Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
RG N° 99/00371 N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN & NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D’APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE ARRÊT DU JEUDI 25 AVRIL 2002 Appel d’une décision (N° RG 98J00199) rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE en date du 24 novembre 1998 suivant déclaration d’appel du 31 Décembre 1998 et suivant assignation en date du 28 décembre 1999 APPELANTS : Madame Marthe X… épouse Y… née le 17 Avril 1913 à VANOSC (07690) de nationalité Française Square Vassy 38200 VIENNE et décédée à GIVORS (69), le 10 juillet 1999 Monsieur Z… Y… né le 16 Juillet 1943 à VIENNE (38200) de nationalité Française Le Belvédère Bâtiment Florence 38200 VIENNE représenté par la SELARL DAUPHIN & NEYRET, avoués à la Cour assisté de Me PAILLARET substitué par Me GILLE, avocat au barreau de VIENNE INTIMES : SA GRAND HOTEL DU NORD prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège 9 Place Miremont 38200 VIENNE représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistée de Me PERRIN, avocat au barreau de LYON Monsieur Jean A… né le 22 Juin 1937 à VIENNE (38200) de nationalité Française Route d’Auberives 38550 LE PEAGE DE ROUSSILLON représenté par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assisté de Me PERRIN, avocat au barreau de LYON Monsieur B… Y… 47 Bld Léon Gambetta 13160 CHATEAURENARD assigné en intervention représenté par la SELARL DAUPHIN & NEYRET, avoués à la Cour assisté de Me PAILLARET substitué par Me GILLE, avocat au barreau de VIENNE COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Allain URAN, Président de chambre, Madame Christiane BEROUJON, Conseiller, Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller, Assistés lors des débats de Madame Eliane C…, Greffier. DÉBATS : A l’audience publique du 07 Mars 2002, Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu à l’audience de ce jour,
Par acte du 31 décembre 1998 Monsieur Z… Y… et Madame Marthe Y… ont relevé appel d’un jugement réputé contradictoire du Tribunal de Commerce de Vienne en date du 24 novembre 1998 assorti de l’exécution provisoire qui les a condamnés in solidum à payer à la société GRAND HOTEL DU NORD et à Monsieur Jean A… la somme en principal de 169.472,30 F en exécution d’une clause de garantie de bilan stipulée dans un acte sous seing privé en date du 08 juillet 1998 portant double engagement de céder et d’acquérir la totalité du capital social de la SA « LE GRAND HOTEL DU NORD ». SUR CE :
Messieurs Z… et B… Y…, ce dernier assigné en intervention par acte du 28 décembre 1999 en sa qualité d’héritier de Madame Marthe Y…, décédée le 10 juillet 1999, ont signifié des conclusions le 06 mars 2002, jour de la clôture.
Pour un strict respect du contradictoire il y a lieu de faire droit à la requête des intimés et de rejeter ces écritures tardives, les appelants qui ont eu signification des conclusions adverses dès le 21 janvier 2002 ne justifiant d’aucun motif grave de révocation de l’ordonnance de clôture.
Vu les conclusions signifiées le 14 septembre 2000 par les consorts
Y…,
Vu les conclusions signifiées le 21 janvier 2002 par la société GRAND HOTEL DU NORD et Monsieur Jean A…,
Le 08 juillet 1988 aux termes d’un acte qualifié de « protocole d’accord » Madame Marthe Y… et son fils Monsieur Z… Y…, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte des autres actionnaires, dont ils se sont portés forts, ont cédé l’intégralité des titres de la société GRAND HOTEL DU NORD à Monsieur A… moyennant le prix de 3.250.000 F.
La cession a été régularisée par acte du 12 août 1988 intitulé « Garantie d’actif et de passif ».
Monsieur A… et la société GRAND HOTEL DU NORD entendent faire supporter par les cédants divers redressement fiscaux relatifs à la TVA et à la taxe professionnelle qui leur ont été notifiés par l’administration en 1990.
I – Sur l’exception d’incompétence
Tant le protocole d’accord du 08 juillet 1988 que l’acte de garantie d’actif et de passif du 12 août 1988 contiennent une clause compromissoire prévoyant que toutes contestations relatives à leur interprétation ou exécution seront soumises à un Tribunal arbitral « composé de deux arbitres nommés par les parties et d’un tiers arbitre choisi par eux » ou si les parties en sont d’accord à un arbitre unique.
Les consorts Y… font en conséquence valoir que le Tribunal de Commerce a été indûment saisi et qu’il y a lieu d’annuler le jugement.
Mais leur exception ne peut être retenue, alors qu’assignés le 04 septembre 1992 devant la juridiction des référés dudit Tribunal, aux mêmes fins de prise en charge des redressements fiscaux notifiés à leur cessionnaire, Madame Marthe Y… et Monsieur Z… Y…
n’ont pas conclu à l’incompétence de la juridiction judiciaire mais à l’existence d’une contestation sérieuse échappant à la connaissance du juge des référés.
Ils ont ainsi renoncé à se prévaloir de l’application de la clause d’arbitrage qu’ils réclament pour la première fois devant la Cour.
Cette renonciation résulte encore de l’attitude qu’ils ont tenue à réception du courrier recommandé avec avis de réception du 19 avril 1996 que leur a adressé le Conseil de Monsieur A… pour les informer de ce que son client qui avait réglé intégralement le montant des redressements consécutifs à la vérification de comptabilité effectuée par l’administration fiscale pour les exercices 1987, 1988 et 1989, entendait faire jouer la garantie de passif.
Dans ce courrier Maître GENIN rappelait les termes de la clause d’arbitrage aux consorts Y… et leur suggérait d’opter pour la désignation d’un arbitre unique, proposant trois noms.
Dans la réponse qu’ils ont faite à ce courrier les consorts Y… se sont contentés d’émettre des réserves sur la mise en jeu de leur garantie au motif qu’ils n’avaient pas été informés en temps utile de la procédure de vérification fiscale sans faire la moindre allusion à la proposition d’arbitrage qui leur était présentée (cf leurs courriers recommandés des 20 avril et 05 juin 1996).
C’est en conséquence à bon droit que le Tribunal de Commerce a retenu sa compétence et statué.
II – Sur les conditions de mise en jeu de la garantie de passif
L’acte du 12 août 1998 stipule « qu’il ne pourra être tenu compte d’augmentation du passif provenant d’un rappel d’impôts ou cotisations (droits simples et pénalités) qu’à la condition que :
Lors de la vérification émanant de l’Administration fiscale, parafiscale, URSSAF ou autre, sur des comptes ou déclarations
antérieures à la date d’entrée en jouissance, les garants aient été avisés dans le délai de huit jours par lettre recommandée avec avis de réception, adressée par la société, de la réclamation présentée ou de la vérification annoncée et mis, ensuite à même de discuter le bien fondé et le quantum des réclamations ».
En l’espèce la Direction Générale des Impôts a notifié son intervention de procéder à un redressement fiscal à Monsieur A… par LR/AR du 16 juillet 1990.
Ce dernier a immédiatement informé ses cédants de cet avis par LR/AR du 24 avril 1990.
Ainsi les cédants, non seulement ont été informés dans le délai contractuel de l’existence de la vérification fiscale, mais ont été mis en mesure de discuter le bien fondé et le quantum des réclamations, conformément à la garantie de passif.
Madame Y… ex PDG de la SA GRAND HOTEL DU NORD a d’ailleurs largement utilisé son droit de réponse, comme en atteste la teneur des observations qu’elle a apposées en marge de la notification retournée au Centre des Impôts par Monsieur D…, expert-comptable de Monsieur Z… Y…, le 16 août 1990, c’est à dire dans le délai de trente jours imposé par l’Administration fiscale.
En reprochant au cessionnaire de ne pas les avoir tenus informés des suites de la notification, les consorts Y… ajoutent aux conditions contractuelles de mise en jeu de la garantie de passif, qui ne prévoit rien de tel.
Parfaitement avisé de la procédure de redressement en cours, il leur appartenait, le cas échéant, de prendre directement contact avec l’Administration fiscale pour une notification se rapportant à leur période de gestion, voire d’engager une procédure contentieuse devant la juridiction administrative. Ils ont choisi l’inertie et ne peuvent s’opposer à la mise en jeu de la garantie accordée aux cessionnaires,
lesquels ont pour leur part parfaitement respecté leurs obligations. III – Sur l’étendue de l’obligation de garantie
1°) – Les consorts Y… ne peuvent faire naître dans le cadre de la présente instance des contestations sur le montant des redressements appliqués à tort ou à raison par l’Administration fiscale, au motif qu’ils n’auraient pas donné leur accord à ces redressements.
2°) – Concernant la taxe professionnelle 1988 c’est en vain qu’ils prétendent limiter leur contribution à 7/12ème de son montant au motif que la cession de leurs titres a pris effet au 1er août 1988.
En effet, il ressort de la notification de redressement que les sommes dues au titre de cet impôt ont été calculées par les services fiscaux pour la période allant du 1er avril 1987 au 31 juillet 1988, date de clôture de l’exercice social.
3°) – Concernant la demande de récupération au titre de l’impôt sur les sociétés, expressément prévue à l’article 8 de la garantie de bilan stipulée dans le protocole d’accord du 08 juillet 1988 il n’y a pas lieu d’y faire droit alors que la société GRAND HOTEL DU NORD, filiale de la société LIGNE HOTEL, bénéficie du régime de l’intégration fiscale des groupes, et qu’est versé aux débats l’état de suivi des déficits pour les exercices 1990 à 1995, qui montre que la société LIGNE HOTEL et ses filiales étant en déficit durant toute cette période n’ont supporté qu’une imposition forfaitaire annuelle. IL y a lieu en conséquence d’établir les comptes de la manière suivante :
Sommes dues au titre de la TVA :
– Année 1987, en principal
5.585,73 Euros
– Année 1988, en principal
3.131,61 Euros
– Pénalités
1.862,16 Euros
– Intérêts de retard
333,25 Euros
– Frais de poursuites
744,74 Euros
——————-
TOTAL
11.657,49 Euros
Sommes dues au titre de la taxe professionnelle :
– Année 1987, en principal
4.616,92 Euros
– Année 1988, en principal
9.555,83 Euros
– Majorations
2.209,44 Euros
– Frais
2.104,66 Euros
– Dégrèvement
– 1.817,80 Euros
——————-
TOTAL
16.669,05 Euros
C’est en conséquence une somme de 28.326,54 Euros qui est due par les consorts Y… au titre de la garantie de passif.
Les intimés entendent y ajouter une somme de 21.070,28 Euros au titre d’une incidence des redressements fiscaux sur le montant des capitaux propres, lequel était également garanti par les actes de cession.
Mais il ne peut être fait droit à leur demande -présentée pour la première fois en cause d’appel- alors qu’ils ne rapportent nullement la preuve que le défaut de paiement de la TVA ou de la taxe professionnelle aurait conduit à une diminution des capitaux propres de la société GRAND HOTEL DU NORD tels qu’ils ressortaient du bilan au 31 décembre 1997.
Et la clause relative à la garantie des capitaux propres n’ayant pas à jouer, la franchise invoquée par les consorts Y…, laquelle n’était prévue que pour cette garantie particulière, ne peut venir diminuer le montant de leur dette.
Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande relative aux intérêts légaux. En effet la somme qu’ils obtiennent sur le fondement de la garantie de passif a un caractère indemnitaire et les intérêts au taux légal ne courront sur cette somme qu’à compter du présent arrêt. IV – Sur la demande de dommages-intérêts des intimés
C’est en vain que Monsieur A… et la société GRAND HOTEL DU NORD réclament une somme de 15.244,90 Euros en réparation du préjudice que leur aurait causé la résistance des consorts Y…
En effet les frais de justice qu’ils ont dû exposer dans le cadre de leur litige avec l’Administration fiscale, relativement aux
redressements objets du présent litige, ont déjà été pris en compte au titre de la garantie de passif.
Quant aux agios qu’ils ont dû payer à leurs banquiers, rien n’établit qu’ils soient la conséquence directe de ces redressements et du refus des consorts Y… de les prendre en charge.
V – Sur la demande en remboursement de leur compte courant formée par les consorts Y…
Cette demande étant formée en défense à la demande principale en garantie de passif ne se heurte pas à la prescription, mais elle n’est pas pour autant fondée.
L’article 4 du protocole du 08 juillet 1988 stipulait que le prix des actions serait intégralement payé lors de la régularisation des transferts d’actions et que le compte courant des cédants serait remboursé intégralement le même jour. Les consorts Y…, s’ils n’avaient pas obtenu le remboursement de leur compte d’associés, lequel s’élevait à 28.142 F dans le bilan de 1988, n’aurait pas régularisé la cession.
A défaut d’apporter la preuve d’une quelconque réclamation à ce titre, ils ne peuvent qu’être déboutés de leur demande.
Il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge de leurs frais irrépétibles d’appel. Ils obtiendront à ce titre une somme de 1.000 Euros qui viendra s’ajouter à celle de 5.000 F obtenue en première instance. PAR CES MOTIFS LA COUR : Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
REJETTE les écritures des appelants signifiées le 06 mars 2002,
REFORME le jugement déféré sauf sur l’article 700 du Nouveau code de procédure civile,
STATUANT à nouveau,
CONDAMNE in solidum Monsieur Z… Y… et Monsieur B…
Y… à payer à la société GRAND HOTEL DU NORD et à Monsieur Jean A… la somme de 28.326,54 Euros,
DIT que les intérêts au taux légal courront sur cette somme à compter du présent arrêt,
CONDAMNE in solidum les consorts Y… à payer aux intimés la somme de 1.000 Euros au titre de leurs frais irrépétibles d’appel,
REJETTE toutes prétentions plus amples ou contraires des parties,
CONDAMNE in solidum les consorts Y… aux entiers dépens de première instance et d’appel et pour ces derniers AUTORISE la SCP GRIMAUD, avoués, à les recouvrer conformément à l’article 699 du Nouveau code de procédure civile. PRONONCE publiquement par Madame BEROUJON, Conseiller, et signé par Monsieur URAN, Président, et Madame C…, Greffier.