Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Ch. civile B
ARRET No
du 04 JANVIER 2012
R. G : 07/ 00729 C-MPA
Décision déférée à la Cour :
jugement du 10 juillet 2007
Tribunal de Grande Instance de BASTIA
R. G : 06/ 29
X…
C/
Z…
S. A. S COFIMMOBILIER
Y…
S. A. R. L MONTE E MARE
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATRE JANVIER DEUX MILLE DOUZE
APPELANT :
Maître Antoine X…
né le 18 Décembre 1941
…
représenté par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assisté de la SCP SCP RETALI GENISSIEUX, avocats au barreau de BASTIA
INTIMES :
Madame Elise Z… épouse A…
…
représentée par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour
assistée de Me Edouard MARTIAL, avocat au barreau d’AGEN
S. A. S COFIMMOBILIER
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
44 Rue Pasquier
75008 PARIS
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de la SCP SCP RETALI GENISSIEUX, avocats au barreau de BASTIA
Monsieur Antoine Marie Joseph Roch Michel Y…
Intervenant volontaire
né le 22 Avril 1918 à BASTIA (20200)
…
représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assisté de la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocats au barreau de BASTIA
S. A. R. L MONTE E MARE
Prise en la personne de son représentant légal
Lieu dit Pinetto
20290 LUCCIANA
représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Paul EON, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 novembre 2011, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre
Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller
Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 04 janvier 2012.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée le 6 juillet 2010 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Le 20 février 1995, Madame Elise Z… épouse A… a vendu à Monsieur Antoine Y…une bande de terre de 1020 m ² à prélever sur sa parcelle cadastrée numéro 1425.
Par suite de cette vente, ils ont signé un document d’arpentage pour matérialiser le prélèvement.
Cette vente n’a pas été réitérée par acte authentique.
Dans le cadre d’opérations d’aménagement et de commercialisation d’une ZAC, Madame Élise A… et Monsieur Antoine Y…ont constitué le 7 février 1996 la SCI MONTE E MARE, Maître Antoine X…, notaire, étant chargé des actes et formalités nécessaires à ce projet.
Le 30 janvier 1997, Maître Antoine X…a établi un acte aux termes duquel une augmentation de capital de la SCI était réalisée par un apport en nature des terrains destinés à être inclus dans le périmètre de la ZAC.
Le 12 février 1997, une convention de ZAC a été signée entre la SCI MONTE E MARE, propriétaire des terrains, et la commune de LUCCIANA.
Le 3 octobre 1997, Monsieur Antoine Y…et son épouse Madame Marie D…ont créé la SARL MONTE E MARE qui avait pour objet social l’acquisition des terrains de LUCCIANA, l’aménagement de la ZAC et la construction des immeubles auxquels sera ajoutée l’activité de la vente lors de l’assemblée générale des associés tenue en l’étude de Maître Antoine X…le 23 octobre 2007.
Par actes des 28 et 29 octobre 1997, Madame Elise Z… épouse A… vendait à la SARL MONTE E MARE une parcelle de terre cadastrée section C numéro 1425 sur la commune de LUCCIANA lieu-dit PINETO moyennant le prix de 1 087 123 francs.
En contrepartie, la SARL MONTE E MARE lui vendait en l’état futur d’achèvement deux appartements jumelés et une maison individuelle sans qu’il soit fixé de date d’achèvement des locaux vendus.
Par acte du 29 octobre 1997, les époux Y…ont apporté à la SARL MONTE E MARE une parcelle de terre sise sur la commune de LUCCIANA cadastrée section C 1424.
La SARL MONTE E MARE a entrepris la réalisation de l’opération immobilière en vendant plusieurs immeubles et appartements en état futur d’achèvement du mois d’octobre 2007 au mois de juillet 2008.
Des différends ayant surgi, la SARL MONTE E MARE a assigné EDF devant le tribunal administratif.
Par jugement en date du 28 juin 2001, le tribunal administratif de Bastia a déclaré la demande d’indemnisation de la SARL MONTE E MARE irrecevable au motif que cette dernière ne justifiait d’aucun titre lui permettant d’agir pour le compte de la société civile immobilière d’attribution qui seule, détenait les droits en qualité d’aménageur de la ZAC.
L’opération immobilière ne pouvait donc se poursuivre.
En l’absence de livraison des biens immobiliers, Madame Elise Z… épouse A… a fait assigner la SARL MONTE E MARE et Maître Antoine X…, notaire, par acte d’huissier en date du 26 mars 2004 à l’effet de voir prononcer la résolution de la vente au tort des défendeurs.
Par jugement en date du 10 juillet 2007 le Tribunal de grande instance de BASTIA a dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer, annulé la vente conclue le 28 et 29 octobre 1997 entre Madame Elise Z… épouse A… et la SARL MONTE E MARE, dit que cette annulation était la conséquence de la responsabilité contractuelle de Maître Antoine X…, condamné la SARL MONTE E MARE à rembourser à Madame Elise Z… épouse A… la somme de 153 454, 42 euros, condamné Maître Antoine X…à payer à Madame Elise Z… épouse A… les intérêts au taux légal sur cette somme depuis le 1er janvier 2000 jusqu’à ce jour, condamné Maître Antoine X…à payer sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile à Madame Elise Z… épouse A… la somme de 3 000 euros et à la SARL MONTE E MARE la somme de 5 000 euros, débouté les parties du surplus de leurs demandes, condamné Maître Antoine X…aux entiers dépens.
Maître Antoine X…a formé appel à l’encontre de cette décision le 28 septembre 2007.
Madame Elise Z… épouse A… a également formé appel de cette décision le 4 octobre 2007.
Les deux instances ont été jointes sous le numéro 07/ 729 par ordonnance du président de chambre chargée de la mise en état du 28 mars 2008.
Par assignation en date du 12 janvier 2009, la SARL MONTE E MARE a fait appeler en la cause la SAS COFIMMOBILIER qui, autrement citée qu’à sa personne, n’a pas constitué avoué.
Les deux instances ont été jointes sous le numéro 07/ 729 par ordonnance du 4 février 2009.
Par conclusions du 4 février 2010, Monsieur Antoine Y…est intervenu dans le cadre de cette procédure.
Par acte huissier des 24 novembre, 1er et 3 décembre 2008, Monsieur Antoine Y…a fait citer Madame Elise Z… épouse A…, la SARL MONTE E MARE et Maître Antoine X…en tierce-opposition à l’encontre du jugement du 10 juillet 2007.
Par jugement en date du 19 novembre 2009 le Tribunal de grande instance de BASTIA a déclaré irrecevable la tierce-opposition formée par Monsieur Antoine Y…à l’encontre du jugement rendu le 10 juillet 2007 dans l’instance opposant Madame Elise Z… épouse A… d’une part et la SARL MONTE E MARE et Maître Antoine X…, notaire, d’autre part.
Monsieur Antoine Y…a formé appel à l’encontre de cette décision le 18 février 2010.
Les procédures 10/ 139 et 07/ 729 ont été jointes sous ce seul et dernier numéro.
Vu les dernières conclusions déposées dans l’intérêt de Madame Elise Z… épouse A… le 19 mai 2010.
Elle demande qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle ne revendique plus la restitution des terrains objets des contrats de vente des 28 et 29 octobre 1997 dans la mesure où celle-ci ne peut plus intervenir.
Elle demande qu’il soit constaté que le lien de causalité directe entre la faute du notaire et le défaut de livraison des immeubles par la SARL MONTE E MARE a acquis l’autorité de la chose jugée au terme des deux jugements du 1er mars 2005 et du 14 mars 2006.
Elle réclame la condamnation conjointe et solidaire de Maître Antoine X…et la SARL MONTE E MARE à lui payer la somme totale de 1 953 000 euros en réparation de son préjudice outre le paiement de la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de Maître Antoine X…du 19 octobre 2010.
Il conclut à l’irrecevabilité de l’intervention de Monsieur Antoine Y…et à la réformation de la décision entreprise.
Il demande qu’il soit constaté que Madame Elise Z… épouse A… ne revendique plus la restitution du bien consécutive à l’annulation de la vente des 28 et 29 octobre 1997.
Il soutient que la demande en paiement de la somme de 1 953 000 euros présentée par Madame Elise Z… épouse A… en réparation de son préjudice constitue une prétention nouvelle et doit donc être déclarée irrecevable.
Subsidiairement, il indique que la nullité de l’acte de vente a pour effet de replacer les parties dans la situation initiale et que, dans cette mesure, la restitution à laquelle la SARL MONTE E MARE est tenue ne constitue pas un préjudice indemnisable par le notaire.
En conséquence, il conclut au rejet des demandes d’indemnisation ainsi que de nullité des actes de vente subséquents.
Il réclame le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de Monsieur Antoine Y…du 19 janvier 2011.
À titre principal, il conclut à la recevabilité et au bien-fondé de sa tierce-opposition.
À titre subsidiaire, il demande à être déclaré recevable et bien-fondé en son intervention volontaire.
En conséquence, il demande qu’il soit dit et jugé qu’il est propriétaire de 10 a et 20 ca sur la parcelle de la section C numéro 1425 et que l’annulation de la vente des 28 et 29 octobre 1997 entre Madame Elise Z… épouse A… et la SARL MONTE E MARE ne peut s’entendre que pour le surplus de ladite parcelle soit pour une superficie de 50 a et 91 ca.
Il réclame le paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que sa tierce-opposition et son intervention sont recevables dans la mesure où il n’a pu être représenté par Madame Elise Z…épouse A…, celle-ci ayant vendu en fraude de ses droits.
Vu les dernières conclusions déposées dans l’intérêt de la SARL MONTE E MARE le 5 avril 2011.
Au visa des articles 555, 1109, 1131, 1147, 1148, 1601. 1 du Code civil, R315-2 du code de l’urbanisme, L261-11 du code de la construction, 564 et 583 du code de procédure civile ainsi que du jugement en date du 1er mars 2005 du Tribunal de grande instance de BASTIA et de l’arrêt de la Cour d’appel de BASTIA en date du 1er juillet 2009, elle demande qu’il soit constaté que Maître Antoine X…reconnaît que la nullité de l’acte des 28 et 29 octobre 1997 s’impose et qu’il en porte la responsabilité.
En conséquence, elle demande que le jugement en date du 10 juillet 2007 soit confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de l’acte de vente des 28 et 29 octobre 1997. Elle ajoute que cette nullité doit avoir pour conséquence la nullité de tous les actes de vente subséquents et notamment ceux passés le 8 février 2006.
Elle demande que la décision à intervenir soit déclarée opposable à la SAS COFIMMOBILIER et que Maître Antoine X…soit condamné à réparer les conséquences dommageables de la nullité.
Elle prétend à une restitution en valeur dans les conditions fixées par le premier juge et au rejet des demandes de dommages-intérêts formulées par Madame Elise Z… épouse A….
Dans l’hypothèse où la Cour ordonnerait la restitution de la parcelle, elle précise qu’il ne peut s’agir que des parcelles section NAO 67 et section NAO 70 obtenues dans le cadre de l’acte de dation vente des 28 et 29 octobre 1997.
Elle demande à être relevée et garantie par Maître Antoine X…de toute condamnation prononcée à son encontre et excédant la restitution en équivalent fixée par le premier juge.
En tout état de cause, elle indique que la restitution ne saurait concerner qu’une surface de 50a et 31 ca telle que déterminée par le document d’arpentage du 27 janvier 1997.
Elle prétend à la condamnation de Maître Antoine X…à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 15 juin 2011 ayant renvoyé l’affaire pour être plaidée à l’audience du 22 septembre 2011.
À cette audience, l’affaire a été renvoyée au 10 novembre 2011 date à laquelle, elle a été mise en délibéré.
*
* *
MOTIFS :
Attendu en premier lieu que par de justes motifs que la Cour adopte, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer ;
Attendu en second lieu que les causes de résolution et de nullité sont distinctes ; qu’en effet, les causes de nullité affectent le contrat dès sa formation ; que surtout, la SARL MONTE E MARE ne peut être privée de son droit à obtenir l’indemnisation intégrale de son préjudice né de l’impossibilité de poursuivre l’opération immobilière entamée ; que la demande de nullité de l’acte de vente doit donc être examinée en son bien-fondé ;
Attendu sur ce point que la convention d’aménagement a été signée le 12 février 1997 avec la société civile immobilière ; que la SARL MONTE E MARE qui a acquis postérieurement la propriété des terrains constituant la ZAC, a passé les actes de vente nécessaires à l’opération sans qu’aucun acte n’ait été passé entre elles afin d’assurer un transfert des droits ;
Attendu ainsi et concrètement qu’en l’absence de titre, il ressort de l’examen de la situation telle qu’elle a été constatée par le tribunal administratif que l’aménageur, la société civile immobilière, n’était plus propriétaire des terrains alors que la SARL MONTE E MARE, propriétaire au jour de la vente, n’avait pas la qualité d’aménageur ;
Attendu qu’il résulte de ce constat, alors qu’il n’est pas discuté que la SARL MONTE E MARE était ignorante de l’impact du changement de personne morale au moment où elle a vendu, que l’erreur sur sa capacité juridique a eu pour conséquence de mettre à néant tous les effets de la convention de ZAC ;
Attendu pareillement que la réalisation d’une ZAC était nécessairement la cause des contrats de vente qui se sont succédé ; qu’en effet, la SARL MONTE E MARE n’aurait pas contracté si elle avait eu connaissance au moment des contrats de vente de son absence de qualité pour poursuivre l’opération immobilière ; qu’au-delà d’une erreur sur la personne, les conditions dans lesquelles s’est formé le contrat de vente révèlent également une absence de cause au sens de l’article 1131 du Code civil ;
Attendu que l’absence de cause au moment de la formation du contrat suffit à elle seule à justifier la demande de nullité sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres causes de nullité invoquées et relatives aux actes juridiques destinés à permettre l’opération immobilière ;
Attendu en conséquence qu’il convient de prononcer la nullité de la vente des 28 et 29 octobre 1997 intervenue entre la SARL MONTE E MARE et Madame Elise Z… épouse A… ; que la demande de résolution devient donc sans objet ainsi que l’a estimé le premier juge ;
Attendu toutefois qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur la nullité subséquente des actes de vente passés en l’étude d’un autre notaire le 8 février 2006 et concernant des acquéreurs non parties à la présente instance ; que dans cette mesure, il est donc sans objet de déclarer la présente décision opposable à la SAS COFIMMOBILIER ;
Attendu sur la responsabilité du notaire qu’il convient de rappeler que par jugement, à ce jour définitif, du 1er mars 2005, MaîtreAntoine X…a été déclaré responsable envers la SARL MONTE E MARE et ses associés de l’échec de l’opération dite de la ZAC de PINETO ; qu’à ce jour et devant la Cour, ce dernier n’articule aucun moyen au soutien de son absence de responsabilité ;
Attendu en effet qu’il ressort de l’examen du dossier que les associés de la société civile immobilière puis ceux de la SARL MONTE E MARE avaient chargé Maître Antoine X…de mener à bien et concrétiser juridiquement l’opération immobilière devant conduire à la réalisation et à la commercialisation des immeubles situés dans la ZAC de PINETO ;
Attendu qu’après constitution de la SCI, Maître Antoine X…est intervenu pour dresser l’acte du 30 janvier 1997 préparatoire à la signature de la convention de ZAC et par lequel les associés faisaient apport à celle-ci des parcelles constitutives de l’assiette foncière de l’opération ;
Attendu qu’après la signature de la convention de ZAC, Maître Antoine X…a établi l’acte de création de la SARL MONTE E MARE du 3 octobre 1997, celle-ci ayant le même objet que la société civile immobilière, en l’espèce l’acquisition de terrains, l’aménagement de la ZAC et la construction d’un ensemble immobilier ; qu’il a formalisé les actes des 28 et 29 octobre 1997 portant apport des parcelles de terrain nécessaires à l’opération de construction ainsi que les actes de vente par la SARL MONTE E MARE aux différents acquéreurs des lots ;
Attendu ainsi qu’il n’est pas discuté que Maître Antoine X…est à l’origine de la création de la SARL MONTE E MARE comme devant succéder à la société civile immobilière dans la gestion de l’opération immobilière ; que les pièces versées aux débats permettent de constater que cette solution technique a été non seulement finalisée par Maître Antoine X…mais même conseillé par ce dernier aux associés de la société civile immobilière ;
Attendu qu’il ressort des motifs précédents que c’est justement ce montage juridique qui est à l’origine de l’impossibilité pour la SARL MONTE E MARE de poursuivre l’opération immobilière envisagée dans la mesure où, bien que propriétaire des terrains, elle était dépourvue des droits et obligations découlant de la convention de ZAC, n’ayant pas la qualité d’aménageur ;
Attendu que le notaire est tenu d’une obligation de conseil mais également de s’assurer de l’efficacité technique et de l’utilité des actes qu’il dresse en procédant, si besoin est, à la vérification des conditions juridiques et des faits nécessaires ; qu’il est établi que Maître Antoine X…n’a pris aucune disposition pour que la SARL MONTE E MARE succède à la société civile immobilière du même nom, signataire de la convention de ZAC, dans tous ses attributs et notamment en qualité d’aménageur ;
Attendu qu’à tout le moins, il n’a pas satisfait à son obligation de conseil en proposant et établissant ce montage juridique qui était incompatible avec les objectifs poursuivis par les associés de la société civile immobilière puis de la SARL MONTE E MARE ;
Attendu ainsi que Maître Antoine X…n’a pas satisfait à ses obligations professionnelles en termes de conseil mais également en omettant de s’assurer de l’efficacité juridique des actes qu’il passe ; que sa responsabilité sera donc retenue pour ce motif et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs invoqués par la SARL MONTE E MARE ; qu’il sera donc déclaré responsable de la nullité prononcée précédemment ;
Attendu sur les conséquences de la nullité qu’il convient de prendre acte de ce que Madame Elise Z… épouse A… ne sollicite plus la restitution des terrains objet des contrats de vente des 28 et 29 octobre 1997 ;
Attendu qu’il n’en reste pas moins qu’ainsi que l’a considéré le premier juge, les parties doivent être replacées autant que possible dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant de contracter ;
Attendu que la demande au titre de son préjudice réclamée par Madame Elise Z… épouse A… en cause appel peut et doit être examinée dans la mesure où elle constitue une conséquence et ou un complément de la demande initiale en application de l’article 566 du code de procédure civile ;
Attendu toutefois que les trois seules attestations produites sont insuffisantes à rapporter la preuve du préjudice tel qu’allégué en son quantum ; que dans ces conditions, par des motifs pertinents que la Cour adopte, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la SARL MONTE E MARE à rembourser à Madame Elise Z… épouse A… la somme de 153 454, 42 euros et condamné Mo Antoine X…à payer à Madame Elise Z… épouse A… les intérêts au taux légal sur cette somme depuis le 1er janvier 2000 ;
Attendu sur l’intervention de Monsieur Antoine Y…que tant Madame Elise Z… épouse A… que la SARL MONTE E MARE reconnaissent le bien-fondé de celle-ci en ce qu’elles s’accordent pour convenir qu’il y a lieu de dire et juger que la restitution, même en valeur, de son terrain ne saurait concerner qu’une surface de 50 a 31 ca ;
Attendu en effet que par acte du 20 février 1995, Madame Elise Z… épouse A… a vendu à Monsieur Antoine Y…une bande de terres de 1020 m ² à prélever sur sa parcelle cadastrée C 1425 ; qu’il n’est pas contesté que Monsieur Antoine Y…s’est acquitté du prix ; qu’un document d’arpentage a été signé entre les parties afin de matérialiser ce prélèvement sur la parcelle, conséquence du caractère parfait de la vente ;
Attendu d’ailleurs que Maître Antoine X…a fait référence à cette cession dans l’acte d’augmentation du capital de la SCI MONTE E MARE en précisant l’apport fait par Madame Elise Z… épouse A… de son terrain pour une contenance de seulement 5050 m ² compte tenu de l’achat de 1020 m ² par Monsieur Antoine Y…;
Attendu au regard de ces éléments que l’intervention de Monsieur Antoine Y…doit être considérée comme fondée ;
Attendu sur la tierce-opposition qu’en application de l’article 583 alinéa 2 du code de procédure civile, les créanciers et autres ayants cause d’une partie peuvent former tierce-opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s’ils invoquent des moyens qui leur sont propres ;
Attendu qu’en l’espèce au regard des indications précédentes, il convient de constater que Madame Elise Z… épouse A… a vendu la parcelle dans sa totalité à la SARL MONTE E MARE et en a réclamé la restitution à l’occasion de sa demande de résolution de la vente alors qu’une partie de celle-ci avait antérieurement fait l’objet d’une vente au profit de Monsieur Antoine Y…;
Attendu ainsi qu’il y a eu une fraude évidente au droit de ce dernier à l’occasion de la vente et de la demande de résolution subséquente ; que de plus, dans le cadre de la procédure en résolution, Monsieur Antoine Y…est en droit d’invoquer des moyens qui lui sont propres ce qui excluait toute possibilité de représentation par son auteur à titre particulier Madame Elise Z… épouse A… ; que Monsieur Antoine Y…sera donc déclaré recevable en sa tierce-opposition et le jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA en date du 19 novembre 2009 infirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu’en cet état, il sera fait droit à la demande de Monsieur Antoine Y…aux conditions qui seront précisées au dispositif du présent arrêt et sans qu’il y ait lieu à désignation d’un notaire ;
Attendu que Maître Antoine X…, qui succombe sur le mérite de son appel, doit supporter la charge des dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile et être débouté en sa demande fondée sur l’article 700 du même code ; qu’en revanche, aucune raison d’équité ne commande de faire application de cet article au profit des autres parties en cause d’appel.
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* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA en date du 10 juillet 2007 en toutes ses dispositions,
Infirme le jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA en date du 19 novembre 2009 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable la tierce-opposition formée par Monsieur Antoine Y…à l’encontre du jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA en date du 10 juillet 2007,
En conséquence,
Dit que Monsieur Antoine Y…est propriétaire de 10 a et 20 ca sur la parcelle de la section C numéro 1425 tel que le détachement est matérialisé par un document d’arpentage signé par les parties les 24 janvier 1997 et selon contrat de vente du 2 février 1995,
Dit que l’annulation de la vente des 28 et 29 octobre 1997 entre Madame Elise Z… épouse A… et la SARL MONTE E MARE ne concerne que le surplus de cette parcelle soit pour une surface de 50 a 31 ca,
Condamne Maître Antoine X…aux entiers dépens d’appel,
Rejette toutes les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LE PRESIDENT