Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL D’ANGERS 1ère CHAMBRE B YM/OJ ARRET N AFFAIRE N :
98/00739 AFFAIRE : X… C/ Y…, Z…, Z… Décision du TGI LE MANS du 10 Mars 1998
ARRÊT DU 19 JUIN 2000
APPELANT : Monsieur Claude X… né le 26 Février 1933 à DOMFRONT EN CHAMPAGNE 9 place des Halles 72240 CONLIE représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assisté de Me LOYER, avocat au MANS INTIMES : Madame Gertrud Z… née Y… née le 21 Janvier 1947 à AUGSBURG 22 Grande Rue 90400 BOTANS Monsieur Michel Z… né le xxxxxxx 1974 à STRASBOURG xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx Madame Isabelle Z… née xxxxxxxxxxxxx 1977 à STRASBOURG xxxxxxxxxxxxxx90400 BOTANS représentés par Me VICART, avoué à la Cour assistés de Me GODARD, avocat au MANS COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Monsieur CHESNEAU, Président de Chambre, Monsieur A… et Madame BARBAUD , Conseillers GREFFIER lors des débats et du prononcé de l’arrêt :
Madame B… – 2 – DEBATS : A l’audience publique du 22 Mai 2000 à 14 H 00 ARRET : contradictoire Prononcé par l’un des magistrats ayant participé au délibéré, à l’audience publique du 19 Juin 2000, à 14 H 00 date indiquée par le Président à l’issue des débats.
Vu les dernières conclusions de Claude X… du 6 avril 2000.
Vu les conclusions des consorts Z… du 3 avril 2000.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 10 avril 2000.
MOTIFS
M. Frédéric X… divorcé COMPAIN et remarié à Mme Renée Z… est décédé le 9 novembre 1985, laissant son épouse survivante donataire de la plus large quotité disponible et pour seul héritier son fils, issu de sa première union, M. Claude X….
Par exploit du 4 janvier 1991, M. Claude X… a saisi le tribunal de grande instance du MANS d’une demande en partage de la succession
de M. Frédéric X… et de diverses autres demandes.
Par jugement du 4 février 1992, le tribunal a ordonné le partage et une expertise dont le rapport a été déposé le 15 octobre 1992, ce sur quoi l’affaire est revenue à l’audience.
Par jugement du 22 février 1994, le tribunal a débouté M. X… de ses demandes en nullité de ventes effectuées en 1974 et 1976, a dit que ces ventes constituaient en partie des donations indirectes et a fixé le montant des donations soumises à réduction.
Mme Renée Z… est décédée depuis l’introduction de la procédure ; qu’après elle, en 1996, est décédé son fils Jean-Marie Z…, aux droits duquel sont intervenus à la procédure ses enfants Michel et Isabelle Z…, ainsi que Mme Gertrud Y…, son épouse survivante. Par exploit du 14 mars 1997, M. Claude X… a demandé au tribunal d’homologuer l’état liquidatif dressé le 22 novembre 1996 par Me SERE de LANAUZE et de condamner les défendeurs à lui règler 411 687,45 F outre les intérêts, avec anatocisme, et exécution provisoire, et d’autre part 8 000 F par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
M. X… a invoqué sa créance successorale de salaire différé pour la période de 1948 au 1er novembre 1957. – 3 –
Par jugement en date du 10 mars 1998, le tribunal a :
– débouté M. Claude X… de sa demande d’attribution d’un salaire différé ;
– renvoyé les parties devant les notaires désignés ;
– dit que les frais de la procédure seront déduits lors du calcul de la quotité disponible et employés en frais privilégiés de partage.
Claude X… en est appelant.
Par arrêt avant dire droit du 7 juin 1999, la Cour de céans a dit qu’il devra fournir les références du salaire d’un ouvrier agricole
exprimé en Francs 1957.
Claude X… conclut à l’infirmation du jugement déféré, demande à la Cour d’homologuer l’état liquidatif du 22 novembre 1996 au rapport de Me SERE de LANAUZE, de condamner les consorts Z… à lui payer la somme de 411 687,45 F augmentée des intérêts, de fixer à la somme de 144 076,87 F sa créance de salaire différé sur la succession de Me X… père.
Les consorts Z… concluent à la confirmation du jugement déféré et au débouté de Claude X… de toutes ses demandes.
Chacune des parties forme une demande au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Sur le salaire différé
Claude X… affirme avoir travaillé sans recevoir de rémunération sur l’exploitation paternelle du 26 février 1951, date à laquelle il a eu 18 ans, jusqu’au 31 octobre 1957, avec une interruption de dix huit mois et dix jours dû au Service National.
Il le démontre par les attestations BEDOUET et DROUET. Ces personnes, habitant la commune, certifient qu’il travaillait comme aide familial pendant cette période sur la ferme de son père. Leurs attestations ne sont pas rédigées en termes identiques et si elles ne sont pas circonstanciées, rien n’indique qu’elles auraient été dictées par une tierce personne à leurs auteurs. Si elles ne remplissent pas toutes les exigences de l’article 202 du nouveau code de procédure civile, elles présentent cependant des garanties suffisantes d’authenticité dans la mesure où elles sont confirmées par la lettre de la MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE du 18 septembre 1997, aux termes de laquelle Claude X… a été aide familial agricole de son père pendant cette période, activité qui n’est pas considérée comme salariée. Deux autres attestations (TRONCHET et EMERY) en donnent une seconde confirmation.
Les consorts Z… ne produisent aucune pièce à l’appui de leurs contestations. – 4 –
La première condition exigée pour obtenir le salaire différé, à savoir l’activité agricole sur l’exploitation familiale est remplie, Claude X… ayant rapporté la preuve qui lui incombait.
*
Les consorts Z… prétendent que Claude X… a été rémunéré pour son travail, ce que ce dernier conteste.
Son livret militaire mentionne la profession de « cultivateur », ce qui signifie seulement qu’il cultive la terre, et non qu’il le fait pour son propre compte.
Le contrat de mariage de Claude X… et son épouse née C…, en date du 17 octobre 1957 mentionne des apports en nature de Claude X… pour une valeur de 303 000 F, provenant, selon l’acte lui-même, de ses gains et économies.
Claude X… soutient que cette somme provient de dons manuels de ses grands parents maternels.
Deux témoins (René HERRAULT et Edouard DROUET) ont attesté auprès de la MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE que Claude X… était l’aide familial de son père, ce qui signifie qu’il n’était pas salarié.
Alfred TRONCHET, Xavier EMERY, Pierre BEDOUET et Juliette DROUET (seconde attestation en ce qui concerne les deux derniers nommés) confirment en leurs attestations que Claude X… ne recevait aucune rémunération de son travail. Irrégulières en la forme puisque ne répondant pas aux exigences de l’article 202 du nouveau code de procédure civile, recopiées d’un même modèle, ces attestations sont cependant parfaitement crédibles ; elles émanent de personnes qui n’ont pas l’habitude de rédiger et qui ont un certain âge, ce qui explique l’existence d’un modèle, mais ne détruit pas pour autant l’authenticité de leurs dires.
Elles confirment également la générosité des grands parents maternels à l’égard de leur petit fils.
Dès lors il est établi que Claude X… n’a pas été rémunéré pour le travail qu’il accomplissait, et la formule utilisée par le notaire rédacteur de son contrat de mariage (« gains et économies ») est une formule vague et imprécise dont on ne peut tirer la preuve d’une reconnaissance par Claude X… d’une quelconque rémunération reçue de son père, alors que lui-même rapporte aujourd’hui la preuve contraire.
Claude X… remplit donc les conditions lui permettant de bénéficier du salaire différé. *
Claude X… a droit au salaire différé pour avoir travaillé sur l’exploitation pendant une durée de cinq ans et deux mois sans être rémunéré. – 5 –
Le taux doit être celui en vigueur au jour du décès de son père Frédéric X…, soit au 9 novembre 1985, et le montant de sa créance s’élève donc à la somme de 186 992 F.
Claude X… a limité sa demande à la somme de 144 076,87 F. Ce montant sera donc retenu.
Sur l’homologation de l’état liquidatif dressé le 22 novembre 1996
Par jugement du 4 février 1992 le tribunal de grande instance du MANS a ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Frédéric X… et désigné à cet effet Me HAZAN assisté de Me LEROUX.
Me SERE de LANAUZE, successeur de Me HAZAN, a dressé avec l’assistance de Me LEROUX le 22 novembre 1996 un état liquidatif soumis aux parties et qui a été transformé en procès-verbal de défaut à l’encontre des consorts Z…
Dès l’assignation du 14 mars 1997 saisissant le tribunal de grande instance du MANS qui a rendu le jugement déféré, Claude X…
demandait l’homologation de cet état liquidatif. Le jugement déféré a omis de statuer sur cette demande que Claude X… reprend en cause d’appel.
Les consorts Z… se contentent de demander à ce qu’il leur soit décerné acte de leurs réserves de solliciter le remplacement de Me SERE de LANAUZE, sans contester en aucune façon l’état liquidatif, hormis sur le salaire différé.
Il s’agit à l’évidence d’une demande dilatoire.
En l’absence de toute contestation, l’état liquidatif notarié sera homologué, sauf à y inclure le montant de la créance de Claude X… au titre du salaire différé, soit 144 076,87 F au lieu de 132 470,48 F.
Le notaire devra rectifier en conséquence cet état.
Sur les intérêts
Claude X… demande la condamnation des consorts Z… à lui payer des intérêts sur la somme lui revenant à la suite de l’état liquidatif, à compter de la sommation à comparaître du 13 novembre 1996.
L’état liquidatif constatant une dette des consorts Z… à l’égard de Claude X… d’un montant de 411 687,45 F, qui sera d’ailleurs augmentée du fait de la présente décision relative au salaire différé, il sera fait droit à la demande de Claude X…, mais seulement à compter de l’assignation, soit du 14 mars 1997 dont la finalité était assimilable à une demande en paiement. – 6 –
La capitalisation des intérêts sera ordonnée à la date de la demande qui en a été faite par Claude X…, soit à compter du 23 juin 1998, le retard ne lui étant pas imputable. *
Il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes basées sur l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les dépens seront frais privilégiés de partage.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement.
Infirme le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
Fixe à la somme de 144 076,87 F la créance de Claude X… au titre du salaire différé.
Dit que cette somme sera prélevée sur l’actif net de la succession de feu Frédéric X…
Homologue l’état liquidatif dressé par Me SERE de LANAUZE transformé le 22 novembre 1996 en procès-verbal de défaut, sauf à en modifier le montant de la créance de salaire différé.
En ordonne la modification par Me SERE de LANAUZE.
Condamne Gertrud Z… née Y…, Michel Z… et Isabelle Z… à payer in solidum à Claude X… des intérêts au taux légal sur la somme de 411 687,45 F, avec capitalisation depuis le 23 juin 1998, conformément à l’article 1154 dui code civil.
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du NCPC.
Dit les dépens frais privilégiés de partage et en autorise le recouvrement dans les conditions prévues par l’article 699 du NCPC. LE GREFFIER
LE PRESIDENT D. B…
J. CHESNEAU