Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Instruction clôturée le 07 Novembre 2003 Audience publique du 27 Novembre 2003 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D’APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président, Monsieur SANTELLI, Conseiller Monsieur KERRAUDREN, Conseiller DÉBATS : à l’audience publique du 27 novembre 2003 GREFFIER : la Cour était assistée de Madame X…, Greffier, présent lors des débats seulement, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l’audience publique du 19 février 2004 par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Madame Y…, Greffier en Chef.
EXPOSE DU LITIGE – PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par déclaration du 20 juin 2002, la société Forez Emballages a relevé appel d’un jugement rendu le 15 mai 2002 par le tribunal de grande instance de Montbrison statuant en matière commerciale qui a déclaré irrecevable son action dirigée contre Monsieur Daniel Z… et Madame Fernande A… son épouse sur le fondement de l’article L225-251 du Code de Commerce pour les fautes de gestion antérieures à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire – dit qu’elle ne rapporte pas la preuve d’un préjudice résultant d’une concurrence déloyale et la déboute de son action en recherche de responsabilité à l’encontre des époux Z… et de la société Europack – débouté de toutes ses demandes – débouté les époux Z… et la société Europack de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Vu l’article 455 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et les moyens développés par la société Forez Emballages dans ses conclusions récapitulatives du 7 octobre 2003 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que les époux Z… ont commis des fautes dans la gestion de la société Forez Emballages engageant leur responsabilité civile sans que les fautes puissent être assimilées à des fautes de
gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actifs, lesquelles se rapporteraient à la période antérieure au redressement judiciaire – que le principe du non cumul ne s’applique pas pour les fautes commises postérieurement à l’encontre de la procédure collective – ce qui est le cas en l’espèce – que la société Europack France, qui s’est constituée après le jugement de redressement judiciaire, doit être recherchée, comme les époux Z…, au titre de la responsabilité de droit commun pour des actes de concurrence déloyale – qu’aucune prescription ne peut lui être opposée, dès lors que le délai de trois ans pour engager l’action ne court que de la révélation des faits – qu’il s’agit d’une responsabilité civile délictuelle – que les dirigeants sociaux sont tenus à une de loyauté à l’égard de la société, même après l’avoir quitée, qui leur impose de ne pas créer une activité concurrente – que des fautes de gestion sont à l’origine du redressement fiscal dont a été l’objet la société Forez Emballages – qu’une partie de la clientèle de celle-ci a été détournée au profit de la société Europack France, dont Monsieur Daniel Z… était le dirigeant et que les salariés ont été débauchés pour être employés dans cette nouvelle société – qu’elle est ainsi fondée dans ses demandes et qu’elle réclame la condamnation solidaire des intimés à lui payer 152.450 euros au titre de ses préjudices. Z… Z… Z…
Vu les prétentions et les moyens développés par les époux Z… et par la société Europack France dans ses conclusions récapitulatives du 15 octobre 2003 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que la société Forez Emballages est irrecevable dans son action – la seule voie possible étant celle de l’article L624-3 du Code de Commerce (ancien article 180 de la loi de 1985), qui exclut toutes les autres tant celle de l’article L225-251 du Code de Commerce (ancien article 244 de la loi du 24 juillet 1966) contre les administrateurs d’une SA que celle des articles 1382 et
1383 du Code Civil dès lors que l’action est engagée à raison d’une insuffisance d’actifs, même si des fautes de gestion ne sont pas alléguées – qu’il faudrait ce qui n’est pas le cas pour être recevable que cette action soit personnelle au créancier et qu’ainsi un préjudice particulier et distinct de celui des autres créanciers causé par la faute d’un dirigeant détachable de ses fonctions – que l’action est prescrite, dès lors que les faits dommageables se rapportent à une période de plus de trois années depuis qu’ils ont été commis, ce qui est le cas – qu’il n’est pas possible d’engager pour les mêmes faits une action sur le dol et au titre de la responsabilité de droit commun – que seuls les fautes de gestion postérieures à la procédure collective pourraient être invoquées, mais que la présence de l’administrateur judiciaire rend imposable – que seul une clause de non concurrence peut être de nature si elle est violée d’intenter une action en concurrence – que l’action n’est dirigée qu’à l’encontre de Monsieur Daniel Z… comme dirigeant de Forez Emballages – que la société Europack France n’a commis aucun acte de concurrence déloyale – qu’ils sont bien fondés à solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive. Z… Z… Z… L’ ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2003.
MOTIFS ET DÉCISION :
I/ Sur la recevabilité de l’action de la société Forez Emballages à l’encontre des époux Z… :
Attendu que la société Forez Emballages a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Montbrison statuant commercialement en date du 1er juillet 1998 ;
Attendu que dès lors que le redressement judiciaire a fait apparaître une insuffisance d’actif, les dispositions des articles L624-3 et L624-6 (anciens articles 180 et 183 de la loi du 25 janvier 1985) – qui ouvrent, aux conditions qu’ils prévoient, une action en paiement
des dettes sociales ayant contribué à l’insuffisance d’actif, excluent toute autre voie d’action à l’encontre des dirigeants non seulement celles de l’article L225-251 du Code de Commerce ( ancien article 244 de la loi du 24 juillet 1966) qui envisagent l’action contre les administrateurs pour fautes de gestion, mais aussi celles des articles 1382 et 1383 du Code Civil au titre de la responsabilité civile de droit commun – que cette exclusion de toute action concurrente ne trouve toutefois à s’appliquer qu’à la condition que les fautes imputées au dirigeant social ont contribué à cette insuffisance, laquelle doit s’apprécier en fonction du passif existant au jour de l’ouverture de la procédure – que dans ce cas seule la gestion du dirigeant social antérieure au jugement d’ouverture peut ouvrir l’action en paiement des dettes sociales prévues par l’article L624-3 précité ;
Attendu que seule l’action personnelle d’un créancier pour des fautes commises par un dirigeant détachables de ses fonctions serait recevable si le préjudice qu’il invoque avait un caractère particulier et distinct de celui des autres créanciers, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;
Attendu que l’insuffisance d’actif était nécessairement caractérisée au jour de l’ouverture de la procédure collective et qu’ainsi l’argument avancé par la société Forez Emballages selon lequel il n’y aurait pas d’insuffisance d’actif du fait de l’adoption d’un plan de continuation, est dépourvu de toute pertinence, l’adoption d’un tel plan, qui a précisément pour objet d’assurer le règlement du passif, ne pouvant avoir pour effet de le faire rétroactivement disparaître ; Attendu que force est de constater que les fautes de gestion reprochées à Monsieur Daniel Z… et à son épouse Madame Huguette Z… se rapportent toutes à la période antérieure au redressement judiciaire,
qu’il s’agisse des actes anormaux de gestion ou des irrégularités comptables dont ils auraient été les auteurs ayant fait l’objet du redressement fiscal – que des négligences ou des erreurs commises par ceux-ci ont été révélées par le commissaire aux comptes – qu’aucune faute de gestion postérieure n’a été établie ;
Attendu qu’en conséquence si les conditions d’une action à l’encontre des anciens dirigeants fondée sur l’article L624-3 étaient susceptibles d’être remplies à raison de telles fautes, elle ne pouvait cependant être mise en oeuvre que par les personnes limitativement désignées à l’article L624-6 du Code de Commerce ( ancien article 183 de la loi de 1985) au rang duquel ne figure pas la société qui se plaint de tels agissements ;
Attendu que dans ces conditions la société Forez Emballages ne peut soutenir qu’elle serait cependant recevable dans son action, dès lors qu’aucune poursuite n’a été engagée sur le fondement de l’article L624-3 du Code de Commerce contre les anciens dirigeants – que de toute façon le seul fait que les anciens dirigeants puissent être poursuivis en raison d’une insuffisance d’actif quand bien même ne l’ont-ils pas été, rend toute autre action irrecevable quel qu’en soit son fondement – que le fait que l’appelante n’invoque pas cette insuffisance n’y change rien, celle-ci étant avérée ;
Attendu qu’il n’est pas inutile de souligner que l’action de l’article L225-251 du Code de Commerce contre les Administrateurs n’appartient qu’aux actionnaires de la société, ce qui ne peut être le cas de la société elle-même – qu’il en est de même de l’action délictuelle qui est intentée contre les dirigeants sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil ; Attendu qu’il convient de la sorte de déclarer l’action de la société Forez Emballages irrecevable en ce qu’elle tend à mettre en cause les anciens dirigeants de cette société au titre de fautes de gestion antérieures au jugement
d’ouverture, n’ayant pas au surplus qualité pour l’engager ;
Attendu que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point.
II/ Sur l’action en concurrence déloyale à l’encontre des époux Z… et de la société Europack France :
Attendu que le seul fait que les époux Z… aient créé une société qui exerce la même activité que la société Forez Emballages ne peut être considéré comme une faute engageant la responsabilité des époux Z… ;
Attendu qu’à défaut qu’une clause de non concurrence ait été prévue dans les actes de cession des actions de la société Forez Emballages par les époux Z… en faveur de la société TEXIDO limitant ou interdisant une telle concurrence, il convient que la société Forez Emballages démontre que tant les époux Z… que la société Europack France ont commis des actes déloyaux à son égard ;
Attendu que la société Forez Emballages ne produit aucun élément susceptible d’établir que les époux Z… et la société Europack France ont détourné de la clientèle au profit de cette société qu’ils ont constituée après leur départ de la société Forez Emballages – ni qu’ils l’ont de quelque façon désorganisée – le départ de deux commerciaux de la société Forez Emballages pour être embauchés par la société Europack France ne caractérisant pas une volonté de désorganisation de l’entreprise – ni qu’ils aient utilisé des procédés visant à créer une confusion avec la société Forez Emballages – ni enfin qu’ils l’aient dénigrée dans le dessein de lui faire perdre son crédit ;
Attendu que ne rapportant pas la preuve de tels faits, la société Forez Emballages doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts, d’autant qu’elle ne justifie d’aucun préjudice qui résulterait des comportements déloyaux allégués ;
Attendu que le jugement déféré doit être en conséquence confirmé de
ce chef.
III/ Sur la demande de dommages et intérêts des époux Z… :
Attendu que les époux Z… ne justifient pas d’un préjudice indemnisable qui serait distinct des faits irrépétibles qu’ils ont engagés au titre des procédures diligentées par la société Forez Emballages, dont il n’est pas démontré qu’elles aient dégénéréen abus ni qu’elles l’aient été de mauvaise foi à leur égard ;
Attendu qu’ils doivent être déboutés de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts, confirmant de ce chef le jugement déféré qui a rejeté une telle demande.
IV/ Sur les autres demandes :
Attendu qu’il serait inéquitable que les époux Z… supportent la charge de leurs frais irrépétibles et qu’il y a lieu ainsi de leur allouer une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, qui s’ajoutera à celle accordée par le premier juge ;
Attendu que la société Forez Emballages, qui succombe, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
A… ajoutant,
Condamne la société Forez Emballages à payer aux époux Z… la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure
Civile ainsi que les dépens qui seront recouvrés par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER EN CHEF,
LE PRÉSIDENT,
C. Y…
B. MARTIN.