Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLEGIALE
R.G : 06 / 04027
SA BEAUJELEC
C /
X…
APPEL D’UNE DECISION DU :
Conseil de Prud’hommes de BOURG-EN-BRESSE
du 29 Mai 2006
RG : F 05 / 00154
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2007
APPELANTE :
SA BEAUJELEC
Z.A de la Prêle
01480 SAVIGNEUX
comparant en personne, assistée de Maître Michel NIEF, avocat au barreau de LYON
INTIME :
Monsieur Guy X…
…
01090 GENOUILLEUX
comparant en personne, assisté de Maître Michel DELMAS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE SUR SAONE
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 octobre 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Louis GAYAT DE WECKER, Président
Monsieur Dominique DEFRASNE, Conseiller
Madame Françoise CLEMENT, Conseiller
Assistés pendant les débats de Madame Anita RATION, Greffier.
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 novembre 2007, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Madame Anita RATION, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
Monsieur Guy X…, engagé le 19 août 1997 par la SA BEAUJELEC dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, en qualité de responsable de production, statut cadre, position 3, coefficient 135, a assumé en sus a compter du 1er septembre 1999 les fonctions d’administrateur.
Estimant avoir été confronté depuis le mois de septembre 2004 à un contexte de dégradation progressive des relations de travail, le salarié a saisi le 29 avril 2005 le Conseil de Prud’hommes de BOURG-EN-BRESSE à l’effet d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur ainsi que diverses sommes au titre de rappels d’heures supplémentaires et de la prime de bilan 2004.
Convoqué le 21 juillet 2005 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 1er août 2005, Monsieur X… a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 5 août 2005.
Saisi le 29 avril 2005 d’une demande en paiement d’heures supplémentaires et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le Conseil de Prud’hommes de BOURG-EN-BRESSE, au terme d’un jugement rendu le 29 mai 2006, a dit que le licenciement querellé ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse et condamné la SA BEAUJELEC au paiement des sommes suivantes :
26. 000 euros à titre de prime exceptionnelle,
40. 237,32 euros à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ainsi que 750 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le 19 juin 2006, la SA BEAUJELEC a interjeté appel général de ce jugement, qui lui avait été notifié le 2 juin 2006.
La SA BEAUJELEC, concluant à la confirmation des dispositions relatives au rejet de la demande en paiement d’heures supplémentaires, demande, réformant, de débouter l’intimé de l’intégralité de ses autres demandes et de le condamner au paiement de la somme de 3. 000 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
A l’appui de son appel, la SA BEAUJELEC soutient que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse, qu’un conflit opposant initialement le salarié à l’un de ses collègues en la personne de M A… s’est progressivement généralisé générant des incidents préjudiciables au bon fonctionnement de l’entreprise et l’opposition du salarié à sa hiérarchie.
Elle observe que les courriers adressés à Monsieur X… constituaient de simples demandes d’informations et rappels des règles du contrat de travail et non pas des sanctions se cumulant avec le licenciement.
Elle relève enfin que l’intimé ne démontre nullement la réalité du préjudice allégué à l’appui de sa demande de dommages et intérêts, et que ses prétentions au titre de la prime de bilan 2004 sont dépourvues de tout fondement juridique.
Monsieur Guy X…, concluant à la confirmation en ce que le licenciement querellé a été déclaré sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a été fait droit à ses demandes au titre de l’indemnité de licenciement et de la prime exceptionnelle, demande, réformant pour le surplus, de faire droit à sa demande de rappels d’heures supplémentaires à hauteur de la somme de :
-pour l’année 2000 : 18 491,97 euros bruts outre 1 849,19 euros de congés payés afférents
-pour l’année 2001 : 21 824,00 euros bruts outre 2 182,40 euros de congés payés afférents
-pour l’année 2002 : 13 8921,96 euros bruts outre 1 389,29 euros de congés payés afférents
-pour l’année 2003 : 19 828,24 euros bruts outre 982,82 euros de congés payés afférents
et de condamner la SA BEAUJELEC au paiement de la somme de 2. 500 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
A l’appui de sa demande, le salarié observe que c’est à la suite de la saisine des premiers juges à l’effet d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et un rappel d’heures supplémentaires que ce dernier lui a reproché une série de manquements à son contrat de travail sans en démontrer ni la réalité ni le caractère fautif et ce alors même qu’il avait épuisé son pouvoir disciplinaire au terme de courriers d’intérieurs, faisant état de ces prétendus manquements.
Sur quoi la COUR,
Sur la recevabilité
L’appel, interjeté dans le délai d’un mois prévu par les articles 538 du nouveau Code de procédure civile et R. 517-7 du Code du travail, est régulier en la forme ce qui rend recevable l’appel incident qui s’y est greffé ;
Sur le fond
Sur la demande au titre des heures supplémentaires
-les principes :
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction aprés avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu’il estime utiles.
La preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et le juge doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l’employeur est tenu de lui fournir.
Cependant, il appartient au salarié de produire, préalablement au Juge des éléments de nature à étayer sa demande.
-l’espéce
A l’appui de sa demande en paiement d’heures supplémentaires, M X… verse aux débats des plannings de travail avec indication semaine aprés semaine du nombre d’heures de travail afférent à l’exécution de diverses commandes sans que lesdites énonciations ne permettent d’attribuer l’exécution des heures correspondantes à tel ou tel salarié de sorte qu’elles ne peuvent servir de base au calcul des sommes réclamées.
En revanche il ressort des attestations concordantes des nommés Y… et Z… non utilement contredites que M X… restait de façon habituelle une heure minimum au delà de l’horaire collectif à l’effet d’assurer comme il l’a lui-même indiqué sans être contredit utilement la gestion du personnel, la réception des marchandises et enfin l’expédition.
En conséquence, il sera fait droit, réformant, à ses demandes sur la base d’une moyenne hebdomadaire de travail de 43 heures de sorte que les heures supplémentaires au paiement desquels il peut utilement prétendre seront calculées à hauteur des sommes suivantes et ce en conformité avec les bases de calcul retenues par lui :
-année 2000 : 4 107,50 euros correspondant à un total de 200 heures supplémentaires à 25 %
-année 2001 : 4 736,80 euros correspondant à un total de 191 heures supplémentaires à 25 %
-année 2002 : 4 364 euros au titre de la majoration de 10 % pour les heures allant jusqu’à la 39 eme heure et 4 712 euros sur la base d’un total de 190 heures supplémentaires à 25 %
-année 2003 : 4 582,20 euros au titre de la majoration de 10 % pour les heures allant jusqu’à la 39 eme heure et 4 984,80 euros sur la base d’un total de 201 heures supplémentaires à 25 %
-année 2004 : 3 556,66 euros au titre de la majoration de 10 % pour les heures allant jusqu’à la 39 eme heure et 3 856,40 euros sur la base d’un total de 155,5 heures supplémentaires à 25 %
Il sera en conséquence fait droit à la demande de M X… à hauteur de la somme totale de 34 900,36 euros au titre des heures supplémentaires et de 3 490,36 euros au titre des congés payés afférents.
Sur le licenciement querellé :
Fixant les limites du litige, le licenciement querellé est motivé en ces termes :
» Je fais suite à l’entretien préalable du 1er aout courant et vous notifie par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
Je suis en effet contraint de mettre un terme à une situation qui s’est dégradée de manière irrémédiable depuis le fin de l’année 2004 ;
Je constate tout particulierement que vous n’êtes plus en mesure d’assumer les exigences de votre poste de responsable de production et ce en particulier d’une carence en termes de communication aussi bien vis à vis du personnel de l’atelier que de votre direction ;
De fait, les rares fois où vous sortez de votre mutisme, vous croyez devoir adopter un excés d’autoritarisme qui ne s’avére pas du meilleur aloi ;
Tel fut le cas par exemple de l’incident du 22 juillet ;
En n’exercant pas vos fonctions de responsabilités, le personnel de l’atelier a pris l’habitude de s’adresser à la direction de l’entreprise qui doit pallier à cette carence au détriment de ses autres taches ;
A titre d’illustration, le 6 juillet vous n’avez pas tenu compte de la demande d’un employé en réapprovisionnement de fil ;
L’après midi, celui-ci est venu s’enquérir auprés de la direction pour savoir si le nécéssaire avait été fait, mais l’information ne nous était pas parvenue ;
Le 11 juillet 2005, une autre personne vous a fait part d’un probleme de finition sur l’armoire du métro station Fourvière demandant d’en informer le câbleur ;
Vous lui avez répondu qu’il pouvait le faire lui même ;
Cette situation est de nature à entraîner un certain nombre de désordres tels que par exemple la reprise de l’équipement destiné a la société M.S.K ;
En réalité vous donnez l’impression depuis la fin de l’année derniere de ne plus vouloir appartenir a l’équipe : situation incompatible avec votre niveau de responsabilité ;
Vous vous comportez comme votre propre décisionnaire ;
Vous avez rompu toutes relations avec votre hiérarchie ;
Vous vous attribuez de fait des taches individuelles au lieu de gérer la production de l’atelier ;
J’ai pu ainsi observer que :
-le mardi 5 juillet vous étiez absent sans information ni justificatif
-le lendemain vous étiez en retard
-s’agissant du Pont du 14 juillet vous avez décidé de ne pas le rattraper ;
A chaque fois vous vous substituez à votre hierarchie pour décider aprés coup qu’il y a qu’à compenser cette situation par un congé ou un temps supplémentaire le soir ;
Vous ne pouvez pas vous considérer en autonomie ;
Ce comportement crée des précédents inadmissibles vis a vis de vos subordonnés ;
En effet, vous adoptez une attitude strictement contraire à l’exemple que vous auriez dû donner en qualité de responsable hiérarchique ;
Je suis donc contraint de mettre fin à ce dysfonctionnement qui ne saurait perdurer (….) » ;
En sus de sa qualité de salarié, M X… était également administrateur depuis le 1er sepembre 1999 comme il a été rappellé ci-dessus : ayant demandé le 27 janvier 2005 à pouvoir retrouver sa liberté dans le cadre d’une cession négociée de ses parts sociales ainsi que d’une rupture amiable de son contrat de travail, il s’est heurté à un refus l’ayant conduit pour la première fois à mettre en avant des demandes au titre des heures supplémentaires et de la prime de bilan.
Il ressort des piéces versées aux débats que M X… ayant été en arrêt de travail pour cause de maladie du 13 février au 4 juillet 2005 inclus, des difficultés sont apparues l’ayant conduit, par courrier du 9 juillet 2005, à s’expliquer sur son absence au cours de la journée du 5 juillet 2005 et son retard lors de son arrivée au travail le lendemain, à dénoncer aussi le fait qu’en dépit de l’engagement pris par l’employeur devant le bureau de conciliation le 4 juillet 2005 de lui permettre de reprendre ses fonctions de responsable de production, MM B… et C… réalisaient une partie de ses fonctions (gestion du personnel et distribution du travail ainsi que suivi des affaires au niveau de l’atelier) et à demander que les taches lui impartissant soient définies pour le bon fonctionnement de l’entreprise ce à quoi il lui était répondu par courrier du 15 juillet 2005 qu’il lui appartenait de prévenir préalablement la direction à l’avenir de tout retard ou absence et qu’il conservait son poste de responsable de production.
Alors même que l’employeur ne conteste pas que le 15 juillet 2005 il était parfaitement informé des faits des 6 et 11 juillet 2005 sans qu’il ait estimé a cette date devoir en faire grief au salarié, celui-ci ne peut utilement soutenir qu’ils seraient subitement devenus suffisamment sérieux pour servir de fondement au licenciement querellé.
Il en va de même de l’absence du 5 juillet 2005, l’employeur s’étant borné comme il a été vu ci-dessus à demander à son salarié de le prévenir à l’avenir de toute absence ou retard.
Dans la lettre de licenciement l’employeur vise deux nouveaux faits savoir l’incident du 22 juillet 2005 ayant opposé le salarié à M D… et la décision prise par M X… de ne pas rattraper le Pont du 14 juillet.
En ce qui concerne l’excés d’autoritarisme reproché, il a donné lieu à un compte rendu du salarié dans lequel celui-ci relate qu’en suite de son intervention il a lui-même été pris à partie par le nommé D… qui l’aurait alors insulté sans que l’employeur n’ait estimé devoir alors lui-même prendre position de sorte qu’il ne peut utilement être reproché à M X… d’avoir fait preuve d’excès d’autoritarisme.
En ce qui concerne le grief tiré du refus du salarié de rattraper le » pont du 14 juillet » dont la matérialité ressort effectivement de son courrier du 19 juillet 2005 dans lequel le salarié expose que » vu le litige au sujet d’heures supplémentaires qui sera jugé le 19 avril 2006, je ne me vois pas rattraper ces heures et vous demande de les décompter de ma paye sans solde « , il y a lieu de rappeler qu’il fait suite au courrier de l’employeur du 15 juilet 2007 dans lequel celui-ci sollicite que le salarié accepte à l’instar du reste du personnel d’indiquer son horaire de rattrapage.
Compte tenu du litige opposant les parties sur le paiement des heures supplémentaires, il y a lieu de dire que M X… n’a pas commis de manquement à ses obligations contractuelles en s’abstenant de donner suite à la demande de rattrapage de l’employeur et ce d’autant que la SA BEAUJELEC ne produit aucun élément permettant de vérifier que le refus du salarié de rattraper le pont du 14 juillet aurait entrainé des perturbations significatives au niveau du fonctionnement de l’atelier.
Le jugement attaqué sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu que le licenciement querellé était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Au vu des éléments dont la cour dispose, il sera également confirmé en ce qu’il a fixé à 40 237,32 le montant de l’indemnisation a laquelle M X… pouvait utilement prétendre.
Sur la demande au titre de la prime de bilan 2004
A la différence des années précédentes, le Conseil d’administration, à l’issue de sa délibération en date du 12 mai 2005, a décidé d’affecter la totalité du bénéfice de l’exercice clos le 31 décembre 2004 à titre de dividendes aux actionnaires ce qui a eu pour conséquence d’exclure toute affectation de celui-ci au titre de la prime de bilan ;
M X… ne conteste pas ne pas avoir été le seul à ne pas percevoir la prime litigieuse.
En l’absence de tout fondement juridique à sa demande, il sera débouté de sa demande, le jugement attaqué étant réformé en conséquence.
Sur l’article 700 du nouveau code de procédure civile
Il sera fait droit aux demandes de M X… dans la limite du dispositif.
La SA BEAUJELEC sera déboutée de sa demande.
Par ces motifs
Statuant publiquement, contradictoirement, aprés en avoir délibéré :
Déclare l’appel recevable ;
Confirme le jugement attaqué en ses dispositions relatives :
-au licenciement querellé
-à l’application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile
Réformant pour le surplus et statuant à nouveau :
Condamne la SA BEAUJELEC au paiement des sommes de 34 900,36 euros à titre d’heures supplémentaires et de 3 490,03 euros au titre des congés payés afférents
Déboute M X… de ses demandes au titre de la prime de bilan 2004
Y ajoutant
Condamne la SA BEAUJELEC au paiement d’une indemnité complémentaire de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile
Condamne la SA BEAUJELEC aux dépens de premiere instance et d’appel
La greffièreLe Président
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