Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Ch. civile A
ARRET No
du 02 AVRIL 2014
R. G : 08/ 00417 R-C-JG
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 22 Avril 2008, enregistrée sous le no 06/ 2359
X…
X…
C/
X…
Y…
Z…
Z…
A…
A…
A…
B…
B…
B…
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DEUX AVRIL DEUX MILLE QUATORZE
APPELANTS :
Mme Dorastella X… épouse C…
Prise tant en son nom personnel qu’en qualité d’ayant-droit de feue Marie D…veuve X… décédée le 6 décembre 2011
née le 20 Février 1948 à LUGO DI NAZZA (20240)
…
06700 SAINT LAURENT DU VAR
assistée de Me Antoine ALESSANDRI, avocat au barreau de BASTIA, Me Jean ALLEGRET, avocat au barreau de GRASSE
M. Antoine X…
Pris tant en son nom personnel qu’en qualité d’ayant-droit de feue Marie D…veuve X… décédée le 6 décembre 2011
né le 11 Mars 1956 à GHISONACCIA (20240)
…
38000 GRENOBLE
assisté de Me Antoine ALESSANDRI, avocat au barreau de BASTIA, Me Jean ALLEGRET, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES :
M. François X…
né le 31 Juillet 1977 à LUGO DI NAZZA (20240)
…Ghisonaccia Gare
20240 GHISONACCIA
assisté de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-
VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
Mme Paule Y…veuve X…
née le 02 Juillet 1946 à PORTO VECCHIO (20137)
…
20240 GHISONACCIA
assistée de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-
VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
INTERVENANTS VOLONTAIRES :
M. Noël Z…
né le 25 Février 1934 à GHISONACCIA (20240)
…
20240 GHISONACCIA
assisté de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-
VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
Mme Antoinette Z… veuve E…
née le 26 Février 1936 à GHISONACCIA (20240)
…
20240 GHISONACCIA
assistée de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-
VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
Mme Marie Rose A… veuve F…
née le 08 Mars 1941 à GHISONACCIA (20240)
…
83000 TOULON
assistée de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-
VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
M. Antoine Louis A…
né le 06 Juin 1943 à OLLIOULES (83190)
…
06000 CAGNES SUR MER
assisté de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-
VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
Mme Joséphine A… veuve H…
née le 14 Septembre 1951 à TOULON (83000)
…
06610 LA GAUDE
assistée de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-
VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
M. Jean Philippe B…
…
20240 PRUNELLI DI FIUMORBO
assisté de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-
VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
Melle Léa Marie B…
née le 22 Mai 1992 à PRUNELLI DI FIUMORBO (20243)
20243 PRUNELLI DI FIUMORBO
assistée de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-
VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
Mme Geneviève Marie Laure B… épouse I…
née le 19 Mars 1949 à PRUNELLI DI FIUMORBO (20243)
…
20600 BASTIA
assistée de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-
VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 janvier 2014, devant la Cour composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre
Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller
Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 02 avril 2014.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Aux termes d’un acte reçu par Me Charles K… les 18 septembre 1961 et 21 mai 1965, a été constituée entre :
– François X… époux de Mme Donia-Marie A…
– Antoine X… époux de Mme Fernande M…
-Emile X…
– Joseph X…
une association agricole en participation expirant le 30 septembre 2007, ayant pour objet la mise en commun des bénéfices ou des pertes résultant de l’exploitation en commun des trois propriétés rurales mises par les associés à la disposition de cette association, savoir :
1/ le lot no 1 du lotissement dit » Périmètre d’Alzitone « , sis sur la commune de Ghisonaccia de 34 ha 77 a 94 ca, objet d’un bail emphytéotique cédé par la Somivac à François X… par acte reçu par Me Charles K… le 17 juin 1960,
2/ une propriété agricole sise sur le territoire de la même commune lieudit Bocevallo, mitoyenne au lot no 1, d’une superficie d’environ 20 ha, louée verbalement à François et Joseph X… par le syndicat des communes de Ghisoni, Ghisonaccia, Poggio di Nazza et Lugo di Nazza,
3/ une propriété sise sur le territoire de la même commune, lieudit Coggia, d’une superficie d’environ 22 ha, louée verbalement à François et Joseph X…, par le syndicat des communes de Ghisoni, Ghisonaccia, Poggio di Nazza et Lugo di Nazza.
Outre ces trois propriétés, d’une superficie approximative totale de 77 ha, les associés ont mis à disposition de l’association divers objets et matériels agricoles leur appartenant indivisément entre eux et dont l’inventaire est demeuré annexé auxdits statuts.
Dans les rapports entre eux, les quatre associés ont convenu de fixer le siège de cette association sur le lot No1 du Périmètre d’Alzitone et de désigner M. François X… en qualité de gérant, seul connu des tiers, avec mission de consacrer le maximum de son temps et de son activité à la gestion des exploitations, de tenir une comptabilité régulière
de ses opérations et notamment d’établir le 31 décembre de chaque année un inventaire, un bilan et un compte des résultats de l’exploitation et de répartir les bénéfices nets à raison de 25 % à chacun des associés.
Ces derniers ont convenu également que toutes décisions relatives à l’application des statuts ou à leur modification seraient prises d’un commun accord, que l’association ne serait pas dissoute par le décès de l’un des associés et se continuerait avec ses héritiers ou ayants-droit, lesquels devraient se faire représenter par un mandataire unique.
Le retrait d’Emile X… de l’association a été accepté par acte sous-seing privé du 24 janvier 1975, aux termes duquel en contrepartie de sa créance dans les résultats de l’association en participation, celui-ci s’est vu conféré :
– le droit à l’exploitation de l’essentiel de la propriété de Coggia (18 ha sur 22 ha),
– un hangar métallique édifié sur cette propriété par l’association,
– une somme de 200 000 francs représentant 25 % de la récolte 1974,
– une somme complémentaire de 100 000 francs pour planter 11 ha de vignes ou autres,
– un tracteur neuf avec remorque ainsi que le matériel nécessaire à l’exploitation de la vigne.
Ce retrait de l’association agricole a été constaté par acte reçu par Me Charles K…, notaire, le 23 juin 1976 avec suppression corrélative de la mise à disposition de l’association de la propriété de Coggia, des modifications étant apportées aux statuts de l’association en participation dont les seuls membres restant sont François, Antoine et Joseph X… portant sur les résultats mis en commun provenant des seules propriétés constituées par le lot no 1 du Périmètre d’Alzitone et de celle de » Bocevallo « , le matériel mis en commun et la répartition des résultats de l’association devant désormais s’effectuer par tiers.
Au décès d’Antoine X…, sa veuve, attributaire de la communauté universelle, elle-même décédée depuis, a légué à titre particulier conjointement à ses deux neveux Antoine X… et Dorastella C… née X…, tous ses droits dans divers biens immobiliers situés en Corse et la totalité de ses droits dans la société en participation constituée originairement par son mari en Corse avec tous droits aux parts, comptes courants et biens mobiliers et immobiliers.
François X…, gérant statutaire de l’association en participation est lui-même décédé le 8 juillet 1988 en l’état d’un testament olographe du 1er janvier 1988 instituant son neveu Dominique-Mathieu X… légataire de la nue propriété de sa part de vigne et tout ce que comporte l’exploitation (matériel viticole, villa, hangar) et son épouse commune en biens Donia-Maria A… légataire de l’usufruit de cette même part.
Dominique X… est décédé le 4 avril 1998 en laissant pour lui succéder, son épouse Paule Y…et son fils unique François X….
Joseph X…, dernier membre originaire de l’association en participation est décédé le 20 septembre 1998 en laissant pour lui succéder son épouse Marie D…, ses enfants Dorastella X… veuve C… et Antoine X… ainsi que par représentation de son fils prédécédé Dominique son petit-fils François X….
Consécutivement au décès de Joseph X…, un différend a opposé la majorité de ses ayants-droit et ceux de François X… quant à la gestion et au devenir de l’association et M. O…, expert agricole et foncier désigné en qualité d’administrateur judiciaire de l’association par ordonnance de référé en date du 17 novembre 1999 confirmée par arrêt de cette cour du 11 décembre 2000, a fait part aux parties de la cession à M. Vincent P…par les ayants-droit de François X… de leurs droits sur le bail emphytéotique de la propriété d’Alzitone ainsi que du matériel agricole s’y trouvant. La cession du bail emphytéotique a été validée par cette cour par arrêt du 13 mars 2003 sauf pour les associés à se pourvoir contre les cédants dans le cadre d’une action en dommages-intérêts, mais la cession du matériel s’y trouvant, appartenant indivisément aux membres de l’association a été en revanche annulée pour absence de détermination du prix.
Par ailleurs, une instance en partage de la succession de Joseph X… a été diligentée par François X…, son petit-fils, qui a informé les autres ayants-droit que la cession effectuée en octobre 1999 à Vincent P…avait également porté sur les droits de jouissance et d’exploitation de la propriété de Bocevallo.
Faute de production du moindre justificatif des droits de Joseph X… dans la propriété de Bocevallo et sur le montant de la créance détenue par les autres héritiers de Joseph X… à l’encontre de François X…, le tribunal de grande instance n’a pas fait droit à la demande de sursis présentée et a ordonné le partage en l’état de la succession de Joseph X… avec licitation corrélative à la barre du tribunal des lots de la maison familiale sise à Lugo di Nazza.
Mme veuve Joseph X…, Mme Dorastella C…et M. Antoine X… ont frappé d’appel ce jugement pour permettre l’estimation judiciaire des droits et créances complémentaires de Joseph X… et de la créance détenue à l’encontre de François X….
Ils ont en outre attrait devant le tribunal de grande instance de Bastia par acte du 15 décembre 2006 rectifié le 21 décembre 2006, François X…, Donia-Marie A… veuve X… et Paule Y…veuve X… pour voir dire et juger que :
– trois propriétés, puis après le retrait en 1976 d’Emile X… de l’association, deux propriétés agricoles dont les résultats étaient statutairement mis en commun dans cette association ont été gérées et exploitées successivement par François X… en qualité de gérant statutaire de cette association jusqu’à son décès survenu en juillet 1988, puis par M. Dominique Mathieu X…, son neveu et légataire, fils de M. Joseph X… jusqu’à son décès survenu en avril 1998 et enfin jusqu’à la cession effectuée en octobre 1999 par les ayants-droit de ce dernier,
– que les résultats de cette exploitation n’ont jamais été distribués aux différents membres de l’association en participation et ont été laissés en compte courant par ceux-ci, conformément aux dispositions statutaires,
– que les demandeurs, membres de cette association, dont les statuts n’ont pu être modifiés à partir du retrait de M. Emile X… et à laquelle il n’a pas été conventionnellement mis fin, sont fondés à solliciter des défendeurs en leur qualité d’ayants-droit de François et Dominique Mathieu X… et à la suite de la dissolution de cette association par survenance de son terme statutaire, la liquidation et le paiement de cette créance en compte courant ainsi que l’indemnisation des incidences résultant pour cette association de la cession effectuée par ces derniers en octobre 1999, puisque cette cession dont l’intégralité des contreparties financières a été encaissée par eux, a privé ipso facto en violation des dispositions statutaires, l’association et par suite les demandeurs des résultats desdites propriétés agricoles jusqu’au 30 septembre 2007, mais également de la plus value acquise au jour de cette cession par ces propriétés agricoles,
– désigner, après avoir constaté la dissolution de l’association en participation par survenance le 30 septembre 2007 de son terme statutaire un liquidateur judiciaire disposant de tous les pouvoirs prévus par les statuts et par la loi,
– dire et juger que, faute de la justification de tout abandon ultérieur ou cession par M. Joseph X… des droits de jouissance et d’exploitation qu’ils détenaient indivisément avec M. François X… dans la propriété de Bocevallo, ainsi que celui-ci l’a expressément reconnu dans les statuts de l’association établis par acte authentique, lesdits droits étaient toujours détenus par lui au jour de son décès et par ses ayants-droit au jour de leur cession effectuée par les seuls défendeurs,
– condamner, dans le cadre de cette liquidation, les défendeurs, in solidum, du fait de la faute commune commise par eux, à payer aux demandeurs le montant de leur créance en compte courant dans l’association au jour de sa dissolution ainsi que la quote-part leur revenant statutairement dans la plus-value acquise par les deux propriétés au jour de la cession effectuée par les défendeurs,
– les condamner, in solidum, à payer également, à titre de dommages et intérêts, aux demandeurs, pour les fautes communes commises à leur encontre et les divers préjudices indéniables que ces fautes ont directement engendrés :
. la somme de 60 000 euros, au titre de la violation délibérée des statuts de l’association en participation et des droits des demandeurs ainsi que pour le préjudice moral engendré par les diverses procédures que ceux-ci ont été contraints d’engager,
. celle correspondant à la quote-part de leurs droits dans le matériel indivis ainsi que dans les droits de jouissance et d’exploitation de la propriété de Bocevallo cédés par les seuls défendeurs,
. et celle correspondant à la quote-part des résultats que les demandeurs auraient dû percevoir dans l’association en participation jusqu’au 30 Septembre 2007, si les défendeurs n’avaient pas procédé, en violation des statuts et de leurs droits, à la cession effectuée par eux, le 12 octobre 1999,
– et les condamner, in solidum, à payer aux demandeurs la somme de 7 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire et juger qu’en l’absence fautive de toute comptabilité de l’association et de la cession occulte effectuée par les défendeurs, il est nécessaire pour permettre, notamment, la liquidation de l’association et arrêter le quantum des sommes et condamnations ci-dessus, de procéder, avant dire droit et au contradictoire des parties, à une expertise et que, dans le cadre de celle-ci, la valeur de l’usufruit ou celle de la nue propriété sera fixée sur la base des dispositions prévues par l’article 669 du code général des impôts,
– désigner, à cet effet, l’expert que le tribunal avisera, avec faculté pour lui, de s’adjoindre, le cas échéant, tous sapiteurs de son choix, avec pour mission de donner au tribunal toutes indications utiles et chiffrées, avec toutes justifications ou explications des estimations effectuées par lui en l’absence de toute comptabilité des opérations sociales, permettant à celui-ci d’arrêter le montant :
. de la créance en compte courant détenue par les demandeurs dans l’association en participation, ainsi que sur celle détenue par M. Joseph X… au jour de son décès,
. de la quote-part revenant statutairement aux demandeurs dans la plus-value acquise, au jour de la cession effectuée par les défendeurs, dans les deux propriétés d’Alzitone et de Bocevallo,
. de la valeur des droits indivis détenus par M. Joseph X…, au jour de son décès, et par les demandeurs, au jour de leur cession par les défendeurs, dans les droits de jouissance et d’exploitation de la propriété de Bocevallo,
. de la valeur du matériel agricole indivis vendus par les seuls défendeurs,
. et de la quote-part estimative des résultats qui seraient revenus aux demandeurs si, en l’absence de la cession effectuée par les défendeurs, l’association avait continuer à percevoir les résultats des deux propriétés agricoles d’Alzitone et de Bocevallo jusqu’au 30 septembre 2007,
Et à cet effet :
– se faire remettre et communiquer par les parties toutes pièces et informations en leur possession lui permettant d’accomplir sa mission,
– établir la désignation et la consistance des deux propriétés d’Alzitone et de Bocevallo au jour de leur cession et donner, des indications sur leur évolution depuis la constitution de l’association en participation, et une estimation de la plus-value conférée à ces propriétés au jour de la cession effectuée par les défendeurs,
– donner toutes précisions sur le statut particulier et « coutumier » de « terres des communes » auquel est soumise la propriété de Bocevallo et sur la valeur du droit de jouissance et d’exploitation de cette propriété au jour de sa cession effectuée par les défendeurs, en tenant, compte, le cas échéant, du montant des primes d’arrachage y attachées,
– se procurer auprès des caves coopératives du secteur toutes informations sur la valeur des vendanges, qui leur ont été livrées successivement par M. François X…, puis M. Dominique Mathieu X… et, en dernier lieu, par les défendeurs ou l’un d’eux et se faire remettre par les organismes viticoles ou administratifs ainsi que par la Mutualité Sociale Agricole toutes les déclarations de récoltes et autres déclarations fiscales ou de revenus effectuées par ses exploitants ainsi que les primes d’arrachage et autres subventions ou aides diverses obtenues par ceux-ci,
– procéder à toutes recherches et, à défaut, à toutes estimations nécessaires :
. quant aux autres recettes encaissées et notamment, celles afférentes à la vente des raisins de table et des agrumes pour permettre de parvenir à estimer le montant total des recettes annuelles et celui des charges d’exploitation, en se référant, le cas échéant, aux résultats disponibles d’exploitations agricoles du secteur similaires,
. et donner toutes indications sur les difficultés éventuellement rencontrées et les estimations effectuées ou retenues pour parvenir à chiffrer la créance en compte courant détenue par les demandeurs dans l’association au jour de sa dissolution, en l’absence de toute distribution de résultats effectuée depuis sa constitution,
– donner toutes indications et estimations sur le matériel indivis cédé par les défendeurs,
– répondre aux dires des parties,
– du tout, dresser un pré-rapport à remettre à ces dernières pour leur permettre d’établir un dire récapitulatif et y répondre dans le rapport définitif à déposer au tribunal et à remettre aux parties, avec l’ensemble de ses annexes,
– dire que les frais et honoraires de cette expertise seront à avancer, par moitié par chacune des deux parties, avec faculté pour les demandeurs, en cas de carence manifeste des défendeurs, d’avancer la quote-part de ces derniers,
– réserver, dans le jugement avant dire droit à intervenir, le sort des dépens.
Les défendeurs ont soulevé l’irrecevabilité de l’action faute pour les demandeurs d’avoir recueilli le consentement de tous les indivisaires puisque la demande principale en dissolution n’est pas un acte conservatoire, alors que de surcroît les mêmes demandeurs avaient fait désigner dans le cadre de l’instance en partage pendante devant la cour d’appel un mandataire de la succession en la personne de M. R…, qui pouvait seul les représenter.
Ils ont soutenu ensuite que l’action était prescrite en application de l’article 2270-1 du code civil pour avoir été engagée plus de dix années après la survenance des dommages dont la réparation était réclamée.
Ils ont précisé enfin que l’association n’avait plus de vie sociale depuis la fin des années 70 et qu’en état de cause, le principe même de l’association en participation étant la mise en commun d’une jouissance et non d’un apport en nature au capital social, les demandeurs, sur le terrain du matériel, ne pourraient prétendre qu’à la reprise de celui dont ils pourraient démontrer être propriétaires.
Faisant valoir que la procédure introduite par les demandeurs n’avait pour objectif que de retarder l’issue de l’instance en partage successoral, ils ont sollicité 15 000 euros de dommages-intérêts chacun et 2 000 euros au titre de leur frais irrépétibles.
Par jugement du 22 avril 2008, le tribunal de grande instance de Bastia a :
– déclaré irrecevable l’action engagée par Marie D…, Mme Dorastella X…et M. Antoine X…,
– débouté M. François X…, Mme Doria-Marie A… et Mme Paule Y…de leurs demandes en dommages-intérêts,
– condamné Marie D…, Dorastella X… et Antoine X… à payer à François X…, Doria-Marie A… et Paule Y…la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Suite à l’appel relevé par Marie D…veuve X…, Dorastella X… épouse C… et Antoine X…, cette cour a, par arrêt mixte du 28 octobre 2009, infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, avant dire droit au fond,
– ordonné une expertise,
– commis pour y procéder M. T…Jean-Pierre avec mission de se faire remettre par les parties tous documents comptables et relatifs à la gestion de l’association,
– faire les comptes entre les parties et dire si les appelants disposent d’une créance au titre de ladite association,
– dans l’affirmative, évaluer celle-ci et celle des autres membres de l’association,
– faire toutes observations utiles à la solution du litige.
M. T…a été remplacé par M. André U…puis par M. V…, par ordonnance du conseiller chargé du contrôle des expertises du 26 mars 2010.
M. V…a rempli sa mission et déposé son rapport, sans s’adjoindre de sapiteur, comme le sollicitaient les appelants.
Après avoir rappelé que les dispositions du code de procédure civile exposent clairement que la charge de la preuve incombe aux parties et que les diligences de l’expert ne pouvaient avoir pour objet de suppléer leur carence dans l’administration de la preuve, l’expert a précisé que l’association en participation est une société en participation, qui n’a pas de personnalité morale et qui est destinée à des personnes qui ont la volonté de s’associer pour la réalisation d’un objet précis et que sa dissolution de plein droit survient automatiquement, à raison de l’impossibilité advenue d’accomplir l’objet social, cette dissolution agissant au jour de l’avènement à l’insu même des associés.
Il indique, concernant les apports que si chaque associé est soumis à l’obligation de faire un apport, l’association en participation ne possède pas de personnalité morale et l’associé apporteur demeure propriétaire des biens apportés qui sont mis à la disposition du gérant, ce dernier n’en ayant que la jouissance, avec pour conséquence principale de cette situation juridique particulière que l’associé apporteur conserve la faculté de disposer librement des biens qu’il a mis à la disposition de la société, et que la plus-value acquise par le bien profite uniquement à son propriétaire. Il souligne que la clause prévoyant qu’en cas de dissolution ou de vente, chaque partie recevra la quote-part de la valeur du bien exploité en participation ne saurait faire échec à cette règle.
Il ajoute que la cession du bail emphytéotique sur la propriété d’Alzitone par les seuls ayants-droit de François X… a été validée par arrêt de cette cour du 13 mars 2003, que la plus-value apportée n’appartient pas à l’association en participation mais à l’apporteur, que le mode d’exploitation de Bocevallo prend la nature d’un prêt à usage, également appelé commodat, intuitu personnae, non cessible et donc non susceptible de générer une plus-value.
Il relève qu’il ne lui appartient pas de reconstituer la comptabilité depuis l’origine de la société, d’autant que M. O…indique dans son rapport du 28 février 2000 qu’il n’a aucune trace de fonctionnement que ce soit par des écrits ou des témoignages et qu’un sapiteur qui investiguerait au service de la viticulture ou bien dans les caves coopératives n’apporterait pas plus à la reddition des comptes.
Il en conclut qu’en l’absence de toute comptabilité, il ne lui a pas été possible de faire les comptes entre les parties, de dire si les appelants disposent d’une créance au titre de ladite association ni dans l’affirmative de l’évaluer.
Marie D…veuve de Joseph X… est décédée le 6 décembre 2011. Doria Marie A… est elle-même décédée le 8 mars 2013 et ses héritiers Noël Z…, Antonia Z… veuve E…, Marie-Rose A… veuve F…, Antoine-Louis A…, Joséphine A… veuve W…, Jean-Philippe B…, Léa B… et Geneviève B… épouse I…sont intervenus volontairement aux débats.
En leurs dernières écritures admises aux débats par l’arrêt du 27 janvier 2014 qui a révoqué l’ordonnance de clôture du 21 décembre 2013 et auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, Dorastella X… veuve C… et Antoine X… qui poursuivent l’instance suite au décès de leur mère D…Marie, font valoir que l’instance d’appel a pour objet et finalité de parvenir en prolongement de l’arrêt avant dire droit du 28 octobre 2009 :
– à la liquidation à la suite de sa dissolution de plein droit depuis le 1er octobre 2007 par survenance de son terme statutaire, de l’association agricole en participation constituée entre François, Antoine, Joseph et Emile X… dont ils sont avec les intimés et intervenants volontaires, les héritiers, association dont l’existence a été reconnue par la cour d’appel de céans dans son arrêt du 11 décembre 2000,
– à l’établissement de la créance contractuelle et incontestable qu’ils sont en droit de faire valoir à l’encontre des intimés et des intervenants volontaires es-qualités pour ces derniers, d’ayants-droit de Mme veuve François X…, du fait de l’encaissement intégral par ces derniers ou leurs auteurs de l’intégralité des résultats de cette association, en leur qualité d’exploitants successifs pour le compte de cette association des trois puis ensuite de deux importantes propriétés agricoles dont les résultats étaient statutairement mis en commun et des incidences sur lesdits résultats et subséquemment sur la créance des appelants de la cession effectuée par les seuls intimés et feue Mme François X… en 1999, en violation des dispositions statutaires de l’association et avec encaissement par eux de l’intégralité du prix de cession en ce compris le matériel agricole s’y trouvant, l’arrêt de cette cour ayant validé la cession, en reconnaissant corrélativement à ses autres membres, du fait de la violation des dispositions statutaires, le droit de se retourner contre les cédants dans le cadre d’une action en dommages-intérêts,
– à la condamnation in solidum des intimés et des huit intervenants volontaires ès-qualités d’ayants-droit de Mme veuve François X… en l’absence de tout patrimoine social, au règlement de cette créance aux appelants assorti du paiement de dommages-intérêts pour les divers préjudices que les fautes ainsi commises à leur égard en violation dedites dispositions statutaires leur a directement occasionné.
Ils font observer que cette instance interfère directement dans l’action en partage de la succession de M. Joseph X… diligentée par François X…, intimé et petit-fils de Joseph X… pendante devant cette cour dans l’attente de la décision à intervenir, car elle doit dans le cadre de la liquidation de la créance des intimés, permettre :
– d’arrêter le montant de la créance en compte courant détenue par Joseph X… dans cette association en participation au jour de son décès (20 septembre 1988), créance appréhendée par les intimés ou leurs auteurs,
– d’estimer le montant des droits indivis que Joseph X… détenait dans la propriété agricole de Bocevallo dont les résultats étaient mis en commun dans l’association, droits indivis que les intimés ont cédé seuls en octobre 1999, créance en compte courant et droits indivis entrant dans l’actif communautaire et non pris en compte à ce jour qui modifient profondément tant la masse de la succession que celle aujourd’hui indivise et à partager.
Ils soutiennent que les intimés qui sont les seuls à pouvoir produire les comptes de l’exploitation de leurs propriétés agricoles, puisqu’ils en ont assuré la gestion, avant de procéder avec Mme veuve François X… à leur cession, s’opposent de surcroît à la désignation d’un expert foncier, alors qu’ils sont seuls responsables de l’absence de reddition de comptes et que suite au retrait d’Emile X…, ils ont continué à profiter par tiers de l’intégralité des résultats de l’exploitation des deux propriétés agricoles.
Ils font observer à cet effet que François X…, gérant statutaire de l’association, puis progressivement à partir de 1980 et totalement à partir de son décès survenu en 1988, Dominique Mathieu X… son neveu, ont continué à profiter de l’intégralité des résultats de l’exploitation, avant que la veuve de ce dernier ne procède conjointement avec son fils François et le concours de Mme veuve François X… à la cession des deux propriétés agricoles et du matériel d’exploitation, en violation délibérée de leur part des statuts de l’association en participation suite à l’échec de leur tentative d’acquisition amiable, au début de l’année 1999, des droits de ses autres membres, dont ils n’hésitent pas à nier l’existence.
Ils ajoutent que pour ne pas entériner définitivement cette spoliation, il n’est possible de parvenir à une estimation contradictoire de son montant que par le biais d’une expertise foncière.
Ils font observer que leurs droits dans l’association en participation et le matériel d’exploitation indivis entre ses membres, compte tenu du legs de la quotité disponible de sa succession effectuée par Mme Marie D…veuve Joseph X… à Dorastella X… veuve C… s’élèvent à 60, 16 % (33, 33 % au titre de leur qualité d’ayants-droit de feu Antoine
X…et 26, 83 % en leur qualité d’héritiers de Joseph X… leur père) et de 36, 11 % dans les droits indivis d’exploitation de la propriété de Bocevallo, conjointement et statutairement mise à disposition de l’association en participation lors de sa constitution.
Ils font valoir que l’expert qui a estimé, après tergiversations, ne pas avoir à s’adjoindre de sapiteur, a estimé en violant expressément les dispositions de l’article 10 des statuts de l’association en participation qu’à l’occasion de la cession de la propriété d’Alzitone la plus-value apportée n’appartient pas à la l’association en participation et en faisant l’impasse sur les investissements réalisés depuis sa constitution dont les bâtiments d’exploitation et l’ensemble des mises en culture, alors que ces statuts stipulent que la plus-value acquise au cours de l’association par les éléments de l’actif immobilier doit être portée à l’actif du compte de liquidation.
Ils ajoutent en ce qui concerne la propriété mitoyenne de Bocevallo que les terres en cause incessibles selon lui, ont été cédées d’abord à Dominique Mathieu X… puis à Vincent P…, d’autant que cette propriété comme celles de Coggia, font partie des terres des communes pour lesquelles les exploitants ne paient pas de redevance et que ces derniers peuvent les céder en faisant simplement constater par la mairie leur changement d’exploitant.
Ils expliquent que de la sorte, la créance qu’ils détiennent à l’encontre des intimés n’est pas contestable, puisque d’une part, c