Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Arrêt no No RG : S04 1540 Affaire : S.A.S. Les MEUBLES PINSON c/ C.P.A.M. de la HAUTE-VIENNE En présence de : La D.R.A.S.S. du LIMOUSIN Demande de prise en charge JL / MCF
COUR D’APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 9 MAI 2005
À l’audience publique de la chambre sociale de la cour d’appel de LIMOGES, le neuf mai deux mille cinq, a été rendu l’arrêt dont la teneur suit : Entre :
La S.A.S. Les MEUBLES PINSON dont le siège est 6, rue du Commerce à CHASSENEUIL-DU-POITOU (86340),
appelante d’un jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Vienne le 23 septembre 2004,
représentée par Maître LATOURNERIE substituant Maître François Xavier GALLET, avocats du barreau de POITIERS ; Et :
La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de la HAUTE-VIENNE dont le siège est 22, avenue Jean-Gagnant à LIMOGES CEDEX (87037),
intimée, représentée par Madame Claudine X…, responsable du département des affaires juridiques, agissant aux termes d’un pouvoir daté du 15 mars 2005 ; En présence de :
La DIRECTION RÉGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES du LIMOUSIN dont le siège est 24, rue Donzelot à LIMOGES CEDEX (87037), non comparante ni représentée, régulièrement convoquée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception signé le 15 décembre 2004 ;
À l’audience publique du 21 mars 2005, la cour étant composée de
Monsieur Jacques LEFLAIVE, président de chambre, de Monsieur Philippe Y… et de Madame Anne-Marie DUBILLOT-BAILLY, conseillers, assistés de Madame Geneviève BOYER, greffier, Maître LATOURNERIE, avocat, a été entendu en sa plaidoirie ; Madame X… a été entendue en ses observations ;
Puis, Monsieur le président a renvoyé le prononcé de l’arrêt, pour plus ample délibéré, à l’audience du 9 mai 2005 ;
À l’audience ainsi fixée, l’arrêt qui suit a été prononcé, les mêmes magistrats en ayant délibéré.
LA COUR
Philippe Z…, qui est salarié de la société Les MEUBLES PINSON, a adressé le 3 avril 2002 à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de la HAUTE-VIENNE une déclaration de maladie professionnelle. La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE a notifié cette déclaration à la société Les MEUBLES PINSON le 16 avril 2002.
La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE a adressé le 19 août 2002 à la société Les MEUBLES PINSON un courrier libellé comme suit :
« Je vous informe qu’à ce jour l’instruction du dossier est terminée. En effet aucun élément nouveau ne paraît plus devoir intervenir.
Préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie professionnelle vous avez la possibilité de venir consulter les pièces constitutives de ce dossier pendant un délai de dix jours à compter de la date d’établissement de ce courrier ».
Par courrier du 29 août 2002 la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE a notifié à Philippe Z… la reconnaissance d’une maladie inscrite au tableau no 57.
La société Les MEUBLES PINSON a saisi la commission de recours amiable le 14 novembre 2003 aux fins de se voir déclarer inopposable la décision de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 janvier 2004 la
commission de recours amiable a notifié à la société Les MEUBLES PINSON le rejet de sa demande.
La société Les MEUBLES PINSON a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la HAUTE-VIENNE par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 février 2004 et a demandé à cette juridiction de lui déclarer inopposable la décision de reconnaissance de maladie professionnelle et de condamner la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de la HAUTE-VIENNE à lui payer 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de la HAUTE-VIENNE a conclu au débouté du recours et a demandé au tribunal de déclarer sa décision opposable à la société Les MEUBLES PINSON.
Par jugement du 23 septembre 2004 le tribunal des affaires de sécurité sociales de la Haute-Vienne a rejeté le recours de la société Les MEUBLES PINSON et déclaré la décision de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE opposable à cette société.
La société Les MEUBLES PINSON a relevé appel de ce jugement par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 octobre 2004.
Par écritures soutenues oralement à l’audience elle reprend les termes de ses prétentions formulées en première instance en portant toutefois à 2 500 euros le montant de la demande au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile et expose l’argumentation suivante :
D’après la jurisprudence la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE est tenue d’aviser l’employeur de la fin de la procédure d’instruction, des éléments de nature à lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle la décision doit être prise, à défaut de quoi sa décision doit être déclarée inopposable à l’employeur.
Ces principes n’ont pas été intégralement respectés en l’espèce
puisque la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de la HAUTE-VIENNE n’a pas informé l’employeur de la date à laquelle elle souhaitait prendre sa décision ni des éléments de nature à lui faire grief ;
La possibilité de consulter le dossier ne se confond pas avec l’obligation pour la caisse d’informer l’employeur sur les éléments de nature à lui faire grief. En l’espèce, il s’agissait du certificat médical du docteur A… et des déclarations de l’assuré. C’est précisément le fait d’être destinataire des éléments de nature à faire grief qui conduit fréquemment l’employeur à prendre connaissance du dossier et à formuler des observations. Le principe du contradictoire n’a pas été respecté et la décision de la caisse doit en conséquence être déclarée inopposable à la société Les MEUBLES PINSON.
Par écritures soutenues oralement à l’audience la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de la HAUTE-VIENNE conclut à la confirmation du jugement en exposant l’argumentation suivante :
Ayant informé l’employeur le 19 août 2002 de la possibilité de venir consulter le dossier en l’informant que l’instruction était close, elle était en droit de prendre sa décision dès lors que le délai imparti à l’employeur pour consulter le dossier était expiré. La détermination des points de nature à faire grief est l’affaire de l’employeur, à qui l’article R. 441-12 du code de la sécurité sociale permet de solliciter la communication des pièces du dossier. La caisse n’est pas tenue de communiquer le dossier de sa propre initiative. En invitant l’employeur à consulter le dossier pendant un certain délai la caisse satisfait aux dispositions de l’article R. 411-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale.
SUR QUOI, LA COUR
Attendu que l’appelante demande que la décision de reconnaissance de maladie professionnelle lui soit déclarée inopposable, faute par la
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE d’avoir respecté le principe de la contradiction ;
Attendu que la déclaration de maladie professionnelle a été faite par le salarié sans le concours de l’employeur et dès lors la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE était tenue, aux termes de l’article R. 411-11 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, d’assurer préalablement à sa décision l’information de la victime et de l’employeur sur la procédure d’instruction et sur les points de nature à leur faire grief ;
Attendu que l’appelante fait valoir que la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE s’est bornée à l’informer que l’instruction était terminée et à lui donner un délai pour consulter le dossier alors qu’elle aurait dû l’informer de la date à laquelle elle souhaitait prendre sa décision et lui communiquer les éléments de nature à lui faire grief ;
Attendu, sur le premier point que la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE était en droit de prendre sa décision dès lors que le délai qu’elle avait imparti à la société Les MEUBLES PINSON pour prendre connaissance du dossier était expiré sans que l’employeur ait sollicité entre temps un délai pour formuler d’éventuelles observations au vu du dossier ;
Attendu, sur le second point, qu’il résulte des propres pièces de l’intimée que dès réception de la déclaration de maladie professionnelle elle a envoyé à Philippe Z… un questionnaire lui demandant notamment de décrire les travaux qu’il effectuait et ses conditions de travail, d’indiquer pourquoi la maladie serait à son avis d’origine professionnelle et de formuler ses observations ;
Que Philippe Z… a répondu de façon très circonstanciée, le 17 avril 2002 dans un document de cinq pages manuscrites, précisant notamment qu’il livrait quatre à douze colis pour une chambre à
coucher, deux à dix pour une salle à manger, qu’il ne pouvait pas utiliser l’ascenseur, qu’il était amené à porter les colis à bout de bras dans les escaliers pour passer par dessus les rampes et que certains colis pouvaient atteindre 100 kilogrammes et a ajouté que l’année précédente le médecin du travail lui avait demandé de cesser les livraisons et de ne plus soulever des colis lourds ;
Qu’une enquête a été effectuée le 4 juillet 2002 auprès de l’employeur, qui a donné des indications sur les conditions de travail de Philippe Z…, mais en dehors de la présence de celui-ci ;
Qu’il n’apparaît pas établi et il n’est au demeurant pas allégué que la réponse du salarié au questionnaire de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE ait été communiquée à l’employeur au cours de l’instruction ;
Que la réponse du salarié au questionnaire de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE était de nature à faire grief à l’employeur dès lors qu’elle imputait de façon circonstanciée la maladie professionnelle déclarée aux conditions de travail et la société Les MEUBLES PINSON fait valoir à juste titre que la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE était tenue de l’en informer en application de l’article R. 441-11 alinéa 1 du code de la sécurité sociale ;
Que, faute d’avoir été tenue informée par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE préalablement à sa décision sur un élément de nature à lui faire grief, la société Les MEUBLES PINSON est bien fondée à demander que la décision de reconnaissance de maladie professionnelle lui soit déclaré inopposable ;
Attendu qu’il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de l’appelante ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS LA COUR,
Statuant en audience publique, par arrêt réputé contradictoire, en
dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
– Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Vienne en date du 23 septembre 2004 ;
– Statuant à nouveau,
– Déclare la reconnaissance de maladie professionnelle notifiée le 29 août 2002 à Philippe MARTEAU inopposable à la société Les MEUBLES PINSON ;
– Déclare la société Les MEUBLES PINSON mal fondée en sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Cet arrêt a été prononcé en audience publique de la chambre sociale de la cour d’appel de LIMOGES en date du neuf mai deux mille cinq par Monsieur le président Jacques LEFLAIVE. Le greffier,
Le président, Marie-Christine MANAUD.
Jacques LEFLAIVE.