Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE DOUBLE
RAPPORTEUR R.G : 05/04366 X… C/ SA SERCA APPEL D’UNE DECISION DU : Conseil de Prud’hommes de SAINT ETIENNE du 19 Mai 2005 RG : F 04/00035 COUR D’APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 14 AVRIL 2006 APPELANT : Monsieur Christian X… 2 Lotissement Le Clos de la Fontaine Chemin de la Batie 43600 STE SIGOLENE assisté de M. Jean-Louis Y…, délégué syndical ouvrier INTIMEE :
SA SERCA 24 rue de la Montat 42008 SAINT ETIENNE CEDEX 2 représentée par Me J.Pierre COCHET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE PARTIES CONVOQUEES LE : 26 septembre 2005 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Mars 2006 Madame Christine DEVALETTE, magistrat chargée d’instruire l’affaire assistée pendant les débats de Madame Malika Z…, Greffier a entendu les plaidoiries en présence de Monsieur Georges CATHELIN, Conseiller, les parties ou leur conseil ne s’y étant pas opposés. Elle en a fait part à la Cour dans son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Président Madame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Georges CATHELIN, Conseiller ARRET :
CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 14 Avril 2006 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Président, et par Madame Malika Z…, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE : Monsieur X… a été engagé le 10 Février 2003 par la société SERCA comme technicien dépanneur débutant dans le cadre d’un 1er contrat à durée déterminée suivi de plusieurs autres. La relation de travail a pris fin le 20 Janvier 2004 . Entre temps , le 9 Septembre 2003, Monsieur X… a saisi le Conseil des Prud’hommes de SAINT-ETIENNE en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Cette instance a fait l’objet d’un retrait du rôle sur demande de Monsieur X… en pourparlers avec son employeur pour un engagement en contrat à durée indéterminée . Le 21 Janvier 2004, Monsieur X… a saisi le Conseil des Prud’hommes de SAINT-ETIENNE aux fins de voir requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée depuis le 29 Mai 2003 et d’obtenir des dommages-intérêts pour rupture abusive outre sa réintégration dans l’entreprise et cette affaire a été directement enrôlée devant le bureau de jugement sous un nouveau numéro de rôle. Par jugement du 18 Mai 2004 , le Conseil des Prud’hommes a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société SERCA sur le fondement du principe d’unicité d’instance et a renvoyé l’affaire au fond . Par jugement du 19 Mai 2005, le Conseil des Prud’hommes a débouté Monsieur X… de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée et de ses demandes subséquentes . Par pli recommandé du 20 Juin 2005, Monsieur X… a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 24 Mai 2005. Monsieur X… demande la confirmation du rejet de la fin
de non recevoir tirée du principe d’unicité d’instance , les premiers juges ayant exactement considéré, par un jugement devenu définitif, qu’il ne s’était pas désisté de sa première demande et que la décision de retrait du rôle n’avait pas mis fin à l’instance . Sur le fond , Monsieur X… demande l’infirmation du jugement qui a considéré que les 46 contrats à durée déterminée étaient réguliers alors qu’il a toujours été affecté au même poste de technicien blanc (électroménager) en atelier au Centre Technique Régional de Saint-Etienne et que certains de ces contrats successifs, tantôt pour motif de remplacement ,tantôt pour accroissement temporaire d’activité, se chevauchent ou ne respectent pas le délai de carence ou les conditions de renouvellement ou le délai de transmission des contratsaprès le début de leur exécution . Monsieur X… demande la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée depuis le début de la collaboration en Septembre 2001 et la condamnation de la société SERCA à lui verser les sommes suivantes : -1168,17ç d’indemnité compensatrice de préavis , – 116,81ç de congés payés afférents , – 1168,17ç d’indemnité de requalification , – 1168,17ç d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement , – 7005ç de dommages-intérêts pour licenciement abusif , – 1500ç au titre de l’article 700 du NouveauCode de Procédure Civile ; Monsieur X… demande en outre la condamnation de la société SERCA à lui rembourser la somme de 189,86ç à titre d’ excédent de précompte pour les cotisations de retraite complémentaire, effectué en vertu d’une répartition prévue par un accord d’entreprise plus défavorable que la Convention Collective du Commerce et Service de l’audiovisuel et équipements ménagers dont dépend la société SERCA.. La société SERCA demande à titre principal l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré la nouvelle action engagée par Monsieur X… le 21 Janvier 2004 recevable en
violation du principe d’unicité d’instance , les deux instances engagées successivement après que Monsieur X… se soit désisté de la première, comme indiqué dans ses écritures , dérivant du même contrat entre les mêmes parties . A titre subsidiaire , sur le fond , la société SERCA fait valoir que les contrats à durée déterminée étaient parfaitement motivés et transmis dans le délai de 2 jours même s’ils n’ont pas été signés par le salarié dans ce délai , et qu’il lui était loisible d’affecter le salarié à un poste différent de celui occupé par le salarié absent , selon la méthode du glissement de poste ou du remplacement en cascade , ou de procéder à ce remplacement par la conclusion de contrats à durée déterminée successifs . La société SERCA demande donc le rejet de toutes les prétentions subséquentes de Monsieur X… au titre d’une requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et le rejet de sa demande au titre de la répartition des cotisations retraite complémentaire qui a été effectuée sur la base d’un accord d’entreprise reconnu par les partenaires sociaux , dans son ensemble, plus favorable que la Convention Collective. Nationale . La société SERCA demande la condamnation de Monsieur X… à lui verser la somme de 1000ç sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile . MOTIFS DE LA DECISION : Sur la recevabilité : L’instance engagée par Monsieur X… en requalification des contrats à durée déterminée est recevable , le retrait du rôle, mesure administrative opérée à la suite de la demande de celui-ci d »arrêter la procédure » , n’ayant pas mis fin à l’instance , même réinscrite, indépendamment de sa volonté, sous un nouveau numéro de rôle. Le jugement, qui a rejeté la fin de non recevoir tirée du principe d’unicité d’instance, doit être confirmé . Sur le fond : Aux termes de l’article L122-1 du Code du Travail , le contrat à durée déterminée , quel que soit son motif , ne peut avoir
ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise . Tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L122-1 et suivants est réputé à durée indéterminée et le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire sans préjudice des demandes d’indemnités consécutives à la rupture du contrat . Même si dans le cadre de contrats successifs conclus pour le remplacement d’un salarié absent ou pour accroissement temporaire , l’employeur n’a pas l’obligation d’affecter le salarié au poste même occupé par le salarié absent ou à des tâches directement liées à ce surcroît d’activité, il lui appartient de justifier de la réalité du cas légal de recours mentionné dans les contrats dont la succession ne doit pas être destinée à répondre à un besoin structurel de main d’oeuvre . En l’espèce , il ressort de l’examen des 22 contrats à durée déterminée conclus entre ler Février 2003 et le 20 Janvier 2004, seule période pour laquelle Monsieur X… demandait initialement la requalification , que ces contrats, tous signés sur les exemplaires produits par l’employeur , ont principalement pour motif le remplacement de personnes dénommées pour congés annuels ou de paternité ou d’accident de travail ou maladie, sans que la réalité de ces motifs soit contestée par Monsieur X… et peu important que celui-ci n’ait pas été affecté aux postes occupés respectivement par les personnes absentes .Toutefois, certains de ces contrats successifs à très brève durée se chevauchent dans le temps de sorte que Monsieur X… aurait été amené à remplacer deux personnes à la fois, sans qu’il soit justifié que ces personnes travaillaient à temps partiel et qu’il ne s’agissait pas , en fait , de pourvoir à un besoin structurel de main d’oeuvre . Les deux premiers contrats ont en outre été conclus pour un accroissement temporaire d’activité par suite de la réorganisation de l’atelier
blanc sans que l’employeur justifie en quoi une telle réorganisation était effective et aurait été de nature à entraîner un accroissement d’activité . La demande de requalification de Monsieur X… au moins sur cette période et , non comme il le demande à l’audience devant la Cour , depuis le 30 Avril 2001, alors qu’il n’a pas travaillé pour la société SERCA de Septembre 2001 à Février 2002 et du 7 Septembre 2002 au 10 Février 2003 , doit être prononcée et le jugement infirmé sur ce point comme sur le rejet des demandes subséquentes . La société SERCA doit être condamnée à verser à Monsieur X… la somme de 1168,17ç à titre d’indemnité de requalification, sans préjudice de l’indemnité de précarité qui lui reste acquise . La rupture par la société SERCA du contrat à durée indéterminée sans respect de la procédure de licenciement et du seul fait de la survenance du terme du dernier contrat requalifié justifie sa condamnation à verser à Monsieur X… les sommes suivantes : – 1168,17 ç d’indemnité compensatrice de préavis , – 116,81ç de congés payés afférents , – 1168,17ç pour non respect de la procédure de licenciement . Au vu des justificatifs de préjudice produits par Monsieur X… , la société SERCA doit, en réparation de ce préjudice et sur le fondement de l’article L122-14-5 du Code du Travail , être condamnée à lui verser la somme de 2500ç. Sur la demande nouvelle au titre de la retraite complémentaire : En application de l’article L132-1 du Code du Travail , au cas où deux conventions ou accords collectifs sont applicables , il convient de n’appliquer que le plus avantageux d’entre eux ; le caractère le plus avantageux doit être apprécié globalement pour l’ensemble du personnel mais avantage par avantage de même objet et de même cause . En l’espèce ,aux termes de l’article 39 de la Convention Collective du Commerce et services de l’Audiovisuel signé le 26 Novembre 1992 et étendue au 9 Mars 1993,le taux minimum de cotisation pour la retraite
complémentaire se répartit à raison de 60% à la charge de l’employeur et de 40 % à la charge du salarié , soit un précompte de 3% du salaire brut pour le salarié et des cotisations de 4,5% du salaire brut à la charge de l’employeur . En appliquant l’accord d’entreprise du 7 Mai 1998 prévoyant une répartition de 51,43% à la charge de l’employeur et de 48,57% à la charge du salarié , la société SERCA a , sur ce chapitre de la retraite complémentaire appliqué une disposition moins favorable à l’ensemble des salariés et notamment à Monsieur X… que les dispositions de la Convention Collective sur ce même avantage , peu important que l’accord d’entreprise ait été qualifié de « globalement plus avantageux « par les partenaires sociaux . La société SERCA doit donc rembourser à celui-ci un excédent de précompte , non contesté dans son mode de calcul , de 189,86ç Sur l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile : La société SERCA doit être déboutée de sa demande et condamnée à verser à Monsieur X… la somme de 1000ç sur le fondement de l’article 700 du NouveauCode de Procédure Civile . PAR CES MOTIFS : LA COUR, – Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a déclaré la demande de Monsieur Christian X… recevable ; Et statuant à nouveau sur le fond , – Requalifie les contrats à durée déterminée du 1er Février 2003 au 20 Janvier 2004 en contrat à durée indéterminée ; – Condamne en conséquence la société SERCA à verser à Monsieur Christian X… les sommes suivantes : – 1168,17ç d’indemnité de requalification , – 1168,17ç d’indemnité compensatrice de préavis , – 116,87ç de congés payés afférents , – 1168,17ç de dommages-intérêts pour non respect de la procédure , – 2500ç de dommages-intérêts pour licenciement abusif ; – 1168,17ç de dommages-intérêts pour non respect de la procédure , – 2500ç de dommages-intérêts pour licenciement abusif ; – Déboute Monsieur Christian X… du surplus de sa demande ; Y ajoutant, – Condamne la société SERCA à verser à Monsieur Christian X… la
somme de 189,86ç( cent quatre vingt neuf euros et quatre vingt six centimes) à titre de remboursement d’un trop-versé sur la cotisation de retraite complémentaire ; – Condamne la société SERCA à verser à Monsieur Christian X… la somme de 1000 ç ( mille euros)sur le fondement de l’article 700 du NouveauCode de Procédure Civile ; – Condamne la société SERCA aux dépens de 1ère instance et d’appel .
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M.CHINOUNE
E.PANTHOU-RENARD