Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
ARRET RENDU PAR LACOUR D’APPEL DE BORDEAUX————————–Le : 10 OCTOBRE 2006PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A
ETCHAMBRE SOCIALE RÉUNIES
No de rôle : 04/05088 LE CENTRE DE GESTION ET D’ETUDES DE L’ASSURANC DE GARANTIE DES SALAIRES DE TOULOUSE c/S.A. CODEVIA venant aux droits de la S.A CAUSSADAISE D’ABATTAGE SARL SOCIETE D’EXPLOITATION DES ABATTOIRS DE CAUSSADE « SEDAC »Monsieur Luc X…, Administrateur Judiciaire Madame Rose Antoinette Fernande Y… veuve DE Z… Monsieur Philippe Jean Claude DE Z… Monsieur Didier Eric Pascal DE Z… Mademoiselle Aurélie DE Z…, tous les quatre pris en leur qualité d’ayants droits de Monsieur René DE Z…, décédé, Maître Luc X… mandataire ad hoc de la Société SEDAC Nature de la décision : AU FOND
SUR RENVOI DE CASSATION Grosse délivrée le :à :
Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 – 2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le 10 Octobre 2006
Par Monsieur François BRAUD, Premier Président,
en présence de Madame Chantal SERRE, Greffier,
La COUR d’APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE et CHAMBRE SOCIALE réunies, a, dans l’affaire opposant :
LE CENTRE DE GESTION ET D’ETUDES DE L’ASSURANCE DE GARANTIE DES SALAIRES DE TOULOUSE sis 72 rue Riquet – BP 846 – 31015 TOULOUSE CEDEX 06 assistée de Maître Axelle MOURGUES substituant Maître
Philippe DUPRAT, avocats au barreau de BORDEAUX (Gironde)
Demanderesse sur un arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 27 juin 2001 en suite d’un arrêt rendu le 12 mars 1999 par la Cour d’appel de TOULOUSE (Haute-Garonne), sur un appel d’un jugement du Conseil de Prud’hommes de MONTAUBAN (Haute-Garonne) en date du 22 août 1997, suivant déclaration de saisine en date du 8 Novembre 2001,
à :
S.A. CODEVIA venant aux droits de la S.A. CAUSSADAISE D’ABATTAGE sise Zone Industrielle de Meaux – 82300 CAUSSADEassistée de Maître Laurent MASCARAS substituant Me Jean-Yves MASSOL, avocats au barreau de MONTAUBAN (Tarn et Garonne)
SARL SOCIETE D’EXPLOITATION DES ABATTOIRS DE CAUSSADE « SEDAC » sise Abattoirs de Meaux – 82300 CAUSSADE
Monsieur Luc X…, Administrateur Judiciaire, … assistés de Maître Thierry DEVILLE, avocat au barreau de MONTAUBAN (Haute-Garonne)
Madame Rose Antoinette Fernande Y… veuve DE Z…, pris en sa qualité d’ayant droit de Monsieur René DE Z…, décédé, …
Monsieur Philippe Jean Claude DE Z…, pris en sa qualité d’ayant droit de Monsieur René DE Z…, décédé, …
Monsieur Didier Eric Pascal DE Z…, pris en sa qualité d’ayant droit de Monsieur René DE Z…, décédé, …
Mademoiselle Aurélie DE Z…, prise en sa qualité d’ayant droit de Monsieur René DE Z…, décédé, …
assistés de Maître Aurélie BEAUTE substituant Maître LEVI, avocats au barreau de MONTAUBAN (Tarn et Garonne)
Défendeurs sur renvoi de Cassation,
Maître Luc X… mandataire ad hoc de la Société SEDAC, demeurant 40 bis boulevard des Récollets – 31400 TOULOUSEassisté de Me Thierry DEVILLE, avocat au barreau de MONTAUBAN (Haute-Garonne)
Intervenant sur renvoi de Cassation,
Rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique et solennelle, le 5 Septembre 2006 devant :
Monsieur François BRAUD, Premier Président,
Monsieur Alain COSTANT, Président,
Madame Marie-Paule DESCART-MAZABRAUD, Président,
Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller,
Madame Raphaùlle DUVAL-ARNOULD, Conseiller Rapporteur,
Madame Chantal SERRE, Greffier,
et qu’il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ayant
assisté aux débats ;
Monsieur René de Z… a été engagé, sans contrat de travail écrit, le 1er mai 1984 en qualité de directeur, coefficient 300, par la société d’exploitation des Abattoirs de Caussade, au sigle SEDAC. Il était gérant de la société, à compter du 1er avril 1987, et renouvelé dans ses fonctions jusqu’au 31 mars 1996.
Il a été placé en arrêt de maladie au début de l’année 1995 sans interruption jusqu’à son licenciement.
A la suite de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire le 21 février 1996 et de l’homologation, le 23 octobre 1996, d’un plan de redressement par cession totale des actifs à la SA Caussadaise d’Abattage par le Tribunal de Commerce de Montauban (Tarn et Garonne), Monsieur René de Z… a été licencié pour motif économique, le 15 novembre 1996, par l’administrateur judiciaire.
L’Assurance de Garantie des Salaires dite A.G.S refusant de garantir sa créance, Monsieur René de Z… saisissait le Conseil des Prud’hommes de Montauban qui, par jugement du 22 août 1997, considérant qu’il avait la qualité de salarié, a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse en l’absence de proposition de convention de conversion et irrégulier en la forme.
Il a dit que les créances devront bénéficier de la garantie de l’AGS et a condamné la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade à payer au salarié les sommes de 80.000 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, de 15.000 F pour non respect de la procédure de licenciement et de 3.000 F au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il a rejeté la demande de rappel de salaire fondée sur l’application du coefficient 550 et celle de congés payés.
Par arrêt du 12 mars 1999, la Cour d’Appel de Toulouse (Haute-Garonne) a réformé en toutes ses dispositions le jugement et débouté le salarié de ses demandes.
Par arrêt du 27 juin 2001, notifié le 16 juillet 2001, la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 12 mars 1999 par la Cour d’appel de Toulouse et remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, au motif énoncé que la Cour d’appel n’avait constaté aucune novation dans les relations des parties et alors que le mandat de gérant confié en 1987 n’avait, au plus, entraîné que la suspension du contrat de travail.
Après saisine de la Cour d’appel de Bordeaux, juridiction de renvoi, par le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires dit C.G.E.A de Toulouse, le 12 novembre 2001, Monsieur René de Z… est décédé le 6 mars 2002.
L’instance a été reprise, par conclusions déposées le 29 septembre 2004, par ses héritiers, sa veuve Madame Rose, Antoinette, Fernande Y…, ses enfants, Messieurs Philippe, Jean-Claude et Didier, Eric, Pascal de Z…, Mademoiselle Aurélie de Z… mineure au moment du décès de feu René de Z… représentée par Madame Catherine A…, administratrice, et devenue majeure à ce jour.
Entendu en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, le Centre de Gestion et d’Etudes A.G.S.de Toulouse demande de déclarer irrecevable la demande tendant à voir condamner Maître X…, ès qualités d’administrateur de la société SEDAC au paiement des sommes sollicitées, de débouter les consorts de Z… de leurs demandes, en ne justifiant pas d’un lien de subordination et de l’exécution d’un contrat de travail pour
des fonctions distinctes de celles de gérant, le contrat de travail étant suspendu durant le mandat social.
Subsidiairement, en cas d’existence du contrat de travail maintenu ou suspendu, le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse qui conteste devoir sa garantie, forme appel en garantie contre la SA CODEVIA venant aux droits de la S.A. Caussadaise d’Abattage, le contrat de travail de feu René de Z… ayant été repris par cette dernière en application de l’article L.122-12 du Code du Travail.
Entendus en leurs observations au soutien de leurs conclusions auxquelles il est fait expressément référence, les consorts de Z… sollicitent la condamnation de Maître Luc X…, ès qualités d’administrateur judiciaire de la société SEDAC, à leur payer les sommes de :
– 39.182,60 ç à titre de rappel de salaire au coefficient 550, outre congés payés afférents,
– 682,22 ç à titre d’indemnité de congés payés,
– 5.448,07 ç à titre d’indemnité de licenciement,
– 15.448,07 ç à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier,
– 4.573,47 ç au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ils demandent de déclarer opposable au Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse l’arrêt à intervenir.
Entendue en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade, représentée par Maître Luc X…, ès qualités de mandataire ad hoc de la société SEDAC désigné par ordonnance du 28 août 2006, demande de dire que feu René de Z… n’était pas lié par un lien de subordination, à titre subsidiaire, de débouter les consorts de Z… de l’ensemble de leurs demandes.
Entendue en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, la SA CODEVIA, venant aux droits de la SA Caussadaise d’Abattage, demande à la Cour de se déclarer incompétente au profit du Tribunal de Grande Instance de Montauban (Tarn et Garonne) pour connaître de l’appel en garantie du Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse., subsidiairement, de débouter le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse de ses demandes à son encontre, la preuve n’étant pas rapportée d’un manquement du repreneur à ses obligations. Elle sollicite la condamnation du Le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse au paiement des sommes de 1.500 ç à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et de 1.500 ç au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. DISCUSSION
Sur la recevabilité de l’action des consorts de Z…
Attendu que le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse soulève l’irrecevabilité de l’action des consorts de Z… tendant à voir condamner Maître Luc X… ès qualités d’administrateur judiciaire de la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade;
Attendu que, s’agissant de créances salariales, les demandes tendant
à une condamnation ne peuvent faire l’objet que d’une inscription au passif du redressement judiciaire de la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade, conformément à l’article L.621-125 du Code de Commerce, sans qu’elles ne puissent entraîner l’irrecevabilité de l’action et des demandes s’y rapportant;
Sur le contrat de travail et le mandat de gérant
Attendu qu’il n’est pas contesté que feu René de Z… a exercé des fonctions salariées de directeur du 1er mai 1984 au 1er avril 1987; qu’à cette date, il a été désigné par assemblée générale de la SARL Société d’Exploitation des Abattoirs de Caussade pour exercer les fonctions de gérant de la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade dont il ne possédait aucune part sociale; qu’il n’est produit aucune pièce concernant la relation de travail à cette date;
Attendu que les consorts de Z… soutiennent que le contrat de travail s’est poursuivi durant le mandat social, feu René de Z… se trouvant en position de subordination vis-à-vis des associés de la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade à qui il devait rendre compte de ses décisions et de sa gestion avant exécution; que le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse réplique que feu René de Z… ne produit aucune pièce qui établirait le co-exercice de fonctions techniques et du mandat social;
Attendu que le cumul entre contrat de travail et mandat de gérant n’est possible qu’à condition que l’activité salariée corresponde à un emploi effectif technique distinct des fonctions de gérant, donnant lieu à une rémunération distincte et sous lien de subordination à la société employeur;
Attendu, cependant, que les attestations et courriers produits ne démontrent pas que feu René de Z… exerçait une activité salariée distincte de ses fonctions de gérant et qu’il se trouvait sous un lien de subordination à l’égard de la société; qu’en effet, ces documents font état de ses fonctions de gérant ou de « directeur-gérant »; que, seule, l’attestation de la société Sogerval, juriste conseil, du 22 janvier 1997, décrit les fonctions techniques exercées sous la « supervision de l’assemblée générale pour les décisions importantes »; que, toutefois, il n’est pas possible de connaître à quelle période l’attestation se rapporte, aucune date n’étant indiquée; qu’en outre, dès lors qu’il relève des obligations du gérant de rendre compte de sa gestion à l’assemblée générale des actionnaires, cette obligation qui ne ressort pas de l’activité salariée ne saurait justifier de l’existence d’un lien de subordination;
Attendu, par ailleurs, que les bulletins de salaire des années 1992 à 1994, soit pendant la durée du mandat social, ne font mention que de la seule fonction de gérant; qu’il convient de constater qu’il n’est produit aucun document, courrier ou autre, établissant une relation de subordination salariale distincte de la gérance entre feu René de Z… et la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade ou ses associés, et donc d’une activité salariée distincte du mandat de gérant; que, dès lors, n’étant pas justifié, ni même allégué de la
rupture ou d’une novation du contrat de travail à la prise de fonctions de gérant, le contrat de travail s’est donc trouvé suspendu pour la durée de l’exercice du mandat social;
Attendu, enfin, qu’il ressort de l’attestation de la société SREP, juriste conseil, du 21 janvier 1997, que le dernier mandat de gérant conféré par l’assemblée générale au 31 mars 1993 n’a pas été renouvelé à son expiration, le 31 mars 1996; qu’il s’ensuit que le contrat de travail qui n’était que suspendu, a, de droit, repris ses effets, mais que, feu René de Z… se trouvant à cette date en arrêt de travail pour maladie depuis le début de l’année 1995, le contrat de travail s’est trouvé suspendu en application de l’article L.122-24-4 du Code du Travail; que feu René de Z… était toujours en arrêt de travail à la date du licenciement;
Sur les rappels de salaire et d’indemnités de rupture
Attendu que les consorts de Z… se référent aux documents produits et aux bulletins de salaire qui, à compter du 1er avril 1993, font mention du coefficient 550, et non plus de 300, pour considérer que Monsieur René de Z… exerçait les fonctions correspondantes de cadre supérieur et demander les rappels de salaire, congés payés, et indemnité de licenciement relevant de ce coefficient;
Attendu, toutefois, que ces demandes sont devenues sans objet, dès lors que, durant le mandat de gérant, Monsieur René de Z… ne pouvait prétendre à une rémunération salariée, qu’à l’issue du mandat, le contrat de travail étant suspendu du fait de l’arrêt de travail, il n’a pas occupé son emploi et qu’il n’est pas justifié qu’il pouvait prétendre au paiement de son salaire et des congés payés y afférents; qu’il n’est produit aucun bulletin de salaire
postérieur à l’année 1994; que c’est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes du salarié à ce titre; que, dans ces conditions, les demandes relatives à la prescription et à l’inopposabilité du contrat de travail sont également sans objet;
Attendu, par contre, qu’il a été remis par l’administrateur judiciaire à Monsieur René de Z… à la suite de son licenciement un bulletin de salaire daté du 21 novembre 1996 faisant mention des sommes de 35.735 F, soit 5.448,07 ç, au titre de l’indemnité de licenciement et de 4.445,08 F bruts, soit 682,22 ç, non réglées par le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse qui a contesté sa garantie et le bien fondé de ces sommes qui sont demandées par les consorts de Z…;
Attendu, sur l’indemnité de licenciement, que celle-ci est due en cas de licenciement si le salarié a travaillé plus de deux ans dans l’entreprise; qu’à l’appui de cette demande, il n’est produit aucun document, hormis le bulletin de salaire susvisé et ceux des années 1992 à 1994; qu’il convient de retenir comme période de travail effectif celle du 1er mai 1984 au 1er avril 1987, soit deux ans et 11 mois, dès lors que le contrat de travail a été suspendu durant la gérance et ensuite pendant l’arrêt de travail du salarié; que sauf stipulation conventionnelle plus favorable qui n’est pas invoquée par les consorts de Z…, seule la période de travail effectif justifiée et non contestée doit être prise en compte, à l’exclusion de la période d’arrêt de travail et de mandat social; que, sur la base des derniers salaires connus, l’indemnité de licenciement du1/10o par année de service, calculée conformément aux articles L.122-9 et R.122-2 du Code du Travail dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 janvier 2002, s’élève à la somme de 591 ç; que cette somme doit être inscrite au passif du redressement judiciaire de la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade;
Attendu qu’aucune indemnité de congés payés ne saurait être due, dès lors que le contrat de travail était suspendu pour arrêt de maladie ; que feu René de Z… n’a exercé aucun travail effectif depuis 1987 et que sauf stipulation plus favorable qui n’est ni alléguée, ni justifiée, le salarié ne pouvait donc pas prétendre au paiement de cette indemnité;
Sur le transfert du contrat de travail au cessionnaire de l’entreprise
Attendu que le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse soutient qu’il doit être fait application de l’article L.122-12 du Code du Travail, dès lors que le jugement du Tribunal de Commerce de Montauban (Tarn et Garonne) en date du 23 octobre 1996 se prononçant sur la reprise de 17 contrats de travail, ne contient aucune disposition tenant à une autorisation de licenciement;
Attendu que l’article L.122-12 du Code du Travail n’est pas applicable aux salariés licenciés pour motif économique dont le licenciement a été prononcé en application d’un plan de redressement arrêté par le Tribunal de Commerce conformément à l’article L.621-64 du Code de Commerce;
Attendu que le Tribunal de Commerce de Montauban (Tarn et Garonne) a arrêté le plan de redressement par cession des actifs de la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade au profit de la SA Caussadaise d’Abattage comprenant notamment la reprise de 17 contrats de travail; que, dès lors que l’entreprise n’avait plus aucune activité et ne survit que pour les besoins de la procédure, le plan de redressement comprenait nécessairement le licenciement des trois
salariés dont le contrat de travail n’était pas transféré; que le contrat de travail de Monsieur René de Z… n’ayant pas été transféré, l’administrateur judiciaire se devait de procéder à son licenciement; que les demandes de garantie du Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse à l’encontre la SA CODEVIA venant aux droits de la SA Caussadaise d’Abattage ne sont pas fondées et doivent être rejetées, n’étant en outre établi aucune faute ou fraude de la part de ces sociétés;
Sur le licenciement
Attendu que la lettre de licenciement du 15 novembre 1996 indique, à la suite des motifs, que « le bénéfice d’une convention Fonds National de l’Emploi dit F.N.E vous sera proposé avant la fin de la période de préavis », sans mention d’une convention de conversion;
Attendu que les consorts de Z…, qui ne contestent pas le motif économique du licenciement, soutiennent que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse en l’absence de proposition de convention de conversion à laquelle feu René de Z… avait droit; que le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse et la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade répliquent à juste titre que feu René de Z… ne remplissait pas les conditions pour en bénéficier;
Attendu, d’une part, que l’absence de proposition de convention de conversion ne saurait rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais uniquement ouvrir droit à des dommages-intérêts pour le préjudice subi;
Attendu, d’autre part, que c’est à tort que les premiers juges ont considéré que l’administrateur judiciaire Monsieur Luc X… aurait dû proposer à Monsieur René de Z… la convention de conversion; que le jugement ne vise que le seul article L.321-5 du
Code du Travail qui ne mentionne pas de condition d’admission; qu’en effet, la convention de conversion est également régie par les dispositions des article L.322-3 et L.353-1 du Code du Travail, ce dernier texte renvoyant, sur les conditions d’admission, aux accords entre employeurs et salariés;
Attendu que l’accord interprofessionnel du 20 octobre 1886 modifié, pris en application de ces textes, fixe, en son article 8, les conditions d’admission à la convention de conversion, notamment celle d’être âgé de moins de 57 ans; que feu René de Z… ayant atteint l’âge de 57 ans en avril 1996, il ne pouvait donc pas bénéficier, à la date du licenciement, des dispositions relatives à la convention de conversion;
Attendu qu’il en résulte que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et que l’absence de proposition de convention de conversion est justifiée; que le jugement sera donc réformé de ce chef;
Sur la procédure de licenciement
Attendu qu’en application de l’article L 122-14 du Code du Travail, la convocation à l’entretien préalable doit porter mention de la faculté pour le salarié de se faire assister par un conseiller de son choix, inscrit sur une liste dressée par un représentant de l’Etat et préciser l’adresse des services où cette liste peut être consultée;
Attendu que les consorts de Z… invoquent l’irrégularité de la procédure de licenciement pour absence de mention dans la convocation à l’entretien préalable des adresses de la Mairie et de l’Inspection du Travail et pour non respect du délai de quinze jours entre l’entretien et la notification du licenciement;
Attendu, cependant, que le Centre de Gestion et d’Etudes de
l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse relève, à juste titre, que ce délai est exclu en cas de redressement ou de liquidation judiciaire par l’article L.122-14-1 alinéa 4 du Code du Travail; qu’en revanche, il y a lieu de constater que la convocation à l’entretien préalable du 6 novembre 1996 se borne à mentionner l’existence d’une « liste dressée par le Préfet à cette fin », sans indication des services où la liste peut être consultée, ni leur adresse; que la procédure de licenciement est donc irrégulière;
Attendu qu’il s’ensuit, que le non-respect de la procédure entraîne nécessairement, même si le salarié a pu bénéficier d’une assistance, un préjudice ouvrant droit à indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire en application de l’article L.122-14-4 du Code du Travail;
Attendu qu’au vu des pièces produites, du salaire de feu René de Z… et des circonstances de la rupture, la Cour a les éléments suffisants d’appréciation pour fixer à la somme de 1.500 ç le montant de l’indemnité compensatrice du dommage causé par l’irrégularité de procédure ; que cette somme doit être inscrite au passif du redressement judiciaire de la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade;
Sur les demandes de la SA CODEVIA
Attendu que les demandes d’incompétence territoriale et de rejet des demandes du Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse à son encontre sont sans objet, au vu des énonciations précédentes la mettant hors de cause;
Attendu que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée de la SA CODEVIA à l’encontre du Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse n’est pas fondée, alors qu’elle vient aux droit de la SA Caussadaise d’Abattage qui était appelée dans la cause dès l’origine par le
salarié, et non par le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse comme soutenu; qu’elle n’allègue, en outre, d’aucune faute du Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse, ni d’un préjudice; que cette demande sera donc rejetée;
Sur la garantie de l’Assurance de Garantie des Salaires
Attendu que l’Assurance de Garantie des Salaires représentée par le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse. revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et décrets réglementaires tant au plan de la mise en oeuvre du régime d’assurance des créances des salariés que de ses conditions et étendues de garantie plus précisément les articles L.143-11-1, L.143-11-8 et D.143-2 du Code du Travail;
Attendu qu’en application de l’article L.143-11-1 2o du Code du Travail, sont garanties les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenue dans le mois suivant le jugement arrêtant le plan de redressement ou de cession; que le licenciement de Monsieur René de Z… du 15 novembre 1996 étant intervenu dans le mois suivant le jugement du Tribunal de Commerce du 23 octobre 1996, l’Assurance de Garantie des Salaires doit donc garantir le salarié pour l’indemnité de licenciement et l’indemnité pour procédure irrégulière ci-dessus fixées;
Sur les demandes accessoires
Attendu que la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade, représentée par son mandataire ad hoc, qui succombe au principal, doit supporter la charge des dépens;
Attendu qu’il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des consorts de Z… et de la SA CODEVIA leurs frais irrépétibles;PAR CES MOTIFSLA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 27 juin 2001,
Réforme le jugement du Conseil des Prud’hommes de Montauban (Tarn et Garonne) en date du 22 août 1997, sauf en ce qui concerne la procédure de licenciement déclarée irrégulière, sur le rejet des demandes de rappels de salaires et de congés payés afférents, sur la mise hors de cause de la SA Caussadaise d’Abattage, aux droits de laquelle vient la SA CODEVIA, et sur la garantie, en son principe, du Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse,
Et statuant à nouveau,
Dit que le contrat de travail de feu René de Z… a été suspendu du 1er mai 1987 au 1er avril 1996 pendant l’exercice du mandat social,
Constate que le contrat de travail a été suspendu en raison de l’arrêt de travail pour maladie du 1er avril 1996 à celle du licenciement intervenu le 15 novembre 1996,
Dit qu’il n’y avait pas lieu à application de l’article L.122-12 du Code du Travail,
Déclare que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
mais qu’il est irrégulier en sa procédure,
Fixe la créance de feu René de Z… au passif du redressement judiciaire de la SARL Société d’exploitation des Abattoirs de Caussade aux sommes de :
– 1.500 ç à titre d’indemnité pour l’irrégularité de la procédure de licenciement,
– 591 ç à titre d’indemnité de licenciement,
Déboute les consorts de Z… de leur demande au titre de l’indemnité de congés payés,
Dit que le Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse doit sa garantie pour les sommes susvisées,
Le déboute de ses demandes à l’encontre de la SA CODEVIA,
Déclare le présent arrêt opposable à l’Assurance de Garantie des Salaires dans la limite légale de sa garantie,
Déboute la SA CODEVIA de ses demandes à l’encontre du Centre de Gestion et d’Etudes de l’Assurance de Garantie des Salaires de Toulouse,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation – partage.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur François BRAUD, Premier Président, et par Madame Chantal SERRE, Greffier, auquel la minute de
la décision a été remise par le magistrat signataire
Le Greffier
Le Premier Président
Chantal SERRE
François BRAUD