Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLEGIALE SECTION B R.G : 05/07996 SA MYMETICS PRISE EN LA PERSONNE DE SON P.D.G CGEA CHALON S/SAONE AGS DE PARIS Me DUBOIS Me BAULAND C/ X… Pierre François APPEL D’UNE DECISION DU : Conseil de Prud’hommes de LYON du 03 Novembre 2005 RG : F 03/04796COUR D’APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2006 APPELANTS : SA MYMETICS prise en la personne de son Président Directeur Général 52 avenue de Chanoine Cartellier 69230 ST GENIS LAVAL Représentée par Me Bruno BRIATTA, Avocat au barreau de LYON Maître DUBOIS ès-qualités de Représentant des Créanciers de la Société MYMETICS 32 rue Molière 69006 LYON 06 Représenté par Me Bruno BRIATTA, Avocat au barreau de LYON
Maître BAULAND ès-qualités d’Administrateur Judiciaire de la Société MYMETICS 40 rue de Bonnel 69003 LYON 03 Représenté par Me Bruno BRIATTA, Avocat au barreau de LYON
CGEA DE CHALON-SUR-SAONE 4 rue du Maréchal de Lattre de Tassigny BP 338 71108 CHALON SUR SAONE CEDEX Représenté par la SCP DESSEIGNE-ZOTTA, Avocats au barreau de LYON Substituée par Me ROBIN
AGS DE PARIS Washington plazza 40 rue Washington 75408 PARIS Représenté par la SCP DESSEIGNE-ZOTTA, Avocats au barreau de LYON Substituée par Me ROBIN INTIME : Monsieur Pierre François X… 9 allée Euphrosyne 69230 ST GENIS LAVAL Représenté par Me Frédéric CARRON, Avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUEES LE : 17 Février 2006 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Septembre 2006 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. Didier JOLY, Président M. Dominique DEFRASNE, Conseiller Mme Marie-Pierre GUIGUE, Conseiller Assistés pendant les
débats de Monsieur Julien Y…, Greffier. ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 26 Octobre 2006, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par M. Didier JOLY, Président, et par Madame Myriam Z…, Adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *************
En mai 1990, Pierre-François X… a créé la S.A. SOFINDIA dont il est devenu président directeur général.
Celle-ci avait une « activité de holding de contrôle, l’administration et la gestion dans le domaine de la biologie clinique et toutes les recherches pouvant résulter des travaux de la S.C.E.R. INDICIA ainsi que toutes activités annexes, connexes et/ou complémentaires ».
En résumé, elle avait été fondée pour développer un vaccin préventif contre le SIDA.
Une assemblée générale du 27 avril 1995 a modifié la dénomination de la S.A. SOFINDIA qui est devenue la S.A. HIPPOCAMPE, avec un objet social élargi.
Pierre-François X… est resté président du conseil d’administration.
De son côté, la S.A. INDICIA, filiale à 71, 30% de la S.A. SOFINDIA, est devenue INDICIA DIAGNOSTICS.
Le 27 mars 2002, la S.A. HIPPOCAMPE est devenue MYMETICS S.A., société à directoire et conseil de surveillance.
Pierre-François X… a été nommé membre du conseil de surveillance. Le 31 mars 2003, l’assemblée générale des actionnaires a remplacé Pierre-François X… dans ses fonctions de membre du conseil de surveillance. *
Le 5 octobre 1992, un contrat écrit à durée indéterminée a été signé par le président du conseil d’administration de la S.A. INDICIA DIAGNOSTICS et par Pierre-François X…, aux termes duquel ce dernier était engagé en qualité de directeur scientifique (statut cadre, position III c, indice 240), à temps partiel, moyennant un salaire mensuel brut de 14 500 F pour 20 heures hebdomadaires de travail.
Ce contrat de travail se référait à la convention collective des industries métallurgiques du Rhône du 21 mai 1976.
Entre juin 1990 et mai 2003, des bulletins de paie ont été délivrés à Pierre-François X… : 1o) par la S.A. INDICIA pour un emploi de directeur scientifique, de juin 1990 à janvier 1992, moyennant un salaire mensuel brut de 10 000 F, porté à 12 000 F en janvier 1991, pour 39 heures hebdomadaires de travail ; 2o) par la S.A. INDICIA DIAGNOSTICS pour un emploi de directeur scientifique à temps partiel, de novembre 1992 à février 1997, moyennant un salaire mensuel brut qui s’élevait à 20 808 F en février 1997 ; 3o) par la S.A. HIPPOCAMPE en qualité de P.D.G., de janvier 1998 à mars 2002, moyennant la rémunération suivante :
– 20 000 F de janvier 1998 à janvier 1999,
– 25 000 F de janvier 1999 à décembre 2000,
– 40 000 F jusqu’en mars 2001,
– 50 000 F ou 7 622, 45 ç à compter de décembre 2001, pour 84, 50
heures mensuelles de travail ; 4o) par la S.A. MYMETICS d’avril 2002 à mai 2003 pour un emploi de directeur de recherche, moyennant un salaire mensuel brut de 7 622, 45 ç pour 39 heures hebdomadaires de travail.
Le bulletin de paie de janvier 1998 et les suivants portent mention d’une ancienneté remontant au 1er juin 1990.
A dater de janvier 1999, les bulletins de paie remis à Pierre-François X… ne visent plus la convention collective des industries métallurgiques du Rhône, mais celle de l’industrie pharmaceutique.
En mai 2003, la S.A. MYMETICS a décidé de cesser ses activités de recherches en France.
Marlene BRYL, directeur général unique, a fait changer les serrures de l’entreprise. Elle a adressé le 23 mai aux rares salariés de celle-ci, mais non à Pierre-François X…, une lettre les informant de cette décision.
Une attestation non datée, destinée à l’ASSEDIC, a été remise à Pierre-François X… Le motif de rupture mentionné est « licenciement pour faute ».
Le 20 novembre 2003, Pierre-François X… a saisi le Conseil de Prud’hommes de LYON qui a dit que le demandeur était titulaire d’un contrat de travail et que ce dernier avait été rompu sans cause réelle et sérieuse.
Sur assignation de Pierre-François X…, le Tribunal de Commerce de LYON a constaté l’état de cessation des paiements et ouvert le redressement judiciaire de la S.A. MYMETICS par jugement du 7 février 2006.
Il a désigné Maître BAULAND en qualité d’administrateur judiciaire et Maître DUBOIS en qualité de représentant des créanciers. *
LA COUR,
Statuant sur l’appel interjeté le 14 décembre 2005 par la Société MYMETICS du jugement rendu le 3 novembre 2005 par le Conseil de Prud’hommes de LYON (section encadrement) qui a : 1o) dit que Pierre-François X…, embauché par la Société INDICIA, était bien titulaire d’un contrat de travail au service de la Société MYMETICS, précédemment nommée HIPPOCAMPE et SOFINDIA, 2o) dit que ce contrat de travail avait été rompu par l’employeur sans cause réelle et sérieuse, 3o) condamné la Société MYMETICS à verser à Pierre-François X… les sommes suivantes : – dommages-intérêts
92 000, 00 ç – indemnité de préavis
22 862, 00 ç – congés payés afférents
2 286, 73 ç – indemnité conventionnelle de licenciement
54 881, 64 ç – article 700 du nouveau code de procédure civile
1 000, 00 ç 4o) ordonné l’exécution provisoire autre que celle de droit, à concurrence de 60 000 ç concernant les dommages-intérêts, 5o) débouté la Société MYMETICS de sa demande au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 14 septembre 2006 par la société MYMETICS S.A., la SELARL BAULAND-GLABEL, administrateur judiciaire de la
société MYMETICS, et Maître DUBOIS, en qualité de représentant des créanciers, qui demandent à la Cour de : – réformer sur l’ensemble de son dispositif le jugement du Conseil de Prud’hommes de LYON en date du 3 novembre 2005, – dire et juger que la réalité du contrat de travail de Pierre-François X… n’est aucunement établie, l’existence d’un emploi effectif et d’un lien- dire et juger que la réalité du contrat de travail de Pierre-François X… n’est aucunement établie, l’existence d’un emploi effectif et d’un lien de subordination n’étant aucunement démontré, – rejeter également l’ensemble des demandes de Pierre-François X… à titre de dommages-intérêts au titre du paiement de ses indemnités légales et conventionnelles de rupture et au titre de l’indemnité de non-concurrence, – condamner Pierre-François X… à verser à la société MYMETICS, Maître BAULAND en qualité d’administrateur judiciaire et Maître DUBOIS en qualité de représentant des créanciers, la somme de 1 500 ç chacun, au titre des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par Pierre-François X… qui demande à la Cour de : 1o) constater : – que la société MYMETICS S.A. ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la fictivité du contrat de travail de Pierre-François X… qu’elle allègue, – l’existence et l’effectivité du contrat de travail de Pierre-François X…, – l’ancienneté de Pierre-François X… acquise au 1er juin 1990 et son âge supérieur à 50 ans au moment de la rupture, – que la moyenne des 3 derniers mois de salaire ou des 12 derniers mois de salaire est de 7 622, 45 ç, – la rupture du contrat du fait de l’employeur sans motif, 2o) déclarer recevables et bien fondées les demandes de Pierre-François X… à l’encontre de la Société MYMETICS, 3o) confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf à
augmenter les condamnations mises à la charge de la société MYMETICS S.A. et à tirer toutes conséquences de la procédure de redressement judiciaire dont cette société fait désormais l’objet, 4o) fixer la créance de Pierre-François X… au passif de la Société MYMETICS S.A. aux sommes suivantes : – dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
274 408, 20 ç – indemnité compensatrice de préavis
22 867, 35 ç – congés payés afférents
2 286, 73 ç – indemnité conventionnelle de licenciement
54 881, 64 ç – clause de non concurrence contractuelle
48 501, 94 ç – article 700 du nouveau code de procédure civile
5 000, 00 ç 5o) déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à la SELARL BAULAND-GLABEL, administrateur judiciaire de la société MYMETICS, à Maître DUBOIS, en qualité de représentant des créanciers, à l’AGS et à son mandataire, le CGEA de Chalon-sur-Saône, avec toutes conséquences de droit, 6o) dire et juger que l’AGS garantit la créance de Pierre-François X… à l’encontre de la société MYMETICS S.A., placée en redressement judiciaire, 7o) condamner le CGEA de Chalon-sur-Saône à procéder au versement de la créance de Pierre-François X… telle que garantie par l’AGS, 8o) condamner la SELARL BAULAND-GLABEL, en qualité d’administrateur judiciaire de la société MYMETICS, Maître DUBOIS, en qualité de représentant des créanciers, le CGEA de Chalon-sur-Saône et l’AGS ou qui mieux le devra au paiement d’une somme de 5 000, 00 ç sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de leurs observations orales par l’UNEDIC, délégation A.G.S.- C.G.E.A. de Chalon-sur-Saône, qui demandent à la Cour de : – in limine litis, dire et juger que Pierre-François X… n’était pas lié à la société INDICIA, devenue SOFINDIA, puis HIPPOCAMPE et enfin MYMETICS, par un
lien de subordination caractérisant un contrat de travail, – par conséquent, se déclarer incompétent et renvoyer Pierre-François X… à mieux se pourvoir devant le tribunal de Commerce de LYON, – subsidiairement, dire et juger que la relation salariale à compter du 5 octobre 1992 a été suspendue jusqu’au 31 mars 2002, date à laquelle il n’était plus P.D.G. de la société HIPPOCAMPE, – rejeter, par conséquent, les demandes de Pierre-François X… fondées sur une ancienneté à compter du 1er juin 1990, – à titre infiniment subsidiaire, rejeter la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à hauteur de 36 mois de salaire à défaut de preuve du préjudice conformément à l’article L 122-14-5 du code du travail ;
SUR CE : Sur l’existence du contrat de travail :
Attendu qu’au sens de l’article L 121-1 du code du travail, le contrat de travail est celui par lequel une personne accepte de fournir une prestation de travail au profit d’une autre, en se plaçant dans un état de subordination juridique vis-à-vis de cette dernière, moyennant une rémunération ;
Qu’en l’espèce, Pierre-François X…, qui était président directeur général de la société mère depuis sa création, soutient qu’il était lié par un contrat de travail à la filiale de celle-ci (INDICIA S.A.) et que ce contrat a été transféré en 1998 à la société mère, dénommée successivement SOFINDICIA, HIPPOCAMPE et MYMETICS ; qu’il n’est pas contestable qu’entre 1990 et 2003, Pierre-François X… s’est livré à des travaux de recherches dont les pièces communiquées rendent
compte abondamment ; que le contrat de travail verbal dont ce dernier se prévaut pour la période antérieure à 1992 n’est guère conciliable avec l’inscription de Pierre-François X… aux ASSEDIC entre mai et novembre 1992, sur laquelle aucune explication n’est donnée par l’intéressé ; que la société SOFINDIA, que Pierre-François X… avait fondée et dont il présidait le conseil d’administration, contrôlait entièrement la S.A. INDICIA DIAGNOSTICS à laquelle le demandeur était lié par un contrat de travail apparent depuis le 5 octobre 1992 ; que les fonctions de directeur scientifique ou de directeur de recherche revendiquées par l’intimé ne correspondaient pas à des tâches sectorisées, impliquant la mise en oeuvre au service de l’objet social de techniques particulières ; qu’au contraire, elles se confondaient avec l’objet des sociétés successivement mentionnées sur les bulletins de paie, au point de le recouvrir entièrement ; que, dans ces conditions, les employeurs prétendus de Pierre-François X… n’avaient pas la capacité de lui donner des ordres et des directives dans l’exécution de ses travaux de recherche ; qu’il est d’ailleurs significatif que les bulletins de paie délivrés au directeur scientifique Pierre-François X… par la S.A. INDICIA DIAGNOSTICS puis au président directeur général Pierre-François X… par la S.A. HIPPOCAMPE portent mention de la même durée du travail (84 heures 50) et de la même rémunération ; qu’en outre, aucun des courriers versés aux débats par l’intimé n’est adressé à « Pierre-François X…, directeur scientifique » ; qu’en revanche, plusieurs correspondances relatives à des questions scientifiques sont libellées à l’adresse de « Pierre-François X…, président du conseil d’administration de HIPPOCAMPE S.A. » ; que le contrat de travail allégué avait donc le même contenu que le mandat social, avec lequel il se confondait ; qu’il avait par conséquent un caractère fictif, son unique objet étant d’éviter à Pierre-François
X… de courir le risque d’une entreprise qui allait se révéler déficitaire ;
Qu’en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a dit que Pierre-François X… était titulaire d’un contrat de travail au service de la Société MYMETICS, précédemment nommée HIPPOCAMPE et SOFINDIA ; que Pierre-François X… sera débouté de l’intégralité de ses demandes ; Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu’il ne serait pas équitable de laisser Maître BAULAND, administrateur judiciaire de la société MYMETICS, et Maître DUBOIS, représentant des créanciers, supporter les frais qu’ils ont dû exposer ès-qualités, tant devant le Conseil de Prud’hommes qu’en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’une somme de 1 500 ç sera allouée à chacun d’eux sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Reçoit l’appel régulier en la forme,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau :
Dit que le contrat de travail de Pierre-François X… a un caractère fictif,
Déboute, en conséquence, Pierre-François X… de l’intégralité de ses demandes,
Le condamne à payer la somme de mille cinq cents euros (1 500 ç) à la SELARL BAULAND-GLABEL, en qualité d’administrateur judiciaire de la société MYMETICS, et la somme de mille cinq cents euros (1 500 ç) à
Maître DUBOIS, en qualité de représentant des créanciers, sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne Pierre-François X… aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT
M. Z… D. JOLY