Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR R.G : 02/04023 S.A. LC.2 – LABORATOIRE CONDITIONNEMENT LOTS CLINIQUES C/ AUDUC APPEL D’UNE DECISION DU : Conseil de Prud’hommes de LYON du 27 Juin 2002 RG : 00/05212 COUR D’APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 14 JANVIER 2005 APPELANTE : S.A. LC.2 – LABORATOIRE CONDITIONNEMENT LOTS CLINIQUES représentée par Maître BOUYEURE, avocat au barreau de LYON INTIMEE : Mademoiselle Chrystelle X… comparante, assistée de Maître CHIRCOP, avocat au barreau de LYON PARTIES CONVOQUEES LE : 5 Mai 2004 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Novembre 2004 Présidée par Madame PANTHOU-RENARD, magistrat rapporteur, chargé de faire rapport et qui a tenu seule l’audience (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Madame LE Y…, Greffier COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame PANTHOU-RENARD, Président Madame DEVALETTE, Conseiller Monsieur CATHELIN, Conseiller ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé à l’audience publique du 14 Janvier 2005 par Madame PANTHOU-RENARD, Président en présence de Mme Françoise LE Y…, Greffier, qui ont signé la minute.
LA COUR Mademoiselle X… était engagée le 1er Juillet 1996 par la Société L.C.2 qui exploite un laboratoire de conditionnement de lots cliniques en qualité de pharmacien assistant – statut cadre -. Mademoiselle X… occupait en dernier lieu le poste de responsable de production en charge de la direction des opérations de conditionnement. Elle bénéficiait du coefficient 7 B de la convention collective de travail de l’industrie pharmaceutique et percevait une rémunération mensuelle brute de 2.940,59 euros pour 151 heures 67 de travail. Mademoiselle X… est actionnaire de la Société depuis le 17 Mars 1999 à hauteur de 33 actions sur 4720. Le 28 Août 2000, Mademoiselle X… était convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé au 31 Août. Elle était licenciée par lettre du 2 Septembre 2000, avec dispense d’exécuter son préavis, aux motifs suivants : « En charge de la Direction des opérations, vous supervisez à ce titre, Arnaud Z… pharmacien responsable de la production et Madeleine GUENARD, responsable du laboratoire analytique. Vous avez, par ailleurs, la responsabilité directe du service conception études d’où découle la production. Au titre de pharmacien responsable intérimaire, vous remplacez le PDG, en son absence. Vous avez bénéficié depuis votre nomination de formation à la gestion de projet et de management d’entreprise. Depuis de nombreuses semaines, j’ai pu constater des dysfonctionnements importants tant sur le plan de la communication avec vos collaborateurs qu’avec moi-même et les clients. J’ai, pour ma part, multiplié les mises au point pour vous
aider à prendre la pleine mesure de vos responsabilités. Malgré les efforts de tous, vous persistez à adopter un comportement nuisible au bon fonctionnement et à l’image de l’entreprise. Notamment, vous jetez le discrédit sur l’entreprise auprès des clients en dénigrant votre plus proche collaborateur et en vous dégageant de toute responsabilité, comme le démontre votre e-mail du 18 Juillet 2000. Dans vos e-mail du 25 et 27 Juillet, vous refusez de prendre en charge votre responsabilité de pharmacienne pendant mon absence sans chercher à explorer plus avant la portée des problèmes qui vous sont soumis. Votre mauvaise volonté contraste singulièrement avec la patience des autres collaborateurs… Vous remettez ouvertement en question les décisions de la direction sans autre justification que des mouvements d’humeur. Cette attitude est d’autant plus inacceptable qu’elle s’accompagne la plupart du temps de propos désobligeants à mon égard en public. Un tel comportement est incompatible avec votre fonction et votre niveau de responsabilité et entache gravement la confiance que je plaçais en vous. De plus, j’ai à déplorer de votre part des manquements professionnels importants. En effet, depuis plusieurs semaines également, vous faites preuve de négligence dans l’organisation et l’exécution de votre mission, ce qui a nécessité des mesures de sauvegarde de ma part. Suite au départ de Marie-Claude A…, information existant depuis le début du mois de juillet, aucun binôme n’a été constitué, pour gérer le poste de responsable des étiquettes au moment du départ en congé de Jennifer B… Il a fallu, de toute urgence le 17 juillet, que je m’occupe moi-même d’une embauche en intérim avant le départ en congé de Jennifer pour qu’elle puisse assurer la formation minimum de l’intérimaire pour tenir le poste. De même, le départ de l’entreprise d’Isabelle C… connu depuis fin juin, n’a débouché de votre part sur aucune mesure de remplacement. J’ai constaté le 21 août que
Colette D… contrairement aux règles de procédures internes écrites dans les définitions de fonction n’avait pas de binôme. Personne, dans ces conditions, n’est en mesure d’assurer la continuité du service en cas d’absence imprévue de Colette D…. Ceci est lourd de conséquences. Début août, le dossier du lot n°201-01, qui devait prendre en compte le nouveau concept d’expédition/retour des grosses études marketing, a été établi sur des bases erronées ce qui a généré un concept insatisfaisant, des pertes financières et un conditionnement qui a dû être refait pour partie. De surcroît, l’étude n°360-25 prévoyait l’achat de 160 cartons palettes. Or, quelle n’a pas été notre surprise de recevoir 250 exemplaires. Cette erreur de commande génère un encombrement des zones de stockage déjà très chargées pour un an au moins compte tenu de notre écoulement habituel de ce type de conditionnement. Enfin, les délais pour les retours de l’étude n°250-05 qui est terminée depuis des mois n’ont pas été respectés. Après plusieurs relances du client, une réponse avait été promise le 6 juillet pour le 31 juillet soit largement avant votre départ en congé. Le 4 août, le client rappelait pour se plaindre du retard et je constatais une fois de plus que le travail n’était pas fait. Le problème était résolu, dans la journée, sans susciter de difficultés particulières. Je ne m’explique pas votre négligence. Notre entretien du 31 août 2000, au cours duquel j’espérais avoir des explications satisfaisantes, a été une nouvelle occasion de votre part de montrer votre désengagement de toute implication voire d’intérêt pour l’activité dont vous avez la charge … Force est de constater aujourd’hui que notre collaboration ne peut plus se poursuivre sans l’indispensable confiance liée à votre position hiérarchique et à votre niveau de responsabilité ». Après un courrier du 16 septembre 2000 contestant le bien-fondé de ces motifs, Mademoiselle X… a saisi le 8 novembre 2000 le Conseil de
Prud’hommes de LYON aux fins de condamnation de la société L.C.2 au paiement de dommages-intérêts. Par jugement du 27 juin 2002 rendu avec exécution provisoire, la formation de départage du conseil (section encadrement) condamnait la Société L.C.2 à payer à Mademoiselle X… la somme de 18.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonné le remboursement par la défenderesse à l’ASSEDIC des allocations de chômage versées à Mademoiselle X… dans la limite de trois mensualités, condamnait la Société L.C.2 aux dépens et à payer à Mademoiselle X… la somme de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société L.C.2 interjetait appel le 11 juillet 2002 de ce jugement qui lui a été notifié le 28 juin 2002.
SUR QUOI Vu les conclusions du 3 septembre2004 régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales de la Société L.C.2 qui demande à la Cour, par réformation du jugement déféré, de débouter Mademoiselle X… de ses prétentions et de la condamner à lui verser la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Vu les conclusions d’appel incident du 29 septembre 2004 régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales de Mademoiselle X… aux fins d’augmentation du quantum des dommages-intérêts alloués à hauteur de 35.287,07 euros et de condamnation de l’appelante au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Vu les notes en délibéré adressées après communication entre les parties à la Cour, Considérant sur la qualification du licenciement,
que les motifs tels que « comportement nuisible » « discrédit sur l’entreprise auprès de clients », dénigrement de son collaborateur, refus de prise en charge de sa responsabilité en tant que pharmacien lors de l’absence du dirigeant de l’entreprise, mauvaise volonté, remise en question des décisions de la direction, propos désobligeants, négligence dans l’organisation et l’exécution de la mission, erreurs, travail non fait, relèvent de comportements fautifs ; que le licenciement prononcé a donc un caractère disciplinaire ; Considérant qu’aux termes de l’article L 122-44 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ; Que pour s’opposer au moyen de la prescription disciplinaire soulevé par le conseil de Mademoiselle X… à l’audience, la Société L.C2 fait valoir que la salariée a commis des fautes dans le délai de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement à savoir un refus de travail et un dénigrement que révèleraient ses courriers électroniques des 19, 20 juillet et 27 juillet 2000 ; Mais considérant que le courrier de Mademoiselle X… du 19 juillet 2000 relatif au suivi des expéditions Aventis relate exclusivement les difficultés qu’elle rencontrait du fait de sa surcharge de travail ; que par ce courrier Mademoiselle X… explique ne pouvoir prendre des nouvelles missions sans mettre en péril celles nombreuses qui lui étaient déjà attribuées ; qu’elle explique en conséquence qu’elle ne traitera pas en priorité la demande présentée ; que le courrier en fait ne ressort que du droit normal d’expression dont dispose la salariée sans comporter aucun refus de travail mais seule l’évocation de difficultés venant expliquer l’ordre des priorités choisi ; qu’aucun fait fautif en conséquence n’est révélé par ce courrier ;
Que le courrier du 20 juillet 2000 de Mademoiselle X… au sujet de « retours leridistrim 005 et leridistrim 010 » ne comporte aucun refus de travail mais l’information de son interlocuteur de la transmission de sa demande ou responsable des envois et des retours Monsieur Z… ; que par ce courrier Mademoiselle X… s’excuse de ne pouvoir en dire plus et vient dire comprendre le mécontentement de l’intéressé en lui indiquant de contacter directement Monsieur Z… pour discuter des problèmes rencontrés ; Que la teneur de ce courrier ne révèle aucun fait de dénigrement mais au contraire une tentative de la salariée d’apaiser son interlocuteur ; Que les courriers Que les courriers électroniques du 27 juillet 2000 à 7 heures 45 et 11 heures 13 de Mademoiselle X… à une de ses collègues, Floriane, ne peut s’analyser comme un refus de travail mais comme un refus de prendre en considération des questions relevant de la fonction du pharmacien responsable avec simples e-mail sans discussion orale directe « sans les tenants et les aboutissants » des problèmes rencontrés ; Que la phrase « donc à ce jour je ne traiterais pas du problème de KRFA » s’inscrit dans ce contexte et révèle non un refus de travail mais au contraire une volonté de travailler dans des conditions normales et sérieuses ; que le ton de ces courriers ne révèlent qu’une exaspération devant des conditions de travail insatisfaisantes et l’insistance de son interlocutrice à travailler ainsi ; Qu’en conséquence, la Société L.C.2 ne rapportant la preuve d’aucun fait fautif dans le délai de prescription, le licenciement pour les motifs articulés dans la lettre de rupture ne procède pas d’une cause réelle et sérieuse ; Que l’appel pour ces motifs substitués à ceux du jugement attaqué n’est pas fondé ; Considérant que Mademoiselle X… devant la Cour ne justifie pas d’un préjudice généré par sa perte d’emploi dont la réparation doit être supérieure à celle déjà admise par les premiers juges ;
PAR CES MOTIFS La Cour, CONFIRME le jugement déféré, CONDAMNE la Société L.C.2 aux dépens d’appel, Vu l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, REJETTE sa demande à ce titre mais LA CONDAMNE à verser à Mademoiselle X… la somme complémentaire de 1.300 euros (mille trois cents euros) sur le fondement de cet article. Le Greffier
Le Président F. LE Y…
E. PANTHOU-RENARD