le principe de la créance alléguée à ce titre n’est nullement

justifié en sorte que le jugement sera confirmé de ce chef sans qu’il ne soit besoin d’ordonner la mesure d’expertise réclamée aux premiers juges laquelle ne peut avoir pour objet de se substituer aux parties dans la charge de la preuve.

Sur les bulletins de salaires.

Il sera fait droit à cette demande comme dit au dispositif.

Sur l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L’équité commande d’allouer au salarié une indemnité de 5.000,00 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS.

LA COUR.

Reçoit la SA TIR JOULIE et FILS en son appel et intervention aux lieu et place de la SA JOULIE LOGISTIQUES,

Au fond le dit mal fondé,

Reçoit Monsieur X… en son appel incident,

Au fond,

Le dit partiellement fondé,

Réforme le jugement sur le rappel de salaires et les congés payés,

Statuant à nouveau,

Condamne la SA TIR JOULIE et FILS à payer à Monsieur X… les sommes de :

* 4.446,85 francs (soit 677,92 Euros) en brut au titre du rappel de salaires,

* 444,68 francs (soit 67,79 Euros) au titre des congés payés s’y rapportant,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la SA TIR JOULIE et FILS à remettre à Monsieur X… dans le mois de la notification de l’arrêt les bulletins de salaires rectifiés conformément au présent arrêt et passé ce délai sous astreinte de 100 francs (soit 15,24 Euros) par jour de retard,

Condamne ladite SA à lui payer la somme de 5.000,00 francs ( soit 762,25 Euros) au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu’aux dépens.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


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