Cour d’appel de Douai, CT0003, du 7 juin 2005

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Cour d’appel de Douai, CT0003, du 7 juin 2005

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

DOSSIER N 04/03315 ARRÊT DU 07 Juin 2005 6ème CHAMBRE IT COUR D’APPEL DE DOUAI

6ème Chambre – Prononcé publiquement le 07 Juin 2005, par la 6ème Chambre des Appels Correctionnels, Sur appel d’un jugement du T.G.I. DE BETHUNE du 02 NOVEMBRE 2004 PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

X… Christophe, Frédéric né le 24 Mai 1965 à SAINT RAPHAEL Fils de X… Roland et de CORNAGLIA Nicole De nationalité française Gérant de société Demeurant 23, rue Pierre LHOMME – 92400 COURBEVOIE Prévenu, appelant, libre, non comparant, représenté par Maître GAUER , Avocat au barreau de MONTPELLIER LE MINISTÈRE PUBLIC : Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE appelant, COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : Président :

Henriette MARIE, Conseillers :

Pascale HUMBERT,

Jean-Michel Y…. GREFFIER :

Géraldine BAZEROLLE aux débats et au prononcé de l’arrêt. MINISTÈRE PUBLIC : Catherine CHAMPRENAULT, Substitut Général. DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l’audience publique du 26 Avril 2005, le Président a constaté l’absence du prévenu. Ont été entendus : Monsieur Y… en son rapport ; Le Ministère Public, en ses réquisitions : Les parties en cause ont eu la parole dans l’ordre prévu par les dispositions des articles 513 et 460 du code de procédure pénale. Le Conseil du prévenu a eu la parole en dernier. Le Président a ensuite déclaré que l’arrêt serait prononcé le 07 Juin 2005. Et ledit jour, la Cour ne pouvant se constituer de la même façon, le Président, usant de la faculté résultant des dispositions de l’article 485 du code de procédure pénale, a rendu l’arrêt dont la teneur suit, en audience publique, et en présence du Ministère Public et du greffier d’audience. DÉCISION : VU TOUTES LES

PIÈCES DU DOSSIER, LA COUR, APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ CONFORMÉMENT A LA LOI, A RENDU L’ARRÊT SUIVANT : RAPPEL DE LA PROCEDURE X… Christophe a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Béthune pour avoir : A/ dans le ressort judiciaire de BÉTHUNE, courant 1994, par quelque moyen que ce soit, altéré frauduleusement la vérité d’un écrit destiné à établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques, en l’espèce en émettant, par l’intermédiaire de la société ANTARES, deux fausses factures à l’encontre des sociétés FDR et FITECOM pour respectivement 200 000 francs et 107 000 francs HT (237 200 francs et 126 902 francs TTC), et fait usage des dits faux ; Faits prévus et réprimés par les articles 441-1, 441-9, 441-10 et 441-11 du Code pénal ; B/ dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, au préjudice des sociétés anonymes FDR et FITECOM, été complice du délit d’abus de biens sociaux commis par les dirigeants de ces sociétés, en donnant des instructions à ces derniers d’émettre des fausses factures à l’encontre de la société L’3E, Faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, L. 242-6, 3o, L. 246-2 et L. 242-30 du Code de commerce (anciens articles 437, 3o, 463 et 464 de la loi du 24 juillet 1966). C/ dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, sciemment recelé des sommes d’argent qu’il savait provenir d’un abus de biens sociaux commis au préjudice de la société L’3 E en l’espèce en encaissant les sommes faussement facturées et en établissant des chèques au profit des dirigeants et administrateurs de la société L’3E, Faits prévus et réprimés par les articles 321-1,321-3, 321-4 :-, 321-9 et 321-10 du Code pénal.

Par jugement contradictoire du 2 novembre 2004, il a été relaxé pour les faits de faux et usage de faux, déclaré coupable pour les autres

faits et condamné à un an d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à payer une amende de 2 000 euros. Le tribunal a en outre rejeté sa demande de non inscription de la condamnation au casier judiciaire numéro 2. LES APPELS : X… Christophe a interjeté appel des dispositions de cette décision le 12 novembre 2004. Le ministère public a formé appel incident le même jour.

A l’audience de la Cour, le prévenu n’a pas comparu. Il a donné pouvoir de représentation à son conseil. Il sera statué contradictoirement à son égard. Par conclusions visées par le greffier, il demande à la cour : –

de confirmer les dispositions du jugement du 2 novembre 2004 en ce qu’il l’a relaxé des chefs de faux et usage, –

à titre principal sur le délit de recel d’abus de biens sociaux à l’encontre de la société L’3E, qu’il soit constaté la prescription de l’action publique, subsidiairement, que l’élément constitutif du délit de recel, tenant dans l’existence d’un bénéfice, n’est pas réalisé, –

que le dépôt des sommes provenant de L’3E sur les comptes courants de FDR et FITECOM leur a fait perdre tout caractère propre et interdit juridiquement de voir dans les sommes encaissées ou payées les biens précédemment soustraits à L’3 E, –

que l’usage des biens de L’3 E étant imposé par l’intérêt de cette société, il n’existe aucun délit qui puisse être à l’origine du recel reproché, –

qu’il n’a commis aucun acte de complicité d’abus de biens sociaux au préjudice de FDR et FITECOM en donnant des instructions aux dirigeants de FDR et FITECOM d’émettre des fausses factures à l’encontre de L’3 E, RAPPEL DES FAITS La société L’3E a été créée en

1993 par Z… Charles, A… Jean et B… Jean-Pierre, rejoints par la suite par d’autres actionnaires lors d’augmentations de capital successives. A… Jean en a été le président du conseil d’administration jusqu’au 16 février 1996, date à laquelle il a été remplacé par C… Michel. Z… Charles était administrateur et directeur technique. B… Jean-Pierre a été administrateur jusqu’en 1995, puis directeur administratif. La société a été créée dans le but de mettre sur le marché des enveloppes souples destinées à recueillir différents liquides, des bières principalement. La mise au point des processus de fabrication industriels a été longue et n’a jamais réellement abouti. Par jugement du 16 janvier 1998 de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Béthune, elle a été placée en redressement judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire le 6 février suivant. Me D… a été désigné aux fonctions de liquidateur. Le 10 décembre 1998, la direction des services fiscaux du Pas-de-Calais transmettait au procureur de la République de BÉTHUNE, en application de l’article 40 du Code de procédure pénale, un rapport établi par ses services à la suite d’un contrôle fiscal. Son auteur soulignait que, depuis sa création le 1er mars 1993, la société L’3E s’était principalement financée grâce à des aides publiques directes ou indirectes (pour un total supérieur à 7 millions de francs) alors que son activité était quasi-inexistante (chiffre d’affaires annuel inexistant en 1993 et 1994, de 169 412 francs en 1995 et de 157 611 francs en 1996). En dépit de cette léthargie, des fonds sociaux avaient été distribués aux actionnaires ainsi qu’à des cabinets d’études ou à des sociétés sous couvert de prestations dont l’intérêt pour l’entreprise n’avait pu être démontré. Une information judiciaire était ouverte par réquisitoire introductif du 24 décembre 1998. Parmi les irrégularités relevées au

cours de l’enquête subséquente, il était confirmé

que la société FDR avait, en date du 15 juin 1994, établi une fausse facture de 243 100 F TTC à l’ordre de L’3E, qui la lui avait payée ; la société ANTARES, dirigée par X… Christophe, avait ensuite facturé à FDR une intervention fictive pour 237 200 F, que celle-ci avait payée par chèque le 23 juin 1994, aussitôt encaissé ; le 24 juin, X… Christophe avait rédigé deux chèques de 70 000 F à l’ordre de A… Jean et Z… Charles et un troisième de 60 000 F à l’ordre de B… Jean-Pierre.

que la ponction de fonds sociaux au bénéfice des associés avec l’aide active de X… Christophe avait été renouvelée les 14 novembre et 11 décembre 1994 grâce à l’entremise de la société FITECOM : celle-ci avait adressé une fausse facture de 126 902 F TTC à L’3E, en avait perçu le montant puis, sous couvert d’une facture tout aussi dénuée de fondement, avait restitué cette somme à la société ANTARES ; X… Christophe avait ensuite réparti 100 000 F sur les 107 000 F HT entre les associés de la société L’3E, les 7 000 F restant ayant été ristournés au dirigeant de la société FITECOM. Selon les déclarations des protagonistes, ces appréhensions frauduleuses de fonds étaient destinées à permettre aux associés de la société L’3E de souscrire à des augmentations de capital que les partenaires financiers exigeaient pour poursuivre leur soutien. X… Christophe a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour les faits repris ci-dessus. Il a fait valoir que les faits de faux et d’usage de faux étaient touchés par la prescription, ce que le tribunal a admis en le relaxant. Il a aussi soutenu, en vain, qu’il devait être relaxé pour les faits de recel et de complicité d’abus de biens sociaux dans la mesure où il n’avait retiré aucun profit personnel des opérations incriminées. Z… Charles, B… Jean-Pierre et A… Jean ont été renvoyés pour abus de biens sociaux au préjudice de

L’3E. Déclarés coupables de ces faits, Z… Charles a été condamné à un an d’emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d’amende, B… Jean-Pierre et A… Jean à deux ans d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende. Aucun d’eux n’a relevé appel de cette décision. Devant la cour X… Christophe reprend les mêmes moyens de défense. SUR CE Sur l’action publique Sur le faux et l’usage de faux Attendu que le premier acte interruptif de prescription a été accompli le 24 décembre 1998, Attendu que les factures incriminées ont été établies en 1994, Attendu que, comme l’a retenu le tribunal, le point de départ du délai de prescription du délit d’usage de faux se situe au dernier jour de l’utilisation du faux, Attendu que le dernier chèque au bénéfice de l’un des associés de la société L’3E a été émis le 26 mai 1995, Attendu que l’ensemble de ces faits étaient prescrits au jour où l’action publique a été mise en mouvement, que le jugement entrepris doit être confirmé, Sur la complicité d’abus de biens sociaux Attendu qu’il est reproché à X… Christophe de s’être rendu complice du délit d’abus de biens sociaux commis par les dirigeants des sociétés FDR et FITECOM, en donnant des instructions à ces derniers d’émettre des fausses factures à l’encontre de la société L’3E, Attendu que X… Christophe a reconnu avoir fait appel Attendu que X… Christophe a reconnu avoir fait appel aux dirigeants des sociétés FDR et FITECOM dans le but de l’aider à rendre service aux associés de la société L’3E, Attendu qu’il est acquis que FDR a facturé une prestation fictive à L’3E pour 243 100 Francs TTC tout en acceptant de recevoir et de payer une facture fictive émanant de la société ANTARES pour 237 200 Francs TTC, que X… Christophe a indiqué que la différence, soit 5 900 Francs, était restée en possession de FDR, Attendu qu’il est constant que FITECOM a facturé faussement 126 902 Francs TTC à L’3E tout en acceptant de payer une fausse facture émise à son

encontre par ANTARES pour ce même montant, que son dirigeant a été personnellement rémunéré pour ce service par la remise d’une somme de 7 000 Francs, Attendu que le délit de l’article L. 242 û 6 3o du Code de commerce suppose l’usage des biens ou du crédit de la société, par son président, contraire aux intérêts de celle-ci, soit à des fins personnelles, soit pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement, Attendu d’une part que la preuve n’est pas rapportée au dossier que les présidents des sociétés FDR et FITECOM auraient, en émettant des fausses factures en direction de la société L’3E, agi pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il étaient intéressés directement ou indirectement, Attendu d’autre part que la poursuite d’un intérêt personnel par le dirigeant de FDR dans le déroulement de cette opération n’est pas mieux établie dès lors que, bien au contraire, celle-ci en a retiré un profit de 5 900 Francs, peu important l’origine frauduleuse de ce gain, Attendu que X… Christophe ne saurait être reconnu complice de ces faits, que le jugement attaqué doit être réformé sur ce point, Attendu par contre qu’il se déduit de la circonstance que le dirigeant de la société FITECOM a reçu 7 000 Francs de X… Christophe pour l’aide qu’il lui a apportée qu’il a agi dans un intérêt personnel, que l’élément constitutif de l’infraction est constitué, que X… Christophe en a été complice, Attendu que ces agissements n’étaient pas prescrits au jour où l’action publique a été mise en mouvement, s’agissant de dissimulations sous couvert de fausses factures, Attendu en conséquence que la culpabilité de X… Christophe a été valablement retenue par le tribunal, que le jugement entrepris sera confirmé, Sur le recel d’abus de biens sociaux au préjudice de la société L’3E,

Sur la prescription Attendu que, comme l’a jugé la cour de cassation (Crim. 6 février 1997, Bulletin criminel 1997 no 48 p. 148) le recel

d’abus de biens sociaux se prescrit selon les règles gouvernant cette dernière infraction, Attendu que X… Christophe a fait transiter par sa société ANTARES la fraction du patrimoine de la société L’3E détourné par l’émission des fausses factures émises par FDR et FITECOM, qu’il l’a répartie par émission de chèques au profit des associés de cette dernière, Attendu qu’il s’en déduit que, s’agissant de dissimulations à l’aide de fausses factures, la prescription de l’action publique n’a commencé à courir que du jour où les faits ont été découverts, que le recel d’abus de biens sociaux n’était pas prescrit au 24 décembre 1998, jour du premier acte interruptif, que le moyen doit être rejeté,

Sur l’usage contraire à l’intérêt social Attendu que le prévenu soutient que l’opération était conforme à l’intérêt social dès lors qu’elle était indispensable à la survie de la société et que les sommes, un temps soustraites, ont regagné le patrimoine de la société L’3E, Attendu qu’il n’est pas discutable que l’augmentation de capital ait été rendue nécessaire par les exigences des partenaires financiers de la société, Attendu qu’une augmentation de capital doit entraîner un apport net de fonds, que tel n’a pas été le cas en l’espèce dès lors :

que l’émission de fausses factures a amputé le patrimoine de la société L’3E,

qu’elle a simplement retrouvé la disponibilité de tout ou partie des fonds appréhendés par l’augmentation de capital à laquelle ses associés ont souscrit,

qu’au total l’opération n’a pas été neutre dans la mesure où elle a fait naître un droit de créance au profit des souscripteurs à concurrence de leurs apports, peu important le fait que cette créance ne soit pas exigible avant le terme social, Attendu qu’il s’en déduit que la circonstance que les associés auraient réinjecté les sommes

frauduleusement recueillies dans la trésorerie de la société victime est indifférente, que le moyen doit être écarté,

Sur la nature de la chose recelée Attendu que X… Christophe soutient encore que le dépôt des sommes provenant de L’3E sur les comptes courants de FDR et FITECOM leur a fait perdre tout caractère propre et interdit juridiquement de voir dans les sommes encaissées ou payées, les biens précédemment soustraits à la société L’3E, Attendu que l’absence de cause des fausses factures émises en direction de la société L’3E n’a pas entraîné pour celle-ci l’obligation d’en payer le prix, que l’opération a eu pour unique objectif l’appréhension d’une fraction de son patrimoine en vue de le mettre à disposition de ses associés, Attendu que les sommes encaissées ne représentent pas la rémunération d’une prestation, interdisant de les faire bénéficier du régime des choses fongibles, Attendu qu’il s’en déduit que le recel d’abus de biens sociaux reproché à X… Christophe a porté, non pas sur du numéraire mais sur un élément du patrimoine de L’3E, Attendu que le recel d’un bien provenant d’un délit peut porter sur des biens incorporels, Attendu que le moyen doit être rejeté,

Sur l’intérêt poursuivi par le prévenu Attendu que le recel suppose que soit établi, chez son auteur, le fait de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit, Attendu que X… Christophe a lui-même déclaré :  » Si j’ai accepté de faire cela, c’était suite à ma situation délicate et à la promesse des dirigeants de L’3E de m’embaucher. Ils m’avaient également promis d’entrer dans le capital par la suite « , que ces déclarations démontrent l’intérêt personnel qu’il trouvait à collaborer avec les associés de L’3E, Attendu qu’il est indifférent de noter que cette promesse d’embauche n’a été tenue que pour un temps éphémère dès lors qu’au jour où il a prêté son concours aux associés de L’3E, il était persuadé qu’il

obtiendrait un avantage tangible en retour, Attendu que les faits sont constitués, que le jugement entrepris doit être confirmé,

Attendu que le tribunal a fait une exacte appréciation de la peine à infliger au prévenu, que sa décision sera confirmée, PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Rejette l’ensemble des moyens de défense soulevés par X… Christophe, Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré X… Christophe c


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