Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VF-BR
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 328 DU DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 01216
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud’hommes de BASSE-TERRE du 25 juin 2013- Section Encadrement.
APPELANTE
SA SOCIETE AUTO GUADELOUPE INVESTISSEMENT
Tour Sécid 8ème étage
Place de la Rénovation
97110 POINTE-A-PITRE
Représentée par Maître Pascal BATHMANABANE substitué par Maître TRETON, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ
Monsieur Marcel X…
…
68650 LAPOUTROIE
Représenté par Maître Stepen MONTRAVERS, avocat au barreau de PARIS
Ayant également pour conseil, Maître Jan-marc FERLY (Toque 26), avocat au barreau de la GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 6 octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Madame Françoise Gaudin, conseiller,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 17 novembre 2014
GREFFIER Lors des débats : Madame Yolande Modeste, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.
Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Il résulte des pièces versées aux débats les éléments suivants.
Par contrat de travail en date du 29 avril 2004, M. X…a été engagé par la société Auto GUADELOUPE INVESTISSEMENT, ci-après désignée A. G. I., en qualité de directeur pour être détaché auprès de la Société SOREMAR, sa filiale située à Saint-Martin, dont l’activité était l’achat, la vente, la réparation de véhicules, ainsi que la location de véhicules et l’exploitation de garage automobile. La prise de fonction était fixée au 1er juin 2004.
En avril 2005, M. X…agissant en qualité de représentant de la société AUTOMAR, laquelle était filiale à 99 % de la société A. G. I., et détentrice elle-même de 96 % des actions de la Société SOREMAR (pièce 3 de l’appelante), procédait devant notaire à Sint-Marteen à la constitution de trois sociétés de droit néerlandais, à savoir la société SOREMAR HOLDING N. V., la société SOREMAR REAL ESTATE N. V. et la société SOREMAR VEHICLES N. V., toutes trois établies à Sint-Marteen, ayant respectivement pour objet un rôle de holding, la propriété d’un immeuble à usage commercial, et la vente de véhicules dans ledit immeuble.
Il était prévu pour chacune de ces sociétés qu’elle serait dirigée par un directoire composé d’un ou plusieurs membres, M. X…apparaissant comme seul membre du directoire de chacune de ces sociétés.
Ces dispositions étaient prises pour permettre l’extension de la commercialisation de véhicules automobiles par le groupe A. G. I. sur la partie néerlandaise de l’île de Saint-Martin.
Le 27 juillet 2008, M. Marc Y…, directeur de branche automobile DFA de A. G. I. faisait savoir par courriel à M. X…que compte-tenu des résultats déficitaires importants enregistrés sur l’année 2007 et de résultats encore plus dégradés à fin avril 2008, le comité de direction du groupe avait pris le 23 juin 2008 la décision de cesser l’exploitation de la société néerlandaise SOREMAR NV et de procéder à un plan de licenciement économique partiel pour la société SOREMAR SAS, M. X…étant chargé de présenter un projet de mise en place de cette décision.
Dans un message du 31 juillet 2009 adressé à l’ensemble des directeurs du groupe, le président de A. G. I., Denis Z…, rappelant la grave crise sociale qu’avait connue la Guadeloupe au début de l’année 2009, faisait savoir qu’un protocole de conciliation avait été conclu avec l’ensemble des banques du groupe.
Dans un message du 19 septembre 2009, M. Bruno A…, présenté comme secrétaire général du groupe (pièce 8 de l’intimé) rappelait à M. X…un accord selon lequel serait octroyée à celui-ci une prime dans le cas de la réalisation de la cession de l’activité de la société SOREMAR SA, et de l’immeuble de la société néerlandaise SOREMAR REAL ESTATE N. V.. Il était précisé à M. X…que le groupe s’engageait à lui rechercher un poste équivalent en son sein, le poste occupé par celui-ci étant supprimé en cas de cession. Il était ajouté que dans le cas de la réalisation de la cession et/ ou M. X…refuserait son
repositionnement, la prime de cession pourrait être ajoutée à son « indemnité ».
Dans un message du 22 décembre 2010, M. B…, président de la SOREMAR indiquait qu’il confirmait la réorganisation de l’activité automobile à Saint-Martin, précisant que ladite société restait importateur des véhicules KIA et que la distribution était confiée à la société SAINT-MARTIN CARS, M. X…prenant en charge l’activité d’importation sur Saint-Martin et devant diriger également l’importation-distribution sur la Guadeloupe, en ajoutant que compte-tenu des délais, celui-ci » ne pourrait sans doute pas prendre la responsabilité de la Guadeloupe avant le 15 février « .
Par un message du 7 janvier 2011, il était formalisé à l’égard de M. X…une proposition pour un poste de directeur de concessions KIA Guadeloupe, outre la gestion de l’activité import de SXM, avec une augmentation de 15 % du salaire mensuel fixe par intégration de la partie minimum garantie de la gratification, soit un salaire brut mensuel de 9350 ¿, outre une gratification indexée sur le résultat comptable de l’activité KIA.
Dans un message du 18 janvier 2011, M. X…, après avoir rappelé l’activité déployée au sein de la société SOREMAR, et évoqué les difficultés auxquelles il avait été confronté, résultant d’interventions parfois déplacées et lourdes de conséquences pour le groupe, alors qu’il n’avait perçu aucune augmentation de son salaire mensuel brut depuis 2005 et que sa prime annuelle avait été réduite depuis 2007, faisait savoir que la proposition n’était pas valable. Il faisait valoir que la proposition ne tenait pas compte des résultats obtenus à Saint-Martin depuis 2004 et qu’elle ne prenait pas en compte le fait que le coût de la vie en Guadeloupe était nettement supérieur à celle de Saint-Martin (taxe d’habitation, impôt sur le revenu ¿). Il déplorait notamment l’absence de possibilité d’intervenir sur des leviers importants comme sur le plan marketing et la structure du prix et qu’en conséquence il ne pourrait pas les adapter aux besoins.
Il s’ensuivait entre l’avocat de M. X…et la direction du groupe un échange de correspondances dans le cadre duquel le premier cité faisait état notamment de l’impatience de la direction d’A. G. I. de voir constater un refus par son client d’accepter les modifications substantielles de son contrat de travail, ainsi que l’abus d’autorité hiérarchique usée par la direction pour fermer toute voie à la négociation quant aux nouvelles conditions, jugées inacceptables, au regard de l’investissement professionnel et familial de M. X…depuis son embauche.
Dans un message du 25 mai 2011 adressé tant au président de la société A. I. G. qu’à celui de la Société SOREMAR, M. X…rappelait qui lui avait été indiqué qu’il recevrait une prime de 100 000 ¿ en cas de cession des sociétés basées à Saint-Martin, faisant remarquer qu’il convenait toutefois de noter que la société française SOREMAR SA avait été rentable en 2010 et que depuis le début de l’année 2011, ses résultats étaient supérieurs au budget. Il demandait par conséquent qu’on lui indique si la cession était toujours un objectif et était toujours exigée par le bailleur de fonds, soulignant qu’il fallait que tout soit clair pour le personnel. Il ajoutait que concernant les entités du côté néerlandais et la prime de cession qui lui avait été annoncée, il souhaitait finalement formaliser le paiement de cette prime et inclure sa rémunération au titre des tâches et responsabilités qu’il assumait en qualité de directeur statutaire de SOREMAR HOLDING N. V., SOREMAR REAL ESTATE N. V. et SOREMAR VEHICLES N. V., soulignant qu’il n’avait reçu aucune rémunération au titre de ce travail depuis sa nomination en 2005.
Par courrier du 11 août 2011, le président du directoire de la société A. G. I., faisait savoir à M. X…que conformément à l’article 3 de son contrat de travail et compte tenu de la nécessité d’en assurer la direction, il était désormais détaché à la concession STCA située à Saint-Ouen-l’Aumône, la rémunération et les avantages divers de l’intéressé étant inchangés.
Ce changement d’affectation d’office, accompagné d’un relèvement immédiat des fonctions de M. X…au sein de la SOREMAR, et des trois sociétés néerlandaises, avec remise des clefs et des codes d’accès des sites de ces entreprises, ce qui était considéré comme brutal et vexatoire par l’intéressé, était refusé par celui-ci par courrier du 23 août 2011.
Le 6 septembre 2011, M. X…faisait procéder à une saisie conservatoire entre les mains de la WINDWARD ISLANDS BANK LTD, à Sint Maarten, en vertu d’une ordonnance du 31 août 2011 du juge du tribunal de première instance de Sint Maarten, pour garantie du paiement de la somme de 270. 00. 000 US $, cette saisie conservatoire étant dénoncée par acte huissier en date du 8 septembre 2011. Cette saisie conservatoire avait été sollicitée au motif que depuis sa nomination en tant que directeur des sociétés néerlandaises, M. X…avait insisté auprès des actionnaires pour obtenir une rémunération pour ces activités qu’il a accomplies en dehors de son détachement auprès de la société SOREMAR.
Après convocation à un entretien préalable fixé au 15 septembre 2011, comportant mise à pied conservatoire, M. X…se voyait notifier son licenciement pour faute lourde par courrier recommandé du 28 septembre 2011. Il lui était reproché d’avoir délibérément décidé de porter atteinte aux intérêts de son employeur au travers de ses filiales, dans la mesure où M. X…avait fait bloquer l’ensemble des comptes des trois sociétés néerlandaises, à savoir :
– pour la SOREMAR HOLDINT N. V. À hauteur de 26 000 US $,
– pour la SOREMAR VEHICLES N. V. à hauteur de 27 000 000 US $
– pour la SOREMAR REAL ESTATE N. V. à hauteur de 210 000 US $.
Le 6 mars 2012, M. X…saisissait le conseil de prud’hommes de Basse-Terre aux fins de contester son licenciement et obtenir diverses indemnités, ainsi qu’un rappel de rémunération et la remise de documents de fin de contrat.
Par jugement du 25 juin 2013, la juridiction prud’homale disait que le licenciement de M. X…était nul et sans cause réelle et sérieuse, fixait sa rémunération mensuelle brute à 12 143 ¿ et condamnait la société A. G. I. à lui payer les sommes suivantes :
-24 286 ¿ à titre d’indemnité de préavis,
-2486 ¿ à titre de congés payés sur préavis,
-3738, 70 ¿ au titre du salaire correspondant à la mise à pied conservatoire,
-18 205 ¿ à titre d’indemnité légale de licenciement,
-145 716 ¿ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-72 858 ¿ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
-814, 20 ¿ à titre d’indemnité pour défaut d’information sur le droit individuel à la formation,
-1000 ¿ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le nombre d’heures acquises au titre du DIF était fixé à 88 heures et 59 minutes.
Il était ordonné la remise, sous astreinte de 50 ¿ par jour de retard à compter de la notification de la décision, des documents suivants :
– les bulletins de salaire régularisés,
– les documents de fin de contrat régularisés.
Par déclaration le 2 août 2013, la société A. G. I. interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 19 juillet 2013.
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Par conclusions adressées au greffe de la cour le 30 septembre 2014, précédemment notifiées à la partie adverse et auxquelles il a été fait référence lors de l’audience des débats, la société AIG sollicite le rejet de l’intégralité des demandes de M. X…en faisant valoir que le licenciement de celui-ci reposait sur une faute lourde, que la fixation du montant des primes annuelles concernant les années 2008 à 2010 à la somme de 35 000 ¿, était conforme aux stipulations du contrat de travail de M. X…, que les faits reprochés à celui-ci sont incompatibles avec le paiement de la prime annuelle 2011, qu’il ne pouvait prétendre au maintien des couvertures santé et prévoyance, ni à un rappel au titre de jours de congés payés qu’il n’aurait pas pris de 2006 à 2011, que les conditions de versement de la prime de 100 000 ¿ prévue en cas de cession de l’immeuble de la société SOREMAR RELA ESTATE N. V. et du fonds de commerce de la société SOREMAR n’était pas réunies, et que la société A. G. I. n’avait commis aucun manquement à l’origine d’un quelconque préjudice moral.
La société appelante demandait paiement de la somme de 5000 ¿ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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M. X…pour sa part, dans ses conclusions adressées à la cour le 28 août 2014, et auxquelles il a été fait référence lors de l’audience des débats, sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a constaté que le licenciement était intervenu dans des circonstances abusives et vexatoires, fixé la rémunération mensuelle brute moyenne à 12 143 ¿ et condamné la société A. G. I. à lui verser les sommes suivantes :
-24 286 ¿ à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
-2428, 60 ¿ d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
-3738, 70 ¿ de rappel de salaire pour mise à pied non justifiée,
-18 205 ¿ d’indemnité de licenciement,
et en ce qu’il a fixé le nombre d’heures acquises au titre du droit individuel à la formation à 88 heures et 59 minutes, et fixé l’indemnité pour défaut d’information sur le droit individuel à la formation à 814, 20 euros.
Il sollicite l’infirmation du jugement déféré pour le reste de ses dispositions et entend voir condamner la société A. G. I. à lui payer les sommes suivantes :
-291 438, 56 ¿ s d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-145 719 ¿ de dommages-intérêts pour préjudice moral,
-14 862, 07 ¿ d’indemnité compensatrice de congés payés,
-15 000 ¿ de reliquat de primes non versées en 2008, 2009 et 2010,
-26 904, 74 ¿ de reliquat de prime non versée en septembre 2011,
-100 000 ¿ de rappel de prime pour gestion de la cession d’activité,
-30 000 ¿ d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. X…demande également la remise de bulletins de salaire régularisés sous astreinte de 200 ¿ par jour de retard à compter de la décision à intervenir, ainsi que la remise des documents de fin de contrat régularisés sous la même astreinte. À titre subsidiaire il demande la condamnation d’A. G. I. au paiement de la somme de 4425, 28 euros à titre de dommages et intérêts pour perte du bénéfice des contrats santé et prévoyance.
Motifs de la décision :
Sur la rupture du contrat de travail :
Dans le contrat de travail conclu par les parties le 29 avril 2004, stipulant que M. X…était engagé à compter du 1er juin 2004 en qualité de directeur avec le statut de cadre, par la société A. G. I., pour être détaché auprès de la Société SOREMAR à Saint-Martin, il est précisé que le salarié serait responsable de la gestion générale de celle-ci, dans le cadre :
– commercial, technique,
– comptable, financier, gestion du personnel.
Dans ce contrat il était indiqué que M. X…devait :
– proposer les budgets,
– veiller à leur réalisation,
– s’assurer du respect des ratios,
– négocier avec les fournisseurs,
– animer et négocier avec le personnel dans le cadre imparti,
– s’assurer du respect de la législation tout particulièrement en matière sociale,
– définir les axes et campagnes de communication,
– veiller à l’entretien des locaux et à l’environnement du site.
Dans le cadre de cet engagement, M. X…avait l’obligation de rendre compte de sa gestion à la direction générale d’A. G. I., au comité de gestion et de surveillance et au contrôleur de gestion.
S’il était mentionné que ses fonctions seraient exercées principalement au siège social de la Société SOREMAR et dans l’établissement de cette société, il était ajouté que compte-tenu de la nature des dites fonctions, M. X…prenait l’engagement d’accepter tout changement de lieu de travail sur le département de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane, sur la métropole et à l’étranger, même si un changement de domicile s’avérait en conséquence nécessaire, l’intéressé pouvant être amené à effectuer des déplacements vers la France métropolitaine ou à l’étranger.
La cour constate que le contrat de travail de Monsieur X…est parfaitement circonscrit à des tâches commerciales, techniques, comptables, financières et de gestion du personnel au sein de la Société SOREMAR située à Saint-Martin.
Lorsqu’en avril 2005, il est donné mandat par la direction d’A. G. I., à M. X…, de constituer trois sociétés de droit néerlandais à Sint Marteen, et d’assurer les fonctions de seul membre du directoire de chacune de ces sociétés, cette mission dépasse manifestement les obligations mises à la charge de M. X…dans le cadre de son contrat de travail.
Ainsi M. X…a dû assurer la direction et la gestion de ces trois sociétés pendant près de trois ans, sans que dans le mandat social qui lui était donné, il ait été prévu la rémunération correspondante.
M. X…a donc assuré la direction des sociétés néerlandaises à compter de 2005, et ce jusqu’en juin 2008 pour la société SOREMAR VEHICLES N. R., dont la cessation d’activité a alors été décidée par les actionnaires. Il a été confié à cette époque à M. X…la mise en oeuvre de la fermeture de cette exploitation, puis il lui a été demandé de procéder à la réalisation du bien immobilier de la société SOREMAR REAL ESTATE N. V.
Il ressort de la lettre de licenciement, que M. X…a sollicité à plusieurs reprises les actionnaires du groupe afin qu’il lui soit versé une rémunération pour la direction des trois sociétés néerlandaises. Il est rappelé dans cette lettre de licenciement que les actionnaires lui ont expressément répondu « à de multiples occasions » qu’il ne saurait y avoir de rémunération au titre des mandats ou fonctions exercées au sein de ces trois sociétés, aucune obligation n’existant à ce titre, faisant valoir qu’en sa qualité de directeur au sein d’A. G. I., chargé dans le cadre de son contrat de travail de la mission d’assurer la direction des sociétés AUTOMAR et SOREMAR, la rémunération versée couvrait également le périmètre des sociétés néerlandaises, filiales d’AUTOMAR.
Toutefois dans la mesure où la direction des trois sociétés néerlandaises n’entrait pas dans le champ d’application du contrat de travail, mais constituait des missions étrangères à ce contrat, la rémunération versée dans le cadre dudit contrat ne pouvait être considérée comme rémunérant les fonctions de direction des sociétés néerlandaises.
Le refus définitif des porteurs de parts des sociétés néerlandaises quant à l’attribution d’une rémunération de M. X…en qualité de dirigeant de ces sociétés a été formalisé dans le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 28 septembre 2011, duquel il résulte que, selon M. X…, depuis le démarrage de ces sociétés son travail hebdomadaire variait de 40-45 heures à 80 heures par semaine, ce temps de travail ayant diminué après la cessation d’exploitation, mais qu’il lui consacrait encore beaucoup de temps, notamment pour l’administration et la présentation aux acquéreurs potentiels (de l’actif à céder).
M. X…indiquait que la question de sa rémunération avait été évoquée à de nombreuses reprises et que les actionnaires, c’est-à-dire les administrateurs du groupe LORET, invoquaient toujours de nouvelles raisons pour différer la décision, en indiquant dans un premier temps qu’ils devaient faire face aux frais d’établissement, puisqu’ils attendaient une augmentation des bénéfices des ventes, et ensuite qu’ils attendaient la cessation de l’exploitation.
À la demande de fixation d’une rémunération de M. X…, l’avocat des actionnaires répondait que la rémunération de M. X…était incluse dans son salaire global qui lui était versé à hauteur de 140 000 ¿ par an par la société française SOREMAR, que M. X…ne pouvait demander aux actionnaires de remanier les états financiers qui avaient été approuvés pour les années passées, et que ladite société ne pouvait pas se permettre de verser un quelconque salaire.
Compte tenu du fait que la direction de la société AIG a abusé de son pouvoir hiérarchique pour imposer à M. X…l’exécution de missions consistant à diriger et gérer trois autres sociétés que celle auprès de laquelle il était détaché, M. X…pouvait légitimement penser qu’il pouvait prétendre à une rémunération pour l’activité qu’il déployait, notamment dans le cadre de la société SOREMAR VEHICULES N. V., dont l’activité était similaire à celle de la Société SOREMAR française.
Au demeurant le juge du tribunal de première instance de Sint Marteen a estimé que la créance de M. X…paraissait fondée en son principe puisqu’il a autorisé par ordonnance du 31 août 2011 la saisie conservatoire sollicitée par M. X….
Certes les sociétés néerlandaises ont obtenu du tribunal de première instance de Saint-Martin qu’il soit prononcé, par jugement du 21 octobre 2011 la mainlevée des saisies conservatoires, mais la question posée par le présent litige est de savoir si M. X…a commis une faute lourde à l’égard de son employeur, en faisant procéder à ces saisies conservatoires.
Il y a lieu de relever que dans les motifs de ce jugement il est mentionné qu’ » il est inhérent aux fonctions de directeur général au sein d’AGI que la durée de travail n’est pas fixe mais qu’elle est fonction des activités et que le salaire a tenu compte du dépassement de la durée initiale de 40 heures par semaine, en effectuant aussi d’autres activités au sein de la société SOREMAR « , alors que lorsque le contrat de travail a été conclu le 29 avril 2004, les conditions de rémunération de M. X…ont été fixées, sans que ledit contrat de travail ne prévoit la création, la direction et la gestion de trois sociétés néerlandaises, à la charge de M. X…, les fonctions de celui-ci étant alors parfaitement circonscrites.
Par ailleurs dans son jugement le tribunal de première instance de Sint Marteen fait référence à l’article 3 du contrat de travail pour affirmer que » les fonctions de directeur général entraînent que sont également effectuées des activités adéquates ayant trait au développement de la société SOREMAR « , alors qu’en réalité, si cet article 3 prévoit que compte-tenu de la nature de ses fonctions, M. X…prenait l’engagement d’accepter tout changement de lieu de travail, même à l’étranger, il ne prévoit nullement que ce dernier puisse être amené à assurer des fonctions au sein de sociétés étrangères, en sus de celles qui lui sont confiées au sein de la Société SOREMAR française.
Dans le jugement sur le fond, en date du 15 mai 2012, dont se prévaut la société A. G. I. et par lequel le Tribunal de Première Instance de Sint Marteen rejette la demande en paiement de rémunération présentée par M. X…à l’encontre des trois sociétés néerlandaises, on relève que la motivation est des plus sommaires puisqu’il y est seulement dit en guise de motif :
» Le Tribunal estime que BOOGAARD a maintenu la demande insuffisamment, de sorte que le Tribunal rejette la demande « .
En outre il ressort du jugement du 16 octobre 2012 du Tribunal de Première Instance de Sint Marteen, également invoqué par la société appelante, que si M. X…est condamné à payer une somme de 34 572, 28 euros, cette décision ne fait apparaître aucun motif, hormis que le défendeur n’était pas comparant.
En tout état de cause il ne peut être soutenu que M. X…ait accepté un mandat gratuit en sus de son contrat de travail ou qu’il ait admis que le salaire versé par SOREMAR SAS, le rémunérait pour l’exercice du dit mandat, puisqu’il résulte des termes mêmes de la lettre de licenciement que l’intéressé a sollicité à plusieurs reprises les actionnaires afin qu’il lui soit versé une rémunération et que ceux-ci lui ont répondu négativement « à maintes occasions ».
Ainsi la mise en ¿ uvre des saisies conservatoires reprochée à M. X…ne caractérise pas l’intention de nuire à son employeur, mais est justifiée par le souci de préserver ses intérêts pécuniaires, la mesure de licenciement constituant en fait une mesure de rétorsion sanctionnant la procédure engagée par M. X…, laquelle ne préjudiciait pas aux intérêts de la société AGI, puisqu’il s’agissait d’une mesure conservatoire qui devait être soumise au contrôle d’une juridiction, étant souligné que les sommes bloquées étaient restées sur le comptes des sociétés néerlandaises, dont l’activité d’exploitation commerciale de vente d’automobiles avait cessé trois ans auparavant.
En conséquence le licenciement de M. X…ne peut être considéré comme fondé sur une faute lourde du salarié, ni même sur une cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes pécuniaires de M. X…:
La détermination du salaire mensuel à prendre en considération varie selon le type d’indemnité à calculer.
S’agissant de l’indemnité compensatrice de préavis, il s’agit du salaire mensuel que le salarié aurait continué à percevoir s’il avait travaillé pendant le préavis.
En l’espèce, compte tenu des derniers salaires versés, M. X…aurait dû percevoir la somme de 8 134, 94 euros pour chacun de ses deux mois de préavis. Toutefois l’employeur admet qu’il aurait dû percevoir 23 453, 21 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ; la cour ne pouvant statuer infra petita, fixera à ce dernier montant ladite indemnité, à laquelle s’ajoute l’indemnité de congés payés y afférente d’un montant de 2 345, 32 euros.
En ce qui concerne l’indemnité légale de licenciement, son montant doit être fixé par application des dispositions des articles L. 1234-9, R. 1234-1, R. 1234-2 et R. 1234-4 du code du travail.
L’examen des bulletins de salaire de M. X…montre que celui-ci a perçu, du mois de septembre 2010 au mois d’août 2011, la somme totale de 140 719, 28 euros, prime de treizième mois et prime annuelle comprises, cette dernière étant fixée à 35 000 euros, soit le minimum prévu contractuellement. Même si cette prime a pu, par le passé, atteindre 40 000 euros, l’employeur ne s’est pas engagé contractuellement à maintenir ce montant.
En conséquence le salaire mensuel moyen à retenir sur les douze derniers mois s’élève à 11 726, 60 euros.
Compte tenu d’une ancienneté de 7 ans et 6 mois, préavis compris, M. X…a droit à une indemnité légale de licenciement d’un montant de 17 589, 90 euros.
M. X…sollicite paiement de la somme de 14 862, 07 euros au titre d’un reliquat de congés payés, en s’appuyant sur les conclusions du cabinet d’expertise FIDEM DUFETEL, et en faisant valoir qu’il avait acquis des congés qu’il n’a pu prendre en 2006-2007 à hauteur de 18 jours, en 2007-2008 à hauteur de 4 jours, en 2008-2009 à hauteur de 4 jours et en 2010-2011 à hauteur de 50 jours.
Toutefois pour les années antérieures à celle de son licenciement, il appartenait à M. X…, qui exerçait les fonctions de directeur et à qui incombait la gestion du personnel, et en l’absence de convention collective prévoyant une possibilité de report pour la prise de congés payés, de prendre chaque année les congés auxquels il avait droit. Le fait qu’il lui ait été demandé d’informer le service comptable des congés payés, n’impliquait nullement que l’employeur ait limité ses prises de congés annuels, et l’intéressé ne démontre nullement qu’il ait été dans l’impossibilité de prendre lesdits congés annuels. En conséquence M. X…ne peut avoir droit à un rappel d’indemnité de congés payés que pour la dernière année de référence, au titre de laquelle il a d’ailleurs perçu 9761, 93 euros, ce qui l’a rempli de ses droits.
En ce qui concerne les reliquats des primes annuelles pour les années 2008 à 2011, il y a lieu de rappeler que selon les dispositions du contrat de travail, l’employeur s’est engagé à verser un prime annuelle minimale de 35 000 euros, toute dépassement annuel de ce montant étant laissée à la discrétion de l’employeur. M. X…n’est donc pas fondé à réclamer des reliquats calculés sur un montant annuel de prime de 40 000 euros. Toutefois M. X…a droit au versement de la prime minimale de 35 000 euros pour l’année 2011, calculée prorata temporis, soit pour 11 mois sur 12, la somme de 32 083, 33 euros.
Toutefois le bulletin de salaire du mois de septembre 2011 fait apparaître le versement d’une somme de 11 525 euros à titre de gratification, ainsi d’ailleurs que celle de 5 737, 50 euros au titre de la prime de 13 ème mois (calculée prorata temporis). Ainsi il ne reste dû à M. X…que la somme suivante au titre du reliquat de la prime annuelle 2011 :
32 083, 33 ¿-11 525 ¿ = 20 558, 33 ¿
M. X…réclame paiement de la somme de 100 000 euros au titre de la prime qui lui avait été promise au cas de réalisation de la cessation d’activité de la Société SOREMAR SA et de la cession de l’immeuble de la société néerlandaise SOREMAR REAL ESTATE N. V. (Cf. message duu 19 décembre 2009 de M. Bruno A…).
Si contrairement à ce que soutient la société AIG, il a bien été procédé à la cession du fonds de commerce de la société SOREMAR au profit de la société SAINT MARTIN CARS, comme le montre le contrat de cession du fonds de commerce conclu le 21 décembre 2010 par la société SOREMAR et la société SAINT MARTIN CARS, et le contrat d’agent de distribution automobile conclu le même jour par la société AUTOMAR et la société SAINT MARTIN CARS (pièces 15 et 16 de l’intimé), il y a lieu de relever que le mandat de cession de l’immeuble de la société néerlandaise ne se rattache pas au contrat de travail de M. X…, mais au mandat social qu’il a reçu en sa qualité de directeur et membre du directoire de la Société SOREMAR REAL ESTAT N. V., en outre il ne ressort pas des pièces de la procédure que cet immeuble ait vendu.
En conséquence M. X…ne peut prétendre qu’au paiement partiel de la prime, soit la somme de 50 000 euros.
La faute lourde étant écartée, ainsi que l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, il en résulte que la mise à pied conservatoire subie par M. X…du 16 au 29 septembre 2011, notifiée dans la lettre de convocation à l’entretien préalable, n’est pas justifiée. En conséquence M. X…a droit au paiement du salaire correspondant à cette période, soit la somme de 3 738, 70 euros.
En l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, M. X…a droit, en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, à être indemnisé du préjudice subi à la suite de la rupture de la relation de travail.
Compte tenu de l’âge de M. X…, lequel avait 55 ans à la date de son licenciement, des nombreuses réponses négatives à ses demandes de recherche d’emploi, de la difficulté de retrouver un emploi comparable compte tenu des niveaux de responsabilité et de rémunération de l’intéressé, et donc de l’importance du préjudice financier durable qu’il subit, il lui sera alloué la somme de 280 000 euros, correspondant à près de deux ans de salaire.
En outre la société AIG sera condamnée, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser à Pôle Emploi, le montant des indemnités de chômage versées à M. X…, depuis son licenciement jusqu’à la date du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage.
Le rappel des relations entre les parties a montré qu’il a été procédé au licenciement de M. X…dans des conditions brutales et vexatoires. En effet une faute lourde a été invoquée à l’appui de son licenciement, alors que l’intéressé procédait à la défense de ses intérêts en cherchant à garantir le versement d’une rémunération correspondant à la direction et à la gestion de trois sociétés étrangères, aucune contrepartie financière ne lui ayant été accordée. En outre dès le 11 août 2011, il lui était fait savoir qu’il était affecté d’office à Saint Ouen l’Aumône. Etant écarté brutalement de toute fonction, M. X…faisait l’objet d’un relèvement immédiat de ses fonctions au sein de SOREMAR et des sociétés néerlandaises, avec remise des clefs et des codes d’accès des