Cour d’appel de Lyon, 19 octobre 2001

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Cour d’appel de Lyon, 19 octobre 2001

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

EXPOSE DU LITIGE – PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par déclaration du 20 novembre 2000, Maître Maurice X…, agissant ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société LE CHATELET, a relevé appel d’une ordonnance rendue le 27 juillet 2000 par le juge commissaire au redressement judiciaire de la société LE CHATELET relevant de la forclusion Monsieur Pierre Y… et autorisant en conséquence la SCP BELAT ET DESPRAT en sa qualité de représentant de créanciers à recevoir cette créance au passif de la société LE CHATELET.

Par déclaration du 24 juillet 2001, la société LE CHATELET a relevé appel de cette décision.

Ils exposent dans leurs écritures :

– que la société LE CHATELET avait pour activité la fabrication, l’achat et la vente d’articles en matière plastique,

– que suivant un protocole du 26 mai 1989, les époux Y… ont cédé l’ensemble de leurs actions dans la société LE CHATELET à la société BALLAND PARTICIPATIONS, moyennant le prix de 4.000.000 de francs,

– au titre de ce protocole il était stipulé que Monsieur Pierre Y… était titulaire de divers brevets pour des produits dont la fabrication était assurée par la société LE CHATELET, lesquels devaient être rémunérés par 10 % du chiffre d’affaires réalisé par la vente des produits concernés avec un minimum annuel de 100.000 francs par brevet,

– que Monsieur Pierre Y… a saisi le Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE pour réclamer une indemnité de 2.000.000 de francs au motif que la société LE CHATELET n’aurait pas respecté ses engagements à son égard,

– que les articles fabriqués en vertu de ce brevet étaient obsolètes et inadaptés au marché, de sorte que la société LE CHATELET a cessé l’exploitation de ces produits,

– qu’un accord est intervenu le 26 avril 1990 mettant un terme à l’exploitation des produits brevetés,

– qu’ainsi la société LE CHATELET s’est contenté depuis lors d’écouler ses stocks,

– que le litige est pendant devant le Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE,

– que la société LE CHATELET a été mise en redressement judiciaire par jugement du 24 septembre 1999 et qu’un plan de cession a été arrêté le 10 décembre 1999, Maître X… étant désigné comme commissaire à l’exécution du plan,

– que Monsieur Pierre Y… n’a pas déclaré sa créance dans le délai imparti alors qu’il était informé de l’ouverture de la procédure collective,

– que Maître X… n’a pas été appelé à l’instance lorsque le juge a statué sur la demande de relevé de forclusion,

– que l’ordonnance rendue le 27 juillet 2000 ne lui a pas été notifiée ni d’ailleurs au débiteur, la société LE CHATELET.

Ils estiment que le débiteur peut exercer seul, en vertu de son droit propre, les voies de recours à l’encontre d’une décision du juge commissaire et qu’à plus forte raison le commissaire à l’exécution du plan du débiteur bénéficie de ce droit.

Ils précisent que l’ordonnance du 27 juillet 2000, actuellement querellée, n’a été notifiée ni à l’un ni à l’autre, alors qu’elle l’a été à Monsieur Jack Z… qui était le dirigeant de la société LE CHATELET.

Ils soutiennent que leur appel est recevable puisque le délai d’appel n’a pas couru à leur égard.

Ils affirment que Monsieur Pierre Y… a été informé de la procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société LE CHATELET puisqu’il avait engagé devant le Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE une procédure et qu’à l’audience du 1er octobre 1999 l’affaire l’opposant à la société LE CHATELET avait été renvoyée à l’audience du 26 novembre 1999 précisément pour régulariser la procédure.

Ils demandent dans ces conditions que l’ordonnance déférée soit réformée, Monsieur Pierre Y… étant débouté de sa prétention et condamné à payer à Maître X…, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société LE CHATELET la somme de 10.000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Pierre Y… réplique et expose :

– qu’il est titulaire de divers brevets pour des produits dont la fabrication était assurée par la société LE CHATELET,

– que contrairement à ce que soutient la société LE CHATELET, le protocole transactionnel du 26 avril 1992 n’a pas mis fin aux engagements puisque la société LE CHATELET a continué de fabriquer et d’exploiter les éléments conformément à ses brevets,

– que la société LE CHATELET n’a pas seulement écoulé ses stocks,

– que la procédure est toujours pendante devant le Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE,

– qu’il a déclaré sa créance entre les mains du représentant des créanciers le 16 août 2000 conformément à l’ordonnance de relevé de forclusion du 27 juillet 2000,

– que par jugement du 12 mai 2000 la société BALLAND PARTICIPATIONS a été mise en liquidation judiciaire et la SCP BELAT ET DESPRAT désignée comme mandataire liquidateur (cette société étant actionnaire principale de la société LE CHATELET).

Il considère que Maître X…, qui n’était pas partie en première instance, n’a pas qualité pour interjeter appel de l’ordonnance du 27 juillet 2000 en vertu de l’article 546 du Nouveau Code de Procédure Civile, seule la voie de la tierce opposition lui étant ouverte, de sorte que l’irrecevabilité de l’appel devra être prononcée.

Il en est de même en ce qui concerne la société LE CHATELET qui n’était pas partie en première instance.

Il ajoute que la société LE CHATELET ayant fait l’objet d’un jugement de cession totale, elle a pris fin selon ce que dispose l’article 1844-7 – 7ème alinéa du Code Civil et n’a donc pas qualité pour exercer un recours.

Sur le fonds, il soutient que la société LE CHATELET ne pouvait ignorer l’action en paiement qui lui avait été intentée, par acte du 4 février 1999, devant le Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE à sa requête.

Il conclut que l’article L 621-45 du Code de Commerce (article 52 de la loi du 25 janvier 1985), qui fait obligation au débiteur de déclarer l’ensemble de ses créanciers représentant des créanciers, n’a pas été respecté, de sorte qu’il n’a pas été informé et qu’il n’a pu dès lors déclarer régulièrement sa créance.

Il souligne que sa défaillance ne lui est pas imputable et qu’il convient dans ces conditions de confirmer l’ordonnance déférée.

Il réclame que Maître X…, ès qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société LE CHATELET ainsi que la société LE CHATELET soit condamnée solidairement à lui payer la somme de 10.000 francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le Procureur Général près la Cour d’Appel de LYON n’a émis aucune observation sur cette procédure.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 juillet 2001.

MOTIFS ET DECISION :

I/ Sur la recevabilité :

Attendu que l’article 14 du Nouveau Code de Procédure Civile, selon lequel nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, n’a pas vocation à s’appliquer à la procédure de relevé de forclusion en raison de sa nature gracieuse, de sorte que le juge commissaire, qui tient de l’article 27 du Nouveau Code de Procédure Civile la faculté d’entendre sans formalité les personnes qui peuvent l’éclairer ainsi que celles dont les intérêts risquent d’être affectés par sa décision, peut statuer sans que le débiteur ait été entendu ou appelé ;

Attendu qu’en effet l’instance en relevé de forclusion ne produit aucun effet juridique faisant grief au débiteur, puisque le relèvement, pour le cas où il est accordé, ne préjuge pas d’une éventuelle contestation de la créance ainsi déclarée dans le cadre d’une autre instance ;

Attendu que l’article 621-46 alinéa 3 du Code de Commerce dispose que l’appel des ordonnances statuant sur le relevé de forclusion est porté devant la Cour d’Appel ;

Attendu que la société LE CHATELET a fait l’objet d’un plan de redressement par continuation aux termes d’un jugement du 10 décembre 1999, de sorte qu’à compter de cette date, la période d’observation ayant pris fin, le débiteur retrouve la totalité de ses pouvoirs, sous réserve de ceux attribués au commissaire à l’exécution du plan ;

Attendu que dans ces conditions, la société LE CHATELET, qui a ainsi qualité pour agir, y a aussi intérêt, puisque la décision prise aux termes de cette ordonnance en augmentant ses engagements lui fait grief ;

Attendu que faute de notification de cette ordonnance, le délai d’appel n’a pas couru à l’encontre de la société LE CHATELET ni à l’encontre de Maître X…, ès qualités ;

Attendu que l’appel de la société LE CHATELET est en conséquence recevable comme l’est celui de Maître X… qui, en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan, doit veiller à son exécution, ce qui implique la prise en compte des intérêts de la société qui ne peuvent lui être étrangers ;

II/ Sur le fond :

Attendu que Monsieur Pierre Y… invoque les dispositions de l’article L 621-45 (article 52 de la loi du 25 janvier 1985) du Code de Commerce qui prévoit que le débiteur remet au représentant des créanciers la liste certifiée de ses créanciers et du montant de ses dettes ;

Attendu que cependant, en l’absence de disposition particulière, l’omission d’un créancier sur la liste n’a pas pour effet de déroger à l’application de la règle de l’article L 621-46 du Code de Commerce (article 53-1er alinéa de la loi du 25 janvier 1985) d’ordre public, Monsieur Pierre Y… ne démontrant pas que cette omission ait été intentionnelle dans le dessein de lui nuire ;

Attendu que Monsieur Pierre Y… avait intenté par acte du 4 février 1999 une action contre la société LE CHATELET sur un fondement indemnitaire ;

Attendu que les appelants rapportent la preuve par la production aux débats d’une attestation (pièce N° 1 de leur dossier) émanant du greffe du Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE qu’à l’audience du 26 novembre 1999 à laquelle Monsieur Pierre Y… était représenté par son conseil, l’affaire a été renvoyée pour régularisation de la procédure ;

Attendu qu’il s’ensuit que le demandeur a eu nécessairement connaissance de la mise en redressement judiciaire de la société LE CHATELET ;

Attendu que dans ces conditions il ne peut sérieusement prétendre que cette défaillance n’est pas de son fait comme le lui prescrit l’article L 621-46 du Code de Commerce ;

Attendu qu’en conséquence, il convient de rejeter la prétention de Monsieur Pierre Y… à être relevé de la forclusion pour la créance qu’il invoque à l’encontre de la société LE CHATELET sur un montant de 2.000.000 de francs, les conditions exigées de l’article L 621-46 n’étant pas remplies et de réformer ainsi l’ordonnance déférée, comme le lui prescrit l’article L 621-46 du Code de Commerce ;

Attendu que l’équité commande d’allouer la somme de 4.500 francs à Maître X…, ès qualités, au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que Monsieur Pierre Y…, qui succombe, doit supporter les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Déclare recevable l’appel de Maître X…, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société LE CHATELET ainsi que de cette société contre l’ordonnance du juge commissaire du 27 juillet 2000 ; Réforme l’ordonnance déférée ; Et statuant à nouveau : Déboute Monsieur Pierre Y… de sa demande en relevé de forclusion en vue d’admettre une créance de 2.000.000 de francs sur la société LE CHATELET, actuellement soumise à un plan de redressement ;

Condamne Monsieur Pierre Y… à payer à Maître X…, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société LE CHATELET, la somme de 4.500 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que les dépens qui seront recouvrés par la SCP AGUIRAUD & NOUVELLET, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


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