Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Ch. civile A
ARRET No626
du 23 NOVEMBRE 2016
R. G : 15/ 00399 MB-C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 07 Avril 2015, enregistrée sous le no 10/ 02249
Consorts X…
C/
Y…
Consorts X…
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE
APPELANTES :
Mme Josiane Louise X…
…
20220 MONTICELLO
ayant pour avocat Me Charles Eric TALAMONI, avocat au barreau de BASTIA
Mme Michèle X…
…
20220 MONTICELLO
ayant pour avocat Me Charles Eric TALAMONI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEES :
Mme Madeleine Joséphine Y…
née le 24 Octobre 1935 à MONTICELLO (HAUTE CORSE)
…
13290 LES MILLES
ayant pour avocat Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
Mme Angelina X… épouse A…
née le 08 Novembre 1949 à BIGORNO
…
48700 FONTANS
ayant pour avocat Me Charles Eric TALAMONI, avocat au barreau de BASTIA
Mme Julia X… épouse B…
née le 27 Juin 1953 à BIGORNO
…
92160 ANTONY
ayant pour avocat Me Charles Eric TALAMONI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 septembre 2016, devant la Cour composée de :
M. François RACHOU, Premier président
Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller
Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 novembre 2016, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 23 novembre 2016.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Cécile BORCKHOLZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme Angélina, divorcée de M. Sébastien X… est décédée le 30 décembre 2004, en laissant pour recueillir sa succession :
– sa fille, Mme Madeleine Y…,
– ses quatre petites-filles venant par représentation de leur mère, Mme Marie-Antoinette X…, son autre fille prédécédée le 5 avril 1991, savoir :
• Mme Angelina X… épouse A…,
• Mme Josiane X…,
• Mme Julia X… épouse B…,
• Mme Michèle X… épouse D….
Par acte d’huissier en date des 3 novembre, 24 novembre et 3 décembre 2010, Mme Y… a assigné ses coïndivisaires devant le tribunal de grande instance de Bastia, en partage judiciaire de la succession de Mme E…, sollicitant, avant dire-droit, la désignation d’un expert judiciaire avec pour mission d’évaluer les biens immobiliers relevant de la masse partageable.
Par jugement du 21 février 2012, le tribunal de grande instance de Bastia a, notamment :
– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme Angelina E…,
– commis pour y procéder la Présidente de la Chambre des Notaires de Haute-Corse avec faculté de délégation à l’un de ses confrères, et renvoyé d’ores et déjà les parties devant ce notaire,
– ordonné une mesure d’expertise en vue de l’estimation de la valeur des biens immobiliers et commis, à cette fin, M. Jean F… en qualité d’expert.
L’expert a déposé son rapport le 30 avril 2013.
Le 3 octobre 2014, Me Gérard G…, notaire délégué, a déposé auprès du greffe du tribunal, un projet d’état liquidatif ainsi qu’un procès-verbal de difficultés.
Par jugement contradictoire du 07 avril 2015, le tribunal de grande instance de Bastia a :
– renvoyé les parties devant le notaire pour établir l’acte constatant le partage conformément au projet d’état liquidatif qu’il a dressé le 13 octobre 2014, en faisant les comptes entre les parties, notamment concernant le partage du solde des comptes bancaires de la défunte, le cas échéant,
– dit que le projet d’état liquidatif de Me G… du 13 octobre 2014 sera annexé au jugement,
– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Par déclaration reçue le 27 mai 2015, Mmes Josiane et Michèle X… ont interjeté appel de ce jugement, à l’encontre de Mme Y… ainsi que de Mmes Angelina et Julia X….
Par leurs conclusions reçues le 29 juillet 2015, les appelantes ainsi que Mme Angelina X… épouse A… et Mme Julia X… épouse B… demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a invité le notaire liquidateur à établir les comptes entre les parties, et, statuant à nouveau, de :
– dire et juger qu’il sera procédé au remplacement de l’actuel notaire liquidateur par la présidente de la chambre des notaires de Haute-Corse, cette dernière ayant la faculté de déléguer cette mission à l’un des notaires du ressort de ladite chambre,
– renvoyer les parties devant le notaire liquidateur ainsi désigné et inviter ce dernier à :
* réaliser le partage des meubles meublants,
* établir les comptes entre les parties en émettant préalablement des réquisitions auprès des établissements bancaires en vue de la reconstitution de l’actif mobilier,
* saisir le GIRTEC (Groupement d’Intérêt public pour la Reconstitution des Titres de propriété en Corse) au sujet de la parcelle F 338 en vue de déterminer s’il convient d’intégrer ce bien immobilier dans la masse partageable.
Par ses conclusions reçues le 08 septembre 2015, Mme Y… demande à la cour de :
– débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions les appelantes,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
– dire et juger que dans la masse à partager ne peut être incluse la parcelle F 338, commune de Monticello, celle-ci étant juridiquement la propriété de la SCI H… MMS, par acte authentique du 9 mai 2001 publié aux hypothèques Volume 2001P no5024, le 10 juillet 2001,
– dire et juger que le notaire commis ne pourra inclure la parcelle F 338 dans le projet de partage,
– condamner solidairement Mmes Josiane X…, Michèle X…, Julia X… et Angelina X… à payer, à titre de dommages intérêts la somme de 5 000 euros, pour procédure abusive, les condamner sous la même solidarité à payer au titre de l’article 700 code de procédure civile, la somme de 3 000 euros,
– les condamner aux entiers dépens postérieurs au procès-verbal de difficultés, de l’instance devant le tribunal de grande instance et d’appel, ceux-ci ne pouvant constituer des frais privilégiés de partage.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 06 janvier 2016.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions sus-visées et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les meubles meublants
Les appelantes ainsi que Mme Angelina X… épouse A… et Mme Julia X… épouse B… soutiennent que le notaire liquidateur a incomplètement réalisé la mission qui lui avait été confiée par le jugement du 21 février 2012, le projet d’état liquidatif établi par le notaire ne comportant aucune disposition concernant le partage des meubles meublants.
Elles affirment que dès lors que le notaire s’était vu confier, par jugement du 21 février 2012 (page 4), la mission de procéder au partage de ces meubles meublants, il lui appartenait d’interroger les parties sur ce point, d’inventorier lesdits meubles, et de procéder à leur partage conformément à sa mission, ce qui n’a pas été fait.
Elles demandent donc d’inviter le notaire liquidateur à accomplir sa mission sur ce point.
De son côté, Mme Y… conclut qu’elle a spécifiquement précisé oralement et au juge commissaire, par lettre du 8 décembre 2014, que les appelantes pouvaient, si elles le souhaitent, faire dresser inventaire à leurs frais et qu’à ce jour, celles-ci n’ont strictement rien fait.
A défaut d’éléments nouveaux et en l’absence de production par les appelantes, de pièces établissant l’existence à ce jour de meubles meublants, la cour estime que les premiers juges ont à juste titre retenu que rien n’était produit permettant de constater qu’il resterait des meubles meublants à partager, près de 10 ans après le décès de Mme E….
Par ailleurs, les parties et notamment, les appelantes, ont toujours la possibilité de faire état de cette question devant le notaire liquidateur et de présenter un inventaire des meubles et objets mobiliers, Mme Y…, au demeurant, n’y étant pas opposée, selon ses écritures.
Le jugement sera donc confirmé en ses dispositions sur ce point.
Sur les comptes à faire
Les appelantes ainsi que Mme Angelina X… épouse A… et Mme Julia X… épouse B… soutiennent aussi que le notaire liquidateur a incomplètement réalisé la mission qui lui avait été confiée par le jugement du 21 février 2012, en ce qui concerne l’établissement des comptes entre les parties.
Elles font valoir que le notaire s’est non seulement dispensé d’établir les comptes entre les parties, mais également d’émettre préalablement des réquisitions auprès des établissements bancaires en vue de la reconstitution de l’actif mobilier, et ce alors même que des comptes bancaires, ouverts auprès de plusieurs établissements de crédit dont la Banque Postale, relèvent de la masse partageable.
Mme Y… conclut que le tribunal a fait droit à cette demande et que celle-ci s’est évertuée à produire, avant jugement, tous les éléments qu’elle pouvait retrouver pour faciliter ces opérations de compte.
La cour souligne, tout comme les premiers juges, qu’il relève de la compétence naturelle du notaire liquidateur de recueillir les éléments utiles pour lui permettre de reconstituer l’actif mobilier et d’établir les comptes entre les parties, et donc d’interroger les établissements financiers dans lesquels la défunte aurait été titulaire de comptes.
En outre, il est observé que le jugement querellé précise, au surplus, que le notaire liquidateur sera chargé de partager, le cas échéant, le solde des comptes bancaires eu égard aux droits respectifs des parties.
Par ailleurs, les parties ont été renvoyées devant le notaire liquidateur, celles-ci pourront donc demander à ce notaire qui est déjà investi de la mission d’établir les comptes en celles-ci les parties, de compléter son état-liquidatif, lequel effectivement ne porte que sur l’actif immobilier à partager.
Dans ces conditions, le jugement querellé sera confirmé en ses dispositions sur ce point.
Sur la parcelle cadastrée F 338
Le tribunal a retenu que la preuve de la propriété de la parcelle F 338 devrait faire partie de la masse à partager n’avait pas été rapportée.
Devant la cour, les appelantes ainsi que Mme Angelina X… épouse A… et Mme Julia X… épouse B… soutiennent que le tribunal a omis d’examiner les éléments de preuve qui ont été versés aux débats.
Elles se prévalent d’une correspondance en date du 5 décembre 2001 adressée par le centre des impôts fonciers à Mme Josiane X…, aux termes de laquelle la parcelle F 338 est notamment issue de la parcelle autrefois cadastrée F 132p qui était portée à la matrice cadastrale au compte de M. I… Antoine Nicolas.
Elles précisent que ce dernier est un ascendant de Mme Angelina Thérèse Catherine E… et que la mère de Mme Angelina Thérèse Catherine E… était née Marie Antoinette I…, comme l’établit l’un des arbres généalogiques produit par l’intimée.
Elles ajoutent que Mme Y… a admis que la parcelle F 338 devrait relever du patrimoine de Mme E… et a soutenu qu’elle avait été cédée à M. Georges H…, sans toutefois produire un acte établissant que cette parcelle avait quitté le patrimoine du défunt.
Les appelantes allèguent aussi que Me Marie Louise G… avait annoncé son intention de saisir le Groupement d’Intérêt public pour la Reconstitution des Titres de propriété en Corse (GIRTEC) au sujet de la parcelle F 338, ce qui n’a pas été fait.
De son côté, Mme Y… réplique que cette parcelle a fait l’objet d’un apport en nature par les consorts H…, au capital d’une société dénommée SCI H… MMS, suivant un acte établi par Me Jean J…, notaire, en 2001.
La cour constate que Mme Y… produit l’acte dont elle fait état, il s’agit d’un acte notarié établi le 09 mai 2001, régulièrement publié à la conservation des hypothèques, contenant statuts de la SCI » H… M. M & S « , aux termes duquel les époux Georges et Michèle H…, l’épouse née Noally, ont apporté en nature au capital de cette société, les biens immobiliers cadastrés F 338.
Au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement querellé en ses dispositions sur ce point.
Sur le remplacement du notaire liquidateur
Les appelantes ainsi que Mme Angelina X… épouse A… et Mme Julia X… épouse B… sollicitent le remplacement du notaire liquidateur.
Elles font valoir que celui-ci a été condamné au mois de juillet 2015, soit postérieurement à la décision frappée d’appel, par le tribunal correctionnel de Bastia, à une peine d’emprisonnement ferme pour des faits de faux en écriture publiques par personne dépositaire de l’autorité publique.
Mme Y… conteste cette demande en répliquant, d’une part, que le jugement invoqué n’est pas définitif puisqu’il y a appel et, d’autre part, que la cour est incompétente pour ordonner le remplacement du notaire, le jugement du 21 février 2012, ayant commis la présidente de la chambre des notaires de Haute-Corse avec faculté de délégation, étant définitif.
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats, que le notaire liquidateur, à savoir, Me Gérard G…, a été condamné en vertu d’un jugement du tribunal correctionnel de Bastia, confirmé par arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d’appel, notamment, a deux ans d’emprisonnement dont six mois ferme et à une interdiction définitive d’exercer les fonctions de notaire.
Dans ces conditions, la demande de remplacement de ce notaire est justifiée et peut valablement être ordonnée par la cour d’appel.
En conséquence, il sera dit que le Président de la chambre des notaires de Haute-Corse procédera au remplacement de Me Gérard G…, en sa qualité de notaire-liquidateur de la succession de Mme Angélina E….
Sur la demande de Mme Y… de dommages et intérêts
Le caractère abusif du recours exercé par les appelantes n’est pas établi en l’espèce.
Mme Y… sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en conséquence, Mme Y… sera déboutée de sa demande à ce titre.
Chacune des parties supportera ses dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit qu’il convient de procéder au remplacement de Me Gérard G…, en sa qualité de notaire-liquidateur de la succession de Mme Angélina E… ;
Désigne, à cet effet, le président de la chambre des notaires de Haute-Corse avec faculté de délégation à l’un des ses confrères ;
Déboute Mme Madeleine Y… de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Déboute Mme Madeleine Y… de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de tous autres chefs de demandes ;
Dit que chacune des parties supportera ses dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT