Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 24 Mars 2005
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BELLEY du 02 juin 2003 – N° rôle : 38-2001 et 67-2001 N° R.G. :
03/03887
Nature du recours : Appel
APPELANTS : La BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DE LYON, représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me Pierre LARMARAUD, avocat au barreau de BOURG EN BRESSE Monsieur Jean-François X… représenté par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assisté de Me André GAST, avocat au barreau de LYON
INTIMES : Madame Yvette Y…, née Z… le 12 mai 1946 à Lyon 2ème représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me Joùl GAUDE, avocat au barreau de LYON Monsieur Franco A…, né le 20 mars 1944 à Bondeno (Italie) représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de Me Agnès PERRIN, avocat au barreau de LYON Instruction clôturée le 28 Janvier 2005 Audience publique du 17 Février 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D’APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président, Monsieur SIMON, Conseiller Madame MIRET, Conseiller DEBATS : à l’audience publique du 17 février 2005 GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle B…, Greffier, présent lors des débats et du prononcé de l’arrêt, ARRET : CONTRADICTOIRE prononcé à l’audience publique du 24 mars 2005 par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle B…, Greffier.
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant actes des 1er août 1994 et 22 septembre 1994, Mme Yvette Y… et M. Franco A… se sont portés chacun caution solidaire et indivisible des engagements contractés à l’égard de la BANQUE POPULAIRE DE LYON par la SA KALI dont ils étaient respectivement PDG et directeur général et administrateur, et ce à hauteur d’une somme de 150.000 F en principal, majorée de tous intérêts, commissions, frais et accessoires.
La société KALI ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du 5 juin 1996, la BANQUE POPULAIRE DE LYON a déclaré sa créance entre les mains de Me BAULAND désigné comme liquidateur. Elle a ensuite mis les cautions en demeure d’exécuter leurs engagements par lettres du 9 juillet 1996, du 20 octobre 2000 et du 7 décembre 2000.
Ces mises en demeure étant restées infructueuses, la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DE LYON, a, par actes des 1er et 16 février 2001, fait assigner Mme Y… et M. A… devant le tribunal de grande instance de Belley statuant en matière commerciale afin de voir condamner chacune des deux cautions à lui payer la somme de 150.000 F majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 1996, outre solidairement la somme de 5.000 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile .
Par acte du 3 mai 2001, Mme Y… et M. A… ont appelé en cause M. Jean-François X…, acquéreurs de leurs parts dans la société KALI, afin de le voir condamner à les relever et garantir.
Par jugement du 2 juin 2003, le tribunal a:
-dit que la banque est déchue du droit aux intérêts en raison du non respect de son obligation légale d’information des cautions,
-condamné solidairement Mme Y… et M. A… à payer à la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS la somme de 22.867,35 euros au titre de leurs
engagements de caution,
-condamné M. X… à les relever et garantir de cette condamnation,
-condamné la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS à payer à Mme Y… et M. A… la somme de 3.000 euros chacun de dommages intérêts au titre du préjudice qu’elle leur a causé en ne respectant pas son devoir d’information relatif à la faculté de révocation d’un cautionnement à durée indéterminée ainsi que la somme de 1.000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
-condamné M. X… à payer à Mme Y… la somme de 1.500 euros de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de l’inexécution de son obligation relative à la substitution de caution.
La BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS et M. X… ont relevé appel du jugement. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 23 octobre 2003.
Par conclusions récapitulatives n°3 déposées au greffe le 22 octobre 2004, la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS soutient que les deux engagements de caution avaient été recueillis par actes séparés et que chacun d’entre eux prévoyait que le cautionnement s’ajoutait aux autres garanties constituées par des tiers, que les engagements de Mme Y… et de M. A… doivent en conséquence s’ajouter, que s’agissant du manquement à son obligation d’information sa créance d’un montant de 82.031,79 euros (solde débiteur et effets impayés) reste très largement supérieure au principal de l’engagement des deux cautions et qu’en conséquence la sanction de la déchéance des intérêts ne saurait trouver application, que d’autre part il est évident que Mme Y… et M. A… qui étaient respectivement PDG et directeur général et administrateur de la société n’étaient pas en fait en situation de pouvoir résilier sauf à provoquer la rupture des concours financiers, qu’il n’y a donc aucun préjudice.
Elle demande, en conséquence, à la Cour de condamner Mme Y… à lui payer la somme de 22.867,35 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 1996, de condamner M. A… à lui payer la somme de 22.867,35 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 1996, de condamner solidairement Mme Y… et M. A… à lui payer la somme de 3.000 euros en raison des frais irrépétibles qu’elle s’est trouvée contrainte d’engager.
Par conclusions n°3 déposées le 21 janvier 2005, M. X…, autre appelant, demande à la Cour de réformer le jugement entrepris s’agissant des condamnations prononcées à son encontre et de condamner Mme Y… à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile .
Z… l’appui de ses prétentions, il fait valoir qu’il s’est engagé en qualité de sous-caution de Mme Y… et de M. A… contrairement à l’interprétation erronée des juges de première instance, qu’à défaut de déclaration de leur créance au titre de leur engagement de caution vis à vis de la société KALI la créance de Mme Y… et de M. A… est éteinte à l’égard de la sous-caution alléguée, qu’il a entendu se porter caution du découvert bancaire accordé par la BANQUE POPULAIRE à la société GUIPA (laquelle détient 99% du capital de la société KALI), que les sommes dues au titre du découvert bancaire de la société GUIPA ayant été remboursées il a parfaitement rempli son obligation contractuelle à l’égard de Mme Y…, que n’ayant pas expressément consenti à garantir le découvert bancaire de la société KALI la demande de garantie de Mme Y… doit être rejetée conformément aux dispositions de l’article 2015 du code civil, que la lettre de la BANQUE POPULAIRE du 13 juillet 1995 ne saurait constituer la preuve de son engagement .
Par conclusions n°2 déposées le 19 janvier 2005, Mme Y… demande à la Cour, infirmant le jugement, de dire que la BANQUE POPULAIRE ne
rapporte pas la preuve de l’existence d’une obligation principale garantie par son acte de cautionnement et de la débouter de sa demande, de dire que l’acte de cautionnement est nécessairement l’accessoire d’une obligation principale garantie, qu’un acte de cautionnement à objet général n’est valable qu’autant qu’il contient l’indication de l’obligation garantie et de déclarer nul l’acte de cautionnement qu’elle a souscrit le 1er août 1994, de dire que la BANQUE POPULAIRE ne rapporte pas la preuve de l’identité du signataire de la déclaration de créance et de constater l’extinction de la créance.
Subsidiairement, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu que l’engagement global des deux cautions était limité à 22.867,37 F, soit 11.433,68 euros chacune, en ce qu’il a prononcé la déchéance des intérêts, en ce qu’il a condamné la BANQUE POPULAIRE à réparer le préjudice qu’elle a subi du fait du défaut d’information relatif à la faculté de résiliation de la caution et elle demande à ce que les dommages intérêts qui lui ont été alloués soient portés à 35.000 euros.
Elle demande la condamnation de la banque à lui payer 4.000 euros en vertu de l’article 700 du nouveau code de procédure civile .
En tout état de cause, elle conclut à la confirmation, en tant que de besoin, de la condamnation de M. X… à la relever et garantir, subsidiairement à la confirmation de la condamnation de M. X… pour inexécution de son obligation de faire, à savoir se porter caution et se substituer à elle, dans les termes de la mention manuscrite, de condamner en conséquence M. X… à lui payer la somme de 22.867,35 euros à titre de dommages intérêts.
Par conclusions responsives en date du 4 octobre 2004, M. A…, sollicitant l’infirmation du jugement, demande à la Cour de constater l’extinction de la créance de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS à
l’encontre de la société KALI et l’extinction par accessoire de son propre engagement de caution et de débouter la banque de ses demandes, subsidiairement de confirmer le jugement en ce qu’il a limité l’engagement global des cautions à 22.867,35 euros, en ce qu’il a condamné M. X… à le relever et garantir de cette condamnation, en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la banque, mais de fixer les dommages intérêts qui lui sont dus par la banque en réparation de sa faute résultant de l’absence d’information relative à la faculté de révocation de la caution au montant de sa demande en paiement et de prononcer la compensation entre les deux créances.
Plus subsidiairement, il demande à la Cour de constater que M. X… n’a pas exécuté de bonne foi son engagement contractuel, de fixer les dommages intérêts dus par M. X… au montant des condamnations prononcées contre lui à titre principal, de condamner M. X… au paiement de cette somme et de le débouter de l’ensemble de ses demandes, en toute hypothèse de condamner la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile . La Cour renvoie, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées. MOTIFS ET DECISION
I. Sur la validité de l’engagement de caution de Mme Y…
C… que le 24 juillet 1992 a été signée entre la BANQUE POPULAIRE DE LYON et la société KALI représentée par Mme Y… (laquelle avait été désignée comme présidente du conseil d’administration le 22 juillet 1992) une convention compte courant « entreprises » ayant pour objet de fixer les conditions de fonctionnement du compte courant ouvert au nom de la société KALI dans les livres de la banque ; qu’il a été stipulé que tous les rapports d’obligation existant entre le client
et la banque entreront dans le cadre de cette convention de compte courant ;
C… que le 1er août 1994 Mme Y… a souscrit un acte de cautionnement limité en principal à la somme de 150.000 F, outre intérêts, commissions, frais et accessoires, et s’est engagée en ces termes:
« Je soussigné, ci-dessus désigné, déclare me porter caution solidaire et indivisible et je m’engage à ce titre au profit de la BANQUE POPULAIRE DE LYON (…) à rembourser en cas de défaillance du débiteur principal, toutes les sommes que ce dernier pourrait devoir à ladite banque.
J’entends ainsi cautionner toutes les obligations dont le débiteur principal pourrait être tenu vis à vis de la BANQUE POPULAIRE DE LYON en toute monnaie, chez l’un quelconque de ses sièges, à quelque titre que ce soit et quelle que soit la date à laquelle elles sont nées, que l’origine en soit directe ou indirecte, visant par là et sans que cette énumération soit limitative: les soldes définitifs ou provisoires des comptes courants ouverts au débiteur principal, les chèques, billets ou effets tirés sur lui ou portant sa signature à quelque titre que ce soit, les avals ou cautions donnés par lui ou pour son compte, les crédits la concernant.. » ;
Que la mention manuscrite apposée par la caution « Bon pour cautionnement solidaire et indivisible à concurrence de 150000 F cent cinquante mille francs en principal majoré de tous intérêts commissions frais et accessoires à raison de toutes dettes présentes ou à venir au paiement desquelles le débiteur pourra être tenu selon les conditions stipulées dans le contrat ci-dessus », parfaitement conforme aux exigences de l’article 1326 du code civil, vient conforter très exactement le contenu de l’engagement, étant observé que le terme de « contrat »qui y est mentionné fait naturellement
référence à l’acte de cautionnement lui-même et non pas à l’ « acte juridique souscrit par le débiteur vis à vis de la Banque » comme le soutient l’appelante en déformant le sens de la phrase ;
C… que face à un acte aussi clair, il est difficile de comprendre le sens et la portée de l’argumentation développée par Mme Y… qui se prévaut de « l’absence de preuve de la créance » ou encore de « l’indétermination de l’obligation garantie » ; que sans qu’il soit besoin de rentrer dans les « détails » de cette argumentation, il convient de constater que l’acte signé par Mme Y… est un acte de cautionnement à objet général (similaire à ceux que signent grand nombre de dirigeants de toutes entreprises françaises) et que, dès lors, les obligations cautionnées ne se rattachent pas à une convention en particulier mais à toutes les dettes présentes et à venir au paiement desquelles la débitrice principale pourra être tenue vis à vis de la banque, et notamment le solde débiteur du compte et les effets impayés ;
C… qu’il est totalement indifférent que l’acte de cautionnement ait été signé deux ans après la signature de la convention de compte courant (la banque ayant la faculté de solliciter à tout moment les garanties qu’elle juge adaptées à la continuation de ses relations avec ses clients), ou encore que l’engagement de caution porte en haut à droite une mention imprimée ANNEXE 1 dont il ne peut être tiré aucune conséquence utile s’agissant de l’existence et de la validité du cautionnement ;
C… que l’acte de caution de Mme Y… sera donc déclaré valide et régulier;
II. Sur l’extinction prétendue de la créance de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS
C… que les deux cautions persistent à soutenir que la déclaration de créance faite par la BANQUE POPULAIRE serait
irrégulière ; que Mme Y… prétend que la signature portée sur l’original de la déclaration de créance diffère de celles apposées sur la pièce adverse n°1 attribuée à M. D… ainsi que la pièce adverse n°22 ; que M. A… prétend quant à lui que la banque ne rapporte pas la preuve de l’identité du signataire de la déclaration de créance « à défaut pour la banque de produire l’original d’une pièce administrative de comparaison faisant apparaître la signature de Monsieur D… » ;
C… qu’il sera tout d’abord observé que la pièce n°22 de la BANQUE POPULAIRE est la « situation actualisée des effets impayés au 5.02.2001 ressortant à 240.331,17 F » ; qu’il ne peut donc s’agir d’une pièce utile à la démonstration qu’entend mener Mme Y… ;
C… que la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS a versé aux débats la copie de la déclaration de créance qu’elle a adressée à Me BAULAND le 9 juillet 2003 ;
Que l’auteur de la déclaration y est mentionné au bas de la lettre, qu’il s’agit de José D…, responsable du service contentieux, qui a apposé sa signature au bas de la déclaration de créance ; que c’est donc de façon inexacte que M. A… prétend que l’identité du signataire demeurerait inconnue ;
Que la BANQUE POPULAIRE verse aux débats l’extrait du procès-verbal du conseil d’administration du 22 novembre 1994 déléguant spécialement à M. D… le pouvoir d’effectuer des déclarations de créances ;
Que, contrairement à ce que soutiennent les cautions, il ne ressort aucune différence notable de la comparaison de la signature figurant sur la déclaration de créance et de celle portée sur la lettre du 26 octobre 1998 (pièce n°10 de la banque) par laquelle M. D…, responsable du service contentieux, demande à Me BAULAND de l’informer de l’état d’avancement de la procédure de liquidation
judiciaire de la société KALI ; que, surtout, il est produit par la banque sous le numéro 34 les spécimens de signatures de M. D… destinées aux déclarations et annulations d’incidents au FICP et qu’il apparaît de manière manifeste qu’il s’agit bien de la même signature que celle figurant sur la déclaration de créance ;
C… que la demande des cautions tendant à voir déclarer la créance éteinte pour cause de nullité de la déclaration de créance doit être, en conséquence,
C… que la demande des cautions tendant à voir déclarer la créance éteinte pour cause de nullité de la déclaration de créance doit être, en conséquence, rejetée ;
III. Sur l’étendue de l’engagement des deux cautions
C… que les deux cautions, l’une présidente du conseil d’administration, l’autre directeur général de la société KALI se sont engagées par deux actes distincts du 1er août et du 22 septembre 1994 en des termes similaires, chacune à concurrence de 150.000 F en principal, majoré de tous intérêts commissions frais et accessoires ; C… que chacun des actes de caution comporte la stipulation suivante:
« 6. En tant que de besoin il est ici précisé que le présent engagement de caution s’ajoute aux autres garanties que j’ai déjà pu ou que je pourrai donner à la BANQUE POPULAIRE DE LYON en faveur du débiteur principal, ainsi qu’à celles constituées par ce dernier ou par un tiers » ;
C… que contrairement à l’opinion des premiers juges, les deux actes ne comportent aucune ambigu’té et qu’il en ressort que les engagements sont cumulatifs ; que les cautions ne sauraient s’appuyer sur une lettre de la banque du 13 juillet 1995 pour procéder à l’ « interprétation »d’un engagement parfaitement clair à la date à
laquelle il a été souscrit ; que cette correspondance, postérieure de près d’une année aux deux cautionnements, écrite dans le cadre de la cession des parts envisagée au profit de M. X…, informait la société KALI de ce que la banque était disposée à lui consentir une autorisation de découvert de 150.000 F, et qu’au jour de la cession des actions la mainlevée des garanties actuelles pourrait être effectuée après examen et sous réserve de l’octroi de la caution de M. et Mme X… limitée à 150.000 F ; que la proposition ainsi faite pour l’avenir ne pouvait en aucun cas démontrer un engagement de Mme Y… et de M. A… à concurrence d’une somme globale et maximum de 22.867,35 euros ; que Mme Y… qui prétend qu’elle a eu l’intention de limiter son engagement à l’unique somme de 75.000 F et M. A… qui prétend qu’il a légitimement cru signer un seul engagement en deux exemplaires ne rapportent pas la preuve de leurs prétentions ; que le cumul avec les autres garanties constituées par un tiers étant expressément stipulé, il ne peut être valablement soutenu par Mme Y… qu’il existerait un doute au motif que l’article 6 invoqué n’indique pas que « le présent engagement s’ajoute à d’autres cautions » ;
C… qu’il convient, en conséquence, de réformer le jugement et de dire que chacune des deux cautions est tenue envers la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS pour la somme de 22.867,35 euros outre intérêts de retard ;
IV. Sur l’obligation d’information des cautions
C… qu’il n’est pas discuté que la BANQUE POPULAIRE DE LYON n’a pas satisfait à l’obligation d’information des cautions résultant pour elle des dispositions de l’article L 313-22 du code monétaire et financier ;
C… qu’il ressort des relevés du compte débiteur de la société KALI et de la situation des effets impayés arrêtée au 10 juin 2004 que le montant actualisé de la créance de la banque s’établit à:
-compte courant débiteur: 44.627,32 euros
-effets impayés: 37.404,47 euros soit une somme totale de 82.031,79 euros ;
Que, d’autre part, la totalité des agios prélevés sur le compte entre août 1994 et le 5 juin 1996 s’est élevée à 6.699,80 euros ;
C… que la créance de la BANQUE POPULAIRE excédant très largement les deux engagements de caution consentis chacun pour la somme principale de 22.867,35 euros, la déchéance des intérêts encourue par application de l’article L 313-22 précité n’a donc aucune incidence sur le montant de la condamnation à prononcer contre chacune des cautions;
C… qu’il résulte encore de l’article L 313-22 que la BANQUE POPULAIRE avait l’obligation, s’agissant d’un engagement à durée indéterminée, de rappeler aux cautions « la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée » ; que la banque n’a pas satisfait à cette obligation ; que son omission ouvre droit à des dommages intérêts au profit des cautions si elles apportent la preuve d’un préjudice ;
C… que, s’agissant de Mme Y…, bien qu’ayant vendu ses parts à M. X… par acte sous seing privé du 21 juin 1995 elle est cependant restée présidente du conseil d’administration de la société KALI jusqu’au dépôt de bilan ; qu’il apparaît donc que Mme Y… n’était pas en fait en situation de pouvoir résilier son engagement de caution, sauf à provoquer la rupture des concours financiers dont bénéficiait la société KALI (aucune garantie de substitution n’ayant été conférée à la BANQUE POPULAIRE par le cessionnaire des parts ); que Mme Y… soutient qu’il n’en est rien au motif qu’elle était une dirigeante de paille salariée sans responsabilité ni pouvoir de direction depuis la cession ; que, cependant, elle a continué à être rémunérée comme par le passé, même modestement, en tant que PDG et a conservé au sein de
la société KALI son poste salarié de styliste, collaborant de façon continue avec M. X… acquéreur de ses parts ; que dans cette situation très particulière il lui appartient de démontrer qu’elle était effectivement en mesure de résilier son engagement de caution, ce qu’elle ne fait pas ; que sa demande de dommages intérêts doit être rejetée, le jugement qui lui a alloué 3.000 euros à ce titre devant être réformé ;
C… que, s’agissant de M. A… qui a quitté la société au moment de la cession de ses parts, le défaut de rappel par la banque de la faculté de résiliation de son engagement de caution est susceptible de l’avoir privé d’une chance de se libérer dans le temps ayant suivi la cession de ses parts ; que, cependant, il convient de relever que M. A… disposait déjà des éléments d’information lui permettant de procéder à la résiliation de son engagement à cette date puisque l’article 7 de l’acte de caution, dont une copie lui a été remise, est consacré à la faculté de révocation « à tout moment », aux modalités de cette révocation « par lettre recommandée avec avis de réception adressée à la BANQUE POPULAIRE DE LYON, moyennant le respect d’un délai de préavis de 90 jours courant à compter de la réception de ladite lettre », aux conditions de libération de la caution « Je ne serai toutefois délié de mon engagement que par le paiement de toutes les sommes dues par le débiteur principal en vertu d’engagements ou d’opérations dont l’origine sera antérieure à la date d’effet de la révocation et dont j’aurai à répondre à hauteur des limites imparties à mon cautionnement » ; que les dispositions du protocole d’accord du 28 avril 1995 et de l’acte réitératif du 21 juin 1995 ne pouvaient manquer de rappeler à M. A… l’existence de son engagement et les conséquences financières susceptibles d’en résulter alors que M. X… ne s’était pas substitué aux cautions originaires ; que M. A… a donc largement concouru par sa propre négligence à la
réalisation de son préjudice ; qu’en outre, M. A… ne peut dire que s’il avait résilié son engagement il serait aujourd’hui entièrement déchargé alors qu’ il ne l’aurait été que dans les conditions prévues à l’acte de cautionnement ;
C… qu’au regard de ces éléments et des informations dont disposait M. A… par ailleurs, il apparaît que la perte de chance dont il peut se prévaloir en raison du défaut d’information de la banque est minime ; qu’elle sera indemnisée par l’octroi d’ une somme de 1.000 euros à titre de dommages intérêts ;
V. Sur l’appel en garantie de M. X…
C… que par protocole conclu le 28 avril 1995 entre les actionnaires des sociétés KALI et GUIPA -dont M. A… et son épouse ainsi que Mme Y… et son époux- d’une part, et M. Jean-François X… d’autre part, il a été convenu la cession, par les premiers au second, des actions des sociétés GUIPA et KALI (étant observé que la société GUIPA était propriétaire de 3.192 des 3.200 actions de la société KALI) ;
Qu’en tête du protocole il a été rappelé que M. A… et Mme Y… étaient cautions auprès de la BANQUE POPULAIRE « pour un découvert bancaire accordé par cette dernière à la société KALI » et qu’au titre des Conditions Particulières il a été stipulé:
« Le cessionnaire contre garantira, pour la période allant du 1er juin au 31 juillet 1995, les garants actuels du découvert bancaire consenti par la BANQUE POPULAIRE d’un montant de 150.000 F et ce, en 1er rang, et sans recours contre les garants actuels. Le cessionnaire s’engage expressément à lever les cautions données par les garants actuels en garantie du découvert bancaire, le 1er août 1995 au plus tard » ;
C… que dans un acte en date du 21 juin 1995 intitulé « Constatation de la cession définitive des titres de la société
GUIPA » les mêmes parties ont décidé de régulariser le transfert d’actions ; que M. X… a contracté l’engagement suivant:
« Monsieur X… se porte caution en vue de contre-garantir les garants actuels du découvert bancaire consenti par la Banque Populaire à hauteur de 150.000 francs jusqu’au paiement total des sommes dues au titre de ce découvert et ce en 1er rang et sans recours contre les garants actuels » ;
C… qu’en dépit d’une rédaction maladroite de la clause, l’engagement de M. X… doit être analysé comme un sous-cautionnement dès lors que celui-ci a pour objet la dette même du débiteur garanti, l’étendue de cet engagement étant tributaire de celle de l’obligation du débiteur garanti, ce qui n’est pas le cas pour un engagement de garantie autonome dont l’objet est distinct de celui du débiteur principal ;
C… que, pour autant, M.X ne peut soutenir que la créance de Mme Y… et de M. A… à son encontre serait éteinte au motif qu’ils n’ont pas déclaré leur créance au titre de leur engagement de caution au passif de la société KALI ; qu’en effet, pour que la caution puisse agir contre la sous-caution, il suffit qu’elle soit créancière du débiteur, fût-ce par voie de subrogation ; que la sous-caution est tenue dès lors que la caution est investie d’un droit de créance non éteint contre le débiteur, que ce droit soit personnel ou qu’il lui soit advenu par voie de subrogation ;
C… qu’il n’existe aucun doute sur l’objet du sous-cautionnement de M. X… ; qu’il est décrit avec précision et ne peut être contesté puisque M. X… contre-garantit « les garants actuels du découvert bancaire consenti par la Banque Populaire à hauteur de 150.000 F.. » ; que le découvert bancaire consenti par la Banque Populaire à la société KALI est précisément de 150.000 F, ainsi que rappelé en page 3 de l’acte du 21 juin 1995, et qu’il est effectivement garanti par
Mme Y… et M. A… , qu’il n’est ni allégué ni justifié de ce que Mme Y… et M. A… se seraient portés cautions solidaires au profit de la société GUIPA, que l’acte du 21 juin 1995 est certes intitulé « Constatation de la cession définitive des titres de la société GUIPA » mais qu’il porte en réalité sur six actions de la société KALI et la totalité des actions de la société GUIPA ; qu’il convient d’ajouter qu’a été annexé au protocole d’accord du 28 avril 1995 une annexe 3 composée des engagements de caution donnés par les cédants au profit de la société KALI et que M. X… y a apposé ses initiales comme sur toutes les autres pages du protocole et de ses annexes ; que M.X ne peut donc valablement prétendre avoir entendu se porter caution du découvert bancaire accordé à la seule société GUIPA ou encore n’avoir pas expressément consenti à garantir le découvert bancaire de la société KALI;
C… que la mention manuscrite portée par M. X… sur l’acte du 21 juin 1995 fait référence au paragraphe 5 du document, lequel vise expressément le découvert bancaire de 150.000 F consenti par la BANQUE POPULAIRE ; qu’elle est conforme aux dispositions des deux engagements de cautions et constitue pour M.X l’engagement de s’y substituer « sans recours contre les garants actuels » ;
C… que M. X… s’est engagé sans limitation dans le temps « jusqu’au paiement intégral des sommes dues au titre du découvert » ;
C… que le jugement qui a condamné M. X… à relever et garantir Mme Y… et M. A… doit être, en conséquence, confirmé ;
VI. Sur la condamnation de M. X… à payer des dommages intérêts à Mme Y… C… que cette condamnation n’est pas justifiée dès lors que M. X… est condamné à garantir Mme Y… ;
VII. Sur l’article 700 du nouveau code de procédure civile
C… que l’équité commande de faire application des dispositions
de l’article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS; que Mme Y… et M. A… seront condamnés à lui payer chacun une somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile;
C… qu’aucune considération d’équité ne commande d’indemniser M. X… pour ses frais irrépétibles ; PAR CES MOTIFS LA COUR,
Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Condamne Mme Yvette Y… à payer à la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS la somme de 22.867,35 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 juillet 1996.
Condamne M. Francesco A… à payer à la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS la somme de 22.867,35 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 juillet 1996.
Condamne la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS à payer à M. A… la somme de 1.000 euros en réparation de sa perte de chance.
Ordonne la compensation entre les deux créances.
Condamne M. Jean-François X… à relever et garantir Mme Y… et M. A… de ces condamnations.
Condamne Mme Y… d’une part, M. A… d’autre part à payer chacun la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile à la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS .
Rejette toutes autres demandes des parties comme mal fondées.
Condamne Mme Y… et M. A… aux dépens afférents à l’action engagée par la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP BRONDEL TUDELA, et M. X… aux dépens afférents à l’action engagée par Mme Y… et M. A… .
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,
M.P. B…
B. MARTIN