Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
ARRET RENDU PAR LA COUR D’APPEL DE BORDEAUX ————————— Le :
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B No de rôle : 02/05563 Monsieur Gilbert X… (Aide juridictionnelle totale numéro 2002/015085 du 03/07/2003) Madame Y… épouse X… c/ La S.A. GIRONDE TRAVAUX, prise en la personne de son représentant légal Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : à :
Rendu par mise à disposition au greffe,
Le
Par Monsieur Louis MONTAMAT, Président,
en présence de Madame Armelle Z…, Greffier,
La COUR d’APPEL de BORDEAUX, PREMIERE CHAMBRE SECTION B, a, dans l’affaire opposant :
1o/ Monsieur Gilbert X…, né le 8 décembre 1954 à BREST (29), de nationalité française, demeurant 4, rue Latraine 33580 MONSEGUR,
2o/ Madame Y… épouse X…, née le 6 octobre 1957 à MONSEGUR (33), de nationalité française,
lesdits époux demeurant ensemble 4, rue Latraine 33580 MONSEGUR,
Représentés par la S.C.P. Stéphan RIVEL et Patricia COMBEAUD, Avoués Associés à la Cour et assistés de Maître Frédéric QUEYROL, Avocat à la Cour, substituant la S.C.P. RIVIERE-MAUBARET-RIVIERE, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,
Appelants d’un jugement rendu le 2 septembre 2002 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel en date du 7 octobre 2002,
à :
La S.A. GIRONDE TRAVAUX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis Route de Landiras TOULENNE 33212 LANGON CEDEX,
Représentée par la S.C.P. Sophie LABORY-MOUSSIE et Eric ANDOUARD, Avoués Associés à la Cour et assistée de Maître Jacques CAVALIE, Avocat au barreau de BORDEAUX,
Intimée,
Rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue, en audience publique le 15 mars 2005 devant :
Monsieur Louis MONTAMAT, Président,
Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,
Monsieur Alain PREVOST, Conseiller,
Madame Armelle Z…, Greffier,
Et qu’il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats :
En fait :
1o) Monsieur et Madame Gilbert X… sont propriétaires à Monségur (Gironde) d’une maison ancienne comportant un magasin en façade et des locaux en pièce arrière qu’ils ont décidé d’aménager en logement, avec en outre la réalisation d’un ascenseur. Indépendamment des autres corps d’état auxquels ils se sont adressé pour les travaux d’électricité, plâtrerie, plomberie, les époux X… ont contacté la S.A. GIRONDE TRAVAUX qui leur ont établi le 19 novembre 1999 un devis quantitatif et estimatif pour les travaux d’aménagements intérieurs à hauteur de la somme toutes taxes comprises de 19.315,84 Euros (ou 126.703,00 Francs) et ce même 19 novembre 1999, un autre devis quantitatif et estimatif, pour l’ascenseur, d’un montant toutes taxes comprises de 8.041,69 Euros (ou 52.750,00 Francs).
Puis, lors d’une réunion avec l’ascensoriste, l’emplacement de
l’ascenseur a été modifié, une fosse devant être creusée. Compte tenu de ces modifications, la S.A. GIRONDE TRAVAUX a établi en date du 19 novembre 1999, un troisième devis au titre des travaux supplémentaires pour l’ascenseur d’un montant de 3.043,50 Euros (ou 19.964,08 Francs).
Le 24 novembre 1999, les époux X… versaient des acomptes, à hauteur de 30 % du montant des travaux.
Enfin la S.A. GIRONDE TRAVAUX établissait un quatrième devis en date du 24 décembre 1999 pour des travaux supplémentaires de démolition à concurrence de la somme de 5.961,03 Euros toutes taxes comprises (ou 39.101,80 Francs).
Des difficultés devaient, dès le 17 janvier 2000, se faire jour, le maître de l’ouvrage refusant de signer les devis et de régler une situation d’un montant de 13.423,09 Euros toutes taxes comprises (ou 88.049,67 Francs) de sorte que le 19 janvier suivant, l’entrepreneur informait le maître de l’ouvrage que faute pour lui de signer les devis, il arrêterait le chantier. De fait, le 24 janvier 2000, les époux X… informaient la S.A. GIRONDE TRAVAUX, après avoir exposé à l’entreprise diverses récriminations quant au coût des suppléments réclamés par celle-ci, de bien vouloir « arrêter tous travaux et de régler (son) matériel ».
2o) Les époux X… obtiennent par une ordonnance de référé du 17 mai 2000, la désignation de Monsieur de LA FOUCHARDIERE en qualité d’expert. Celui-ci établit son rapport définitif le 12 janvier 2001. 3o) Mais sur le mérite de ce document, la S.A. GIRONDE TRAVAUX, par acte du 12 juillet 2002, assigne en référé les époux X… pour obtenir la condamnation de ces derniers à une provision de 9.225,15 Euros (ou 60.513,00 Francs) ainsi qu’une indemnité de procédure et au fond pour voir prononcer la résiliation du marché aux torts des dits époux X…, leur condamnation au paiement de la dite somme de 9.225,15 Euros, avec intérêts de droit à compter du 15 janvier 2001, outre de celle de 7.622,45 Euros (50.000,00 Francs) à titre de dommages intérêts et d’indemnité de procédure de 1.067,14 Euros (ou 7.000,00 Francs).
Par ordonnance contradictoire du 29 octobre 2001, le Juge des référés condamne par provision, les époux X… à payer à la S.A. GIRONDE TRAVAUX la somme de 9.225,15 Euros, ainsi qu’une somme de 381,12 Euros (2.500,00 Francs) par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par ailleurs le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX statuant au fond par jugement réputé contradictoire, en date du 2 septembre 2002, constatait la résiliation des conventions passées entre les époux X… et la S.A. GIRONDE TRAVAUX à leurs torts exclusifs et condamnation des dits époux X… à payer à cette dernière la somme de 9.225,15 Euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts de droit à compter de ce jour. Une indemnité de procédure au bénéficie de la S.A. GIRONDE TRAVAUX de 400,00 Euros était mise à la charge de Monsieur et Madame X…
Ces derniers déclaraient régulièrement appel.
Au soutien de leurs dernières écritures déposées le 2 mars 2004, ils
invoquent :
– le caractère forfaitaire du marché conclu,
– l’absence d’acceptation des deux devis de travaux supplémentaires des 19 novembre 1999 et 24 décembre 1999 sur les marchés de l’ouvrage.
Ils demandent en conséquence de :
– rejeter la demande en paiement de solde de 9.225,15 Euros allouée à la S.A. GIRONDE TRAVAUX,
– constater que tout au plus, ils ne seraient redevables à l’entrepreneur que de la somme de 1.867,26 Euros (ou 12.248,44 Francs),
– de constater qu’en raison des manquements et fautes commis par la S.A. GIRONDE TRAVAUX, elle est elle-même à l’origine de la rupture du contrat,
– de condamner en conséquence la dite S.A. GIRONDE TRAVAUX en réparation du préjudice locatif subi, la somme de 17.531,64 Euros (ou 115.000,00 Francs), en réparation du surcoût du chantier, celle de 7.622,45 Euros (50.000,00 Francs) soit après compensation avec le solde dû 23.286,83 Euros (ou 152.751,83 Francs).
Ils sollicitent également la condamnation de la S.A. GIRONDE TRAVAUX au paiement de la somme de 548,82 Euros (ou 3.600,00 Francs) au titre des reprises des désordres, outre T.V.A. et indexation et coût du constat d’huissier 306,15 Euros (ou 2.000,00 Francs) et une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile de 1.524,00 Euros.
La S.A. GIRONDE TRAVAUX, dans ses dernières écritures deposées le 15 janvier 2004, invite la Cour à :
– confirmer le jugement querellé,
– condamner en outre les époux X… à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 7.622,45 Euros,
– subsidiairement, la S.A. AQUITAINE TRAVAUX estime que la somme allouée, au titre des dommages et intérêts, ne saurait être inférieure à celle de 3.354,00 Euros (22.000,00 Francs) retenue par l’expert judiciaire et au paiement de laquelle seront tenus les époux X… avec intérêts de droit à compter du 24 janvier 2000 et le bénéfice de l’article 1154 du Code civil.
Enfin, la S.A. GIRONDE TRAVAUX réclame une indemnité de procédure de 1.500,00 Euros.
L’ordonnance de clôture était rendue le 1er mars 2005.
Ceci étant, la Cour :
A – Sur la qualification du marché :
Attendu que le débat juridique se circonscrit à l’application des dispositions de l’article 1793 du Code Civil ;
Qu’il résulte de ce texte que « lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main d’oeuvre ou des matériaux, ni pour celui de changements ou d’augmentation faits sur ce plan, si ces changements ou augmentation n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire » ;
Qu’en l’espèce la S.A. GIRONDE TRAVAUX n’était pas entreprise générale, mais un corps d’état titulaire de deux lots ;
Qu’ensuite la S.A. GIRONDE TRAVAUX était chargée d’une part de travaux d’aménagements intérieurs, qualifiés couramment de travaux « de second oeuvre », ponctuels sur des parties privatives d’un immeuble, d’autre part de l’installation d’un ascenseur, ces marchés ne s’inscrivent donc pas dans le cadre de l’édification d’un
bâtiment.
Que dès lors les travaux supplémentaires, objet du devis du 19 novembre 1999 ne nécessitaient pas l’accord écrit du maître de l’ouvrage et s’imposaient pour répondre aux exigences de l’ascensoriste, exprimées dans un document adressé à la S.A. GIRONDE TRAVAUX le 22 octobre 1999 ; que certes ce devis n’a pas été signé par les époux X… mais a été implicitement accepté par eux-même, lors même qu’il est fait référence à celui-ci sur la facture du 9 décembre 1999 « facture certifiée conforme aux devis présentés et aux travaux effectués » lesquels comprenaient des travaux supplémentaires pour l’ascenseur tels que l’élévation de maçonnerie en agglomérés creux épaisseur 0,20 mètre, le décaissement dans cave, profondeur 20 centimètres ;
Que le maître de l’ouvrage fait ensuite grief à la S.A. GIRONDE TRAVAUX d’avoir effectué des travaux supplémentaires pour la réalisation des aménagements intérieurs (démolition de cloisons, dépose du plafond et de l’escalier en bois) ayant justifié l’élaboration d’un quatrième devis, en date du 24 décembre 1999, alors qu’il ne les lui avait pas commandés ;
Que les démolitions ne sont effectivement pas mentionnées dans le devis initial (du même 19 novembre 1999 numéro B 90935), mais, comme le note l’expert, la S.A. GIRONDE TRAVAUX n’est pas liée au maître de l’ouvrage par un contrat de construction de maison individuelle (lequel aurait nécessairement englobé ces travaux), mais titulaire de deux lots distincts, ces travaux s’avérant justifiés, doivent être à la charge des époux X…, mais seront ramenés au prix de 3.601,46 Euros hors taxe (ou 23.624,00 Francs) tel qu’arbitré par Monsieur de LA FOUCHARDIERE (paragraphe 2-1 page 11), observation étant faite que l’expert a réduit le devis aménagement de l’ascenseur, en écartant le coût correspondant aux sondages du sol et au plan de béton non
réalisés (page 8 du rapport) ;
Qu’il s’ensuit que la Cour entérinera le rapport d’expertise judiciaire de Monsieur de LA FOUCHARDIERE lequel procédant à l’apurement des comptes, a estimé qu’il restait dû à l’entrepreneur la somme de 9.225,15 Euros ;
Que toutefois il apparaît que le maître de l’ouvrage est créancier de la S.A. GIRONDE TRAVAUX d’une somme de 548,82 Euros (3.600,00 Francs) au titre de légers désordres (éclats sur douche par de l’émail et reprise du rail de la porte-fenêtre sur jardin) ;
B – Sur la rupture du contrat :
B – Sur la rupture du contrat :
Attendu qu’il découle de ce qui précède que le maître de l’ouvrage n’est donc pas fondé à attribuer la S.A. GIRONDE TRAVAUX l’imputabilité de la rupture du contrat en invoquant, à son encontre, une « modification substantielle » de celui-ci, tirée du non respect des prix parfaitement fixés, lors même que le contrat liant les parties n’est pas soumis aux dispositions de l’article 1793 du Code Civil ;
Qu’ainsi la seule responsabilité en incombe aux époux X… qui auraient été mieux avisés de confier la totalité de l’ouvrage à un entrepreneur pilote qui aurait coordonné l’ensemble des travaux au lieu de faire établir par des différents corps d’état des devis distincts, alourdissant ainsi, comme le note l’expert, le coût global des travaux ;
C – Le préjudice subi par la S.A. GIRONDE TRAVAUX :
Attendu que la société intimée le chiffre à la somme globale de 7.622,45 Euros (50.000,00 Francs) se décomposant :
– aux frais de matériel spécifiquement prévu pour le chantier dont s’agit et irréalisable par la suite (demande non chiffrée),
– aux frais d’études faites sur le chantier et non comptabilisés évalués à 10 % des travaux soit : 1.341,00 Euros,
– aux pertes de bénéfice sur travaux non réalisés dont le bénéfice ne peut être inférieur à 15 % net : 2.011,50 Euros ;
Mais attendu que si la première réclamation n’est assortie d’aucun justificatif, le préjudice subi par la S.A. GIRONDE TRAVAUX n’en est pas moins réel et réformant le jugement déféré, il échet d’allouer à la S.A. GIRONDE TRAVAUX la somme de 3.352,50 Euros (21.990,96 Francs) ;
Que l’équité commande d’allouer à la S.A. GIRONDE TRAVAUX une indemnité de procédure ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Déclare l’appel recevable,
Le dit partiellement fondé,
Condamne la S.A. GIRONDE TRAVAUX à payer aux époux X… la somme de 548,82 Euros hors taxe au titre des reprises sur douche et du rail de la porte-fenêtre sur jardin, outre indexation selon l’indice de référence pour les matériaux (béton, plomberie) entre la date du dépôt du rapport (Janvier 2001) et le présent arrêt,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a constaté la résiliation des conventions passées entre Monsieur et Madame X… et la S.A. GIRONDE TRAVAUX aux torts des époux X… et en ce qu’il les a solidairement condamnés à lui payer la somme de 92.215,00 Euros, au titre des travaux restants dus et celle de 400,00 Euros par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Faisant droit à l’appel incident de la S.A. GIRONDE TRAVAUX,
Condamne solidairement les époux X… à lui la somme de 3.352,50
Euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 12 JUILLET 2001, date de l’assignation en référé et au fond,
Dit que la S.A. GIRONDE TRAVAUX pourra faire application des dispositions de l’article 1154 du Code Civil,
Ordonne la compensation entre les dettes réciproques des parties,
Y ajoutant ;
Condamne solidairement les époux X… à payer à la S.A. GIRONDE TRAVAUX la somme de 1.000,00 Euros par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamne solidairement les appelants aux entiers dépens dont distraction pour ceux d’appel au profit de la S.C.P. Sophie LABORY-MOUSSIE et Eric ANDOUARD, Avoués Associés à la Cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Signé par Monsieur Louis MONTAMAT, Président et par Madame Armelle Z…, Greffier.