Cour d’appel de Limoges, CT0046, du 4 mai 2005

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Cour d’appel de Limoges, CT0046, du 4 mai 2005

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

, ARRET N RG N : 04/01102 AFFAIRE : S.A.R.L. HOPI, M. X… LE Y…, M. Marc LE Y… Z…/ S.A. GROUPE ACECOM BL/MCM EXPERTISE – OPERATIONS DE GESTION grosse à SCP DEBERNARD-DAURIAC, avoué

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION

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ARRET DU 04 MAI 2005

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A l’audience publique de la CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION DE LA COUR D’APPEL DE LIMOGES, le QUATRE MAI DEUX MILLE CINQ a été rendu l’arrêt dont la teneur suit : ENTRE :

S.A.R.L. HOPI, dont le siège social est 2, Place de la Bourse – 69002 LYON représentée par Me Jean-Pierre GARNERIE, avoué à la Cour, assistée de Me Jacques BOUSCAMBERT, avocat au barreau de LYON

Monsieur X… LE Y…, de nationalité Française, né le 11 Août 1962 à LYON (69000), Gérant de Société, demeurant 12, rue Jarente – 69002 LYON représenté par Me Jean-Pierre GARNERIE, avoué à la Cour, assisté de Me Jacques BOUSCAMBERT, avocat au barreau de LYON

Monsieur Marc LE Y…, de nationalité Française, né le 28 Décembre 1956 à LYON (69000), Informaticien, demeurant 80, rue Vendôme – 69006 LYON représenté par Me Jean-Pierre GARNERIE, avoué à la Cour, assisté de Me Jacques BOUSCAMBERT, avocat au barreau de LYON

APPELANTS d’une ordonnance de référé rendue le 23 JUILLET 2004 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES ET :

S.A. GROUPE ACECOM, dont le siège social est Parc d’Activités Magré-Romanet – 56, rue Paul Claudel – 87000 LIMOGES représentée par la SCP DEBERNARD-DAURIAC, avoués à la Cour, assistée de Me Eric COHEN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

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L’affaire a été fixée à l’audience du 16 Mars 2005 par Monsieur le Conseiller de la mise en état agissant par délégation de Monsieur le Premier Président et faisant application de l’article 910 du Nouveau Code de procédure civile, la Cour étant composée de Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, de Monsieur Robert JAOUEN, Président de chambre et de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Conseiller, assistés de Madame Régine A…, Greffier. Maître BOUSCAMBERT et Maître COHEN, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.

Puis Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, a renvoyé le prononcé de l’arrêt, pour plus ample délibéré, à l’audience du 4 Mai 2005.

A l’audience ainsi fixée, l’arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.

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LA COUR

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La SA GROUPE ACECOM, société d’informatique au capital de 22 millions d’euros environ, dont le siège est à LIMOGES, encore appelée GESI (Groupe Euralliances Solutions Informatiques), était propriétaire de deux filiales, la Société Euralliances exploitée à PARIS et ORLEANS, et la société IRIS INFORMATIQUE exploitée à PARIS.

En août et octobre 2002, les dirigeants du Groupe ACECOM, Monsieur B… et Monsieur C…, ont négocié avec un actionnaire Monsieur D…, d’une part, son désengagement de la société-mère avec rachat de ses actions, et, d’autre part, la cession des deux filiales à travers une société BUSINESS ASI. La cession de la première filiale a été faite pour 47.730 euros et la seconde pour le prix symbolique d’un euro, tandis que Messieurs B… et C… rachetaient personnellement les actions ACECOM de Monsieur D… à raison de 7,57 euros l’action.

Soupçonnant qu’un accord était intervenu entre ces derniers consistant à minorer le prix de cession des filiales en contrepartie d’une minoration du prix de cession des actions, trois actionnaires minoritaires, la SARL HOPI et Messieurs LE Y… , représentant environ 8 % du capital, ont sollicité des explications par lettres des 13 février et 16 mars 2004.

Jugeant non satisfaisantes les réponses obtenues, les trois actionnaires minoritaires ont saisi le président du tribunal de commerce de LIMOGES le 22 juin 2004 sur le fondement de l’article L 225-231 du Code de commerce qui les autorise dans un tel cas à solliciter une expertise de gestion en référé.

Par ordonnance du 2 juillet 2004, le président du tribunal de commerce a rejeté leur demande en estimant, en premier lieu, que la condition d’urgence imposée par l’article 872 du Nouveau Code de procédure civile n’était pas remplie, alors que le référé de l’article L 225-231 du Code de commerce serait une application particulière de l’article 872 du Nouveau Code de procédure civile et que les opérations de gestion litigieuses remontaient à août et octobre 2002 pour une demande en justice introduite en juin 2004 seulement.

En second lieu, le président du tribunal de commerce a estimé que les actionnaires minoritaires, qui avaient déjà pu débattre des actes conclus à l’assemblée générale de la fin 2002, ont en outre reçu une

réponse satisfaisante à leurs questions, ce qui ne leur permettait pas d’obtenir une expertise de gestion.

En troisième lieu, le président du tribunal de commerce a encore observé que la preuve d’une présomption sérieuse d’irrégularité n’était pas rapportée, dès lors que la cession à bas prix des filiales s’expliquait par leurs pertes importantes en dépit d’un chiffre d’affaires élevé.

En quatrième lieu, le président du tribunal de commerce jugeait que, dans ces conditions, les opérations litigieuses étaient conformes à l’intérêt du groupe ACECOM.

Estimant enfin que l’action entreprise par la SARL HOPI et Messieurs LE Y… constituait un abus de minorité, il les condamnait à payer à la société Groupe ACECOM 3.000 euros de dommages et intérêts.

Ceux-ci ont relevé appel de l’ordonnance ainsi rendue.

Ils estiment en premier lieu que le référé-expertise de gestion est un référé autonome distinct de celui de l’article 872 du Nouveau Code de procédure civile et que la condition d’urgence n’est pas exigée puisque l’article L 225-231 du Code de commerce ne la prévoit pas. En réalité, selon les appelants, cette action n’est un référé qu’en la forme (ainsi que le dispose le texte d’application de l’article L 225-231, à savoir l’article 195 du décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales), qu’il s’agit d’une action sur le fond pour laquelle le président du tribunal de commerce est exclusivement compétent et ne peut renvoyer les parties devant le tribunal statuant au fond en raison de l’absence d’urgence à agir en référé.

En second lieu, les actionnaires minoritaires estiment qu’ils n’ont pas reçu de réponses satisfaisantes à leurs questions. Ils n’ont obtenu communication du protocole de désengagement de Monsieur D… qu’à l’occasion de la demande en justice, et l’explication tirée des pertes des deux filiales pour justifier leur cession à vil

prix n’est pas pertinente.

En effet, la société EURALLIANCES vendue pour moins de 50.000 euros dégageait un chiffre d’affaires de 8.000.000 euros, et la société IRIS INFORMATIQUE vendue 1 euro avait un chiffre d’affaires de 6.000.000 euros avec un droit au bail situé à PARIS dans le XV ème arrondissement, rue Sainte Lucie.

Par ailleurs, l’acte de cession d’une des filiales ne comporte pas l’indication du chiffre d’affaires des trois derniers exercices comme le veut la loi.

Les appelants déduisent de ces circonstances une présomption d’irrégularité qui justifie leur demande dans l’intérêt du groupe de sociétés tout entier.

C’est pourquoi, ils reprennent devant la cour leur demande tendant à la désignation d’un expert pour faire rapport sur les trois opérations litigieuses, et pour rechercher la valeur exacte des sociétés cédées ainsi que les raisons véritables de leurs sous-estimation par les dirigeants.

Ils demandent que les frais de l’expertise soient pris en charge par la société elle-même, et réclament enfin 5.000 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Le GROUPE ACECOM conclut à la confirmation de l’ordonnance en raison de l’absence des quatre conditions nécessaires au succès de l’action (urgence, réponse non satisfaisante apportée par les dirigeants à la demande des actionnaires, présomption d’irrégularité des opérations litigieuses, intérêt du groupe).

La société réclame 15.000 euros de dommages et intérêts pour abus de minorité et appel abusif, ainsi que 5.000 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

S’agissant de l’urgence, l’intimée estime qu’elle n’est pas constituée dix huit mois après la naissance du différend et que

l’article 872 du Nouveau Code de procédure civile ne permet donc pas de faire droit à la demande.

En ce qui concerne les réponses apportées aux questions des actionnaires minoritaires, la société observe que ceux-ci ne critiquent pas la teneur du protocole de désengagement de Monsieur D… dont ils ont obtenu la communication.

Pour ce qui est du prix de cession des deux filiales, la société rappelle son explication relative à leurs pertes.

Les deux filiales ont enregistré au titre de l’exercice précédant leur cession des pertes respectivement de 317.000 euros et 508.355 euros, ce qui justifiait leur vente à bas pris en dépit de leurs chiffres d’affaires du fait de leur rentabilité nulle.

Ces résultats écartent toute présomption d’irrégularité selon la société qui précise que l’absence d’ indication du chiffre d’affaires dans l’un des actes s’explique par l’absence de comptabilité séparée pour l’activité cédée.

La société ajoute encore que l’acquisition des actions de Monsieur D… a été proposée aux 37 actionnaires et qu’aucun d’eux, à l’exception de Messieurs B… et C…, n’a souhaité les acquérir au prix unitaire proposé de 7,57 euros, ce qui a contraint les dirigeants à les acheter, dès lors que Monsieur D… liait le rachat de ses actions à l’acquisition des deux filiales.

Enfin, la société justifie les opérations critiquées au regard de l’intérêt du groupe en comparant le résultat d’exploitation consolidé pour l’exercice 2002 qui dégageait une perte de 526.000 euros avant la cession des filiales avec celui de 2003 qui enregistre un bénéfice de 984.000 euros après cette cession et celui de 2004 qui se monte à 2.664.000 euros.

La société conclut en estimant que l’attitude des appelants s’explique par leur volonté de se défaire de leurs propres actions au

prix excessif de 57,58 euros chacune, prix auquel nul ne veut consentir : ils espéreraient obtenir gain de cause de guerre lasse en multipliant les difficultés avec la société.

SUR CE

Attendu qu’il résulte des articles L 225-231 du Code de commerce et 195 du décret du 23 mars 1967 que le président du tribunal de commerce peut être saisi en la forme des référés afin de prescrire une expertise de gestion ;

Que ces textes sont autonomes par rapport à l’article 872 du Nouveau Code de procédure civile et ne posent pas une condition d’urgence ;

Que la demande doit donc être examinée au regard de la réponse apportée aux demandeurs aux questions qu’ils ont posées sur les opérations de gestion, le président du tribunal de commerce devant rechercher si cette réponse a ou non été satisfaisante ;

Que le succès de la demande est encore subordonnée à l’existence d’une présomption sérieuse d’irrégularité de l’opération litigieuse, et ceci au détriment de l’intérêt du groupe lorsque plusieurs sociétés sont en cause ;

Qu’en l’espèce, le contenu du protocole de désengagement qui a été communiqué aux appelants n’est pas critiqué ;

Que ceux-ci s’inquiètent seulement du prix de cession des deux filiales ;

Que, cependant, ils ne contestent pas les résultats d’exploitation déficitaires des sociétés cédées ;

Qu’ils soutiennent essentiellement que le chiffre d’affaires doit être pris en compte pour l’évaluation du prix de cession d’un fonds de commerce de préférence à sa rentabilité ;

Que, pourtant, il n’est pas discutable qu’un acquéreur a d’abord en perspective le profit qu’il peut retirer d’une exploitation ;

Que, dès lors, l’explication du bas prix de cession tirée des pertes

des activités vendues constitue une réponse satisfaisante ;

Que cette explication ne permet pas de retenir sérieusement une présomption d’irrégularité, alors que par ailleurs les appelants ne contestent pas qu’ils ont été mis à même d’acquérir s’ils le désiraient les actions de Monsieur D… au prix auquel les dirigeants du GROUPE ACECOM ont dû les acheter ;

Que la circonstance selon laquelle le chiffre d’affaires de trois derniers exercices n’a pas été mentionné dans un des actes de cession est sans incidence en l’occurrence, dès lors que ce chiffre d’affaires n’est pas discuté entre les parties ;

Qu’enfin, le redressement des résultats du groupe après les opérations litigieuses n’est pas davantage contesté, ce qui établit encore que ces opérations étaient conformes à l’intérêt du groupe ;

Qu’en conséquence, l’ordonnance sera confirmée ;

Que l’absence de moyens sérieux à l’appui de la demande caractérise un abus de minorité et de procédure, ainsi que l’a relevé le premier juge ;

Qu’il sera alloué 3.000 euros à la société en réparation du préjudice qui lui est causé par la poursuite de cet abus en cause d’appel, outre 2000 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; —==oOOEOo==— PAR CES MOTIFS —==oOOEOo==— LA COUR

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire ;

CONFIRME l’ordonnance du président du tribunal de commerce du 23 juillet 2004 et, y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la Société HOPI et Messieurs X… et Marc LE Y… à payer à la SA GROUPE ACECOM :

– 3.000 euros de dommages et intérêts,

– les dépens de l’appel distraits en faveur de la SCP d’avoués DEBERNARD-DAURIAC,

– 2.000 euros pour les autres frais.

CET ARRET A ETE PRONONCE A L’AUDIENCE PUBLIQUE DE LA CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION DE LA COUR D’APPEL DE LIMOGES EN DATE DU QUATRE MAI DEUX MILLE CINQ PAR MONSIEUR LOUVEL, PREMIER PRESIDENT. LE GREFFIER,

LE PREMIER PRESIDENT, Régine A….

Bertrand LOUVEL.


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