Cour d’appel de Lyon, du 19 février 2004

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Cour d’appel de Lyon, du 19 février 2004

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Instruction clôturée le 28 Novembre 2003 Audience publique du 03 Décembre 2003 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D’APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame MARTIN, Président, Monsieur SIMON, Conseiller Monsieur SANTELLI, Conseiller DÉBATS : à l’audience publique du 3 décembre 2003 GREFFIER : la Cour était assistée de Madame X…, Greffier, présent lors des débats seulement, ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé à l’audience publique du 19 février 2004 par Madame MARTIN, Président, qui a signé la minute avec Mademoiselle Y…, Greffier. FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES

S’estimant victime d’actes de concurrence déloyale de la part des sociétés COSIGNE et JMG Associés ainsi que de M. Z…, les sociétés EDITH et PYC EDITION ont saisi le tribunal de commerce .

Par jugement du 15 novembre 2000, le tribunal de commerce de Lyon a déclaré irrecevable l’action introduite par la société PYC EDITION, recevable mais mal fondée l’action de la société EDITH pour absence de preuves, a condamné la société EDITH à payer la somme de 100.000 F à titre de dommages intérêts aux sociétés COSIGNE et JMG Associés ainsi que la somme de 30.000 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile .

Les sociétés EDITH et PYC EDITION ont relevé appel du jugement en intimant les trois défendeurs.

Le tribunal de commerce de Lyon ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société COSIGNE venant aux droits de la société JMG Associés par jugement du 3 janvier 2003, les appelantes se sont désistées de leur appel à l’encontre des sociétés COSIGNE et JMG Associés après avoir signé un protocole transactionnel avec Me SABOURIN mandataire liquidateur.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives n°3 en date du 12 novembre 2003, les sociétés EDITH et PYC EDITION demandent à la Cour

d’infirmer le jugement entrepris et de condamner M.X à leur payer la somme de 30.500 euros à titre de dommages intérêts, outre la somme de 3.050 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile .

A l’appui de leurs prétentions, elles soutiennent que leur action est recevable en dépit du désistement d’instance et d’action opéré à l’égard de la société COSIGNE, qu’elles agissent à titre contractuel contre M.X, que la clause de non concurrence à laquelle M.X s’est engagé en qualité d’actionnaire et non de salarié est valide, que M.X a manqué à ses obligations contractuelles en démarchant des annonceurs habituels de la Revue Pratique du Froid pour le compte de la revue Mad L’Outil Froid directement concurrente, en fournissant des renseignements secrets sur l’entreprise concurrente en vue de détourner sa clientèle, que le préjudice qu’elles ont subi est très important, le résultat brut d’exploitation de la société PYC ayant baissé de moitié après le départ de M.X.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°2 notifiées le 14 novembre 2003, M.X demande, de son côté, à la Cour à titre principal de constater que les appelantes se sont désistées sans réserve de leur appel à l’encontre du jugement du 15 novembre 2000 et que ce désistement vaut acquiescement au jugement, de sorte que vu l’indivisibilité du litige elles doivent être déboutées de leurs demandes, fins et prétentions, à titre subsidiaire de confirmer le jugement sauf en ce qu’il déclaré recevable l’action entreprise par la société EDITH et en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre de l’article 32-1 du nouveau code de procédure civile .

Il prie, en conséquence, la Cour de déclarer irrecevables les demandes des sociétés EDITH et PYC EDITION pour défaut de qualité et d’intérêt à agir, prononcer la nullité de la clause de non concurrence en raison du caractère disproportionné de celle-ci,

constater que n’est pas rapportée la preuve objective d’actes de concurrence déloyale, de préjudice et de lien de causalité, débouter les appelantes, les condamner solidairement à lui payer la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 32-1 du nouveau code de procédure civile ainsi que la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile .

La Cour se réfère, pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, aux écritures précitées. MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’indivisibilité du litige et l’extinction du droit d’agir

Attendu que suite au protocole transactionnel intervenu avec Me SABOURIN mandataire liquidateur de la société COSIGNE venant aux droits de la société JMG Associés, les appelantes ont déposé devant la Cour des conclusions tendant à se voir donner acte de leur désistement d’appel à l’encontre de Me SABOURIN ès qualités et à voir constater que la procédure se poursuit à l’égard de M.X ;

Que par ordonnance du 6 juin 2003 le conseiller de la mise en état a constaté le désistement partiel de la société EDITH et de la société PYC EDITION à l’encontre de Me SABOURIN ès qualités de liquidateur et dit que l’instance perdure entre les autres parties ;

Attendu que contrairement à ce que soutient M.X, il n’existe aucune indivisibilité entre la demande que dirigeaient les appelantes contre la société COSIGNE et la demande qu’elles maintiennent contre lui, dans la mesure où la première était une action en responsabilité délictuelle fondée sur des actes de concurrence déloyale et la seconde est une action de nature contractuelle fondée sur les manquements de l’intimé à son obligation de non concurrence et où les deux actions peuvent être jugées indépendamment l’une de l’autre sans que la solution apportée à l’une soit nécessairement liée à celle apportée à l’autre ;

Que c’est donc à tort que M.X soutient que le droit d’agir des appelantes à son encontre serait éteint du fait du désistement partiel d’appel ;

Sur l’intérêt à agir des appelantes

Attendu que par protocole d’accord du 30 octobre 1997 conclu entre d’une part la société EDITH, société en cours de constitution représentée par M. Dov A…, cessionnaire, d’autre part M. B…, la société de Participations et d’Editions et la société PCB, les cédants, il a été convenu la cession des parts de la société de Participations et d’Editions et de la société PYC EDITION au profit de la société EDITH en cours de constitution ;

Qu’a été inséré à l’acte un article 6 intitulé NON CONCURRENCE en vertu duquel:

« En cas de réalisation de la cession de titres, le cédant s’interdit d’exercer toute activité similaire à celle exercée actuellement à titre principal par les sociétés PYC EDITION et CLIMEDIT, et ce pour son compte ou pour le compte de tiers, directement ou indirectement, par personne physique ou morale interposée, pendant une durée de cinq années à compter de la date de la cession sur tout le territoire de l’Union Européenne.

Le Cessionnaire, tant qu’il n’aura pas remboursé l’intégralité du compte courant de la société PCB, s’oblige au respect du même engagement à l’égard de PYC EDITION et de Participation et Editions. Cet engagement est également souscrit à titre personnel par Messieurs Jean-Christophe C… demeurant 5 rue Vavin à Paris 75006, Z… demeurant La Tour Camboulit à Figeac 46100, Lcause BRIAN et Dov A… demeurant 9 place Blanche de Castille à Croissy sur Seine 78290 en leur qualité de fondateurs de la société cessionnaire.

L’engagement consiste ne à ne pouvoir éditer aucun ouvrage ou

périodique qui puisse être concurrent des revues ci-après désignées autrement que par les sociétés PYC EDITION et CLIMEDIT: Revue Pratique du Froid, Traitement Thermique etc… » ;

Attendu que la société EDITH, cessionnaire, agit à l’encontre de M.X en sa qualité d’associé (M.X détenant 14% des parts de la société) et en tant que signataire du protocole d’accord du 30 octobre 1997 ;

Attendu que pour soutenir que l’action de la société EDITH ne serait pas recevable, M.X prétend que la société EDITH n’a été immatriculée que le 21 novembre 1997 et qu’il n’existait aucun accord des associés pour que soient repris des éventuels engagements antérieurs ni par les statuts ni par une assemblée postérieure si ce n’est l’assemblée tardive du 30 juin 2003 ;

Attendu que l’instance n’étant pas dirigée contre la société, il est indifférent de rechercher s’il y a eu effectivement reprise par celle-ci des engagements souscrits par les personnes qui ont agi en son nom lorsqu’elle était en formation ;

Qu’en tout état de cause, en l’absence de reprise d’un engagement contracté pour le compte d’une société en formation, ceux qui ont agi au nom de la société en formation sont alors seuls engagés de sorte que l’on doit considérer que M.X se trouve engagé en sa qualité de membre fondateur de la société EDITH ;

Que, par ailleurs, en dépit de la rédaction un peu ambiguù du troisième paragraphe de l’article 6, il apparaît que MM. C…,X, BRIAN et A… (fondateurs de la société cessionnaire) sont intervenus à l’acte pour y prendre un engagement personnel, la société cessionnaire en cours de formation étant, quant à elle, représentée par M. A…;

Qu’est usuelle la clause consistant à prévoir lors de la création d’une société une obligation de non concurrence de la part des associés dans une convention extra-statutaire, tel le protocole du 30

octobre 1997, lequel est en conséquence parfaitement opposable à M.X ;

Qu’ainsi, la société EDITH est à double titre recevable à agir contre M.X ;

Attendu que l’article 6 du protocole d’accord stipule une obligation de non concurrence au bénéfice de la société PYC EDITION qui est tiers à ce contrat ;

Que cette clause constitue une stipulation pour autrui faisant naître au profit du tiers bénéficiaire un droit d’action directe de nature contractuelle contre le promettant pour réclamer l’exécution de la promesse ;

Que l’action de la société PYC EDITION contre M.X est également recevable ;

Sur la nullité de la clause de non concurrence

Attendu qu’une clause de non concurrence est licite lorsqu’elle protège les intérêts légitimes de l’entreprise, qu’elle est limitée dans le temps et l’espace et qu’elle laisse au débiteur de l’obligation la possibilité d’exercer l’activité qui lui est propre ; Attendu que M.X, né en 1943, est courtier en publicité et qu’il a exercé cette activité au service du Froid en tant que chef de publicité depuis 1968, date à laquelle il a été engagé par la société PYC EDITION, jusqu’au 13 mars 1998 date de son licenciement par cette société ;

Que compte tenu de son âge et de son parcours professionnel, M.X est fondé à soutenir qu’il s’agit là de son seul métier ;

Attendu que s’il n’est pas contestable que la clause de non concurrence litigieuse correspondait à la protection d’un intérêt

légitime de la société PYC EDITION dès lors que le passage de M.X à la concurrence représentait pour elle un risque important en raison des contacts noués par celui-ci avec la clientèle et de son expérience, en revanche doit être retenue l’absence de proportionnalité entre la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et l’atteinte à la liberté professionnelle de M.X dès lors que la clause avait pour résultat de l’empêcher d’exercer son métier de courtier en publicité, dans le domaine du froid où il s’était spécialisé depuis le début de sa carrière professionnelle, pour une durée dépassant la durée usuelle (5 années) -peu important au regard de la licéité de la clause le fait que cette durée représente la moitié de la durée offerte par le cédant aux acquéreurs pour payer leur dette- et sur un territoire déraisonnablement étendu (Union Européenne) -les appelantes justifiant ce territoire par l’établissement de projets commerciaux à l’échelle européenne, voire mondiale, pour les annonceurs les plus importants, ce qu’elle n’établit même pas- ;

Attendu que, dans ces conditions, sans qu’il soit besoin de rechercher si les allégations des appelantes relatives aux prétendus manquements contractuels de M.X sont fondées, il y a lieu de faire droit aux prétentions de l’intimé visant à voir déclarer nulle cette clause de non concurrence ;

Attendu que le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l’application de l’article 700 au profit de M.X et aux dépens ;

Qu’il serait, en outre, inéquitable de laisser à l’intimé la charge des frais irrépétibles qu’il a exposés à l’occasion de la présente procédure d’appel ; qu’il lui sera alloué une somme de 3.000 euros en sus de l’indemnité déjà allouée par les premiers juges ;

Attendu que le droit de défendre en justice ses intérêts ne dégénère en abus de nature à justifier l’allocation de dommages intérêts que

dans l’hypothèse d’une attitude fautive génératrice d’un dommage ; que la preuve d’une telle faute de la part des appelantes n’est pas rapportée et qu’il n’y a donc lieu à dommages intérêts au profit de M.X ; PAR CES MOTIFS LA COUR

Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré recevable la demande de la société EDITH, en ses dispositions sur les dommages intérêts, l’article 700 et les dépens.

Réformant pour le surplus et statuant à nouveau,

Déclare recevable la demande de la société PYC EDITION.

Dit nulle la clause de non concurrence opposée à M.X en raison du caractère disproportionné de celle-ci.

Déboute les sociétés EDITH et PYC EDITION de leurs demandes dirigées contre M.X.

Condamne les sociétés EDITH et PYC EDITION in solidum à payer à M.X une indemnité complémentaire de 3.000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile .

Rejette les autres demandes des parties.


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